Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 juin 2014, 13-84.427, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Roseline Letteron · Liberté, Libertés chéries · 22 janvier 2017

Dans une décision du 10 janvier 2017, la Chambre criminelle de la Cour de cassation écarte définitivement la qualification de terrorisme dans l'affaire de Tarnac. On se souvient que les membres du Groupe de Tarnac sont poursuivis pour avoir saboté la caténaire d'une ligne TGV en novembre 2008. A l'origine de l'affaire, les intéressés, dont la Chambre criminelle nous dit qu'ils appartenaient à la "mouvance anarcho-autonome", avaient été mis en examen pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Mais à l'issue de l'instruction les juges d'instruction, le 8 août …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 4 juin 2014, n° 13-84.427
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 13-84427
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 22 mai 2013
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000029056596
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2014:CR02385

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- Mme Patricia X…,

— M. Marc Y…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 23 mai 2013, qui, pour soustraction, en relation avec une entreprise terroriste, d’un criminel à l’arrestation et aux recherches, a condamné la première, à deux ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’inéligibilité, le second, à trois ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction professionnelle, et a ordonné une mesure de confiscation ;


La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 9 avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Moreau, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;

Sur le rapport de M. le conseiller MOREAU, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général VALDÈS BOULOUQUE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 434-6 et 421-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que la cour d’appel a déclaré Mme X… et M. Y… coupables de recel de malfaiteurs ;
" aux motifs que, 3) en ce qui concerne M. André E…, M. A… et Mme X…, c’est par de justes motifs que la cour fait siens que les premiers juges ont retenu ces trois prévenus dans les liens de la prévention du chef de recel de malfaiteurs commis de manière habituelle. (¿) 4) ; qu’en ce qui concerne M. Y…, M. Y… conteste les faits qui lui sont reprochés et devant la cour avance qu’il a été victime d’un policier faussaire qui aurait manipulé les scellés notamment en ce qui concerne la boîte de pansement Urgo et que pour certains scellés il y aurait des discordances ; que ces dires ne sont confortés par aucun élément tangible que le prévenu aurait par exemple fait valoir lors de l’enquête où de l’instruction, périodes pendant lesquelles il est resté taisant ; qu’il n’apporte ainsi aucun élément nouveau au soutien de sa défense ; que le tribunal a relevé avec justesse un ensemble de constatations pour lesquelles il n’a pu donner en cause d’appel d’explications rationnelles et convaincantes ; que c’est ainsi :- qu’il est étonnant qu’il ait occupé à Bastia depuis 2001 un appartement officiellement au nom de son père qui avait besoin de cette adresse dans un but politique et qu’en 2003 il était incapable d’indiquer aux enquêteurs qui en détenait les clés,- que s’il se disait très accueillant et acceptant d’héberger du monde, il est étonnant qu’il n’ait jamais reçu M. Yvan Z… alors que dans son cagibi ont été découverts deux objets distincts portant la présence d’empreinte et d’ADN de la personne recherchée ; qu’il ne saurait se retrancher derrière le fait qu’un ami aurait profiter de sa gentillesse pour héberger M. Z… dans son appartement, ami qui en outre serait à l’origine de commandes passées sur internet pour le compte de M. Yvan Z… et qui auraient été livrées pour certaines soit à son adresse professionnelle, soit au domicile de ses parents ; que le moins qu’il pouvait faire pour se disculper et ce d’autant qu’il est auxiliaire de justice en sa qualité d’expert était de donner le nom de cet inconnu ;- que les commandes sur le net ont été réalisées à l’aide de son ordinateur portable saisi dans ses locaux professionnels alors qu’il avait accès au réseau internet depuis la ligne filaire de son domicile personnel,- qu’il est étonnant que M. Z… ait eu les coordonnées du docteur B… qui est sur liste rouge mais qui est connu de la famille Y… et notamment du père, médecin et celles du radiologue qui a été contacté de la ligne fixe du domicile des parents du mis en cause quelques heures avant qu’il ne pratique une échographie de M. Z…-qu’il convient encore de relever que pendant le premier semestre 2002, M. Y… est en contact régulier avec Mme X… à une époque où celle-ci s’était proposée d’aider la famille Z… pour s’interrompre au deuxième semestre, période pendant laquelle Mme X… hébergeait à deux reprises M. Z…;- qu’il ressort des déclarations de Mme C…, petite amie du prévenu que ce dernier ne quittait jamais son logement de manière prolongée, hormis l’été où il lui arrivait de dormir chez ses parents qui ont la climatisation,- que l’on constate que M. Z… est accueilli chez Mme X… fin 2002 et début 2003 alors que Mme C… vient de Birmingham où elle suit des études pour passer des vacances en Corse et avoir des relations avec M. Y…; qu’au vu de l’ensemble de ce faisceau d’indices concordant, il convient de confirmer la déclaration de culpabilité pour les faits de recel de malfaiteur commis de manière habituelle pour la période de mai 2002 à mai 2003 ;
" 1°) alors que les dispositions de l’article 434-6 du code pénal, en ce qu’elles répriment le fait de receler une personne « auteur ou complice » d’un crime ou d’un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement, sans définir l’auteur ou le complice n’étant pas conformes au principe de la légalité criminelle et au principe de clarté
et d’intelligibilité de la loi pénale, garantis notamment par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, il y a lieu de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu’à la suite de la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra, l’arrêt attaqué se trouvera privé de fondement juridique ;

«  2°) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; qu’en jugeant que, les termes de l’article 434-6 du code pénal étant généraux et la jurisprudence étant établie depuis de nombreuses années, il convient de considérer que la seule condition exigée par ce texte est la connaissance par l’auteur du recel de ce que la personne
recherchée avait commis un crime ou de qu’elle était recherchée de ce
fait par la justice, lorsque l’infraction prévue par l’article 434-6 du code pénal, qui a abrogé l’ancien article 61 alinéa 2 du code pénal, et qui réprime le fait de fournir aide ou assistance à la personne « auteur ou complice d’un crime ou d’un acte de terrorisme puni d’au moins dix ans d’emprisonnement », est conditionné à la déclaration de culpabilité de la personne recélée, la cour d’appel a violé le texte visé au moyen ainsi que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale ;
" 3°) alors que, en vertu du principe de légalité tel que posé par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et interprété par la Cour européenne, une personne ne peut être déclarée coupable d’une infraction que sur la base d’un texte qui, combiné avec la jurisprudence interprétative dont il s’accompagnait à l’époque de la commission présumée des faits, remplissait les conditions qualitatives d’accessibilité et de prévisibilité ; qu’en déclarant les demandeurs coupables de recel de malfaiteurs, en se fondant sur l’interprétation de dispositions abrogées à l’époque des faits par l’article 434-6 du code pénal, lequel, contrairement à l’ancien texte, conditionne l’infraction à la déclaration de culpabilité de la personne recélée, lorsqu’aucun élément ne permettait aux prévenus de raisonnablement anticiper une telle interprétation, la cour d’appel s’est prononcée, pour entrer en voie de condamnation, sur une base légale insuffisamment accessible et prévisible » ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 434-6 et 421-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que la cour d’appel a retenu la circonstance aggravante prévue par l’article 421-1 du code pénal ;
" aux motifs que, 5) sur les conséquences de la décision en ce qu’elle n’a pas retenu la circonstance aggravante prévue par l’article 421-1 du code pénal en ce qui concerne M. Z…, M. Y…, Mme X…, MM. André E… et A…, il est constant que constatant que les faits dont elle était saisie, n’étaient pas en relation avec une entreprise terroriste, il appartenait à la juridiction de première instance, en application des dispositions des articles 706-19 et 706-20 du code pénal, si elle n’était pas compétente à un autre titre, de se déclarer incompétente et de renvoyer le ministère public à mieux se pourvoir ; qu’en conséquence, il y a lieu sur ce point d’annuler le jugement déféré et d’évoquer pour vérifier ainsi que le soutien l’accusation si les dispositions de l’article 421-1 du code pénal sont applicables, ce qui rendrait la juridiction de jugement actuellement saisie compétente ; que 6) sur l’application de l’article 421-1 du code pénal, en ce qui concerne M. Z…, les infractions de transport et détention d’arme, éléments d’arme et munitions des 1re ou 4e catégories reprochées à M. Z… sont en lien direct avec son engagement idéologique revendiqué et assumé dans le cadre du FLNC Historique et ses structures clandestines telles que les groupes de combat ; qu’en ce qui concerne M. André E…, M. Y… et Mme Patricia X…, M. Y… et Mme X… font valoir que les dispositions de l’article 434-6 du code pénal en vigueur au moment des faits exigent que pour que le comportement du receleur soit punissable pénalement, la personne recelée soit l’auteur ou le complice d’un acte de terrorisme puni d’au moins dix ans d’emprisonnement ; que la cour considère que dans la mesure où les termes de l’article 434-6 du code pénal sont généraux, alors que la jurisprudence était établie depuis de nombreuses années, il convient de considérer que la seule condition exigée par le texte est la connaissance par l’auteur du recel, de ce que la personne recherchée avait commis un crime ou de qu’elle était recherchée de ce fait par la justice ; qu’il n’appartient pas à une personne privée de se substituer aux organes judiciaires compétents jusqu’à ce que la décision devienne définitive ; qu’en l’espèce, il n’est pas nécessaire pour caractériser l’existence de la circonstance aggravante de démontrer que les prévenus aient eu un « rapport » avec les faits reprochés à M. Z…, alors sous le coup de deux mandats d’arrêt délivrés contre lui pour sa participation à l’action commando commise le 6 septembre 2007 contre la gendarmerie de Pietrosella et à l’assassinat du préfet D… à Ajaccio le 6 février 1998 ; qu’il suffit que l’auteur de l’infraction ait eu l’intention d’inscrire son action délictuelle dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ; qu’en l’espèce, il est incontestable que les prévenus ont hébergé ou apporté une aide matérielle ou logistique à M. Z… en considération de ce qu’il représentait, du crime qui lui était reproché et de son engagement idéologique radical auquel au moins M. André E… et Mme X… souscrivaient ; que tous connaissaient l’engagement de M. Z… qui dans le journal indépendantiste « U Ribombu » évoquait les attentats et la violence en Corse, les qualifiant d’actes de résistance face à une politique de négation de « notre peuple » et concluait son intervention par « vive le peuple corse, vive la lutte, vive la nation corse, signé M. Z…, patriote recherché » ; qu’en conséquence la décision déférée sera réformée sur ce point et la circonstance aggravante prévue par l’article 421-1 du code pénal appliquée aux trois mis en cause, permettant de constater la compétence de la juridiction ;
" alors que, en jugeant qu’il n’est pas nécessaire de démontrer que les prévenus aient eu un « rapport » avec les faits reprochés à M. Z…, et qu’il suffit que l’auteur de l’infraction ait eu l’intention d’inscrire son action délictuelle dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, lorsque l’article 421-1 du code pénal impose d’établir que le recel de malfaiteurs ait été « en relation » avec une telle entreprise, la cour d’appel, qui a élargi les contours de ce texte, a encore méconnu le principe d’interprétation stricte de la loi pénale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D’où il suit que les moyens, inopérant en la première branche du premier moyen, dès lors que, par arrêt du 12 février 2014, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité et qui, pour le surplus, se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre juin deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 juin 2014, 13-84.427, Inédit