Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 février 1998, 96-85.385, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 5 févr. 1998, n° 96-85.385
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 96-85.385
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 22 octobre 1996
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007577761
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST, les observations de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— COQUILLAT Jean-Paul,

— X… Pierre, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 23 octobre 1996, qui, pour escroqueries, abus de biens sociaux et rémunération anticipée d’un intermédiaire en matière de prêt d’argent, les a condamnés, chacun, à 3 ans d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans et 200 000 francs d’amende, a ordonné la fermeture de l’établissement exploité par les prévenus, ainsi que la restitution des scellés 13 à 22 et 25 au mandataire liquidateur de l’entreprise, a débouté Jean-Paul Y… et Pierre X… de leurs demandes de restitutions, et a prononcé sur les réparations civiles ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 175, 179, 183, 184, 186, 385, 565, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullités présentées par Jean-Paul Y… et Pierre X… ;

« aux motifs que les prévenus invoquent pour la première fois devant la cour d’appel les irrégularités tirées du non respect des dispositions prévues aux deuxième et quatrième alinéa de l’article 183 du Code de procédure pénale ainsi qu’au premier alinéa de l’article 175 du même Code;

que ces moyens qui n’ont pas été soulevés in limine litis et qui n’affectent pas les règles de compétence n’ont pas à être examinés par la Cour ;

« alors que Pierre X… et Jean-Paul Y… ayant, devant le tribunal, invoqué l’exception de nullité de l’ordonnance de renvoi, la cour d’appel, saisie de la même exception, avait l’obligation d’examiner la régularité de cette ordonnance au regard de tous les textes invoqués et ce en dépit de ce que certains moyens n’avaient pas été formulés devant la juridiction du premier degré;

qu’ainsi, en déclarant ces moyens irrecevables, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 183, 184, 186, 385, 565, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullités présentées par Pierre X… et Jean-Paul Y… ;

« aux motifs qu’en application de l’article 184 du Code de procédure pénale, dont la violation est invoquée par les prévenus, l’ordonnance de renvoi doit indiquer la qualification légale des faits imputés aux personnes mises en examen et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non contre elles des charges suffisantes;

qu’en l’espèce, le magistrat instructeur qui a rendu une ordonnance conforme au réquisitoire motivé du parquet, en a adopté les motifs, que dans cette ordonnance figurent les qualifications et les textes légaux applicables aux différents faits qui leur sont imputés, que la lecture des motifs du réquisitoire fait clairement apparaître que les prévenus sont renvoyés, d’une part, pour avoir escroqué la Caisse d’Epargne à trente deux reprises en lui présentant les dossiers contenant les faux imputés à Edouard Z… et à Albert A…, faux énumérés dans les qualifications de renvoi concernant ces derniers, d’autre part, pour avoir perçu des fonds de ces mêmes clients au mépris des dispositions de la loi du 28 décembre 1966 et, enfin, pour avoir commis des abus de biens sociaux en versant indûment des salaires à leurs concubines, Pierre X… se voyant en outre reprocher d’avoir offert à sa famille un voyage aux Antilles;

qu’il s’ensuit que l’ordonnance de renvoi contient toutes les énonciations exigées par l’article 184 du Code du procédure pénale;

qu’il n’y a pas davantage violation des dispositions de l’article 6.3a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’autant que les mis en examen qui, comme leur avocat, ont régulièrement reçu notification de cette ordonnance dans les formes prévues aux alinéa 1, 3, 4 et 6 de l’article 183 du Code de procédure pénale et qui ont fait l’objet, le 28 mai 1993, d’un interrogatoire de notification de charges, conformément aux dispositions de l’article 80-3 du Code de procédure pénale, applicables entre le 1er mars et le 3 septembre 1993, ne peuvent soutenir qu’ils n’auraient pas été informés d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre eux;

que c’est donc à juste titre que le tribunal s’estimant valablement saisi par l’ordonnance de renvoi, n’a pas renvoyé la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d’instruction et n’a pas davantage annulé cette ordonnance;

aucun des moyens soulevés, devant lui, ne permettant cette annulation ;

« alors que la cour d’appel ne pouvait estimer que l’ordonnance de renvoi, dont elle admet qu’elle n’est que l’adoption des motifs du réquisitoire définitif, n’était pas entachée de nullité, sans répondre aux conclusions des prévenus faisant expressément valoir (p. 4 1 et suivants) que cet acte ne mentionnait pas, pour les faits d’escroquerie, les dossiers qui auraient déterminé la Caisse d’Epargne à remettre des fonds, pour les faits de rémunération anticipée d’un intermédiaire la date et les personnes concernées par ces opérations et pour l’abus de biens sociaux, la désignation des opérations concernées, plusieurs faits de nature différente ayant été envisagés sous cette qualification par le magistrat instructeur au cours de l’instruction;

qu’ainsi, l’arrêt est entaché d’une violation des textes visés au moyen" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 313-1, 313-8 du Code pénal, 425-4, 432 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, 8, 11 et 15 de la loi 66-1010 du 28 décembre 1966, 388, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de l’ordonnance de renvoi et a déclaré Pierre X… et Jean-Paul Y… coupables des faits qui leur étaient reprochés ;

« aux motifs que dans leurs écritures Jean-Paul Y… et Pierre X… relèvent qu’aux termes de l’ordonnance de renvoi, ils sont poursuivis pour des faits commis entre le 1er septembre et le 30 septembre 1990, alors qu’aucun fait n’est susceptible d’être retenu à leur encontre au cours de cette période, seule visée par la prévention;

qu’ils considèrent que le tribunal a excédé ses pouvoirs en estimant que ladite ordonnance qui vise les faits commis depuis temps non prescrit, vise également les faits commis avant le 1er septembre 1990, qu’en effet, en l’espèce, la mention « depuis temps non prescrit » constitue une clause de style applicable à la seule période du 1er au 30 septembre 1990;

qu’ils ajoutent que si la jurisprudence admet qu’une erreur dans la date est sans conséquence sur la validité des poursuites, c’est à condition qu’elle n’ait pas porté atteinte aux droits de la défense, que tel n’est pas le cas en l’espèce puisque les faits visés à la prévention ne sont pas précisément décrits;

qu’ils concluent en conséquence à leur relaxe ;

que, cependant, nonobstant les erreurs de date figurant dans l’ordonnance de renvoi, celle-ci comporte la liste nominative des dossiers contenant, selon la prévention, des documents falsifiés;

qu’il s’ensuit que les prévenus qui ont été entendus à plusieurs reprises, tant au cours de l’enquête préliminaire que par le magistrat instructeur, sur les faits pour lesquels ils ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel et qui ont fait l’objet d’un interrogatoire de notification de charges, ne pouvaient ignorer qu’ils étaient en réalité poursuivis pour des faits commis courant 1988, 1989 ainsi que du 1er janvier au 30 septembre 1990, qu’au surplus, l’ordonnance de renvoi vise les faits commis depuis temps non couvert par la prescription;

qu’en conséquence, c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont estimé qu’ils étaient saisis de l’ensemble des faits visés dans le réquisitoire définitif du parquet et repris dans l’ordonnance de renvoi ;

« alors que la juridiction répressive ne pouvait légalement statuer que sur les faits relevés par l’ordonnance de renvoi qui l’a saisie et qui ne faisait référence qu’à la période du 1er au 30 septembre 1990;

que la cour d’appel ne pouvait considérer qu’il ne s’agissait que d’une simple erreur et que les prévenus étaient en réalité poursuivis pour des faits commis courant 1988, 1989 ainsi que pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1990, dès lors que la liste nominative des dossiers sur laquelle elle se fonde, relative aux poursuites dirigées contre MM. Z… et A…, ne comporte aucune précision quant aux dates auxquelles les infractions auraient été commises sur chaque dossier et que de surcroît cette liste concerne certains dossiers étrangers à la société dans laquelle Pierre X… et Jean-Paul Y… agissaient;

qu’ainsi, l’arrêt n’est pas légalement justifié et est entaché d’une violation des textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte des pièces de procédure que les prévenus ont soulevé devant les premiers juges la nullité de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, en prétendant, d’une part, qu’elle n’aurait pas énoncé chacun des faits reprochés, ce qui ne leur aurait pas permis de préparer utilement leur défense, et, d’autre part, qu’elle aurait limité la saisine de la juridiction de jugement à des faits commis au mois de septembre 1990, en retenant néanmoins des infractions commises hors de cette période ;

Attendu que la cour d’appel énonce, pour écarter ces exceptions, que l’ordonnance de renvoi se réfère aux faits commis, non seulement en septembre 1990, mais encore depuis temps non couvert par la prescription ;

Que les juges relèvent aussi que les prévenus ont été informés de manière précise de la cause de l’accusation retenue contre eux, tant au cours de l’information que lors de la notification de l’ordonnance de renvoi, laquelle précise la qualification des faits poursuivis et adopte les motifs du réquisitoire définitif de renvoi devant le tribunal correctionnel établi par le procureur de la République ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel, qui a par ailleurs déclaré, à bon droit, irrecevables les moyens de nullité présentés pour la première fois devant elle, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu’ainsi les moyens ne sauraient être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 313-7, 313-8 du Code pénal, 425-4, 425, 432 de la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, 8, 11 et 15 de la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966, 485, 593 du Code de procédure pénale, 6.3 a de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que la cour d’appel a déclaré Pierre X… et Jean-Paul Y… coupables des délits d’escroquerie, d’abus de biens sociaux et d’infraction à la loi du 28 décembre 1966 et les a condamnés en répression, chacun, à la peine de 3 ans d’emprisonnement avec sursis, mise à l’épreuve pendant 3 ans avec les obligations prévues à l’article 132-45-5° du Code pénal et 200 000 francs d’amende, a ordonné la fermeture définitive de la société FINANCIM et a prononcé des condamnations civiles à leur encontre ;

« aux motifs qu’il ressort des divers éléments que, malgré leurs dénégations, Jean-Paul Y… et Pierre X… ont sciemment présenté à la Caisse d’Epargne d’Evry de faux justificatifs de ressources ou de travaux, lors des demandes de prêt concernant INJAI, IUMBA, HOMBRESSA, DIAOUAKOU, MAYAMONA, KUNSI, DIAKADOU, KAKOKO, NTOYA, MUFOLO, MUNKIEN, MAYELA, KAFUKA, N’DIELI, YILDIZ, RUDENT, LIEVEN, FROMENT, LOMBARDO, FRANCK et que ces documents ont déterminé la Caisse d’Epargne a accordé des prêts à des personnes en réalité insolvables;

que ce faisant, ils se sont rendus coupables d’escroquerie;

qu’ils ont reconnu que, comme pour tous les autres dossiers traités par FINANCIM, ils avaient perçu les commissions réclamées aux 23 emprunteurs visés à la prévention, dès la signature de l’offre de prêt, que c’est donc par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges les ont déclarés coupables d’infractions à l’article 8 de la loi du 28 décembre 1966;

qu’ils ont confirmé, à l’audience devant la Cour, que leurs concubines percevaient, depuis le début de l’année 1988, un salaire alors qu’elles n’exerçaient aucune activité pour FINANCIM, que Pierre X… a également admis avoir indûment fait prendre en charge par FINANCIM les frais de voyage et de séjour aux Antilles de sa concubine et de ses enfants pour un montant de 40 750 francs;

que, dans ces conditions, les éléments matériels et intentionnels du délit d’abus de biens sociaux se trouvant caractérisés dans tous leurs éléments, c’est à juste titre que le tribunal est entré en voie de condamnation de ce chef de prévention ;

« alors, d’une part, que la Cour de Cassation n’est pas en mesure d’exercer son contrôle sur la culpabilité retenue des prévenus, dès lors que l’arrêt ne comporte aucune précision sur chacune des demandes de prêt qui aurait constitué une escroquerie, la seule affirmation, de façon générale et pour l’ensemble des dossiers, de faux justificatifs de ressources ou de travaux étant insuffisante à caractériser le délit;

qu’il en va de même de l’abus de biens sociaux, les juges du fond ne pouvant se dispenser de préciser la date à laquelle Pierre X… aurait fait prendre en charge par sa société un voyage personnel que de la même façon les infractions à la loi du 28 décembre 1966 ne pouvaient être retenues sans que soient précisés les dossiers concernés, les sommes perçues et leur date;

qu’ainsi, l’arrêt n’est pas légalement justifié ;

« alors, d’autre part, que la cassation à intervenir sur l’action publique, entraînera par voie de conséquence la cassation sur l’action civile » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs exempts d’insuffisance, a caractérisé en tous leurs éléments les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité qu’elle a estimée propre à réparer le préjudice découlant de ces infractions ;

D’où il suit que le moyen, qui discute l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause soumis au débat contradictoire, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Sassoust conseiller rapporteur, MM. Martin, Pibouleau, Challe, Roger conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

le Rapporteur le Président le Greffier de chambre

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