Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 18-14.785, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 18-14.785
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-14.785
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Annecy, 25 mars 2018
Textes appliqués :
Article R. 2314-29 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

Article 627 du code de procédure civile.

Dispositif : Cassation partielle sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000038161384
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:SO00237
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Sur les parties

Texte intégral

SOC. / ELECT

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 février 2019

Cassation partielle sans renvoi

M. CATHALA, président

Arrêt n° 237 FS-D

Pourvoi n° T 18-14.785

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres CFE-CGC Orange, dont le siège est […] ,

2°/ Mme R… LV…, domiciliée […] ,

3°/ M. Z… O…, domicilié […] ,

contre le jugement rendu le 26 mars 2018 par le tribunal d’instance d’Annecy (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ au syndicat FS Force ouvrière communication, dont le siège est […] ,

2°/ au syndicat FS Force ouvrière communication FOCOM Alpes, dont le siège est […] ,

3°/ au syndicat FS Force ouvrière communication – Auvergne, dont le siège est […] , […],

4°/ à Mme L… XC…, domiciliée […] , […],

5°/ à M. G… J…, domicilié […] , […],

6°/ à la société Orange, société anonyme, dont le siège est […] ,

7°/ à la société Orange Porte-a-Porte, société anonyme, dont le siège est […], […],

8°/ à la société Orange Caraïbes, société anonyme, dont le siège est […] ,

9°/ au syndicat CFDT F3C, dont le siège est […] , […],

10°/ au syndicat CGT FAPT, dont le siège est […] , […],

11°/ à la fédération Sud PTT, dont le siège est […] , […],

12°/ à Mme M… Y…, domiciliée […] , […],

13°/ à M. Henri H…, domicilié […] , […],

14°/ à Mme P… E…, domiciliée […] , […],

15°/ à Mme N… A…, domiciliée […] , […],

16°/ à M. K… D…, domicilié […] , […],

17°/ à Mme C… B…, domiciliée […] , […],

18°/ à Mme T… V…, domiciliée […] , […],

19°/ à Mme F… S…, domiciliée […] , […],

20°/ à Mme I… S…, domiciliée […] , […],

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 16 janvier 2019, où étaient présents : M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Basset, Pécaut-Rivolier, Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres CFE-CGC Orange, de Mme LV… et de M. O…, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat des sociétés Orange, Orange Porte-a-Porte et Orange Caraïbes, l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que les élections de délégués du personnel de l’établissement « AG PRO-PME-EDP1 Annecy Chambery » de l’unité économique et sociale Orange se sont tenues entre les 7 et 9 novembre 2017 ; que le protocole préélectoral signé le 22 septembre 2017 prévoyait que le 1er collège était composé de 38 % d’hommes et 62 % de femmes ; qu’estimant que la liste des titulaires et celle des suppléants CFE-CGC France Télécom Orange n’avait pas respecté les dispositions relatives à la représentation équilibrée des hommes et des femmes issues de la loi du 17 août 2015, en ce qu’elles comportaient deux candidatures d’hommes et deux candidatures de femmes quand elles auraient dû comporter trois candidatures de femmes et une candidature d’homme, la Fédération communication conseil culture F3C-CFDT a saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de l’élection de M. O… ; que statuant sur le pourvoi formé contre la décision du tribunal d’instance faisant droit à la demande, la Cour de cassation a sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise dans le cadre d’une autre instance, portant sur les dispositions législatives en cause ;

Sur le second moyen, qui est préalable :

Attendu que le syndicat CFE-CGC fait grief au jugement de prononcer l’annulation de l’élection de O… en qualité de délégué du personnel suppléant de l’établissement AG-PRO-PME-EDP1 Annecy Chambéry alors, selon le moyen :

1°/ que dans un mémoire distinct et motivé, le syndicat CFE CGC France Telecom Orange a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’article 7 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, en ce qu’ils imposent l’annulation de l’élection des délégués du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures sans prévoir le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d’assurer l’effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l’employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires est au moins réduit de moitié, ce qui porte atteinte à l’effectivité du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, au principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises garanti par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et au principe résultant de l’article 34 de la Constitution selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que la déclaration d’inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation du jugement attaqué pour perte de fondement juridique ;

2°/ que les dispositions de l’article L. 2314-24-1 du code du travail, qui imposent pour chaque collège électoral des listes de candidature composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des deux sexes dans le collège, ont pour finalité d’assurer une représentation équilibrée entre hommes et femmes ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’il était invité à le faire, si l’annulation de l’élections de M. O… sans prévoir les modalités de leur remplacement dans le respect d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes et l’impossibilité d’exiger de l’employeur l’organisation d’élections partielles pour pourvoir à leurs sièges vacants ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de participation prévu par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-24-1, L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail ;

Mais attendu que dans sa décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots « ou lorsqu’ils sont la conséquence de l’annulation de l’élection de délégués du personnel prononcée par le juge en application des deux derniers alinéas de l’article L. 2314-25 » du code du travail figurant au second alinéa de l’article L. 2314-7 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ; que cette déclaration d’inconstitutionnalité, qui ne concerne que l’ impossibilité d’organiser des élections partielles pour pourvoir aux sièges vacants, prévue par l’article L. 2314-7 du code du travail, ne rend pas sans fondement ou sans base légale le jugement qui prononce l’annulation de l’élection d’un élu au motif du non respect des dispositions de l’article L. 2314-24-1 du même code ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le syndicat CFE-CGC fait le même grief au jugement, alors, selon le moyen :

1°/ que les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’OIT, 4 de la Convention n° 98 de l’OIT et 5 de la Convention n° 135 de l’OIT ainsi que les articles 11-2 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pris en leur ensemble, garantissent la liberté syndicale laquelle implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants et d’organiser librement leur activité ; qu’il s’en évince que les organisations syndicales représentatives, qui disposent du monopole de présentation des candidats au premier tour des élections de délégués du personnel, ont la liberté de présenter les candidats de leur choix ; que sont donc contraires à ces dispositions conventionnelles, celles de l’article L. 2314-24-1 du code du travail qui contraignent les organisations syndicales à établir, pour chaque collège électoral, des listes composées, alternativement jusqu’à épuisement du sexe sous-représenté, d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des deux sexes inscrits sur la liste électorale ; qu’en jugeant le contraire, le tribunal d’instance a violé les textes susvisés ;

2°/ que le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité garanti aux articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’OIT comprend tant la liberté pour les organisations reconnues représentatives de choisir leurs délégués syndicaux que celle de pouvoir présenter aux élections professionnelles les candidats de leur choix ; qu’en considérant que les dispositions de l’article L. 2314-24-1, dès lors qu’elles n’avaient ni pour objet, ni pour effet d’imposer à l’organisation syndicale le choix de son représentant, ne portaient pas atteinte aux articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’OIT, le tribunal d’instance a violé les articles susvisés ;

3°/ que seules des restrictions légitimes conformes à l’article 11 § 2 de la convention européenne des droits de l’homme peuvent être portées à l’exercice de la liberté syndicale garanti par le § 1 ; que sont considérées comme des restrictions légitimes celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; que tel n’est pas le cas des dispositions de l’article L. 2314-24-1 du code du travail, lesquelles en contraignant les organisations syndicales à présenter aux élections de délégués du personnel des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral, restreignent, sans motif légitime au sens de l’article 11 § 2, leur liberté de choisir les candidats en fonction de leurs compétences et de la force de leur engagement pour la communauté des travailleurs ; qu’en décidant le contraire, le tribunal d’instance a violé l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme ;

4°/ que si toute recherche de la volonté du législateur par voie d’interprétation est interdite au juge, lorsque le sens de la loi, tel qu’il résulte de sa rédaction, n’est ni obscur ni ambigu, et doit par conséquent être tenu pour certain, il y a exception si l’application du texte aboutit à quelque absurdité ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’il était invité à le faire si l’application des dispositions de l’article L. 2314-24-1 du code du travail, en ce qu’elle peut entraîner l’annulation de l’élection de candidates femmes aux élections de délégué du personnel, n’est pas contraire à l’objectif du législateur qui est d’opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, le tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard de l’article susvisé ;

Mais attendu, d’abord, qu’il résulte tant de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’effet direct (CJUE, 17 avril 2018, Egenberger, C-414/16), que de l’article 23 de ladite Charte, que, dans le champ d’application du droit de l’Union européenne, est interdite toute discrimination fondée sur le sexe ; que les dispositions du code du travail relatives aux modalités d’élection des représentants du personnel mettent en oeuvre, au sens de l’article 51 de la charte, les dispositions de la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne ;

Attendu, ensuite, qu’il résulte de la combinaison des articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que toute discrimination entre les sexes en matière de conditions de travail est prohibée ;

Attendu, enfin, qu’aux termes de l’article 1er de la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail concernant la discrimination, ratifiée par la France le 28 mai 1981, toute distinction, exclusion ou préférence fondée notamment sur le sexe, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession, est interdite ;

Qu’il en résulte que l’obligation faite aux organisations syndicales de présenter aux élections professionnelles des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral concerné répond à l’objectif légitime d’assurer une représentation des salariés qui reflète la réalité du corps électoral et de promouvoir l’égalité effective des sexes ; qu’en ce que le législateur a prévu, d’une part, non une parité abstraite, mais une proportionnalité des candidatures au nombre de salariés masculins et féminins présents dans le collège électoral considéré au sein de l’entreprise, d’autre part, une sanction limitée à l’annulation des élus surnuméraires de l’un ou l’autre sexe, et dès lors que, par application de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juillet 2018, l’organisation d’élections partielles est possible dans le cas où ces annulations conduiraient à une sous-représentation trop importante au sein d’un collège, les dispositions en cause ne constituent pas une atteinte disproportionnée au principe de la liberté syndicale reconnu par les textes européens et internationaux visés au moyen et procèdent à une nécessaire et équilibrée conciliation avec le droit fondamental à l’égalité entre les sexes instauré par les dispositions de droit européen et international précitées ; que c’est dès lors à bon droit que le tribunal, sans avoir à effectuer la recherche visée à la quatrième branche du moyen, constatant que la liste déposée par le syndicat CFE-CGC ne respectait pas l’article L. 2314-24-1 du code du travail, a fait droit à la demande d’annulation dans les conditions prévues par l’article L. 2314-25 du même code ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l’article R. 2314-29 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que le jugement a condamné le syndicat aux dépens ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’en matière d’élections professionnelles, il est statué sans frais, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement de la seule disposition relative aux dépens, le jugement rendu le 26 mars 2018, entre les parties, par le tribunal d’instance d’Annecy ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres CFE-CGC Orange, Mme LV… et M. O….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR dit que les dispositions de l’article L. 214-24-1 (sic) du code du travail n’apparaissent pas contraires aux conventions internationales invoqués par le syndicat CFE CGC Orange, D’AVOIR prononcé sur le fondement de l’article L. 2314-25 du code du travail, l’annulation de l’élection de M. O… en qualité de délégué du personnel suppléant du 1er collège de l’établissement de PUES AG PRO-PME-EDP Annecy Chambéry et D’AVOIR condamné le syndicat CFE CGC Orange aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond, le syndicat CFE-CGC soutient que les dispositions de l’article L. 214-24-1 du code du travail, qui imposent un mécanisme de parité relative et de conformité des listes par rapport au collège électoral, seraient contraires aux textes conventionnels européens et internationaux qui consacrent le principe de liberté syndicale, en ce que le mécanisme instauré par le législateur, aboutissant à faire prévaloir le critère du sexe sur les compétences et l’utilité du candidat, porterait atteinte à la liberté de tout syndicat de choisir la personne la plus à même de le représenter au sein de l’entreprise, constituerait une ingérence anormale dans le fonctionnement syndical ; qu’il se réfère sur ce point aux trois textes suivants : article 3 de la convention n°87 de l’OIT adoptée le 9 juillet 1948 : 1. « les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action » 2. « les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal », l’article 5 partie II de la charte sociale européenne : « en vue de garantir ou de promouvoir la liberté pour les travailleurs et les employeurs de constituer des organisations locales, nationales ou internationales, pour la protection de leurs intérêts économiques et sociaux et d’adhérer à ces organisations, les Parties s’engagent à ce que la législation nationale ne porte pas atteinte, ni ne soit appliquée de manière à porter atteinte à cette liberté », l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime ou à la protection des droits et des libertés d’autrui » ; que force est de constater qu’aucun des textes précités, relatifs à l’exercice de la liberté syndicale, ne consacre explicitement une quelconque liberté totale pour les syndicats d’élaborer des listes dans le cadre d’élections de représentants du personnel au sein de l’entreprise ; qu’en outre, le dispositif instauré par la loi du 17 août 2015 ne porte pas atteinte, en soi, au libre fonctionnement des organisations syndicales ; qu’en tout état de cause, le principe de liberté syndicale doit être concilié, comme le prévoit du reste explicitement l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avec les droits et libertés d’autrui, et avec le principe constitutionnel d’égalité entre les hommes et les femmes, que les dispositions contestées ont pour objectif de promouvoir ; qu’à cet égard, les objectifs fixés par le code du travail présentent un caractère légitime en ce qu’ils instaurent une action positive afin de garantir l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives, ce qui justifie de limiter la liberté de choix offerte aux syndicats dans la constitution de leurs listes, assurant ainsi une représentation au sein des entreprises plus conforme à la composition du corps électoral ; que les dispositions de l’article L. 214-24-1 du code du travail n’apparaissent donc pas contraires aux conventions internationales invoquées par la CFE-CGC et doivent ainsi trouver application au litige ;

1°) ALORS QUE les articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’OIT, 4 de la Convention n° 98 de l’OIT et 5 de la Convention n° 135 de l’OIT ainsi que les articles 11-2 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, pris en leur ensemble, garantissent la liberté syndicale laquelle implique la liberté des organisations syndicales de choisir leurs représentants et d’organiser librement leur activité ; qu’il s’en évince que les organisations syndicales représentatives, qui disposent du monopole de présentation des candidats au premier tour des élections de délégués du personnel, ont la liberté de présenter les candidats de leur choix ; que sont donc contraires à ces dispositions conventionnelles, celles de l’article L.2314-24-1 du code du travail qui contraignent les organisations syndicales à établir, pour chaque collège électoral, des listes composées, alternativement jusqu’à épuisement du sexe sous-représenté, d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des deux sexes inscrits sur la liste électorale ; qu’en jugeant le contraire, le Tribunal d’instance a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE le droit des organisations syndicales d’organiser leur gestion et leur activité garanti aux articles 3 et 8 de la Convention n° 87 de l’OIT comprend tant la liberté pour les organisations reconnues représentatives de choisir leurs délégués syndicaux que celle de pouvoir présenter aux élections professionnelles les candidats de leur choix ; qu’en considérant que ces textes, relatifs à la liberté syndicale, ne consacraient pas explicitement une quelconque liberté totale pour les syndicats d’élaborer des listes dans le cadre des élections des représentants du personnel au sein de l’entreprise et que le dispositif instauré par la loi du 17 août 2015 ne portait pas atteinte en soi au libre fonctionnement des organisations syndicales, le Tribunal d’instance a violé les articles susvisés ;

3°) ALORS QUE seules des restrictions légitimes conformes à l’article 11§ 2 de la convention européenne des droits de l’homme peuvent être portées à l’exercice de la liberté syndicale garanti par le §1 ; que sont considérées comme des restrictions légitimes celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; que tel n’est pas le cas des dispositions de l’article L.2314-24-1 du code du travail, lesquelles en contraignant les organisations syndicales à présenter aux élections de délégués du personnel des listes comportant alternativement des candidats des deux sexes à proportion de la part de femmes et d’hommes dans le collège électoral, restreignent, sans motif légitime au sens de l’article 11 § 2, leur liberté de choisir les candidats en fonction de leurs compétences et de la force de leur engagement pour la communauté des travailleurs ; qu’en décidant le contraire, le Tribunal d’instance a violé l’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme ;

4°) ALORS QUE si toute recherche de la volonté du législateur par voie d’interprétation est interdite au juge, lorsque le sens de la loi, tel qu’il résulte de sa rédaction, n’est ni obscur ni ambigu, et doit par conséquent être tenu pour certain, il y a exception si l’application du texte aboutit à quelque absurdité ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’il était invité à le faire si l’application des dispositions de l’article L 2314-24-1 du code du travail, en ce qu’elle peut entrainer l’annulation de l’élection de candidates femmes aux élections de délégué du personnel, n’est pas contraire à l’objectif du législateur qui est d’opérer un rééquilibrage de la représentation au bénéfice des femmes dans les instances représentatives du personnel et de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, le Tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard de l’article susvisé.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR prononcé sur le fondement de l’article L. 2314-25 du code du travail, l’annulation de l’élection de M. O… en qualité de délégué du personnel suppléant du 1er collège de l’établissement de PUES AG PRO-PME-EDP Annecy Chambéry et D’AVOIR condamné le syndicat CFE CGC Orange aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE il n’est pas contesté qu’au sein du 1er collège (Ouvriers et Employés) de l’établissement AG PRO-PME-EDP1 ANNECY CHAMBERY, la répartition de l’effectif par sexe était de 38 % d’hommes et de 62% de femmes ; que quatre sièges de titulaires et autant de suppléants étaient à pourvoir lors de l’élection des délégués du personnel qui s’est tenue du 7 au 9 novembre 2017 ; qu’au regard des principes posés à l’article L. 214-24-1 du code du travail chaque liste aurait dû comporter trois sièges pour les femmes et un pour les hommes ; que l’organisation syndicale admet ne pas avoir respecté ce principe, en présentant deux candidats et deux candidates sur sa liste ; qu’en application des dispositions de l’article L. 2314-25 du code du travail, l’élection d’un candidat dont le sexe est surreprésenté, à savoir M. O…, doit être annulée ; que comme le prévoit l’article 2314-7 du code du travail, cette annulation ne doit pas conduire à l’organisation d’élections partielles ; que le siège de M. O… restera donc vacant ;

1°) ALORS QUE dans un mémoire distinct et motivé, le syndicat CFE CGC France Telecom Orange a contesté la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’article 7 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, en ce qu’ils imposent l’annulation de l’élection des délégués du personnel du sexe surreprésenté ou mal positionné sur la liste de candidatures sans prévoir le remplacement des sièges vacants selon des modalités permettant d’assurer l’effectivité de la représentation proportionnelle des deux sexes dans les instances représentatives du personnel voulue par le législateur et sans obliger l’employeur, dans cette hypothèse, à organiser de nouvelles élections si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre de délégués titulaires est au moins réduit de moitié, ce qui porte atteinte à l’effectivité du principe d’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales garanti par l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, au principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises garanti par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et au principe résultant de l’article 34 de la Constitution selon lequel l’incompétence négative du législateur ne doit pas affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que la déclaration d’inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 entrainera, par voie de conséquence, la cassation du jugement attaqué pour perte de fondement juridique ;

2°) ALORS QUE les dispositions de l’article L.2314-24-1 du code du travail, qui imposent pour chaque collège électoral des listes de candidature composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la proportion des deux sexes dans le collège, ont pour finalité d’assurer une représentation équilibrée entre hommes et femmes ; qu’en s’abstenant de rechercher, ainsi qu’il était invité à le faire, si l’annulation de l’élection de M. O… sans prévoir les modalités de son remplacement dans le respect d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes et l’impossibilité d’exiger de l’employeur l’organisation d’élections partielles pour pourvoir à son siège vacant ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe de participation prévu par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le tribunal d’instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-24-1, L. 2314-25 et L. 2314-7 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué D’AVOIR condamné le syndicat CFE-CGC Orange aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE le syndicat CFE-CGC Orange, partie perdante, doit être condamné aux dépens ;

ALORS QU’en matière d’élections professionnelles, il est statué sans frais ; qu’en condamnant le syndicat CFE-CGC Orange aux dépens, le tribunal d’instance a violé l’ancien article R 2314-29 du code du travail applicable au litige et l’article R 2314-25 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 13 février 2019, 18-14.785, Inédit