Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 octobre 2017, 16-10.168, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 25 oct. 2017, n° 16-10.168
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-10.168
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Nîmes, 14 octobre 2015
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035926519
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CO01321
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Sur les parties

Texte intégral

COMM.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 25 octobre 2017

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 1321 F-D

Pourvoi n° G 16-10.168

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Languedoc, société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 15 octobre 2015 par la cour d’appel de Nîmes (chambre commerciale, chambre 2 B), dans le litige l’opposant à la société Compagnie C super, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 12 septembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Z…, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc, de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Compagnie C super, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 15 octobre 2015, n° RG 14/01583), que la société Compagnie C Super (la société C Super), société holding d’un groupe de sociétés, dirigée par M. X…, oeuvrant dans la petite et moyenne distribution, a conclu, en 2002, avec le cabinet Danjou Conseil, dirigé par M. Y…, un contrat de prestations de conseil et assistance en matière comptable, financière, informatique et de contrôle de gestion ; que du 1er mai 2008 au 16 mars 2009, la société Danjou Conseil a été désignée directeur général de la société C Super ; que M. Y… est également intervenu par l’intermédiaire d’une autre société qui assurait la coordination et le règlement des prestations de différentes entreprises, puis se faisait rembourser par le groupe; que courant février 2009, des anomalies de fonctionnement des comptes bancaires ont été portées à la connaissance de M. X… par l’une des banques du groupe; qu’après avoir reconnu être l’auteur de détournements, M. Y… a été condamné pénalement pour des infractions d’abus de confiance, de faux et usage de faux et d’escroquerie ; que la société C Super a assigné la société Caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Languedoc (la Caisse) afin d’obtenir paiement de sommes débitées de son compte au titre de deux chèques et de dommages-intérêts en raison du manquement à son obligation de vigilance ayant permis la réalisation des détournements et provoqué un découvert de son compte bancaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la Caisse fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société C Super les sommes de 19 800 euros et 33 721 euros correspondant à deux chèques falsifiés qu’elle a honorés, outre intérêts, alors, selon le moyen, que dans le cas où le banquier a honoré de faux titres de paiement, il peut se prévaloir de la faute de la victime pour atténuer les conséquences de son obligation, même si les faux titres de paiement qu’il a honorés sont la conséquence d’une faute intentionnelle répondant à une qualification répressive ; qu’en décidant le contraire, et en appliquant la théorie aujourd’hui abandonnée de la faute pénale qui absorbe la faute de la victime, la cour d’appel a violé les articles 1147, 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu qu’en l’absence de faute du déposant, ou d’un préposé de celui-ci, et même s’il n’a lui-même commis aucune faute, le banquier n’est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d’un faux ordre de paiement revêtu, dès l’origine, d’une fausse signature et n’ayant eu à aucun moment la qualité légale de chèque ; qu’en revanche, si l’établissement de ce faux ordre de paiement a été rendu possible à la suite d’une faute du titulaire du compte, ou de l’un de ses préposés, le banquier n’est tenu envers lui que s’il a lui-même commis une négligence, et ce seulement pour la part de responsabilité en découlant ; que l’arrêt retient que la société C Super fait justement valoir que le chèque, signé par M. Y…, du 21 janvier 2009 d’un montant de 19 800 euros et le chèque, non signé, du 8 février 2009, d’un montant de 33 721 euros ne peuvent revêtir la qualité légale de chèque, et constituer un titre de paiement valable, puisqu’ils n’ont pas été signés par le titulaire du compte, de sorte que la Caisse, en payant sur la base de faux ordres de paiement a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1937 du code civil ; que l’arrêt relève, d’un côté, que M. Y… ne détenait pas l’intégralité des instruments de paiement des différentes sociétés, les chèques étant normalement établis par le service comptabilité et signés par M. X…, et, de l’autre, que les enquêteurs, comme le commissaire aux comptes, ont souligné l’ingéniosité du mode opératoire mis en place, précisant que grâce au contrat de prestation de services, M. Y… exerçait un rôle-clé au sein du groupe, proche de celui d’un directeur administratif et financier, et avait une parfaite connaissance des différents contrôles pouvant exister, qu’il a pu mettre en échec, et, enfin, que dans le cadre de la procédure pénale, aucune négligence n’a été retenue à l’égard des dirigeants de la société C Super, eu égard au mode opératoire de M. Y… ayant permis de masquer ses détournements ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’a pas considéré que la faute pénale de M. Y… avait absorbé celle qu’aurait commise la société C Super, a fait ressortir que la société C Super n’avait pas commis de négligence ayant rendu possible l’établissement de ces faux ordres de paiement ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la Caisse fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société C Super une indemnité de 200 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la désorganisation de la trésorerie de son entreprise alors, selon le moyen, que la Caisse faisait valoir dans ses conclusions d’appel que la société C super a commis la faute de laisser M. Y… apparaître comme disposant du pouvoir d’accomplir, en son nom, tous les actes d’administration et de gestion qu’exigeait le fonctionnement de son entreprise et celle, aussi, d’avoir facilité, par la complexité de l’organisation de son groupe, en donnant à M. Y… accès aux formules de chèque, et en ne procédant à aucun contrôle comptable des paiements intervenus, la perpétration des détournements qui se sont produits ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ces fautes de la société Compagnie C super, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir, d’abord, constaté qu’à l’exception de la période du 1er mai 2008 au 16 mars 2009 pendant laquelle la société Danjou Conseil avait été désignée directeur général de la société C Super, M. Y… n’avait aucun pouvoir de décision, qu’il ne disposait ni de la signature bancaire sur les comptes des sociétés du groupe ni de l’intégralité des instruments de paiement des différentes sociétés, les chèques étant normalement établis par le service comptabilité et signés par M. X…, seuls les codes d’accès aux différents sites Internet des établissements bancaires étant à sa disposition, l’arrêt retient que la Caisse ne peut valablement invoquer la théorie du mandat apparent et se prévaloir de la qualité de directeur général de M. Y… pour échapper à sa responsabilité, ce d’autant qu’il ne l’était pas; que l’arrêt relève, ensuite, le caractère ingénieux du mode opératoire avec lequel ont été effectués les détournements, M. Y… établissant de faux documents, qu’il s’agisse d’une fausse attestation bancaire pour masquer ses agissements ou de chèques émis ou endossés à son nom et au nom d’entreprises qu’il dirigeait, et, profitant de ses fonctions de responsable du cabinet Danjou Conseil qui assurait la liaison avec les services comptables du fournisseur Casino, en encaissant des règlements destinés à ce dernier puis en modifiant les relevés reçus des services comptables de ce dernier, cette dissimulation étant facile à réaliser compte tenu de l’importance du volume croisé des opérations effectuées avec celui-ci et de la difficulté de suivre les mouvements en raison des nombreux différends existants avec lui; qu’après avoir, enfin, relevé que tandis qu’aucune autorisation de découvert n’avait jamais été régularisée et que le compte ne fonctionnait pas habituellement en position débitrice, celui-ci présentait, au 30 janvier 2009, un solde débiteur de 97 104,29 euros, puis au 27 février 2009, de 478 374,15 euros, pour atteindre 499 861,08 euros au 31 mars 2009 puis 436 529,37 euros au 30 avril 2009, la banque acceptant de payer, au cours du seul mois de février, plusieurs chèques, qui n’étaient pas signés par une personne habilitée, et pour des montants importants, ces opérations étant inhabituelles, l’arrêt retient que la Caisse n’est pas fondée à se prévaloir du fait que la société a reçu les relevés de compte afférents à ces opérations litigieuses sans formuler aucune réclamation, puisque, dès le 23 mars 2009, la société C Super a déposé plainte auprès des services de police et que la Caisse était informée de la procédure, et que, dès le 24 mars 2009, la Caisse avait connaissance de la fin du mandat de la société d’Anjou conseil et de la révocation de tous les procurations et mandat détenus par M. Y… ; que par ces motifs, la cour d’appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en sa première branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :,

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse régionale du Crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Compagnie C Super la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-sept. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR condamné la Crcam du Languedoc à payer à la société Compagnie C super le montant de deux chèques falsifiés qu’elle a honorés, savoir :

. une somme de 19 800 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2009 et des intérêts desdits intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

. une somme de 33 721 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2009, et des intérêts desdits intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE, « même à les supposer établies, les négligences invoquées par le Crédit agricole ne peuvent suffire à exonérer la banque de sa responsabilité [; que] la procédure pénale a en effet permis d’établir le caractère coupable de faits d’abus de confiance et d’escroqueries au préjudice des différentes sociétés du groupe et notamment la société C super, et ce sans qu’aucune négligence n’ait été retenue à l’égard des dirigeants des sociétés ou du commissaire aux comptes, eu égard au mode opératoire de celui-ci, ayant permis de masquer ses détournements pendant plusieurs années » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 1er alinéa) ;

ALORS QUE dans le cas où le banquier a honoré de faux titres de paiement, il peut se prévaloir de la faute de la victime pour atténuer les conséquences de son obligation, même si les faux titres de paiement qu’il a honorées sont la conséquence d’une faute intentionnelle répondant à une qualification répressive ; qu’en décidant le contraire, et en appliquant la théorie aujourd’hui abandonnée de la faute pénale qui absorbe la faute de la victime, la cour d’appel a violé les articles 1147, 1382 et 1383 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué, qui n’est qu’en partie confirmatif, D’AVOIR condamné la Crcam du Languedoc à payer à la société Compagnie C super une indemnité de 200 000 € en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la désorganisation de la trésorerie de son entre-prise ;

AUX MOTIFS QUE « le Crédit agricole a [

] incontestablement manqué à ses obligations, engageant ainsi sa responsabilité à l’égard de la société C super [; que] ces manquements, bien que n’étant pas la cause exclusive du préjudice subi par la société, ont contribué à la réalisation de celui-ci, en favorisant des détournements et l’ampleur de ces derniers, Patrick Y… ayant ainsi détourné sur une période de quelques semaines plus de 400 000 € » (cf. arrêt attaqué, p. 10, 4e alinéa) ; qu'« en ce qui concerne le montant du préjudice, la société C super ne saurait toutefois réclamer aujourd’hui le montant du solde débiteur du compte en principal, intérêts et frais sollicité par la banque dans le cadre de l’assignation en paiement qu’elle a délivrée [; qu']il n’appartient pas, en effet, à la cour, saisie d’une action en responsabilité à l’encontre de la banque, de se prononcer sur la validité de la stipulation d’intérêts, alors qu’une autre juridiction est saisie de l’action en paiement [; que] d’autre part, les pièces produites ne permettent pas de déterminer si le préjudice de la société a effectivement été aggravé du fait de la banque depuis 2009 » (cf. arrêt attaqué, p. 10, 5e alinéa) ;

1. ALORS QUE, si le bénéfice de l’obligation in solidum permet à la victime de réclamer la réparation de l’intégralité du préjudice subi à toute personne qui a contribué à sa survenance, il en va autrement lorsque la partie poursuivie sur le fondement de l’obligation in solidum est à même de se prévaloir de la faute de la victime, puisqu’il y a alors lieu à partage de responsabilité, dans la proportion que le juge fixe, entre coauteur du dommage et victime ; que la cour d’appel constate que les manquements de la Crcam du Languedoc ne sont pas « la cause exclusive du préjudice subi par la société » et qu’ils « ont contribué à la réalisation de celui-ci, en favorisant des détournements et l’ampleur de ces derniers, Patrick Y… ayant ainsi détourné sur une période de quelques semaines plus de 400 000 € » ; qu’en condamnant la Crcam du Languedoc à réparer l’intégralité du préjudice de trésorerie que la société Compagnie C super a subi sans s’expliquer sur les manquements que la Crcam du Languedoc imputait à la société Compagnie C super, la cour d’appel, qui en admet, au moins par prétérition (arrêt attaqué, p. 8, 1er alinéa), la matérialité, a violé les principes qui régissent l’obligation in solidum ;

2. ALORS QUE la Crcam du Languedoc faisait valoir dans ses conclusions d’appel que la société Compagnie C super a commis la faute de laisser Patrick Y… apparaître comme disposant du pouvoir d’accomplir, en son nom, tous les actes d’administration et de gestion qu’exigeait le fonctionnement de son entreprise (p. 5, § a-1, à p. 10) et celle, aussi, d’avoir facilité, (1) par la complexité de l’organisation de son groupe, (2) en donnant à Patrick Y… accès aux formules de chèque, et (3) en ne procédant à aucun contrôle comptable des paiements intervenus, la perpétration des détournements qui se sont produits (p. 10, § a-2, à p.14) ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur ces fautes de la société Compagnie C super, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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