Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 14-13.229, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Bulletin Joly Sociétés · 1er juillet 2015
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 12 mai 2015, n° 14-13.229
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 14-13.229
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 28 octobre 2013
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000030605856
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:CO00431
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X… que sur le pourvoi incident relevé par Mme Y… ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2013), que le 8 juillet 2008, Mme Y…, qui vivait en concubinage avec M. X…, a fait l’acquisition d’un ensemble immobilier dans lequel elle projetait de créer, après réalisation de travaux, six gîtes et quatre chambres d’hôtes ; que trois chambres d’hôtes et un gîte ont été aménagés et exploités à partir du 21 mai 2010 ; que Mme Y…, qui avait entrepris des démarches en vue de la création d’une société commerciale dont le capital aurait été détenu par elle-même et M. X…, a rompu avec celui-ci et quitté les lieux le 19 août 2010 ; que M. X… a poursuivi seul l’exploitation jusqu’à fin septembre 2010 ; que, soutenant qu’une société créée de fait entre les concubins avait existé entre le 8 juillet 2008 et le 30 septembre 2010, il a assigné Mme Y… pour obtenir la liquidation de cette société et la réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait de sa dissolution anticipée ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu’une société créée de fait existe dès lors que, dans le cadre d’une société en formation, et tandis que les éléments constitutifs de toute société sont réunis, l’activité développée a dépassé l’accomplissement des simples actes nécessaires à sa constitution ; que cette substitution d’une société créée de fait à une société en formation n’est pas exclue du fait de la brièveté de la période de développement de l’activité ; qu’en l ¿ espèce, la cour d’appel a dûment constaté que M. X… et Mme Y… avaient procédé à des apports, qu’ils avaient eu l’intention de s’associer et que la SARL « Olivia Y… » était en formation (lettre de mission donnée le 17 mai 2010 à Mme Z…, expert-comptable, en vue de la constitution de la société ; ouverture, le 25 mai 2010, d’un compte au nom de la société avec dépôt du capital social projeté et réparti entre les deux associés ; élaboration le 1er août 2010 des statuts commandés et d’un projet d’assemblée générale extraordinaire) ; qu’elle a encore constaté que l’exploitation avait commencé le 21 mai 2010, soit concomitamment aux actes de formation, et tandis que les apports et l’intention de s’associer étaient avérés ; qu’en refusant cependant de reconnaître l’existence d’une société créée de fait par cela seul que M. X… ne rapportait pas la preuve d’une persistance, au cours de la période d’exploitation retenue – 21 mai/ 19 août 2010 -, des éléments constitutifs de la société, et notamment de l’affectio societatis, et en se référant à la brièveté – trois mois – de la période d’exploitation, la cour d’appel a violé les articles 1832 et 1873 du code civil ;

2°/ que, quand les éléments de la société sont réunis, dont l’intention des concubins de s’associer en vue de l’exploitation en commun d’une activité, et qu’une société est en formation tandis que l’exploitation de l’activité projetée commence, une présomption de société créée de fait joue contre celui des associés qui dénie cette qualification à charge pour lui de prouver le contraire ; qu’en exigeant de M. X…, en dépit du constat de la réalisation d’apports, de l’intention des parties de s’associer, de l’existence d’une société en formation et d’un commencement d’exploitation, qu’il prouve une persistance de l’affectio societatis après le 21 mai 2010, date du début de l’activité, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du code civil ;

3°/ que dans le cas d’une société créée de fait se substituant à une société en formation, la poursuite, concomitamment au développement de l’activité, de la formation de la société établit la persistance de la volonté de s’associer ; que la cour d’appel a constaté que, commandés à Mme Z…, expert-comptable, suivant lettre de mission du 17 mai 2010, les statuts avaient été élaborés et proposés le 1er août 2010 ; qu’elle a encore constaté que, le 28 juin 2010, Mme Y… avait adressé à la Direction générale des finances publiques, au nom de la société en formation, une demande d’exonération des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles ; qu’en considérant cependant que la preuve d’une persistance de la volonté de s’associer au cours de la période du 21 mai au 19 août 2010 n’était pas apportée, la cour d’appel n’a pas déduit de ses propres constatations les conséquences s’en évinçant et a violé les articles 1832 et 1873 du code civil ;

4°/ que la société créée de fait est, par définition, une société non immatriculée et qui existe sans que les associés n’agissent consciemment dans ce cadre ; qu’elle peut être constatée par le juge contre la volonté de tout ou partie des associés ; qu’en retenant que Mme Y…, demandant la clôture du compte ouvert au nom de la société en formation, avait évoqué une simple société en formation et une absence définitive de dépôt des statuts, que ce compte n’avait quasiment pas fonctionné durant l’exploitation, et que Mme Y… avait exprimé son étonnement face au dépôt sur ce compte de fonds provenant de l’exploitation poursuivie après son départ, la cour d’appel a déduit des motifs dépourvus de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1873 du code civil ;

5°/ que nul ne peut, pour prouver un point de droit, se constituer de titre à soi-même ; qu’en se référant, pour exclure la qualification de société créée de fait, aux termes du courrier adressé le 24 novembre 2010 par Mme Y… à la Caisse d’épargne et dans lequel celle-ci feignait l’étonnement face au dépôt sur le compte de la société en formation de fonds provenant de l’exploitation poursuivie après son départ, la cour d’appel a ignoré le principe sus-visé ;

6°/ que lorsqu’une activité d’exploitation est pleinement déployée dans le cadre d’une société en formation entre concubins, et que, pour cause de mésentente soudaine, l’un d’eux poursuit seul cette activité pour honorer les engagements pris, sans opposition de l’autre, le juge ne peut exclure de son appréciation la période d’exploitation postérieure à cet événement d’ordre purement privé ; qu’en considérant que, du fait du départ soudain de Mme Y… le 19 août 2010, elle ne pouvait, afin d’apprécier l’existence d’une société créée de fait, considérer les faits d’exploitation ultérieurs, la cour d’appel a violé les articles 1832 et 1873 du code civil ;

7°/ que, tenu de motiver sa décision, le juge du fond ne peut procéder par voie d’affirmation sans indiquer l’origine de ses constatations ; qu’en affirmant, sans viser la moindre pièce, que, pendant la période d’exploitation en commun, Mme Y… avait assumé la quasi-totalité des dépenses et charges courantes, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que la société tend en la recherche commune d’un bénéfice ou d’une économie ou la participation aux résultats positifs et négatifs de l’exploitation ; que l’affectation du chiffre d’affaires réalisé par une société en formation au paiement des dépenses générées par le début d’activité n’est pas exclusive de la reconnaissance d’une société créée de fait ; qu’en se fondant, pour écarter l’existence d’une société créée de fait sur l’absence de répartition entre les associés de la moindre somme provenant des locations saisonnières, le montant des loyers perçus au cours des trois mois considérés (11 061 euros) ayant à peine couvert les frais de démarrage de l’activité ainsi que les dépenses alimentaires, quand une telle circonstance attestait précisément d’une gestion en société du produit de l’activité, et de l’intention d’assumer les premiers résultats de l’exploitation, la cour d’appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1873 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui n’a pas dit que tous les éléments constitutifs du contrat de société étaient réunis au début de la période d’exploitation en commun de l’activité commerciale, a relevé que la volonté commune de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles de l’exploitation n’était pas caractérisée durant cette période ; que l’arrêt précise que pendant la même période, Mme Y… a assumé la quasi-totalité des dépenses et charges courantes, que les quelques dépenses alimentaires ou de carburant réglées de mai à août 2010 par M. X… ne traduisaient pas une réelle volonté de contribuer aux pertes éventuelles de l’exploitation et qu’il en était de même pour la souscription de la police d’assurance couvrant la responsabilité civile des exploitants de chambres d’hôte, intervenue après le départ de sa compagne ; qu’il ajoute qu’aucune somme provenant des locations saisonnières n’a été répartie entre Mme Y… et M. X… ; que de ces constatations et appréciations souveraines, desquelles il résulte que faisait défaut, dans les rapports entre les parties, l’un des éléments caractérisant tout contrat de société, la cour d’appel a, par une décision satisfaisant aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile, justement déduit, sans violer les dispositions des articles 1315, 1832 et 1873 du code civil, non plus que le principe visé à la cinquième branche, que les éléments constitutifs d’une société créée de fait entre Mme Y… et M. X… n’étaient pas réunis ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle tendant à l’allocation de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la privation de jouissance d’un bien constitue un préjudice indemnisable ; que Mme Y… faisait valoir qu’elle avait subi un préjudice de jouissance en raison de la privation, non contestée, de son bien pendant deux ans du fait de M. X… ; qu’en décidant que Mme Y… ne justifiait pas de son préjudice, quand elle constatait que M. X… a été expulsé du Moulin de Pézens, appartenant à Mme Y…, le 14 juin 2012, ce dont il ressortait qu’il avait occupé indûment pendant près de deux ans le bien de celle-ci, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ qu’en ne répondant pas aux conclusions de Mme Y… demandant réparation de la privation de jouissance de son bien causé par le maintien indu de M. X… dans le Moulin de Pézens, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la perte certaine d’une chance, même faible, est indemnisable ; que Mme Y… faisait valoir qu’en occupant indûment sa propriété, le Moulin de Pézens, dans lequel elle exploitait un gîte depuis juillet 2010, M. X… lui avait fait perdre une chance certaine de poursuivre son activité ; que la cour d’appel a constaté la fin de l’exploitation commune de l’activité de gîte au Moulin de Pézens en août 2010 et que M. X… a été expulsé du même moulin le 14 juin 2012 ; qu’en décidant que Mme Y… ne justifiait pas de son préjudice quand il résultait de ces constatations la présence de M. X… dans les lieux, ce qui empêchait Mme Y… de poursuivre son activité de gîte, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

4°/ qu’à tout le moins, en ne répondant pas aux conclusions de Mme Y… qui faisait valoir qu’en demeurant au Moulin de Pézens dans lequel elle exerçait une activité de gîte M. X… lui avait fait perdre une chance de poursuivre son activité, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de l’article 1382 du code civil et de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de cassation la constatation par les juges du fond de l’absence de preuve des préjudices invoqués par Mme Y… ; qu’il ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X…, demandeur au pourvoi principal.

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X… de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de Madame Y…, fondées sur l’existence d’une société créée de fait ;

AUX MOTIFS QUE « il résulte des articles 1832 et 1873 du Code civil que l’existence d’une société créée de fait qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessité l’existence d’apports, l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun et l’intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; il est de principe que ces éléments doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres ; en l’occurrence, il est acquis aux débats que Mme Y… a assuré, du 21 mai 2010 au 19 août 2010, l’exploitation de trois chambres d’hôte et d’un gîte, labellisés « Gîtes de France », outre une activité de restauration de type table d’hôte, en collaboration étroite avec M. X… ; les nombreuses pièces, versées aux débats, établissent en effet, l’exercice en commun de cette activité ou la volonté clairement affirmée de Mme Y… d’y associer son compagnon (n° de téléphone de M. X…, accolé à celui de sa compagne figurant sur divers supports tels que cartes de visite, flyers ou site internet « Le Moulin d’Ô », dossier de presse mentionnant la restauration en commun du moulin et le projet « d’Ange et Olivia » de rénover la dépendance de 300 m² pour la transformer en gîtes, dossier de demande de subvention à l’AGEFIGH faisant apparaître M. X… comme associé au projet, témoignages décrivant les activités de celui-ci au cours de la période considérée, participant à l’accueil des touristes et à la préparation des repas), même si l’ensemble des démarches préalables à l’exercice de l’activité ont été effectuées par Mme Y… seule et à son nom, comme la conclusion d’un mandat de gestion avec Gîtes de France services ou la déclaration en mairie de l’activité de location de chambres d’hôte ; naturellement, l’exercice en commun d’une telle activité, limitée à une courte période de trois mois, n’est pas à lui seul suffisant pour caractériser l’existence d’une société créée de fait entre les deux concubins, alors surtout que Mme Y…, propriétaire des bâtiments formant le Moulin de Pézens, assumait l’essentiel des dépenses de la vie commune, ce qui n’est pas contesté ; Si Mme Y… a apporté, en vue de l’exercice de l’activité, les bâtiments qu’elle avait acquis, le 8 juillet 2008, au prix de 650. 000 euros, M. X… a, pour sa part, réalisé divers apports en industrie et en numéraire ; il a ainsi, comme le démontrent les pièces produites, effectué lui-même les travaux liés à l’aménagement du gîte et des trois chambres d’hôte situés au 1er étage du bâtiment principal, sachant que les combles, dans lesquels il a également accompli d’importants travaux pour les rendre habitables (décrits dans un rapport d’expertise de Mme A… en date du 20 novembre 2008), n’ont jamais été affectés à l’activité de location saisonnière ; le rapport d’expertise de Mme A… du 25 septembre 2007, comparé à celui du 8 septembre 2010, les photographies de l’intérieur du bâtiment et de ses abords, avant et après les travaux, ainsi que les attestations de tiers (C…, E…, F…, G…, H…, I…, J…) établissent qu’il a réalisé divers travaux consistant notamment en la création d’une terrasse équipée d’un barbecue devant la cuisine du gîte, la rénovation des boiseries, des parquets et des poutres, la pose de climatiseurs, de radiateurs électriques et d’une VMC, l’aménagement de placards, la réalisation de lits, l’adaptation de l’installation électrique et de plomberie, et la mise en peinture des chambres, outre des travaux extérieurs comme la réalisation d’un parking dédié à la clientèle et la mise en valeur du court de tennis et du parc ; M. X… prétend également avoir réalisé un apport financier de 52. 057, 10 euros ; à l’exception des retraits d’espèces, qu’il affirme, mais sans le démontrer, avoir consacrés à l’achat de matériaux, d’outils et d’objets d’aménagement à hauteur de 15. 000 euros, les factures, produites aux débats, pour les années 2008, 2009 et 2010, font apparaître, pour les seuls achats de matériaux, d’outils et d’objets d’aménagement, un montant cumulé de 33. 315, 55 euros (19. 257, 07 euros + 10. 489, 40 euros + 3. 569, 08 euros) ; même si ces factures sont toutes libellées au nom de Mme Y… ou du « Moulin de Pézens », l’examen des relevés du compte de l’intéressé ouvert à la Caisse d’Epargne de Rhône-Alpes (n° 04010094982) démontre qu’effectivement, la plupart de ces factures (Brico-Dépôt, Point P, Leroy Merlin…) ont été réglées par lui au moyen de sa carte bancaire ; pour autant, il convient de relever qu’un nombre important de ces achats, réalisés en 2008, est directement lié à l’aménagement des combles du 2e étage de la maison d’habitation, qui n’ont pas été affectés à l’exploitation du gîte et des trois chambres d’hôte, et ne peut dès lors être regardé comme constitutif d’un apport en numéraires ; de plus, divers virements ont été fait par Mme Y… entre le 19 mai 2008 et le 1er décembre 2009, de ses comptes personnels sur le compte de son compagnon pour 15. 600 euros au total, ce qui tend à établir qu’une partie des achats effectués lui a été remboursée, rien ne permettant en revanche d’affirmer que les retraits d’espèces faits par Mme Y…, de 2008 à 2010, à hauteur de 29. 500 euros, ont été consacrés à rembourser M. X… de ses achats ; il découle de ce qui précède que M. X…, qui disposait d’un revenu mensuel d’environ 1. 700 euros (CPAM Lyon + UNPMF), a contribué financièrement, en plus de son travail, à l’achat des matériaux, outils et objets d’aménagement, nécessaires au développement de l’activité de location saisonnière exercée avec sa compagne, même si le montant de cette contribution est bien inférieur à celui qu’il avance ; lors de l’acquisition du Moulin de Pézens, l’ancienne propriétaire, Mme B…, a laissé dans les lieux des meubles meublants et des objets de décoration divers, qui ont été rachetés par M. X… pour le prix de 70. 000 euros réglé au moyen de trois chèques tirés le 2 juillet 2008 sur son compte bancaire ; la comparaison de la liste des meubles et objets, dressée par Mme Y… elle-même, avec les photographies jointes au rapport d’expertise de Mme A… du 8 septembre 2010, prouve qu’une partie de ceux-ci a bien été utilisée pour équiper le gîte et les chambres d’hôte (lit à baldaquin, armoire en noyer, table violonée, meubles de salles de bains style Louis XV) ; M. X… a donc également réalisé un apport en nature correspondant à l’affectation de ces meubles et objets à l’activité commune ; par ailleurs, il ressort également des pièces produites que, suivant lettre de mission du 17 mai 2010, Mme Y… a confié à Mme Z…, expertcomptable, la création d’une société commerciale en vue de l’exploitation du gîte et des trois chambres d’hôte ; ont ainsi été élaborés, datés du 1er août 2010, un projet de statuts d’une SARL « Olivia Y… » au capital de 5. 000 euros réparti en 1. 000 parts détenus par Mme Y… (510 parts) et M. X… (490 parts) et un projet d’assemblée générale extraordinaire désignant Mme Y… comme gérante et la mandatant en vue de l’accomplissement des formalités inhérentes à la constitution de la société ; l’expertcomptable a dressé parallèlement un tableau des investissements correspondant aux travaux réalisés, pour un montant total de 106. 271 euros TTC ; il s’avère également que, le 25 mai 2010, a été ouvert un compte courant à la Caisse d’Epargne du Languedoc-Roussillon (n° 08914142978) au nom du « Moulin d’Ô » sur lequel ont été déposés 1. 000 euros, soit euros par Mme Y… et 490 euros par M. X… représentant 1/ 5e du capital social et qu’une demande d’exonération des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles a été adressée, le 28 juin 2010, par Mme Y… à la direction générale des finances publiques au nom de la société « Olivia Y… » ; ces éléments sont de nature à caractériser l’intention des parties de l’associer en vue de l’exploitation en commun d’une activité de gestion hôtelière de chambres et logements meubles avec table d’hôte ; Mme Y… n’est pas fondée à soutenir que les démarches entreprises pour la création d’une société commerciale, l’ont été dans la seule perspective d’une modification du plan local d’urbanisme de Pézens permettant notamment la construction d’une piscine et l’aménagement de la dépendance sur la parcelle AO n° 8 classée en zone A du PLU ; alors que le maire de Pézens lui avait clairement indiqué, dans son courrier du 15 novembre 2008, que le projet envisagé (de transformation de la dépendance existante en 6 gîtes d’une capacité d’accueil de 32 places et de construction d’une piscine de 14m x 7m) n’était pas réalisable compte tenu du règlement du PLU (interdisant en zone A les constructions à usage d’industrie, d’entrepôt, de commerce, d’artisanat, d’hébergement hôtelier, de bureau et d’habitation) et qu’un arrêté municipal du 19 novembre 2008 s’était opposé à la déclaration préalable à a construction d’une piscine, sans rapport avec le fonctionnement d’une exploitation agricole, Mme Y… n’avait, en effet, aucune raison de penser qu’une révision du PLU était susceptible d’intervenir à bref délai, qui lui aurait permis de mettre en oeuvre son projet initial, dans le cadre d’une société commerciale ; au surplus, force est de constater que l’activité limitée à l’exploitation, dans le bâtiment principal, d’un gîte et de trois chambres d’hôte, a démarré concomitamment à la mission de création d’une SARL confiée à Mme Z…, expert-comptable ; en dépit d’apports réalisés par les deux concubins, et d’une volonté de s’associer au début de l’exploitation en commun, M. X… est cependant défaillant à rapporter la preuve de l’existence, au cours de la période du 21 mai au 19 août 2010, d’une société créée de fait entre Mme Y… et lui, faute d’éléments propres à caractériser la recherche commune d’un bénéfice ou d’une économie et la participation aux résultats positifs et négatifs de l’exploitation ; le premier juge a cru devoir retenir, à cet égard, la distribution effectuée par Mme Y…, du solde du compte de la société à sa clôture, au prorata de la participation de chacun des associés (sic) ; cet élément n’est nullement déterminant si l’on considère que le compte ouvert à la Caisse d’épargne du Languedoc-Roussillon (n° 08914142978) au nom du « Moulin d’Ô » n’a pas été utilisé au cours de l’exploitation en commun, les seules opérations enregistrées étant le dépôt, à la date du 25 mai 2010, des sommes de 510 euros et 490 euros, versées pour la libération d’une partie du capital de la société en formation, les virements et remises de chèques faits les 30 octobre et 3 novembre 2010 (2. 600 euros + 223, 50 euros + 620 euros) l’ont été par M. X… ayant poursuivi seul l’exploitation après le 19 août 2010 et que Madame Y… a sollicité, le 5 novembre 2010, la clôture du compte ouvert au nom de la SARL « Olivia Y… », société en formation dont les statuts n’ont pas été déposés et ne le seront jamais, et la répartition des fonds au prorata des parts détenues par M. X… et elle-même, à savoir 49 % et 51 %, dans l’ignorance des dépôts de fonds effectués par son ancien compagnon, provenant de l’exploitation du gîte et des chambres d’hôte après son départ du Moulin de Pézens ; elle s’est d’ailleurs étonnée auprès de la banque, par courrier du 24 novembre 2010, d’avoir été créditée sur son compte personnel d’une somme de 2. 215, 95 euros sachant que, depuis son départ, elle ne recevait plus les relevés du compte ouvert au nom du « Moulin d’Ô » à l’adresse de Pézens ; pendant la période d’exploitation en commun, Mme Y… a assumé la quasi-totalité des dépenses et charges courantes ; les dépenses alimentaires et de carburant, réglées de mai à août 2010, par M. X… ne traduisent par une réelle volonté de contribuer aux pertes éventuelles de l’exploitation et il en est de même de la police d’assurance couvrant la responsabilité civile des exploitants de chambres d’hôte qui, bien que libellée aux deux noms et prenant effet le 17 juillet 2010, a, en réalité, été souscrite par lui, le 9 septembre 2010, soit après le départ de sa compagne ; enfin, au cours des trois mois qu’a duré l’exploitation en commun, aucune somme provenant des locations saisonnières n’a été répartie entre Mme Y… et M. X…, sachant que le montant des loyers perçus (11. 061 euros) a, à peine, couvert les frais de démarrage de l’activité (construction du site internet, inscription aux guides touristiques, signalétique, documents publicitaires) et les dépenses alimentaires ; c’est donc à tort que le premier juge a reconnu l’existence entre Mme Y… et M. X… d’une société créée de fait, alors que n’était pas caractérisée, durant la courte période d’exploitation de l’activité commerciale, une volonté commune de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles de l’exploitation » ;

1°) ALORS QU’une société créée de fait existe dès lors que, dans le cadre d’une société en formation, et tandis que les éléments constitutifs de toute société sont réunis, l’activité développée a dépassé l’accomplissement des simples actes nécessaires à sa constitution ; que cette substitution d’une société créée de fait à une société en formation n’est pas exclue du fait de la brièveté de la période de développement de l’activité ; qu’en l ¿ espèce, la Cour d’appel a dûment constaté que Monsieur X… et Madame Y… avaient procédé à des apports, qu’ils avaient eu l’intention de s’associer et que la SARL « Olivia Y… » était en formation (lettre de mission donnée le 17 mai 2010 à Madame Z…, expert-comptable, en vue de la constitution de la société ; ouverture, le 25 mai 2010, d’un compte au nom de la société avec dépôt du capital social projeté et réparti entre les deux associés ; élaboration le 1er août 2010 des statuts commandés et d’un projet d’assemblée générale extraordinaire) ; qu’elle a encore constaté que l’exploitation avait commencé le 21 mai 2010, soit concomitamment aux actes de formation, et tandis que les apports et l’intention de s’associer étaient avérés ; qu’en refusant cependant de reconnaître l’existence d’une société créée de fait par cela seul que Monsieur X… ne rapportait pas la preuve d’une persistance, au cours de la période d’exploitation retenue – 21 mai/ 19 août 2010 -, des éléments constitutifs de la société, et notamment de l’affectio societatis, et en se référant à la brièveté – trois mois -de la période d’exploitation, la Cour d’appel a violé les articles 1832 et 1873 du Code civil ;

2°) ALORS QUE, quand les éléments de la société sont réunis, dont l’intention des concubins de s’associer en vue de l’exploitation en commun d’une activité, et qu’une société est en formation tandis que l’exploitation de l’activité projetée commence, une présomption de société créée de fait joue contre celui des associés qui dénie cette qualification à charge pour lui de prouver le contraire ; qu’en exigeant de Monsieur X…, en dépit du constat de la réalisation d’apports, de l’intention des parties de s’associer, de l’existence d’une société en formation et d’un commencement d’exploitation, qu’il prouve une persistance de l’affectio societatis après le 21 mai 2010, date du début de l’activité, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé l’article 1315 du Code civil ;

3°) ALORS subsidiairement QUE, dans le cas d’une société créée de fait se substituant à une société en formation, la poursuite, concomitamment au développement de l’activité, de la formation de la société établit la persistance de la volonté de s’associer ; que la Cour a constaté que, commandés à Madame Z…, expert-comptable, suivant lettre de mission du 17 mai 2010, les statuts avaient été élaborés et proposés le 1er août 2010 ; qu’elle a encore constaté que, le 28 juin 2010, Madame Y… avait adressé à la direction générale des finances publiques, au nom de la société en formation, une demande d’exonération des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles ; qu’en considérant cependant que la preuve d’une persistance de la volonté de s’associer au cours de la période du 21 mai au 19 août 2010 n’était pas apportée, la Cour d’appel n’a pas déduit de ses propres constatations les conséquences s’en évinçant et a violé les articles 1832 et 1873 du Code civil ;

4°) ALORS QUE la société créée de fait est, par définition, une société non immatriculée et qui existe sans que les associés n’agissent consciemment dans ce cadre ; qu’elle peut être constatée par le juge contre la volonté de tout ou partie des associés ; qu’en retenant que Madame Y…, demandant la clôture du compte ouvert au nom de la société en formation, avait évoqué une simple société en formation et une absence définitive de dépôt des statuts, que ce compte n’avait quasiment pas fonctionné durant l’exploitation, et que Madame Y… avait exprimé son étonnement face au dépôt sur ce compte de fonds provenant de l’exploitation poursuivie après son départ, la Cour d’appel a déduit des motifs dépourvus de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1873 du Code civil ;

5°) ALORS subsidiairement QUE nul ne peut, pour prouver un point de droit, se constituer de titre à soi-même ; qu’en se référant, pour exclure la qualification de société créée de fait, aux termes du courrier adressé le 24 novembre 2010 par Madame Y… à la Caisse d’Epargne et dans lequel celle-ci feignait l’étonnement face au dépôt sur le compte de la société en formation de fonds provenant de l’exploitation poursuivie après son départ, la Cour d’appel a ignoré le principe sus-visé ;

6°) ALORS QUE, lorsqu’une activité d’exploitation est pleinement déployée dans le cadre d’une société en formation entre concubins, et que, pour cause de mésentente soudaine, l’un d’eux poursuit seul cette activité pour honorer les engagements pris, sans opposition de l’autre, le juge ne peut exclure de son appréciation la période d’exploitation postérieure à cet événement d’ordre purement privé ; qu’en considérant que, du fait du départ soudain de Madame Y… le 19 août 2010, elle ne pouvait, afin d’apprécier l’existence d’une société créée de fait, considérer les faits d’exploitation ultérieurs, la Cour d’appel a violé les articles 1832 et 1873 du Code civil ;

7°) ALORS QUE, tenu de motiver sa décision, le juge du fond ne peut procéder par voie d’affirmation sans indiquer l’origine de ses constatations ; qu’en affirmant, sans viser la moindre pièce, que, pendant la période d’exploitation en commun, Madame Y… avait assumé la quasi-totalité des dépenses et charges courantes, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

8°) ALORS QUE la société tend en la recherche commune d’un bénéfice ou d’une économie ou la participation aux résultats positifs et négatifs de l’exploitation ; que l’affectation du chiffre d’affaires réalisé par une société en formation au paiement des dépenses générées par le début d’activité n’est pas exclusive de la reconnaissance d’une société créée de fait ; qu’en se fondant, pour écarter l’existence d’une société créée de fait sur l’absence de répartition entre les associés de la moindre somme provenant des locations saisonnières, le montant des loyers perçus au cours des trois mois considérés (11. 061 euros) ayant à peine couvert les frais de démarrage de l’activité ainsi que les dépenses alimentaires, quand une telle circonstance attestait précisément d’une gestion en société du produit de l’activité, et de l’intention d’assumer les premiers résultats de l’exploitation, la Cour d’appel a déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1873 du Code civil. Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y…, demanderesse au pourvoi incident.

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande de Madame Y… de réparation de ses préjudices ;

AUX MOTIFS QUE Madame Y… ne justifie pas des préjudices qu’elle invoque à l’appui de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE la privation de jouissance d’un bien constitue un préjudice indemnisable ; que Madame Y… faisait valoir qu’elle avait subi un préjudice de jouissance en raison de la privation, non contestée, de son bien pendant deux ans du fait de Monsieur X… (p. 33, § 1 et suivants des conclusions de Madame Y…) ; qu’en décidant que Madame Y… ne justifiait pas de son préjudice, quand elle constatait que Monsieur X… a été expulsé du moulin de Pézens, appartenant à Madame Y…, le 14 juin 2012, ce dont il ressortait qu’il avait occupé indument pendant près de deux ans le bien de celle-ci, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE en ne répondant pas aux conclusions de Madame Y… demandant réparation de la privation de jouissance de son bien causé par le maintien indu de Monsieur X… dans le moulin de Pézens, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la perte certaine d’une chance, même faible, est indemnisable ; que Madame Y… faisait valoir qu’en occupant indument sa propriété, le moulin de Pézens, dans lequel elle exploitait un gîte depuis juillet 2010, Monsieur X… lui avait fait perdre une chance certaine de poursuivre son activité ; que la Cour d’appel a constaté la fin de l’exploitation commune de l’activité de gîte au moulin de Pézens en août 2010 et que Monsieur X… a été expulsé du même moulin le 14 juin 2012 ; qu’en décidant que Madame Y… ne justifiait pas de son préjudice quand il résultait de ces constatations la présence de Monsieur X… dans les lieux, ce qui empêchait Madame Y… de poursuivre son activité de gîte, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;

4°) ALORS QU’à tout le moins, en ne répondant pas aux conclusions de Madame Y… qui faisait valoir qu’en demeurant au moulin de Pézens dans lequel elle exerçait une activité de gîte Monsieur X… lui avait fait perdre une chance de poursuivre son activité, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 14-13.229, Inédit