CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 27 mai 2015, 13VE03023, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 1re ch., 27 mai 2015, n° 13VE03023
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 13VE03023
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 4 juillet 2013, N° 1207171
Identifiant Légifrance : CETATEXT000030664902

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 18 septembre 2013, présentée pour la SA KERMADEC, dont le siège est 1 rue de Namur à Luxembourg (Luxembourg), par Me de Waal, avocat ;

La SA KERMADEC demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement n° 1207171 du 5 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source versée par la société France Télécom au titre des années 2009 et 2010 et celle versée par la société Total au titre de l’année 2010 ;

2° avant de statuer sur les conclusions visées au 1°), de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles suivantes :

— les autorités françaises peuvent-elles sans méconnaître le principe de coopération loyale entre Etats membres, refuser d’accorder foi à l’attestation délivrée par les autorités fiscales luxembourgeoises à leur intention certifiant, aux fins d’application de l’arrêt C-338/11 Santander et consorts, qu’une société à portefeuille de droit luxembourgeois se trouve dans une situation objectivement comparable à une SICAV de droit luxembourgeois, au regard du droit fiscal luxembourgeois, en ce qui concerne la taxation des dividendes recueillis du chef de sa participation dans une société française ' Dans l’affirmative, une société de droit luxembourgeois, dont l’objet social est de gérer un portefeuille de valeurs mobilières au profit de ses actionnaires, qui perçoit des dividendes français, se trouve-t-elle, aux fins d’application de l’arrêt C-338/11 Santander et consorts, dans une situation objectivement comparable à une SICAV de droit luxembourgeois percevant de tels dividendes dès lors que la totalité des dividendes qu’elles perçoivent toutes deux est exclue de toute imposition ' ;

 – le raisonnement suivi par la CJUE à propos de sociétés résidentes et non-résidentes fiscalement bénéficiaires dans son ordonnance C-384/11 Tate Investments Ltd du 12 juillet 2012 est-il transposable à l’hypothèse de sociétés résidentes se trouvant dans une situation structurellement déficitaires ' ;

3° réglant l’affaire au fond, de lui accorder la restitution des retenues à la source en litige ;

4° de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SA KERMADEC soutient que :

— sa situation déficitaire aurait dû conduire à la restitution de la retenue à la source ; elle est dans une situation comparable à celle d’une société française déficitaire qui ne subit aucune imposition sur les dividendes qu’elle perçoit ; il n’y a pas lieu de démontrer que sa situation serait également déficitaire selon les règles fiscales françaises ;

 – la situation déficitaire d’une société ne conduit pas à un simple différé d’imposition mais à une exemption d’imposition ;

 – le désavantage de trésorerie qu’elle subit constitue une discrimination prohibée ;

 – elle est dans une situation objectivement comparable à celle des sociétés d’investissement à capital variable qui sont, en application de l’article 208 du code général des impôts, exonérées d’impôt sur les dividendes perçus lorsqu’ils ont leur siège en France ;

 – il résulte de l’ordonnance rendue le 12 juillet 2012 par la Cour de Justice de l’Union européenne, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11) que l’article 63 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre qui soumet à une retenue à la source les dividendes distribués par une société résidente aux sociétés déficitaires non-résidentes alors que les sociétés déficitaires résidentes ne sont soumises à aucune imposition ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

Vu la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 mai 2015 :

 – le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

 – et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que la SA KERMADEC, qui a son siège social au Grand-Duché de Luxembourg, a perçu en 2010 des dividendes versés par la société Total France et en 2009 et 2010 des dividendes versés par la société France Télécom ; que ces dividendes ont fait l’objet d’une retenue à la source en application du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts et de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ; que la SA KERMADEC relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution de cette retenue à la source ;

2. Considérant qu’aux termes du 2 de l’article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l’imposition en litige : « Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l’application d’une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l’article 187 lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (…) » ; que les dividendes distribués par une société établie en France à une société établie dans un autre Etat de l’Union européenne, notamment au Luxembourg, sont au nombre des produits soumis à cette retenue ; qu’aux termes du 1 de l’article 187 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le taux de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis est fixé à : 12 % pour les intérêts des obligations négociables (…) ; / 25 % pour tous les autres revenus (…) » ; que la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 fixe ce taux à 15 % pour les dividendes ;

3. Considérant qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne applicable au litige, devenu l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites » ; qu’aux termes de l’article 58 du même traité, devenu l’article 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : " 1. L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres : a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (…) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56 » ;

4. Considérant qu’il résulte de ces stipulations, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu’un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l’égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu’il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ; qu’en matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu’à l’égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d’actionnaires bénéficiaires résidents d’un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu’un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujetti à l’impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu’ils perçoivent d’une société résidente, la situation des actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu’en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par ces stipulations, l’Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ; que, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/345/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents, il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d’introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d’autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ;

5. Considérant qu’aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ; qu’en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l’impôt sur les sociétés au titre d’une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s’il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l’impôt établi à l’encontre de la société établie en France au titre de l’exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d’une technique différente d’imposition des dividendes perçus par la société selon qu’elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux ; que si les sociétés bénéficiaires établies à l’étranger ne peuvent déduire les charges qu’elles ont exposées du montant soumis à la retenue à la source, cette différence d’assiette ne conduit pas à regarder le mécanisme de retenue à la source comme réservant par principe, un traitement défavorable aux dividendes versés à une société bénéficiaire établie à l’étranger par rapport au traitement accordé aux dividendes versés à des sociétés bénéficiaires établies en France, compte tenu de l’écart entre les taux d’imposition applicable à ces dividendes ;

6. Considérant qu’il résulte de qui précède que la SA KERMADEC n’est pas fondée à soutenir que constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée par l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne le régime de la retenue à la source prélevée sur les dividendes versés aux actionnaires non-résidents en tant qu’il ne prévoit pas de mécanisme permettant à une société luxembourgeoise de faire valoir l’impossibilité dans laquelle elle se trouve d’imputer tout ou partie de la retenue, notamment en raison de sa situation déficitaire, et d’obtenir la restitution de la quote-part de retenue non imputable ; que, par suite, il n’y a pas lieu, sur ce point, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;

7. Considérant, enfin, que la société, qui ne conteste pas que son capital n’est pas variable et qu’elle n’a pas l’obligation de procéder, à la demande des investisseurs, au rachat de leurs actions, ne peut soutenir, à titre subsidiaire, qu’en tant que société d’investissement de droit luxembourgeois, elle a un objet social similaire à celui d’une société d’investissement à capital variable (Sicav) de droit français et qu’il y a lieu, dès lors, de faire application des principes retenus par la Cour de justice de l’Union européenne dans l’arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset management SGIIC et autres (C-338/11 à C-347/11) ; que, par suite, il n’y a pas lieu, sur ce point, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SA KERMADEC n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la SA KERMADEC est rejetée.

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N° 13VE03023

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