Cour de discipline budgétaire et financière, Secrétariat d'Etat chargé des sports, 21 mars 2013

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Résumé de la juridiction

L’Etat avait versé des subventions à une association pour financer « un fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance ». Ces subventions ont été constitutives d’un montage destiné à rémunérer de façon détournée deux chargés de mission au cabinet de la ministre. La Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a considéré qu’une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat était constituée et imputable au directeur de cabinet de la ministre (ainsi qu’à un conseiller technique).Par ailleurs, deux conventions de prestations intellectuelles, passées sans publicité ni mise en concurrence, n’avaient pas respecté les règles du code des marchés publics qui leur étaient applicables. L’engagement juridique des dépenses les concernant avait été réalisé par deux directeurs de cabinet qui n’y étaient pas habilités et qui ne disposaient pas pour cela de la délégation de signature du ministre.Pour l’appréciation des responsabilités, la CDBF a considéré que le contexte dans lequel les infractions ont été commises, marqué par de fortes et constantes dissensions entre le ministère et le secrétariat d’Etat et entre ce dernier et les services de l’administration dont il disposait, était de nature à atténuer la responsabilité des personnes renvoyées devant la Cour.

Sur l’illégalité d’une décision signée par un directeur de cabinet, dès lors qu’une délégation de signature est attribuée à un directeur d’administration centrale, cf. CE, 20 février 1985, n° 24809, que l’on peut consulter sur le site legifrance.gouv.fr.Les dispositions actuelles relatives aux délégations de signature sont régies par le décret du 29 juillet 2009.Sur la mise en cause de membres des cabinets ministériels, cf. CDBF, 17 février 1998, SIAG, Recueil 1998, p. 129 ; CDBF, 20 septembre 1999, ministère de l’intérieur, Recueil 1999, p. 105 et CDBF, 13 juillet 2011, rectorat de Paris, Recueil 2011, p. 159.Sur la nécessité de production « d’un ordre écrit » pour exonérer sa responsabilité, cf. CDBF, 13 juillet 2011, rectorat de Paris, Recueil 2011, p. 159.Sur l’appréciation des avantages injustifiés procurés à autrui, cf. CDBF, 11 octobre 2013, maison de retraite intercommunale de Champcevrais, Recueil 2013, p. 213 et CDBF, 15 juillet 2013, OPT de Polynésie française, Recueil 2013, p. 209.Sur la régularité d’une délégation de signature, cf. CC, 9 janvier 2013, CBCM de l’écologie, Recueil 2013, p. 13 et CC, 25 janvier 2013, ACSIA, Recueil 2013, p. 27.

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Sur la décision

Référence :
CDBF, 21 mars 2013, n° 188-712
Numéro(s) : 188-712
Publication : Publié au Journal officiel le 27/03/2013.Arrêts, jugements et communications des juridictions financières, 2013. - DILA, 2014, p. 205.
Date d’introduction : 21 mars 2013
Date(s) de séances : 21 mars 2013
Textes appliqués :
Infractions : L. 313-3 et L. 313-4 du code des juridictions financières (CJF)
Identifiant Cour des comptes : JF00135416

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

— --

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LA COUR DE DISCIPLINE BUDGETAIRE ET FINANCIERE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires et la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

Vu le code du sport ;

Vu le code des marchés publics dans sa version en vigueur au moment des faits, résultant du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique en vigueur au moment des faits ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

Vu la communication en date du 23 septembre 2011, enregistrée le 27 septembre 2011 au parquet général, par laquelle la ministre des sports a saisi le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de faits laissant présumer l’existence d’irrégularités, et relatifs d’une part à la mise à disposition du secrétariat d’Etat chargé des sports de deux chargés de mission, et d’autre part à la réalisation de deux études ;

Vu la note du 8 février 2012, enregistrée au parquet général près la Cour de discipline budgétaire et financière le 10 février 2012, par laquelle les chefs respectifs de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale de la jeunesse et des sports ont transmis au ministère public une copie d’un rapport d’inspection évoquant les faits présumés irréguliers ;

Vu le réquisitoire du 22 février 2012 par lequel le Procureur général a saisi de cette affaire le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément aux dispositions de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières ;

Vu la décision du 5 mars 2012 par laquelle le Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Eric Thévenon, conseiller référendaire à la Cour des comptes, en application de l’article L. 314-3 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées du 16 mai 2012 par lesquelles le Procureur général a informé de l’ouverture d’une instruction, dans les conditions prévues à l’article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres, M. Hugues MOUTOUH, directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports à compter du 20 juin 2007 et, simultanément, directeur du cabinet du secrétaire d’Etat chargé des sports à compter du 29 octobre 2007, ensuite directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé de la jeunesse et des sports et, simultanément, directeur de cabinet du secrétaire d’Etat chargé des sports à compter du 14 janvier 2009 jusqu’au 23 juin 2009, puis chargé de mission au cabinet de la ministre de la santé et des sports à compter du 30 juin 2009 jusqu’au 1er octobre 2009 ; M. Hugues MORET, directeur adjoint du cabinet de la ministre de la santé et des sports à compter du 30 juin 2009 et, simultanément, directeur de cabinet de la secrétaire d’Etat chargée des sports à compter du 1er juillet 2009 et jusqu’au 13 novembre 2010 ; M. Eric WALTER, conseiller auprès de la secrétaire d’Etat chargée des sports du 31 juillet 2009 au 1er mars 2010 ; et M. Bertrand PIREL, conseiller technique chargé du sport professionnel et des fédérations non olympiques au cabinet de la ministre de la santé et des sports du 7 août 2009 jusqu’au 13 novembre 2010, puis conseiller technique au cabinet de la ministre des sports à compter du 15 novembre 2010 jusqu’au 21 avril 2011 ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 1er octobre 2012 transmettant au Procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du rapport d’instruction, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu la lettre du Procureur général en date du 18 octobre 2012 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l’affaire, de poursuivre la procédure en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres du 22 octobre 2012, par lesquelles le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis, pour avis, en application de l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, le dossier de l’affaire au ministre de l’économie et des finances et à la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du 23 novembre 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au Procureur général le dossier de l’affaire, en application de l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu l’avis du ministre de l’économie et des finances en date du 22 novembre 2012, reçu le 23 novembre 2012 ;

Vu l’avis du 5 décembre 2012 de la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative ;

Vu la décision du Procureur général du 18 décembre 2012 renvoyant MM. Hugues Moutouh, Hugues Moret, Eric Walter et Bertrand Pirel devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées de la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière du 19 décembre 2012, avisant MM. Hugues Moutouh, Hugues Moret, Eric Walter et Bertrand Pirel qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l’affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des juridictions financières, et les citant à comparaître le 1er mars 2013 devant la Cour, ensemble les avis de réception postaux ou électroniques de ces lettres ;

Vu la lettre du 11 janvier 2013 du Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière, refusant la demande de report de l’audience présentée par M. Hugues Moret et lui accordant un report au 15 février 2013 pour la présentation du mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport d’instruction de M. Thévenon ;

Vu les mémoires en défense produits par Maître Bacquet pour M. Moret, le 15 février 2013, par M. Moutouh, le 11 février 2013, par M. Pirel, le 15 février 2013, et par Maître Molinié pour M. Walter, le 15 février 2013 ;

Entendu le rapporteur, M. Eric Thévenon, résumant son rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le Procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en leurs plaidoiries Maîtres Bacquet et Molinié respectivement pour MM. Moret et Walter, MM. Moutouh, Moret, Walter et Pirel ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense ayant eu la parole en dernier ;

Après en avoir délibéré sans qu’ait joué la voix prépondérante du Président ;

Sur la compétence de la Cour

Considérant qu’il résulte des dispositions du a) du I de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières que toute personne appartenant au cabinet d’un membre du Gouvernement est justiciable de la Cour ;

Considérant que, par suite, MM. Moutouh, Moret, Walter et Pirel sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la prescription

Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières : « la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l’application des sanctions prévues par le présent titre » ;

Considérant que la lettre de la secrétaire d’Etat chargée des sports a été enregistrée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 27 septembre 2011 ; qu’ainsi, les irrégularités postérieures au 27 septembre 2006 ne sont pas couvertes par la prescription édictée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières ;

Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités

1 – Sur les conditions de recrutement de deux chargés de mission

1-1 Sur les faits

Considérant que, le 6 octobre 2009, la secrétaire d’Etat chargée des sports a annoncé la création d’un fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance destiné à mobiliser de nouvelles solidarités en faveur des enfants africains victimes de la « traite sportive » ; que ce fonds devait également contribuer à accroître la contribution du monde sportif à la protection de l’enfance ;

Considérant que M. Eric Walter, membre du cabinet de la ministre, a rédigé une note d’intention définissant le cadre dans lequel la Fédération française de football (FFF) a été appelée à intervenir pour soutenir le projet de création dudit fonds ; que la FFF devait fournir un soutien administratif à la mission de préfiguration et recruter un personnel dédié à cet effet ; que la contrepartie financière de cet appui administratif devait être prévue dans la convention d’objectifs conclue entre la FFF et l’Etat ;

Considérant que, sur demande écrite du 25 novembre 2009 de M. Hugues Moret, directeur du cabinet de la secrétaire d’Etat, M. Walter a, le 27 novembre 2009, adressé le courriel suivant au directeur des sports, avec copie à MM. Moret et Pirel, « (…) je vous confirme les termes de votre conversation avec Hugues et Bertrand sur l’abondement de la CO FFF à hauteur de 90 000 € pour la contribution du secrétariat d’Etat au financement de l’appui administratif par la FFF de la mission de préfiguration du fonds sportif enfance. 25 000 € initialement prévus sur la mission de l’association Centre de recherche et d’action pour le changement social et le développement humain seront attribués en 2009, le solde (65 000 €) en 2010. Une note va vous être transmise dans le meilleur délai, merci d’avance de l’anticiper en faisant prendre l’attache de la FFF par vos services, en particulier pour l’abondement de la CO 2009 (…) » ;

Considérant que la FFF a conclu des contrats de travail avec deux chargés de mission affectés à la création du fonds sportif d’aide à l’enfance ; que lesdits contrats de travail stipulaient que les chargés de mission étaient affectés au développement du projet « fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance », placé sous l’autorité de la secrétaire d’Etat chargée des sports à qui ils devaient rendre compte de leur activité ; que leur lieu de travail était fixé au secrétariat d’Etat chargé des sports ;

Considérant que les bulletins de paie et les contrats de travail joints au dossier de l’instruction confirment la réalité de ces embauches qui ont concerné Mlle F…, salariée par la FFF à temps complet du 1er janvier au 31 mars 2010 en qualité de « chargée de projet » avec une qualification de cadre administratif et une rémunération brute mensuelle de 3 115 € par mois à laquelle s’ajoutent les primes de 13ème et 14ème mois et M. Q… salarié par la FFF à temps complet du 14 décembre 2009 au 31 juillet 2010 en qualité de « chargé de projet » avec une qualification de cadre administratif et une rémunération brute mensuelle de 2 815 € par mois auxquels s’ajoutent les primes de 13ème et 14ème mois ;

Considérant que les dépenses exposées par la FFF pour l’emploi des deux chargés de mission se sont élevées, en incluant les charges et frais afférents à l’exercice de leur mission (voyages, téléphone et notes de frais), à 87 698,75 € ;

Considérant que l’Etat a financé les rémunérations versées par la FFF aux deux chargés de mission en abondant les subventions annuelles versées au titre des conventions d’objectifs 2009 et 2010 ; que deux majorations exceptionnelles ont été décidées sur la base de deux avenants successifs, le premier pour un montant de 25 000 € relatif à la réalisation d’une action dite « structuration fédérale des projets de développement : création du fonds de protection de l’enfance », et le second pour un montant de 62 699 €, au titre d’une action dénommée « création du fonds de protection de l’enfance », soit un total de 87 699 € ;

Considérant que ce dispositif résulte des instructions données le 27 novembre 2009 par M. Eric Walter, conseiller au cabinet de la secrétaire d’Etat chargé des sports au directeur des sports, à la demande de M. Hugues Moret, directeur du cabinet ;

Considérant que, durant leur mission, les deux chargés de mission étaient physiquement présents dans les locaux du secrétariat d’Etat, à l’étage de l’inspection générale, où ils bénéficiaient notamment d’un bureau et d’un équipement informatique ;

Considérant que, selon ses déclarations, M. Eric Walter exerçait « le rôle de superviseur » qui consistait à s’assurer de la coordination des travaux des chargés de mission avec la mission de préfiguration ; qu’il ressort du procès-verbal de la première réunion de ladite mission de préfiguration qu’il présidait, qu’il avait assigné à chacun d’entre eux les tâches qui leur incombaient ;

Considérant ainsi que les deux chargés de mission ont travaillé, de décembre 2009 à juillet 2010, à la réalisation d’un projet ministériel, sur une commande du cabinet, et sous la supervision de M. Éric Walter ;

1-2 Sur la qualification et les responsabilités

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-4 du CJF « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant que l’octroi des subventions susmentionnées à la FFF s’analyse en l’espèce comme un montage destiné à financer la mise à disposition de deux chargés de mission recrutés pour exercer leurs fonctions sous l’autorité d’un membre du cabinet de la secrétaire d’Etat aux sports et dans les locaux de cette administration ;

Considérant par ailleurs que les emplois permanents de l’Etat sont énumérés et régis par les dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ; que, par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre Ier du statut général relatif aux emplois permanents de l’Etat, des agents contractuels peuvent être recrutés par l’Etat dans des conditions limitativement énumérées à l’article 4 de la loi n° 84-16 précitée ; qu’il résulte de ces dispositions que l’Etat ne saurait employer des agents dans des conditions autres que celles prévues par les dispositions statutaires en vigueur ; que ces dispositions se trouvent méconnues lorsque, comme au cas d’espèce, les agents n’ont pas été recrutés par l’administration sur les crédits budgétaires réservés à cet effet, qu’ils n’ont pas été mis à sa disposition dans les conditions prévues par le statut général et par les textes pris pour son application, et qu’elle n’assure pas elle-même le service de leur rémunération ;

Considérant que ces faits constituent une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat sanctionnée par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant que M. Eric Walter, conseiller au cabinet de la secrétaire d’Etat à l’époque des faits, a rédigé la note d’intention en vue du recrutement par la FFF des deux chargés de mission et du financement du montage susmentionné ; que les chargés de mission ont travaillé sous la supervision de M. Walter ; que M. Hugues Moret, directeur de cabinet à l’époque des faits, a donné instruction à M. Eric Walter de préparer ladite note et les mesures pour sa mise en œuvre ;

Considérant ainsi que la responsabilité de MM. Moret et Walter est engagée sur le fondement de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

2 – Sur la réalisation de deux études

2-1 Sur les faits

a. Sur les conditions de réalisation d’une étude relative à la proportion de joueurs nationaux dans les équipes de clubs de football

Considérant que sur demande écrite référencée CAB/SR/PF N° 27 et adressée le 23 juillet 2008 par M. Hugues Moutouh, alors directeur du cabinet du secrétaire d’Etat chargé des sports, le cabinet d’avocats CLIFFORD CHANCE a réalisé en 2008 une étude juridique relative à « la proportion minimum de joueurs sélectionnables en équipe nationale dans les clubs professionnels au regard de la notion de spécificités sportives », étude payée le 25 novembre 2008 par la direction des sports ;

Considérant que cette étude a été commandée en vue de préparer les travaux de la réunion informelle des ministres des sports de l’Union européenne, prévue en novembre 2008 à Biarritz ;

Considérant qu’une étude, référencée 202353/36-40391527, a ainsi été produite par le cabinet d’avocats et facturée 47 840 € ; que la demande de règlement signée par l’avocat associé chargé de ce dossier au sein du cabinet prestataire fait référence à une période courant du 22 juillet au 25 septembre 2008 et que la facture mentionne une période débutant le 21 juillet 2008 ;

Considérant qu’aux termes du II de l’article 1er du code des marchés publics dans sa version résultant du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 en vigueur au moment des faits : « Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en œuvre conformément aux règles fixées par le présent code » ; que les marchés de prestations juridiques sont soumis aux dispositions des articles 28 et 30 du code des marchés publics dans sa version en vigueur au moment des faits et pouvaient, dès lors, être passés selon une procédure adaptée dont les modalités sont, aux termes de l’article 28 dudit code, « (…) librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d’y répondre ainsi que des circonstances de l’achat » ; que selon le même article, « Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s’inspirer des procédures formalisées prévues par le présent code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures » ;

Considérant que la commande d’une étude juridique au cabinet CLIFFORD CHANCE, facturée 40 000 € HT soit 47 840 € TTC, n’a été précédée d’aucune mesure de publicité et que cette prestation a été acquise sans comparaison préalable avec d’autres devis, alors même qu’un document interne au ministère, dénommé « Guide de la dépense publique à la direction des sports », le prévoyait ;

Considérant que le cabinet prestataire a transmis, le 10 octobre 2008, à M. Hugues Moutouh, directeur du cabinet du secrétaire d’Etat chargé des sports sa facture d’honoraires ; que le conseiller technique chargé du sport professionnel l’a transmise le 22 octobre 2008, pour « règlement rapide », au directeur des ressources humaines, de l’administration et de la coordination générale (DRHACG) du secrétariat d’Etat chargé des sports ; que le sous-directeur des finances et du fonctionnement des services de la DRHACG l’a retransmis à la direction des sports (unité administrative dénommée Mission financière), le 10 novembre 2008, sous bordereau portant la mention : « voir si le tiers existe et créer une commande d’achat correspondante dans ACCORD. TTU » ;

Considérant que le bon de commande n° 0000011693 est daté du 14 novembre 2008, soit une date postérieure à la livraison de l’étude par le cabinet prestataire ; que le paiement de la prestation juridique est intervenu le 25 novembre 2008, sur la ligne budgétaire de la sous-action 10 de l’action 02 du programme 219 « Sport » pour un montant de 47 840 € ;

b. Sur la réalisation en 2010 d’une étude sur la compétitivité des sports collectifs professionnels en France

Considérant qu’une étude relative à l’amélioration de la compétitivité des sports collectifs professionnels en France a été réalisée, à la demande du secrétariat d’Etat chargé des sports, par la société INEUM CONSULTING ;

Considérant que, selon le témoignage de M. Gérard D… et porté au dossier, « INEUM CONSULTING est une entreprise connue du cabinet et des services du secrétariat d’Etat pour ses compétences en matière de formation des sportifs (…)» et « (…) le cabinet de la secrétaire d’Etat (voulait) s’assurer qu’INEUM CONSULTING (serait) consultée (…) » ;

Considérant qu’il résulte des différents échanges de courriels intervenus entre M. Vincent C…, « senior manager » au cabinet INEUM CONSULTING, et M. Bertrand Pirel, alors conseiller technique chargé du sport professionnel au cabinet de la ministre de la santé et des sports, dont M. MORET a été destinataire en copie, que la société INEUM CONSULTING a été consultée dès le 15 avril 2010 ;

Considérant que la société INEUM CONSULTING a produit le 19 octobre 2010 une étude de 12 pages, datée du 30 juillet 2010, accompagnée d’une facture n° F02-10-03701 de 63 627,20 € TTC adressée au secrétariat d’Etat chargé des sports ; que ce montant d’honoraires se rapportait également à l’intervention du cabinet prestataire pour animer un ou des groupes de travail constitués de représentants du monde sportif professionnel ;

Considérant que cette commande de prestations intellectuelles était soumise aux dispositions des articles 28 et 30 du code des marchés publics dans sa version résultant du décret n° 2006-975 du 1er août 2006 en vigueur au moment des faits et pouvait, du fait de son montant, être passée selon une procédure adaptée ; que nul élément au dossier ne permet d’établir que la prestation livrée par le cabinet INEUM CONSULTING a été précédée d’une quelconque mesure de publicité ; qu’aucun élément ne permet non plus d’établir que le secrétariat d’Etat chargé des sports ait demandé et comparé plusieurs devis auprès de prestataires ou fournisseurs, alors même que la procédure interne décrite dans le « Guide de la dépense publique à la direction des sports » le prévoyait ;

Considérant que la facture n° F02-10-03701 émise par la société INEUM CONSULTING a été reçue le 21 octobre 2010 par la direction des sports ; qu’un bon de commande n° 00000017173, daté du 22 octobre 2010, a été rédigé postérieurement à la livraison, le 19 octobre 2010, de l’étude par la société INEUM CONSULTING ; que le paiement est intervenu le 9 novembre 2010 sur la ligne budgétaire de la sous-action 20 de l’action 02 du programme 219 « Sport » pour un montant TTC de 63 627,20 € ;

2-2 Sur la qualification et les responsabilités

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-3 du code des juridictions financières, « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui aura engagé des dépenses sans en avoir le pouvoir ou sans avoir reçu délégation de signature à cet effet sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant que l’article premier du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement susvisé dispose que certains fonctionnaires, parmi lesquels les secrétaires généraux des ministères et les directeurs d’administration centrale peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret du 27 juillet 2005 précité « Les ministres et secrétaires d’Etat peuvent, par un arrêté publié au Journal officiel de la République française, donner délégation pour signer tous actes, à l’exception des décrets, au directeur et au chef de leur cabinet, ainsi qu’à leurs adjoints, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n’est pas donnée à l’une des personnes mentionnées à l’article 1er » ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le directeur des sports pouvait, dès la nomination du ministre signer, en son nom et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; qu’en revanche, le directeur et les membres du cabinet du secrétaire d’Etat chargé des sports n’avaient pas compétence pour passer commande des deux études précitées et pour engager une dépense budgétaire imputable sur les lignes budgétaires des sous-actions 10 et 20 de l’action 02 du programme 219 « Sport » géré par la direction des sports ;

Considérant qu’en signant le 23 juillet 2008 la lettre de commande au cabinet CLIFFORD CHANCE M. Hugues Moutouh a procédé à l’engagement juridique d’une dépense alors même qu’il n’y était pas habilité ; que, de même, en prenant l’initiative de passer commande au cabinet INEUM CONSULTING, M. Hugues Moret a procédé à l’engagement juridique d’une dépense sans en avoir la compétence ; qu’en revanche, les pièces versées au dossier ne permettent pas d’établir que M. Pirel a contribué à la commission de cette irrégularité ;

Considérant ainsi que la responsabilité de MM. Moret et Moutouh est engagée sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-3 du code des juridictions financières ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses de l’Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l’amende prévue à l’article L. 313-1 » ;

Considérant, en premier lieu, que les conditions de passation des deux commandes de prestations de services auprès des cabinets CLIFFORD CHANCE et INEUM CONSULTING n’ont pas respecté les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures énoncés à l’article 1er précité du code des marchés publics, et qui s’imposent aux marchés passés selon une procédure adaptée ;

Considérant, en second lieu que, selon le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, en vigueur à l’époque des faits, les étapes de la procédure de paiement des dépenses publiques sont l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement ; que les bons de commandes afférents aux prestations livrées respectivement par le cabinet CLIFFORD CHANCE et par le cabinet INEUM CONSULTING ont été établis postérieurement à la livraison des études par lesdits prestataires ;

Considérant que la méconnaissance des prescriptions du code des marchés publics et des règles applicables en matière de commande publique, ainsi que des règles relatives à l’engagement préalable et à l’ordonnancement régulier des dépenses de l’Etat, constitue une infraction aux règles relatives à l’exécution des dépenses de l’Etat réprimée par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant ainsi que la responsabilité de MM. Moret et Moutouh est engagée au regard des dispositions de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; qu’en revanche, il n’est pas établi au vu des pièces du dossier que la responsabilité de M. Pirel soit engagée ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 313-6 du code des juridictions financières « Toute personne visée à l’article L. 312-1 qui, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, aura, en méconnaissance de ses obligations, procuré à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé, ou aura tenté de procurer un tel avantage sera passible d’une amende dont le minimum ne pourra être inférieur à 300 euros et dont le maximum pourra atteindre le double du montant du traitement ou salaire brut annuel qui lui était alloué à la date de l’infraction » ;

Considérant qu’il n’est pas établi que la passation des deux contrats susmentionnés a entraîné un préjudice pour le Trésor ; que par suite, l’infraction réprimée par l’article L. 313-6 précité n’est pas constituée ;

Sur les circonstances

Considérant que, pour l’appréciation des responsabilités, le contexte dans lequel les infractions ont été commises, marqué par de fortes et constantes dissensions entre le ministère et le secrétariat d’Etat et entre ce dernier et les services de l’administration dont il disposait, doit être pris en compte ; que, de même, l’absence de conseil et de mise en garde en temps utile du directeur des sports face aux initiatives du cabinet est de nature à atténuer la responsabilité des personnes renvoyées devant la Cour ;

Considérant que les personnes renvoyées devant la Cour ne produisent pas « un ordre écrit (…) donné personnellement par le ministre compétent (…) dûment informé sur l’affaire », de nature à les exonérer de leur responsabilité dans les conditions prévues à l’article L. 313-9 du code des juridictions financières ;

Considérant que M. Walter, s’il a contribué aux irrégularités, était placé au sein du cabinet de la secrétaire d’Etat sous les ordres directs de M. Moret, dont il a appliqué les instructions ; que ce lien d’étroite subordination constitue au cas d’espèce une circonstance absolutoire justifiant que M. Walter soit relaxé des fins de la poursuite ;

Sur l’amende

Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des circonstances de l’espèce en infligeant à M. Moret une amende de 600 € et à M. Moutouh une amende de 300 € ;

Sur la publication au Journal officiel de la République française

Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article L. 314-20 du code des juridictions financières ;

ARRÊTE :

Article 1er : M. Moret est condamné à une amende de 600 € (six cents euros).

Article 2 : M. Moutouh est condamné à une amende de 300 € (trois cents euros).

Article 3 : MM. Pirel et Walter sont relaxés des fins de la poursuite.

Article 4 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le 1er mars deux mil treize par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Loloum, Larzul et Bouchez, conseillers d’État ; M. Vachia et Mme Fradin, conseillers maîtres à la Cour des comptes.

Lu en séance publique le 21 mars 2013.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.

Le président,
Didier MIGAUD

La greffière,
Isabelle REYT

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Cour de discipline budgétaire et financière, Secrétariat d'Etat chargé des sports, 21 mars 2013