CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 9 février 2021, 20VE02948, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 4e ch., 9 févr. 2021, n° 20VE02948
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 20VE02948
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 14 septembre 2020, N° 2002549
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043113195

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique central (CSEC) de la SNC Bonna Sabla a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France (unité départementale des Hauts-de-Seine) a, d’une part, validé l’accord collectif majoritaire partiel du 22 octobre 2019 relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique signé entre la SNC Bonna Sabla et les organisations syndicales représentatives Force ouvrière (FO) et Confédération générale du travail (CGT) et, d’autre part, homologué le document unilatéral établi par la SNC Bonna Sabla portant sur le même projet de licenciement économique collectif et complétant l’accord collectif majoritaire.

Par un jugement n° 2002549 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2020, le comité social et économique central de la SNC Bonna Sabla, représenté par Me Novalic, avocat, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement et la décision du 30 décembre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l’Etat aux entiers dépens qui comprendront le droit de plaidoirie.

Le CSEC de la SNC Bonna Sabla soutient que :

 – le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de se prononcer sur le moyen relatif aux délais impartis au comité social et économique central pour se prononcer ;

 – la décision du 30 décembre 2019 de la DIRECCTE n’est pas suffisamment motivée ; en particulier elle ne comporte aucune motivation concernant l’absence de consultation du comité d’entreprise européen ;

 – l’absence de consultation du comité d’entreprise européen entache d’irrégularité la procédure ;

 – la société n’a pas transmis au comité social et économique central l’ensemble des postes vacants et disponibles au sein de la société permettant d’envisager de reclasser les salariés dès lors que la société a pourvu des postes disponibles sans les avoir portés à la connaissance des instances représentatives du personnel et des salariés impactés par le plan de sauvegarde de l’emploi ; cette circonstance démontre que la DIRECCTE n’a pas procédé à un contrôle de l’effectivité et de la réalité des mesures de reclassement ; la procédure d’information/consultation du comité social et économique central n’a pas été régulière ;

 – l’expert du comité social et économique central n’a pas été destinataire de l’ensemble des éléments dont il avait demandé la communication ; à ce titre également la procédure d’information/consultation du comité social et économique central n’a pas été régulière ;

 – les délais d’information/consultation ont été biaisés ;

 – la base de données économiques et sociales de la SNC Bonna Sabla n’était pas complétée ; la procédure d’information/consultation du plan de sauvegarde de l’emploi n’a pas été régulière ;

 – la procédure de recherche des repreneurs n’a pas été régulière ; le projet de cession de Portet-sur-Garonne ne pouvait être dissocié du plan de sauvegarde de l’emploi ;

 – les catégories professionnelles ont été illégalement définies.

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B…,

 – les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

 – et les observations de Me A… pour la SNC Bonna Sabla.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Bonna Sabla, filiale du groupe Consolis et spécialisée dans la production de béton préfabriqué, a engagé un projet de réorganisation impliquant la suppression de 229 postes et pouvant conduire à la notification de 216 licenciements pour motif économique et/ou départs volontaires sur un effectif de 959 salariés au 31 mai 2019. La procédure d’information et de consultation des différentes instances représentatives du personnel portant sur ce projet de réorganisation a été engagée au mois de juillet 2019. Cette procédure a porté sur l’opération de réorganisation projetée et ses modalités d’application (livre II) et sur le projet de licenciement collectif pour motif économique (livre I), ainsi que sur les conséquences de ce projet de réorganisation en matière de santé, sécurité et de conditions de travail. Un accord collectif majoritaire partiel a été signé le 22 octobre 2019 fixant, en application des dispositions de l’article L. 1233-24-1 du code du travail, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les modalités d’information et de consultation du comité social et économique central (CSEC) et des comités sociaux et économiques d’établissement (CSEE), le calendrier de mise en oeuvre des départs, les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement interne. La société a établi un document unilatéral complémentaire portant sur le nombre de suppressions d’emplois, les catégories professionnelles concernées, la pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement mentionnés à l’article L. 1233-5 du code du travail et sur les conséquences du projet de réorganisation en matière de conditions de travail, de santé et de sécurité des salariés. Par décision du 30 décembre 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Ile-de-France (unité départementale des Hauts-de-Seine) a, d’une part, validé l’accord majoritaire partiel et, d’autre part, homologué le document unilatéral complémentaire relatif au plan de sauvegarde de l’emploi. Le CSEC de la SNC Bonna Sabla relève appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SNC Bonna Sabla :

2. Si la société Bonna Sabla fait valoir que la requête du CSEC introduite devant la cour le 16 novembre 2020 par le secrétaire de ce comité est irrecevable dès lors qu’à cette date le secrétaire n’avait pas été régulièrement habilité par le comité à relever appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 septembre 2020, il est constant, ainsi que l’indique la société, que le CSEC a, le 18 novembre 2020, autorisé son secrétaire à engager la présente action et a ainsi régularisé la requête d’appel. La fin de non-recevoir doit, par suite, être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Le CSEC de la SNC Bonna Sabla soutient que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n’a pas répondu à son moyen tiré de ce que les délais d’information/consultation auraient été biaisés. Il résulte de l’examen des écritures de première instance que ce moyen a été explicitement soulevé par le comité dans son mémoire enregistré le 30 juillet 2020, antérieurement à la clôture de l’instruction. A défaut pour les premiers juges d’avoir répondu à ce moyen qui n’était pas inopérant, le CSEC est fondé à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est entaché d’irrégularité et qu’il doit, par suite, être annulé.

4. Il y a lieu de statuer, par la voie de l’évocation, sur la demande présentée par le CSEC de la SNC Bonna Sabla devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité de la décision du 30 décembre 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

5. Aux termes de l’article L. 1233-57-4 du code du travail : « L’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation (…) et la décision d’homologation (…). / Elle la notifie (…) au comité d’entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l’autorité administrative est motivée ».

6. Si le respect de cette règle n’implique ni que l’administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu’il lui incombe de contrôler, ni qu’elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d’y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Doivent ainsi y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l’entreprise et, le cas échéant, de l’unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche, par l’employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l’administration d’indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l’espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

7. En l’espèce, la décision attaquée du 30 décembre 2019 mentionne l’ensemble des textes applicables, les étapes de la procédure suivie et notamment les différentes réunions du CSEC et des différents CSEE, la demande d’injonction transmise à la DIRECCTE par le comité et deux syndicats et les suites qui y ont été données, l’administration du travail estimant en définitive que la procédure d’information et de consultation des instances représentatives du personnel a été régulière. La décision litigieuse énonce également les éléments de fait justifiant la conformité de l’accord collectif majoritaire partiel et du document unilatéral complémentaire aux dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 et L. 1233-24-2 à L. 1233-24-4 du code du travail. Dans ces conditions, et alors qu’il n’incombe pas à l’administration de se prononcer expressément dans sa décision sur le bien-fondé de l’absence de consultation du comité d’entreprise européen au sujet des licenciements collectifs envisagés, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision du 30 décembre 2019 doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

S’agissant de la procédure d’information/consultation :

8. En premier lieu, aux termes de l’article L. 2341-4 du code du travail : « Un comité d’entreprise européen ou une procédure d’information et de consultation est institué dans les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire afin de garantir le droit des salariés à l’information et à la consultation à l’échelon européen ». Aux termes de l’article L. 2341-8 du même code : « La compétence du comité d’entreprise européen ou la procédure mentionnée à l’article L. 2341-4 porte sur les questions transnationales. Sont considérées comme telles les questions qui concernent l’ensemble de l’entreprise ou du groupe d’entreprises de dimension communautaire ou au moins deux entreprises ou établissements de l’entreprise ou du groupe situés dans deux Etats membres. ».

9. Si le CSEC soutient que le comité d’entreprise européen du groupe Consolis dont relève la société Bonna Sabla aurait dû être consulté sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et de fermeture de sites de cette société, il est toutefois constant que le projet de réorganisation en cause ne présente pas une dimension transnationale au sens des dispositions précitées et ne peut être regardé comme intéressant l’ensemble du groupe dès lors que la totalité des sites de la société Bonna Sabla est située en France. Par suite, l’absence de consultation du comité d’entreprise européen du groupe Consolis est sans incidence sur la régularité de la procédure d’information/consultation litigieuse.

10. En deuxième lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / (…) ». Aux termes de l’article L. 1233-24-1 du même code : « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (…) ainsi que les modalités de consultation du comité d’entreprise et de mise en oeuvre des licenciements. (…) ». Aux termes de l’article L. 1233-24-2 du même code : " L’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise (…) ; / 2° La pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements mentionnés à l’article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement prévues aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1 ".

11. D’autre part, aux termes du I de l’article L. 1233-30 du code du travail : " Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l’employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L’opération projetée et ses modalités d’application, conformément à l’article L. 2323-21 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l’objet de l’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article (…) ".

12. Le CSEC de la SNC Bonna Sabla soutient que l’ensemble des postes vacants et disponibles au sein de la société permettant de reclasser les salariés ne lui ont pas été transmis, certains postes ayant été directement pourvus par la société. Il résulte toutefois des dispositions précitées de l’article L. 1233-30 du code du travail que, dès lors que l’accord collectif soumis à la validation de l’autorité administrative comportait des éléments mentionnés au 2° du I de ces dispositions et fixait à ce titre, notamment, le nombre de postes dont la suppression était envisagée et les modalités de reclassement au sein du groupe Consolis en France des salariés concernés, ces derniers éléments n’avaient pas à être soumis pour avis au comité social et économique central. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 1233-34 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut (…) décider, lors de la première réunion prévue à l’article L. 1233-30, de recourir à une expertise pouvant porter sur les domaines économique et comptable ainsi que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail. (…) ». Aux termes de l’article L. 1233-35 du même code : « L’expert désigné par le comité social et économique demande à l’employeur, dans les dix jours à compter de sa désignation, toutes les informations qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. (…) ». Lorsque l’assistance d’un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par ces dispositions, l’administration doit s’assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique central de formuler ses avis en toute connaissance de cause. La circonstance que l’expert-comptable n’ait pas eu accès à l’intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise si les conditions dans lesquelles l’expert-comptable a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité social et économique central de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

14. D’une part, le comité social et économique central de la société Bonna Sabla soutient que le cabinet Boisseau, expert-comptable qu’il a mandaté sur le fondement de l’article L. 1233-34 du code du travail précité, n’a pas été destinataire de l’ensemble des documents qu’il a sollicités auprès de la direction de la société. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l’expert-comptable désigné par le CSEC a établi son rapport qui a été présenté au comité lors de la réunion du 25 septembre 2019. Malgré l’absence de transmission de certains des documents demandés, énumérés dans son rapport, l’expert a pu exercer sa mission et se prononcer sur l’ensemble du projet de restructuration envisagé, et notamment sur la question du motif économique du projet de restructuration de l’entreprise. Dans ces conditions, le CSEC de la SNC Bonna Sabla, à qui par ailleurs des éléments complémentaires ont été transmis par la direction de la société en exécution de l’injonction faite par la DIRECCTE le 27 septembre 2019, disposait de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

15. D’autre part, si le requérant soutient par ailleurs que la DIRECCTE aurait à tort écarté une partie de ses demandes aux fins d’injonction de transmettre à l’expert-comptable certains documents, cette circonstance est elle-même sans incidence sur la légalité de la décision du 30 décembre 2019.

16. En quatrième lieu, aux termes du II de l’article L. 1233-30 du code du travail : " Le comité social et économique rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; 2° Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ; 3° Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. / (…) ".

17. Pour soutenir que les délais d’information/consultation mentionnés par les dispositions précitées auraient été « biaisés », le CSEC se borne à relever que la société « n’a pas neutralisé le mois d’août 2019 ». Il ne résulte cependant pas de ces dispositions du code du travail que le mois d’août doive être exclu pour le calcul du délai dans lequel le comité social et économique central doit rendre ses avis. Dans ces conditions et dès lors qu’il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que la direction de la société aurait fait obstacle au bon déroulement des travaux du comité, ce moyen doit être écarté.

18. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu’une note d’information sur les orientations stratégiques de l’entreprise a été remise le 25 juin 2019 aux membres du CSEC en vue de la réunion du 5 juillet 2019. Il suit de là que le CSEC n’est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que sa consultation aurait été effectuée de manière déloyale dès lors que la base de données économiques et sociales n’avait pas été complétée en ce qui concerne les orientations stratégiques de l’entreprise.

19. En sixième lieu, aux termes de l’article L. 1233-57-9 du code du travail : « Lorsqu’elle envisage la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-71 réunit et informe le comité social et économique, au plus tard à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30 ». Aux termes de l’article L. 1233-57-14 du même code : " L’employeur ayant informé le comité social et économique du projet de fermeture d’un établissement recherche un repreneur. Il est tenu : 1° D’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ; / 2° De réaliser sans délai un document de présentation de l’établissement destiné aux repreneurs potentiels ; (…). « Aux termes de l’article L. 1233-57-20 de ce code : » Avant la fin de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité donner suite à aucune des offres, celui-ci réunit le comité social et économique et lui présente un rapport, qui est communiqué à l’autorité administrative. Ce rapport indique : 1° Les actions engagées pour rechercher un repreneur ; 2° Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ; 3° Les motifs qui l’ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement. ".

20. D’une part, il ressort des pièces du dossier que la société Bonna Sabla a remis aux membres du CSEC, le 25 juin 2019, une note d’information relative à la recherche d’un repreneur pour les établissements de Carvin et de Bas-en-Basset ainsi que pour les unités de production d’Apremont, de Nicolas-Vermelle et de Saint-Barthélemy d’Anjou. Les membres des comités sociaux et économiques des établissements concernés ont été également destinataires de cette note. Ces instances représentatives ont été par la suite tenues informées de la procédure de recherche d’un repreneur, notamment par la transmission le 22 octobre 2019 d’un document retraçant les démarches entreprises en vue de la recherche d’un repreneur pour ces établissements ou unités de production, contenant un tableau récapitulatif de l’état d’avancement des réponses obtenues dans ce cadre. Dans ces conditions, le CSEC n’est pas fondé à soutenir qu’il n’aurait pas reçu les informations requises par les dispositions précitées du code du travail s’agissant des actions engagées par la société pour rechercher un repreneur. En l’absence d’offre de reprise formalisée reçue par la société, le CSEC requérant ne peut utilement soutenir que ni lui ni l’expert-comptable désigné n’ont été destinataires des informations leur permettant d’apprécier ces offres.

21. D’autre part, s’agissant du site de Portet-sur-Garonne, il ressort des pièces du dossier que la direction de la SNC Bonna Sabla n’envisageait pas la cessation de son activité mais la cession de ce fonds de commerce à une autre entreprise, la société Bétons Libaud, avec laquelle des discussions avaient été engagées au cours de l’année 2018. Dans ces conditions, la société n’était pas tenue d’informer le CSEC de la recherche de repreneurs potentiels du site de Portet-sur-Garonne dans le cadre de la procédure d’information/consultation sur le plan de sauvegarde de l’emploi en litige, et ce alors même qu’une partie des douze salariés présents sur ce site, non affectés à l’exploitation du fonds de commerce, étaient susceptibles de faire l’objet d’un licenciement. Il suit de là que, d’une part, le requérant n’est pas fondé à soutenir que, compte-tenu du nombre de salariés concernés par cette cession, le délai d’information/consultation du CSEC était de quatre mois, conformément aux dispositions du 3° du II de l’article L. 1233-30 du code du travail, et non de trois mois, et que, d’autre part, les conditions dans lesquelles le CSEC a été consulté sur la cession de ce fonds de commerce sont sans incidence sur la légalité de la décision administrative en litige.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le CSEC de la société Bonna Sabla n’est pas fondé à soutenir que la procédure d’information/consultation est entachée d’irrégularité.

S’agissant de la définition des catégories professionnelles concernées par le licenciement :

23. L’article L. 1233-57-3 du code du travail prévoit qu’en l’absence d’accord collectif, ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2 du même code  : " (…) l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation comité d’entreprise et, le cas échéant, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de l’instance de coordination mentionnée à l’article L. 4616-1, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ; 2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement ; 3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. (…) ".

24. En vertu de ces dispositions, il appartient à l’administration, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l’article L. 1233-24-2 cité au point 10, de se prononcer, sous le contrôle du juge administratif, sur la légalité de ces catégories professionnelles. A ce titre, elle doit s’assurer, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d’information et de consultation ainsi que des justifications qu’il appartient à l’employeur de fournir, de ce que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l’expérience professionnelle qui excèdent l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur, l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l’administration refuse l’homologation demandée s’il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l’employeur en se fondant sur des considérations, telles que l’organisation de l’entreprise ou l’ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l’expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s’il apparaît qu’une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

25. Au soutien de sa contestation des catégories professionnelles définies par la SNC Bonna Sabla, le CSEC, en appel comme en première instance, se borne à citer l’appréciation formulée par l’expert dans son rapport du 24 septembre 2019, sans aucunement critiquer les précisions apportées par la société quant aux modalités de définition des catégories professionnelles, notamment dans ses écritures devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Dans ces conditions, dès lors que les précisions ainsi apportées sont de nature à répondre aux critiques formulées par l’expert et qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société aurait déterminé les catégories professionnelles en se fondant sur des considérations étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l’expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ou dans le but de permettre le licenciement de certains salariés, le moyen tiré par le CSEC de ce que les catégories professionnelles définies par la société méconnaissaient les principes énoncés au point 22 et que l’administration du travail aurait dû en conséquence refuser l’homologation du document unilatéral de la SNC Bonna Sabla doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le CSEC de la SNC Bonna Sabla n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France (unité départementale des Hauts-de-Seine) a, d’une part, validé l’accord collectif majoritaire partiel du 22 octobre 2019 relatif au projet de licenciement collectif pour motif économique signé entre la SNC Bonna Sabla et les organisations syndicales représentatives et, d’autre part, homologué le document unilatéral établi par la SNC Bonna Sabla portant sur le même projet de licenciement économique collectif et complétant l’accord collectif majoritaire.

Sur les dépens :

27. Le présent litige n’ayant pas entraîné de dépens, les conclusions présentées à ce titre par le CSEC de la SNC Bonna Sabla doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de remboursement du droit de plaidoirie :

28. L’Etat n’étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par le CSEC de la SNC Bonna Sabla au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il en va de même de ses conclusions tendant au remboursement du droit de plaidoirie. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du CSEC de la SNC Bonna Sabla une somme de 1 500 euros à verser à la SNC Bonna Sabla au titre des frais qu’elle a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 2002549 du 15 septembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le CSEC de la SNC Bonna Sabla devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et le surplus des conclusions de sa requête d’appel sont rejetés.

Article 3 : Le CSEC de la SNC Bonna Sabla versera la somme de 1 500 euros à la SNC Bonna Sabla au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SNC Bonna Sabla au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 20VE02948 2

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
  2. Code du travail
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CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 9 février 2021, 20VE02948, Inédit au recueil Lebon