Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2021, 20-84.114, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 14 déc. 2021, n° 20-84.114
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-84.114
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 5 mai 2020
Textes appliqués :
Articles 8 de Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de procédure pénale.

Article 593 du code de procédure pénale.

Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000044524936
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CR01531
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Texte intégral

N° S 20-84.114 F-D

N° 01531

CG10

14 DÉCEMBRE 2021

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,

DU 14 DÉCEMBRE 2021

MM. [X] [F] et [S] [E] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, 7e chambre, en date du 6 mai 2020, qui les a condamnés, pour infractions au code de l’urbanisme à 800 euros d’amende chacun, a ordonné la remise en état de lieux sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire, commun aux demandeurs, a été produit.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] [F], M. [S] [E], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. MM. [F] et [E], respectivement propriétaires de la partie sud et de la partie nord d’une parcelle située en zone agricole au plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Genas (69) ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour y avoir entrepris des travaux sans autorisation, et notamment pour y avoir installé des caravanes en dehors des terrains aménagés malgré l’interdiction administrative constituée par un arrêté municipal du 7 juin 2007, et aménagé le terrain de manière irrégulière pour permettre l’installation de résidences mobiles.

3. Relaxés de ces deux chefs par le tribunal correctionnel, ils ont été néanmoins déclarés coupables des chefs d’exécution de travaux sans permis de construire et de travaux soumis à déclaration préalable, de poursuite desdits travaux malgré une décision judiciaire ou un arrêté prescrivant leur interruption et de violation du règlement du PLU, la zone agricole (Al) de Génas n’admettant que les utilisations, occupations, aménagements et constructions nécessaires à l’exploitation agricole.

4. En répression, MM. [F] et [E] ont été condamnés à la peine de 2 000 euros d’amende avec sursis.

5. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré MM. [X] [F] et [S] [E] coupables d’installation de caravanes en dehors des terrains aménagés alors :

« 1°/ qu’un propriétaire ne saurait être privé de la possibilité de stationner sur le terrain qu’il possède ; qu’en entrant en voie de condamnation contre MM. [F] et [E] du chef d’installation de caravanes en dehors des terrains aménagés, au visa de l’arrêté municipal du 7 juin 2007 dont la portée était de leur interdire de stationner sur les fonds dont ils étaient propriétaires et en raison de faits qui avaient, précisément, consisté en un tel stationnement, la cour d’appel a violé les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. »

Réponse de la Cour

8. Il n’est pas contesté que l’arrêté municipal du 2 juin 2007 interdisant le stationnement des résidences mobiles et caravanes sur l’ensemble du territoire de la commune, y compris la zone industrielle, en dehors des aires d’accueil aménagées, a été pris sur le fondement de l’article 9 de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

9. Le moyen pris de la violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 apparaît dès lors irrecevable.

10. En effet, le juge judiciaire n’a pas compétence pour apprécier la constitutionnalité d’un arrêté intervenu conformément aux dispositions d’une loi.

11. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré MM. [X] [F] et [S] [E] coupables d’installation d’aménagement irrégulier de terrain permettant l’installation de résidences mobiles alors « que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu’en énonçant, aux motifs de sa décision, que MM. [F] et [E] devaient être renvoyés des fins de la poursuite du chef d’installation d’aménagement irrégulier de terrain permettant l’installation de résidences mobiles et que le jugement qui les en avait relaxés devait être confirmé sur ce point mais, à son dispositif, en déclarant les prévenus coupables de cette même infraction, la cour d’appel a violé les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 593 du code de procédure pénale :

13. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14. L’arrêt attaqué a condamné les deux prévenus du chef du délit d’aménagement irrégulier d’un terrain permettant l’installation de résidences mobiles constituant l’habitat permanent des gens du voyage et a prononcé une amende de 800 euros contre chacun d’eux.

15. En prononçant ainsi, alors que, dans les motifs de la décision, il est énoncé que les intéressés doivent être renvoyés des fins de la poursuite du chef susvisé, la cour d’appel, qui s’est contredite, n’a pas justifié sa décision

16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a ordonné à l’encontre de MM. [X] [F] et [S] [E] de remettre en état la parcelle, notamment par l’enlèvement des algecos et des caravanes, l’enlèvement des logettes électriques et des boîtes aux lettres, la démolition des clôtures, l’enlèvement des fourreaux et regards et le comblement des tranchées réalisées à cet effet, le comblement des fosses toutes eaux et l’évacuation des déchets et gravats résultant de ces travaux de remise en état, dans un délai de trois mois à compter du caractère définitif de l’arrêt d’appel, sous astreinte de 30 euros par jour de retard une fois passé ce délai alors que toute personne ayant droit au respect de sa vie privée et familiale et au respect de son domicile, le juge national doit, en matière d’urbanisme, en fonction des impératifs d’intérêt général poursuivis par cette législation, rechercher si une mesure de remise en état ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et au respect du domicile des prévenus et des membres de leur famille, en mettant, concrètement, en balance la violation des règles d’urbanisme et la situation de ces personnes ; qu’en se fondant sur le seul constat de la violation des règles d’urbanisme pour ordonner la mesure de remise en état de la parcelle, sans s’assurer que cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale et au droit au domicile de MM. [F] et [E] et des membres de leur famille, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 8 de Convention européenne des droits de l’homme et 593 du code de procédure pénale :

18. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et doit, en matière d’urbanisme, répondre, en fonction des impératifs d’intérêt général poursuivis par cette législation, aux chefs péremptoires des conclusions des parties, selon lesquels une mesure de remise en état porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

19. Pour ordonner la remise en état des lieux, et après avoir retenu que M. [F] a acheté un terrain viabilisé en juin 2015 pour s’y installer avec ses deux filles et son fils ainsi que leurs enfants et que M. [E] a confirmé le caractère familial de l’occupation de celui-ci, l’arrêt attaqué énonce que le non respect des dispositions du PLU de la commune justifie qu’une telle mesure de remise en état soit ordonnée.

20. En prononçant ainsi, sans répondre aux conclusions des prévenus selon lesquelles une démolition d’un ouvrage modeste établi sur une parcelle ayant perdu depuis longtemps toute vocation agricole porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale et à leur domicile, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

21. La cassation est par conséquent de nouveau encourue.

Portée et conséquences de la cassation

22. La cassation n’interviendra à l’égard des deux prévenus que sur les dispositions relatives au délit d’aménagement de terrain de manière irrégulière pour permettre l’installation de résidences mobiles, sur la peine et sur la remise en état de lieux sous astreinte, la décision de culpabilité ou de relaxe concernant les autres infractions n’étant pas remise en cause par le présent arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Lyon, en date du 6 mai 2020, mais en ses seules dispositions relatives au délit d’aménagement de terrain de manière irrégulière pour permettre l’installation de résidences mobiles, à la peine prononcée et à la remise en état des lieux sous astreinte, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Lyon, et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille vingt et un.

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