Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 novembre 2020, 18-25.547, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 4 nov. 2020, n° 18-25.547
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-25.547
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 7 octobre 2018, N° 16/26014
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 14 décembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000042525000
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:CO00683
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Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 683 FS-D

Pourvoi n° R 18-25.547

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 NOVEMBRE 2020

Mme F… W…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° R 18-25.547 contre l’arrêt rendu le 8 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l’opposant au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, domicilié […] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme W…, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Michel-Amsellem, Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mme Le Bras, de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, Bessaud, M. Boutié, Mmes Tostain, Bellino, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 octobre 2018), la SCI Galliéni, dont le gérant était M. Q…, qui en détenait 98 % des parts, a, par acte sous seing privé des 3 mars et 15 juillet 1998, consenti à M. W… et à son épouse, fille de M. Q…, une promesse irrévocable de vente portant sur les 98 parts qu’elle détenait dans la SCI […], sous la condition suspensive que le promettant ne puisse, au plus tard le 31 décembre 2007, faire l’acquisition de l’intégralité de l’immeuble sis […] , à Paris.

2. Par acte authentique du 13 mai 2005, la SCI Galliéni a cédé à M. et Mme W… la totalité des parts qu’elle détenait dans la SCI […] au prix global de 2 988 euros correspondant à celui stipulé dans la promesse de cession.

3. Considérant que la cession des parts sociales de la SCI […] détenues par la SCI Galliéni constituait une donation indirecte consentie par M. Q… à sa fille et à son gendre, l’administration fiscale a notifié à ces derniers une proposition de rectification.

4. Après rejet de sa réclamation par l’administration fiscale, Mme W… a saisi la commission départementale de conciliation de Paris, qui a fixé la valeur vénale des parts de la SCI […] à 1 047 709 euros.

5. Après mise en recouvrement des impositions en résultant et rejet partiel de sa réclamation contentieuse, Mme W… a saisi le tribunal de grande instance afin d’en être déchargée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Mme W… fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le redressement entre dans les prévisions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales lorsque l’administration fiscale conteste la qualification donnée à un acte par les parties et en retient une autre pour restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse ; qu’en retenant, pour rejeter le moyen tiré de l’irrégularité du redressement, que l’administration fiscale ne se fondait pas sur un abus de droit fiscal mais demandait uniquement de restituer à l’acte concerné sa véritable portée fiscale, quand celle-ci ne s’est pourtant pas contentée de rectifier les conséquences réelles de l’acte de cession du 13 mai 2005 mais a remis en cause la qualification donnée à cet acte par les parties en le requalifiant en donation indirecte, ce dont il résultait que le redressement litigieux relevait exclusivement de la procédure d’abus de droit fiscal, la cour d’appel a violé l’article L. 64 du livre des procédures fiscales par refus d’application.»

Réponse de la Cour

7. La procédure prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004, n’est pas applicable lorsque l’administration fiscale ne fonde pas son redressement sur la dissimulation d’un acte par un autre, mais entend seulement donner leur effet légal aux actes et conventions tels qui lui ont été soumis.

8. L’arrêt relève que l’administration fiscale n’a ni invoqué ni même sous-entendu que des manœuvres frauduleuses avaient été mises en œuvre à l’occasion de la cession des parts sociales de la SCI […].

9. Il relève encore que l’administration fiscale a uniquement restitué à cet acte son exacte qualification fiscale qui était, pour partie, celle d’une mutation à titre gratuit.

10. De ces constatations, la cour d’appel a pu déduire que l’administration fiscale ne s’était pas placée sur le terrain implicite de l’abus de droit pour établir le redressement et que seules les dispositions de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, relatives à la procédure de redressement contradictoire, étaient applicables.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. Mme W… fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 1°/ qu’en retenant, pour caractériser l’intention libérale de M. Q…, que l’acte de cession du 13 mai 2005 ne constituait pas la suite de la promesse de vente conclue les 3 mars et 15 juillet 1998 sous condition suspensive, sans vérifier, comme elle y était pourtant invitée, si l’acquisition par d’autres personnes en 2000 et 2001 des appartements du rez-de-chaussée et du 5e étage de l’immeuble que la SCI Galliéni envisageait d’acquérir, ne faisait pas obstacle à la réalisation de la condition suspensive prévue par ladite promesse de vente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 894 du code civil ;

2°/ qu’en considérant, pour juger que la vente du 13 mai 2005 avait nécessairement appauvri M. Q…, que les modalités de financement du prix d’acquisition initiale de l’appartement et des travaux, ainsi que des frais liés à cette vente, et plus généralement l’absence d’apport financier réalisé par la SCI Galliéni étaient sans incidence sur l’appréciation de cet appauvrissement, au motif adopté qu’aucun élément ne remettait en cause la pleine propriété des parts cédées par la SCI […], ainsi que leur évaluation à la date de leur cession, quand le fait que le remboursement de l’intégralité du prêt ayant permis l’acquisition de l’appartement par la SCI […] était assuré par M. et Mme W… établissait pourtant l’absence d’appauvrissement de M. Q…, la cour d’appel a violé l’article 894 du code civil par fausse application. »

Réponse de la Cour

13. L’arrêt constate, par motifs propres et adoptés, s’agissant de l’intention libérale de M. Q…, que celui-ci était le seul décisionnaire de la SCI Galliéni, dont il détenait 98 % des parts, qu’il avait réalisé, deux mois auparavant, une donation au bénéfice de sa fille et que l’opération litigieuse pouvait ainsi s’analyser dans le cadre de l’organisation de la transmission de son patrimoine.

14. Il retient ensuite que l’achat d’un appartement au rez-de-chaussée de l’immeuble en mai 2000 par des tiers n’est pas pertinent pour apprécier si la cession litigieuse n’était, comme le prétend Mme W…, que la conséquence directe et nécessaire de l’absence de réalisation de la condition suspensive convenue par les parties dans la promesse de vente des 3 mars et 15 juillet 1998, cette condition apparaissant purement potestative en l’absence de justification de diligences effectuées par M. Q… pour parvenir à sa réalisation, fixée en 2007, et en l’état de l’information donnée par la SCI Galliéni à M. et Mme W…, le 4 avril 2005, selon laquelle elle n’avait pas l’intention de réaliser, avant le 31 décembre 2007, son projet d’acquisition d’autres lots de l’immeuble, l’arrêt relevant en outre que l’acte de cession du 13 mai 2005 ne se référait pas à la promesse de 1998.

15. L’arrêt constate enfin, par motifs adoptés, s’agissant de l’appauvrissement de M. Q…, que Mme W… ne contestait pas l’évaluation des parts sociales de la SCI […] retenue par l’administration fiscale, qui a pris en compte, d’une part, la valeur de l’appartement et, d’autre part, la pondération résultant de la nature familiale de la SCI […], l’absence de liquidité des parts sociales et l’existence d’un solde des emprunts.

16. De ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu déduire que l’acte de cession litigieux constituait une donation indirecte au profit, notamment, de Mme W….

17. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme W… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme W… et la condamne à payer au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme W….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 18 novembre 2016 en toutes ses dispositions et, partant, d’avoir débouté Mme F… Q… épouse W… de l’ensemble de ses demandes et d’avoir confirmé la décision d’admission partielle du 8 décembre 2015 ;

Aux motifs propres que « Sur la régularité de la procédure

Mme F… W… considère que les impositions supplémentaires relèvent de l’abus de droit visé par les dispositions de l’article L. 64 du LPF et qu’en cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, a l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit.

Or, contrairement à ce que soutient l’appelante, l’administration fiscale ne se fonde pas sur l’abus de droit au sens de l’article L 64 du livre des procédure fiscales qui, en cas de désaccord et à la demande du contribuable, conduit à la saisine pour avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit puisqu’elle n’évoque ni même ne sous-entend aucune manoeuvre frauduleuse mais demande uniquement de restituer à l’acte, en l’occurrence la cession par la SCI Galliéni le 13 mai 2015 aux époux W… des 98 parts sociales de la SCI Bellechasse, sa véritable portée fiscale, en l’occurrence, une mutation à titre gratuit à hauteur de la minoration constatée » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « Sur la régularité de la procédure

L’article L64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige issue des dispositions de l’ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale, dispose que :

« Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses ;

a) Qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ;

b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;

c) Ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention,

L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel.

Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification".

Au cas particulier, considérant que les conditions dans lesquelles avait été réalisée la cession intervenue selon acte authentique du 13 mai 2005 par la SCI ralliait à M. et Mme W… de 98 parts de la SC1 […], et notamment la minoration du prix de cession, révélaient que cet acte devait également s’analyser en une donation indirecte de ces parts par M. Q… à sa fille et son gendre, l’administration fiscale a procédé à un rappel de droits dus, d’une part, au titre de la cession compte tenu du rehaussement de la valeur vénale des parts cédées et, d’autre part, au titre de la donation indirecte ainsi constatée.

L’administration, en qualifiant cette cession de parts de donation indirecte, et non déguisée comme le soutient la demanderesse, à hauteur de la minoration constatée, s’est fondée sur une volonté délibérée de Mme Q… d’éluder l’impôt, sans toutefois se prévaloir d’un caractère fictif de l’acte de cession ou de la poursuite d’un but exclusivement fiscal par les intéressés.

Il s’en déduit que l’administration, qui a seulement entendu donner ses pleins effets à l’acte de cession qui lui était soumis, n’était pas tenue de mettre en oeuvre les dispositions précitées relatives à l’abus de droit fiscal » ;

Alors que le redressement entre dans les prévisions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales lorsque l’administration fiscale conteste la qualification donnée à un acte par les parties et en retient une autre pour restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse ; qu’en retenant, pour rejeter le moyen tiré de l’irrégularité du redressement, que l’administration fiscale ne se fondait pas sur un abus de droit fiscal mais demandait uniquement de restituer à l’acte concerné sa véritable portée fiscale, quand celle-ci ne s’est pourtant pas contentée de rectifier les conséquences réelles de l’acte de cession du 13 mai 2005 mais a remis en cause la qualification donnée à cet acte par les parties en le requalifiant en donation indirecte, ce dont il résultait que le redressement litigieux relevait exclusivement de la procédure d’abus de droit fiscal, la cour d’appel a violé l’article L. 64 du livre des procédures fiscales par refus d’application.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 18 novembre 2016 en toutes ses dispositions et, partant, d’avoir débouté Mme F… Q… épouse W… de l’ensemble de ses demandes et d’avoir confirmé la décision d’admission partielle du 8 décembre 2015 ;

Aux motifs propres que « Sur le bien-fondé de l’imposition

Madame W… soutient l’absence de toute intention libérale dans la conclusion de l’acte litigieux qui est la conséquence de l’absence de réalisation de l’aléa, convenu par les parties lors de la signature de la promesse synallagmatique des 3 mars et 15 juillet 1998, date à laquelle l’intention des parties doit être analysée. Elle précise qu’à cette date, le prix des parts cédées correspondait très exactement à leur valeur et n’a pas été minorée ; que la condition suspensive ne s’étant pas réalisée, l’accord des parties sur la cession des titres de la SCI […] est réputé être intervenu rétroactivement à la date de souscription en 1998, date certaine puisque figurant dans l’acte enregistré ; que l’intention libérale du donateur ne peut résulter de donations antérieures ou concomitantes ; que la valeur retenue pour le prix de cession des parts sociales ayant correspondu à leur valeur vénale, le donateur n’a subi aucun dessaisissement. Elle précise que son époux et elle-même sont devenus propriétaires de l’intégralité des titres de la SCI et ont occupé gracieusement l’appartement mais ont dû rembourser le prêt bancaire et les charges de copropriété.

L’administration fiscale considère que les contions d’une donation indirecte sont réunies justifiant l’imposition contestée.

Ceci étant exposé, c’est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont parfaitement caractérisé le fait que l’acte de cession intervenu entre la SCI Galliéni et les époux W… le 13 mai 2005 portant sur 98 parts sociales de la SCI Bellechasse au prix de 2 988 euros avait constitué une donation indirecte au sens de l’article 894 du code civil ; que ces parts correspondaient à un appartement de 294,56 mètres carrés situés […] ) avec garage et trois chambres de service, la valeur réelle des 98 parts ayant été estimée à 1 047 709 euros par la commission départementale de conciliation dans un avis émis le 10 avril 2009 avec application d’un abattement de 10 % pour absence de liquidité.

Les premiers juges ont justement écarté l’argumentation de Mme W… selon laquelle l’acte du 13 mai 2005 aurait constitué la suite de la promesse de vente conclue les 3 mars 1998 et 15 juillet 1998 entre les mêmes parties sous condition suspensive et que la condition suspensive ne s’étant pas réalisée, la vente de 2005 aurait nécessairement été conclue dans les mêmes termes avec effet rétroactif.

En effet la vente du 13 mai 2005 ne se réfère aucunement à la promesse de vente contenue dans l’acte des 3 mars et 15 juillet 1998 ; que de plus la non réalisation de la condition suspensive relative à l’acquisition par M. Q… de l’intégralité de l’immeuble apparaît purement potestative puisqu’il n’est justifié d’aucune diligence pour y parvenir, le courrier de M. C… versé aux débats selon lequel il aurait acquis l’appartement du rez-de-chaussée en mai 2000 n’étant aucunement pertinent, M. Q… disposant d’un délai expirant le 31 décembre 2007 pour procéder à l’acquisition de l’immeuble en son entier ; que ce dernier, dans la mise en demeure qu’il a adressée aux époux W… le 4 avril 2005, précise que la SCI Galliéni qu’il représente n’a plus l’intention de poursuivre l’acquisition de l’immeuble en entier avant le 31 décembre 2007, la SCI ayant décidé de se désengager de ses opérations immobilières. Le prix des parts sociales retenu en 1998 ne s’imposant aucunement en 2005.

La vente du 13 mai 2005 à des conditions aussi manifestement défavorables a nécessairement appauvri Monsieur Q…, son gérant détenteur des parts des part cédées ; l’intention libérale se déduisant de la qualité du cédant, père et beau-père des cessionnaires.

L’appauvrissement irrévocable de M. Q…, par la SCI Galliéni interposée, est ainsi caractérisé ainsi que son intention libérale. L’acceptation des bénéficiaires se déduit de ce qu’ils ont acquis lesdites part. Les conditions de la donation indirecte sont ainsi réunies justifiant le bien-fondé des impositions dont les montants ne font pas l’objet de contestations spécifiques.

Le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions » ;

Et aux motifs adoptés que « Sur le bien fondé de l’imposition

Comme cela a été précédemment rappelé, l’administration fiscale considère que la cession, intervenue selon acte authentique du 13 mai 2005, par la SCI Galliéni à M. et Mme W… de 98 parts sociales de la SCI […] constitue une donation indirecte consentie par M. Q… au profit de M. et Mme W….

L’existence d’une telle donation indirecte, dont la preuve incombe à l’administration fiscale, implique que les conditions résultant de l’article 894 du code civil soient réunies, à savoir un dessaisissement irrévocable, effectué dans une intention libérale envers un bénéficiaire qui l’accepte comme tel.

L’acceptation par M. et Mme W… des 98 parts sociales de la SCI […] n’est pas discutée en l’espèce.

Il convient de constater ensuite que cette cession a entraîné l’appauvrissement irrévocable de M. Q….

Ainsi, Mme W… ne conteste pas, aux termes de ses dernières écritures, l’évaluation de ces 98 parts sociales de la SCI […] à la date de leur cession qui a été retenue en dernier lieu par l’administration fiscale, estimant leur valeur vénale, compte tenu notamment de la valeur vénale de l’appartement fixée à 1.902.996 euros, du passif constitué par le solde des emprunts pour un montant de 922.316 euros, de la pondération à appliquer aux valeurs mathématique et de productivité de la SCI […], société civile immobilière familiale, et de l’application d’un abattement de 10 % du fait de l’absence de liquidité de ces parts, à la somme de 923.425 euros, le prix de la cession s’élevant quant à lui à 2.988 euros, soit une différence de 920.437 euros qui correspond a l’avantage reçu, sans contrepartie, par M. et Mme W….

M. Q…, qui détenait 98 % des parts sociales de la SCI Galliéni, a subi un appauvrissement irrévocable corrélatif à celui subi par cette société en cédant ces parts de la SCI […] à un prix inférieur à leur valeur vénale.

Il importe peu que cette cession de parts du 13 mai 2005 corresponde à la réalisation de la promesse de vente conclue les 3 mars et 15 juillet 1998, l’antériorité de l’engagement de cession étant sans incidence sur l’appréciation de l’appauvrissement en résultant à la date de sa réalisation.

Il sera également relevé que les développements de la demanderesse relatifs aux modalités de financement du prix d’acquisition initiale de l’appartement et des travaux, ainsi que des frais liés à cette vente, et plus généralement à l’absence d’apport financier réalisé par la SCI Galliéni, sont également sans incidence sur l’appréciation de l’appauvrissement de M. Q…, dès lors que Mme W… ne se prévaut d’aucun élément qui permettrait de remettre en cause la pleine propriété des parts cédées par la SCI […], ainsi que leur évaluation à la date de leur cession.

L’intention libérale de M. Q… se déduit par ailleurs du fait qu’il était le décisionnaire exclusif au sein de la SCI Galliéni, dont il était le gérant et l’associé à hauteur de 98 % des parts, de l’absence de contrepartie à son appauvrissement, des liens familiaux qui unissent aux bénéficiaires de la cession que sont sa fille et son gendre, ainsi que des circonstances de la réalisation de la promesse de vente.

En effet, aux termes de son courrier du 4 avril 2005, M. Q…, agissant alors en qualité de gérant de la SCI Galliéni a informé M. et Mme W… qu’il souhaitait réaliser la cession promise, plus de deux ans avant le terme fixé par la promesse de cession au 31 décembre 2007, non parce que l’opération immobilière fondant la condition suspensive de cette promesse était irrémédiablement compromise, mais parce que la SC1 Galliéni n’avait pas l’ « intention » de réaliser le projet d’acquisition d’autres lots de l’immeuble au motif qu’elle aurait, depuis 2004, commencé à se désengager de ses opérations immobilières et qu’elle ne pourrait plus assumer les charges relatives à cet investissement.

Il ressort des termes de ce courrier, adressé à M. et Mme W… moins de deux mois après une donation effectuée par M. Q…, alors âgé de 69 ans, au profit de sa fille de parts d’une société civile immobilière propriétaire d’une ensemble immobilier à usage de supermarché, que cette décision s’inscrivait dans le cadre de la cessation par l’intéressé de ses activités immobilières et de l’organisation de la transmission de son patrimoine.

Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la réalisation de cette cession à M. et Mme W… de parts sociales de la SCI […] a été consentie dans une intention libérale et a entraîné un appauvrissement volontaire et irrévocable de M. Q…, de sorte qu’elle constitue une donation, indirecte, au sens de l’article 894 du code civil.

La décision d’admission partielle du 8 décembre 2015 sera en conséquence confirmée » ;

1°) Alors que, d’une part, en retenant, pour caractériser l’intention libérale de M. Q…, que l’acte de cession du 13 mai 2005 ne constituait pas la suite de la promesse de vente conclue les 3 mars et 15 juillet 1998 sous condition suspensive, sans vérifier, comme elle y était pourtant invitée (conclusions d’appelant, p. 11-12), si l’acquisition par d’autres personnes en 2000 et 2001 des appartements du rez-de-chaussée et du 5e étage de l’immeuble que la SCI GALLIÉNI envisageait d’acquérir, ne faisait pas obstacle à la réalisation de la condition suspensive prévue par ladite promesse de vente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 894 du code civil ;

2°) Alors que, d’autre part, en considérant, pour juger que la vente du 13 mai 2005 avait nécessairement appauvri M. Q…, que les modalités de financement du prix d’acquisition initiale de l’appartement et des travaux, ainsi que des frais liés à cette vente, et plus généralement l’absence d’apport financier réalisé par la SCI GALLIÉNI étaient sans incidence sur l’appréciation de cet appauvrissement, au motif adopté qu’aucun élément ne remettait en cause la pleine propriété des parts cédées par la SCI […], ainsi que leur évaluation à la date de leur cession, quand le fait que le remboursement de l’intégralité du prêt ayant permis l’acquisition de l’appartement par la SCI […] était assuré par M. et Mme W… établissait pourtant l’absence d’appauvrissement de M. Q…, la cour d’appel a violé l’article 894 du code civil par fausse application.

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