Cour de discipline budgétaire et financière - Rapport présenté au Président de la République. Annexe au rapport public de la Cour des comptes, 23 janvier 2015

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Sur la décision

Référence :
CDBF, ch. réunies, 23 janv. 2015
Publication : Annexe au Rapport au Président de la République, suivi des réponses des administrations, collectivités, organismes et entreprises, 2015.- Documentation française, 2015, pp. 1 à 54.
Date d’introduction : 11 février 2015
Date(s) de séances : 23 janvier 2015
Identifiant Cour des comptes : JF00146098

Texte intégral

Sommaire

INTRODUCTION 5

I – Une très forte augmentation du nombre de saisines 5

II – Une stabilité du nombre d’arrêts rendus 6

III – Une augmentation du nombre d’affaires en stock 6

COMPÉTENCES DE LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE 7

ACTIVITÉ ET PERFORMANCE DE LA COUR EN 2014 11

I – L’activité de la Cour 11

A – Les indicateurs de volume 11

B – Les délais de traitement des affaires 14

II – Les moyens en personnel de la Cour (hors ministère public) 16

III – Appréciation de la performance annuelle de la Cour 18

A – Rappel des objectifs et des indicateurs de performance 18

B – Appréciation de la performance de la CDBF en 2014 21

LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE EN 2014 25

Arrêt n° 192-694/695 du 22 mai 2014 Consortium de réalisation (CDR) et Établissement public de financement et de restructuration (EPFR) –  Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) 27

Arrêt n° 193-696 du 17 juin 2014 Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) 31

Arrêt n° 195-686/704 du 6 octobre 2014 Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen 37

Arrêt n° 196-718 du 8 décembre 2014 Maison de retraite publique de Vertheuil 43

DÉCISIONS DE CLASSEMENT DU PROCUREUR GÉNÉRAL 49

I – Décisions de classement du Procureur général prises sur la base des dispositions législatives du code des juridictions financières 49

II – Les décisions de classement du Procureur général prises sur la base de la loi du 16 juillet 1980 50

DÉCISIONS DU CONSEIL D’ÉTAT, JUGE DE CASSATION DES ARRÊTS DE LA CDBF 51

CONCLUSION 53


Introduction

L’article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF) dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) présente chaque année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport public de la Cour des comptes1.

La mesure de l’activité de la CDBF, juridiction administrative à vocation répressive et, de ce fait, soumise à des règles de procédure strictes, ne peut être appréciée que de façon globale. Si le nombre d’arrêts rendus constitue l’un des indicateurs principaux de son activité, d’autres données telles que le nombre de déférés communiqués ou les délais de traitement des affaires doivent également être prises en considération et analysées.

L’activité de la CDBF a été ralentie pendant une partie de l’année 2014 par des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées contre 11 articles du CJF portant sur sa composition, ses procédures et son régime de sanctions.

Mais la décision2 du Conseil constitutionnel du 24 octobre 2014 qui a déclaré conformes à la Constitution tous les articles attaqués a sécurisé le cadre juridique applicable à la CDBF.

Par ailleurs, malgré ce ralentissement temporaire, la CDBF a connu une année marquante en nombre de saisines.

I -Une très forte augmentation du nombre de saisines

Le nombre de saisines est un indicateur important dans la mesure où il détermine l’activité et les productions de la CDBF : réquisitoires introductifs d’instance ou décisions de classement, instructions et dépôts de rapport, décisions de renvoi et au dernier stade de la procédure, audiences publiques et jugements.

Pour l’année 2014, les saisines se sont élevées à 22 au lieu de 11 en 2013 et de 15 en 2012, au-dessus des plus hauts niveaux atteints depuis 1997 (16 saisines en 2006, 2008 et 2011) et de la moyenne constatée pendant la période 2005-2014 (13 saisines).

Cette augmentation s’explique notamment par la plus grande sensibilisation des chambres de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes à la saisine de la CDBF.

II -Une stabilité du nombre d’arrêts rendus

La CDBF a rendu cinq arrêts en 2014, soit un de plus qu’en 2013. Ce niveau se situe dans la moyenne constatée depuis 2005, à savoir cinq arrêts par an.

Il en va de même du nombre de rapports déposés (neuf en 2014 à comparer aux huit en moyenne ces dix dernières années) et du nombre d’auditions de personnes mises en cause et de témoins (27 en 2014 à comparer aux 35 en moyenne ces dix dernières années).

III -Une augmentation du nombre d’affaires en stock

En raison de l’augmentation des saisines et de leur concentration sur les deux derniers mois de l’année écoulée, le nombre des affaires en stock en fin d’année a sensiblement progressé. Il s’établit à 43 fin 2014, au lieu de 34 fin 2013 et de 31 fin 2012.

Cette évolution résulte aussi d’un allongement de la durée de traitement des affaires.

La CDBF a prévu de s’organiser pour réduire cette durée de traitement et par voie de conséquence le niveau du stock d’affaires (voir infra).

Compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière

La CDBF a été instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948, plusieurs fois modifiée et codifiée depuis 1995 au CJF. Elle est présidée par le Premier président de la Cour des comptes, vice-présidée par le Président de la section des finances du Conseil d’État, et composée de conseillers d’État et de conseillers maîtres à la Cour des comptes. La CDBF est une juridiction administrative spécialisée, de nature répressive, qui sanctionne les atteintes aux règles régissant les finances publiques, commises par les ordonnateurs, les comptables et les gestionnaires publics inclus dans le champ de ses justiciables (article L. 312-1 du CJF).

Juridiction financière distincte de la Cour des comptes, la CDBF remplit un office autonome selon un droit spécifique et sur la base d’infractions légales qui lui sont propres. Les infractions réprimées par la Cour sont énoncées aux articles L. 313-1 et suivants du CJF. Elles portent sur la violation des règles relatives à l’exécution des recettes, des dépenses et à la gestion des biens des collectivités publiques (État ou collectivités locales) ou des organismes publics ou privés soumis au contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF). Elles concernent aussi l’octroi d’avantages injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour l’organisme ou le Trésor public (article L. 313-6 du CJF) et l’omission faite sciemment de souscrire les déclarations à produire aux administrations fiscales en vertu des dispositions du code général des impôts et de ses annexes (article L. 313-5 du CJF). La loi n° 95-1251 du 25 novembre 1995 a en outre introduit un article L. 313-7-1 du CJF faisant de la faute grave de gestion des responsables d’entreprises publiques une infraction spécifique.

En application de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, la Cour peut également intervenir en cas d’inexécution de décisions de justice.

Est justiciable de la CDBF, en application de l’article L. 312-1 du CJF, toute personne appartenant au cabinet d’un membre du Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements de collectivités territoriales, et tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d’une chambre régionale ou territoriale des comptes. Sont également justiciables de la CDBF tous ceux qui exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus.

Les membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.

Si les ordonnateurs élus locaux ne sont pas justiciables de la CDBF lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions, ils le sont en revanche dans certaines hypothèses définies par le législateur (article L. 312-2 du CJF). Les élus locaux peuvent en effet être mis en cause, et renvoyés devant la Cour lorsqu’ils commettent les infractions définies aux articles L. 313-7 et L. 313-12 du CJF, c’est-à-dire en cas d’inexécution de décisions de justice. Ils sont également justiciables, en application de l’article L. 312-2 du CJF, lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre en ayant pris un ordre de réquisition et, à cette occasion, procuré à autrui un avantage injustifié entraînant un préjudice pour le Trésor ou la collectivité publique concernée3 (article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur responsabilité peut être engagée devant la CDBF lorsqu’ils agissent dans le cadre d’activités qui ne constituent pas l’accessoire obligé de leurs fonctions électives, par exemple en tant que dirigeants d’une association contrôlée par les juridictions financières ou d’une société d’économie mixte4.

La CDBF peut être saisie5, conformément à l’article L. 314-1 du CJF par les autorités suivantes, toujours par l’organe du ministère public :

le Président de l’Assemblée nationale ;

le Président du Sénat ;

le Premier ministre ;

le ministre chargé des finances ;

les autres membres du Gouvernement pour les faits relevés à la charge des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité ;

la Cour des comptes ;

les chambres régionales et territoriales des comptes ;

le Procureur général près la Cour des comptes.

Les sanctions que peut prononcer la Cour sont des amendes selon un quantum encadré par la loi. La Cour peut en outre décider de publier ses arrêts de condamnation au Journal officiel de la République française.

Les arrêts de la CDBF peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.

Depuis 1948, la CDBF a rendu 196 arrêts6. Juridiction répressive, gardienne des règles qui régissent l’utilisation de l’argent public et des principes de bonne gestion, elle remplit aussi un rôle de dissuasion et de rappel de la norme à l’égard des gestionnaires publics qui sont ses justiciables.

La Cour contribue ainsi à la diffusion d’une culture de rigueur et de bonne gestion dans la sphère publique. Cette mission est d’autant plus nécessaire que la réforme budgétaire de l’État a diminué les contrôles exercés a priori sur les ordonnateurs et les gestionnaires publics. La culture de performance et de responsabilité, consubstantielle à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, accroît ainsi, dans les domaines où elle s’applique, l’importance des contrôles et des sanctions a posteriori.

Activité et performance de la Cour en 2014

I – L’activité de la Cour

L’activité de la CDBF est analysée au travers, d’indicateurs de volume (v. infra, 1, et tableau n° 1) et de délais (v. plus loin, 2, et tableaux n° 2 et n° 3). Ces indicateurs présentent un compte-rendu fidèle et précis de l’activité annuelle de la Juridiction. Toutefois leur évolution, parfois significative d’une année sur l’autre, doit être analysée avec recul en tenant compte, d’une part du nombre relativement limité d’arrêts rendus et d’autre part du fait que le traitement contentieux des affaires s’inscrit inévitablement dans un cadre pluriannuel du fait des règles procédurales.

Afin de ne pas fausser l’appréciation des résultats, les développements qui suivent ne prennent pas en compte les affaires relatives à l’inexécution des décisions de justice. Ces dernières, qui sont présentées infra dans la partie consacrée aux classements, relèvent en effet d’une logique et d’une procédure distinctes.

A -Les indicateurs de volume

Le nombre d’arrêts s’établit à cinq en 2014 dont un arrêt relatif à l’examen de QPC. Ce résultat est supérieur à ceux constatés lors de l’année précédente (quatre arrêts rendus en 2013) et dans la moyenne constatée depuis 2005, laquelle s’établit à cinq.

Le nombre de saisines de la Cour s’élève à 22, soit une forte augmentation par rapport aux années précédentes (11 et 15 saisines respectivement enregistrées en 2013 et 2012). De 2005 à 2014, la moyenne annuelle des saisines était de 13.

Les 22 déférés enregistrés en 2014 proviennent des juridictions financières, à une exception près (ministère de l’Intérieur). Huit déférés ont été transmis par des chambres régionales des comptes (au lieu de cinq en 2013 et neuf en 2012) et treize par la Cour des comptes (six en 2013 et cinq en 2012. La progression du nombre des saisines est donc essentiellement le fait de la Cour des comptes.

Sur une période de dix ans, 95% des déférés proviennent de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Les déférés émanant des présidents des assemblées parlementaires sont exceptionnels.

Le nombre de classements7 est de huit en 2014 (4 en 2013, 9 en 2012). Le taux de classement s’établit ainsi en 2014 à 50 %. Il demeure, comme en 2013 et 2012, inférieur au taux moyen de classement de 65 % constaté depuis la création de la CDBF et confirme la tendance observée au cours des trois dernières années (50 % en 2013, 60 % en 2012).

Tableau n° 1 : affaires enregistrées, classées et jugées, taux de classement et état du stock (par an, sur 10 ans, et en total depuis la création de la CDBF)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

B -Les délais de traitement des affaires

Les délais de traitement des affaires présentés infra ne se limitent pas à la période d’instruction des dossiers. Ils correspondent à la durée globale de l’instance : ils incluent donc les diligences du ministère public (réquisitoire initial, décision de poursuivre et décision de renvoi), celles du rapporteur chargé de l’instruction, ainsi que les autres fonctions du siège (désignation d’un rapporteur, programmation et préparation des audiences publiques de jugement et de la séance publique de lecture de l’arrêt).

Les délais présentés ici sont ceux compris entre la date de l’enregistrement du déféré au ministère public près la CDBF (ou de la signature du réquisitoire introductif du Procureur général, en cas de saisine directe de la Cour) et la date de la lecture publique de l’arrêt.

Cette statistique ne tient pas compte des arrêts de la CDBF relatifs à l’examen de questions prioritaires de constitutionnalité, aux voies de rétractation, qui ne nécessitent pas une longue instruction préalable, ou ceux consécutifs à un renvoi sur arrêt de cassation8. Le délai de traitement de ces affaires est en effet plus court que celui des déférés, de sorte que leur prise en compte fausserait la lisibilité des données d’activité.

Enfin, la période prise en compte ne comprend pas les éventuels événements postérieurs à l’arrêt rendu (recours en cassation puis renvoi éventuel devant la CDBF).

Les objectifs de performance annuelle (v. infra point B. 1) comportent également un indicateur de délai.

À cet égard, sur les quatre arrêts au fond rendus en 2014, une affaire a été traitée en moins de trois ans, deux entre trois et cinq ans, une en plus de cinq ans.

Tableau n° 2 : durée des instances CDBF

Comme le fait ressortir le tableau n° 3 ci-après (répartition des délais par phase de procédure), la durée des instructions explique en partie la durée totale de la procédure. Les affaires dans lesquelles deux rapporteurs sont successivement désignés (du fait d’un détachement ou d’un changement de poste), celles dont l’instruction est complexe (nombre des griefs et des personnes mises en cause qu’il convient d’entendre une ou plusieurs fois ; nécessité d’un réquisitoire supplétif ; complexité technique du dossier, etc.) dépassent parfois l’objectif fixé de trois années de procédure.

Tableau n° 3 : détail par phase9 des instances CDBF des arrêts de jugement rendus en 2014

(en nombre de jours)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Dans l’affaire « CHU de Caen », dont les délais de la phase d’instruction apparaissent excessivement longs, un réquisitoire supplétif est intervenu huit mois après le réquisitoire initial (sur des faits nouvellement déférés et vingt mois après l’enregistrement du premier déféré) ; deux rapporteurs se sont succédé pour l’instruction.

Dans l’affaire concernant un organisme collecteur du « 1% logement », la durée de la procédure résulte des délais de transmission du réquisitoire introductif d’instance.

II -Les moyens en personnel de la Cour
(hors ministère public)

La CDBF est une juridiction qui mobilise peu de moyens. Les auteurs du rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics constatent que « Contrairement aux autres juridictions financières, la CDBF n’est pas dotée de magistrats exerçant à temps plein »10.

Le personnel permanent de la CDBF se compose d’un secrétaire général à mi-temps, d’une greffière (0,8 ETP) et d’une greffière adjointe.

Les rapporteurs, essentiellement des magistrats de juridiction financière et des conseillers de tribunal administratif ou de cour administrative d’appel, consacrent en moyenne 30 jours à une affaire.

Enfin, la fonction jugement sollicite les membres de la Cour en moyenne 2,5 jours par membre et par audience.

Au total, les moyens en personnel de la CDBF ont été en 2014 de 4,1 équivalents plein temps, soit 0,24 % des effectifs de la Cour des comptes et des CRTC (respectivement 726 et 972 ETP en 2013).

Tableau n° 4 : moyens en personnel de la CDBF

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

III -Appréciation de la performance annuelle de la Cour

A -Rappel des objectifs et des indicateurs de performance

Trois objectifs ont été fixés à la CDBF :

1.Réduire la durée des procédures (entre l’enregistrement du déféré et la lecture de l’arrêt) : cet objectif répond à la nécessité d’une bonne administration de la justice et aux exigences liées au procès équitable, qui s’expriment notamment dans les stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) retient toutefois, pour apprécier le caractère raisonnable du délai de jugement, non pas l’arrivée du déféré à la Cour, mais la date à laquelle la personne est informée par écrit de son accusation, laquelle se définit « comme la notification officielle émanant de l’autorité compétente du reproche d’avoir accompli une infraction pénale »11.

2.Améliorer la qualité des arrêts : il s’agit également d’un objectif majeur pour une juridiction afin, notamment, de garantir la qualité de la motivation et l’exercice d’un droit effectif au recours.

3.Mieux faire connaître la CDBF : cet objectif est spécifique à la CDBF et vise à mieux faire connaître aux autorités compétentes pour saisir la Cour, les infractions à l’ordre public financier ainsi que la jurisprudence.

Ces trois objectifs sont inspirés de ceux retenus par d’autres juridictions, en particulier ceux du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives ».

Ces objectifs sont appuyés par les indicateurs suivants (un ou plusieurs indicateurs par objectif), qui ne s’appliquent toutefois pas aux affaires relatives à l’inexécution de décisions de justice :

Tableau n° 5 : indicateurs de performance annuelle de la CDBF

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

B -Appréciation de la performance de la CDBF en 2014

1er objectif : réduire la durée des procédures

Le délai moyen de traitement12 des affaires ayant donné lieu à arrêt au cours de l’année 2014 s’établit à 49 mois, alors qu’il était de 38 mois en 2013 et 2012. Il est donc trop long au regard des objectifs que la Cour s’est fixés et confirme une dégradation par rapport aux années 2009 et 2010. Un effort particulier est pourtant accompli au stade de l’instruction, en accord avec les magistrats et rapporteurs en charge des dossiers. En effet, lors de leur désignation, ces derniers s’engagent à instruire avec diligence, sous réserve des difficultés particulières rencontrées lors de la procédure (nécessité d’un réquisitoire supplétif en vue d’une extension du périmètre initial, délais demandés par les parties et justifiés par une situation particulière). Il reste que les efforts conjoints de la Cour et du ministère public devront être accentués afin de maîtriser la durée de chacune des étapes de la procédure.

L’indicateur portant sur l’ancienneté du stock au 31 décembre 2014 montre que 9 % des affaires ont plus de trois ans d’ancienneté, soit quatre affaires. Cette situation ne répond pas non plus aux objectifs retenus par la Cour (aucune affaire en stock de plus de trois ans).

Il y a lieu cependant de souligner la baisse des affaires très anciennes. Une majeure partie d’entre elles a en effet, soit été inscrite au rôle et jugée, soit classée en 2014.

Le stock d’affaires au 31 décembre 2014 correspond à 43 dossiers en instance (34 en 2013 et 32 en 2012).

Tableau n° 6 : détail de l’ancienneté du stock au 31-XII
(hors affaires d’inexécution de décisions de justice)

[Tableau à consulter dans le fichier Word ou pdf joint.]

Les données exposées au tableau n° 6 montrent que 91 % des affaires en stock ont moins de trois ans. Cependant l’effort en vue du traitement diligent des dossiers doit être maintenu.

2ème objectif : améliorer la qualité des arrêts de la CDBF

Le taux de recours en cassation contre des arrêts rendus par la CDBF entre 2005 et 201413 s’élève à 23 % (11 pourvois sur 49 arrêts rendus), soit un taux de recours constant par rapport à celui constaté en 2013 et en augmentation par rapport à celui de 2012 (19 %).

Le taux d’annulation des arrêts de la CDBF ayant fait l’objet d’un recours en cassation – qui constitue l’indicateur associé à cet objectif – s’élève à 9 %14 sur la période 2005 à 2014, soit un arrêt cassé sur onze recours formés. Le taux d’annulation en cassation constaté depuis la création de la CDBF (1948 – 2014) est de 16 %, soit cinq arrêts cassés, en totalité ou partiellement, sur les 33 recours introduits. Aucun pourvoi n’est actuellement en instance.

3ème objectif : accroître la connaissance de la jurisprudence de la CDBF

Deux indicateurs permettent d’apprécier les efforts entrepris pour atteindre cet objectif : le nombre de publications dans la presse spécialisée intervenues dans l’année et celui des personnes formées sur la période.

12 publications ont été consacrées à la CDBF en 2014, ce qui est inférieur à l’objectif de 17. Ces chiffres ne prennent pas en compte les informations publiées par la direction des affaires juridiques du ministère des finances dans son courrier électronique, ni les articles de la presse généraliste sur l’activité de la CDBF.

L’effort de formation et d’information sur la CDBF a été poursuivi. La cible de 150 personnes à atteindre a été dépassée avec environ 274 personnes ayant assisté, soit à une intervention sur la CDBF15 (à l’attention d’universitaires et d’étudiants, de magistrats judiciaires ou financiers français, de fonctionnaires ou magistrats étrangers), soit à une séance de formation ou d’information à l’attention des magistrats et des personnels de contrôle des juridictions financières.

La jurisprudence de la Cour de discipline budgétaire et financière en 2014

Une présentation synthétique de la décision de renvoi des QPC et des arrêts de condamnation rendus en 2014 est fournie ci-après. Elle ne comprend pas une décision de relaxe prise dans une affaire concernant un organisme collecteur du « 1 % logement ».

Par ailleurs, tous les arrêts rendus par la CDBF depuis sa création figurent sur le site internet de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr, rubrique CDBF.

Les affaires que la CDBF a eu à connaître en 2014 lui ont permis de confirmer et de préciser sa jurisprudence sur plusieurs points.

La CDBF s’est montrée rigoureuse dans l’utilisation du mécanisme de l’infraction continue qui permet de reporter le point de départ de la prescription. Elle ne l’a retenu que quand elle a pu s’assurer que sur une période longue, des paiements irréguliers sont intervenus, chaque mois donc de façon répétitive, sur la base d’une décision elle-même irrégulière16.

Elle a également été exigeante dans la caractérisation de l’infraction de l’article L. 313-6 du CJF qui a trois composantes (la méconnaissance de ses obligations par un gestionnaire public, l’avantage injustifié procuré à autrui et le préjudice subi par l’organisme intéressé ou le Trésor public). Elle a établi cette infraction quand elle a pu objectivement constater que des prestations payées par un hôpital n’avaient pas été réalisées17.

Enfin confrontée au point de savoir si une société d’économie mixte devait être considérée comme un pouvoir adjudicateur et donc soumise aux dispositions de l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés, la CDBF s’est livrée à une analyse très précise des différentes conditions de l’article 3 de ladite ordonnance, en particulier celle tenant à la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial et en a conclu de façon affirmative18.

Arrêt n° 192-694/695 du 22 mai 2014
Consortium de réalisation (CDR) et Établissement public de financement et de restructuration (EPFR) – 
Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC)

Une première décision de la CDBF concernant des QPC

Alors que l’audience publique et le délibéré de l’affaire n° 694 et 695 CDR/EPFR avaient été programmés le 8 avril 2014, une des trois personnes renvoyées devant la CDBF a soulevé, par l’intermédiaire de son conseil, une question prioritaire de constitutionnalité. Un mémoire a été transmis au greffe de la CDBF le 13 mars 2014. Les deux autres personnes renvoyées ont par la suite déposé des mémoires à fin de QPC, respectivement les 24 et 29 avril 2014.

Le Président de la CDBF, a désigné un même rapporteur pour instruire les trois QPC. Une audience publique destinée à l’examen de ces QPC a été programmée le 12 mai 2014. Le choix a été fait d’organiser une audience spécifique pour l’examen des QPC.

Cet examen était une première pour la CDBF depuis l’instauration de la QPC par la réforme constitutionnelle du 23 juin 2008 (article 61-1 de la Constitution), alors que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont eu à se prononcer à plusieurs reprises sur de telles questions19.

Conformément à l’article LO. 142-2 du code des juridictions financières (CJF) : « I.- La transmission au Conseil d’État, par une juridiction régie par le présent code, d’une question prioritaire de constitutionnalité obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel […] ».

Des nombreuses dispositions législatives contestées

Le premier mémoire à fin de QPC a mis en cause six articles du CJF, le deuxième en a attaqué 10, le troisième a repris à son compte les deux précédents. Au total, 11 articles du CJF ont été contestés.

Le rapporteur chargé d’instruire ces trois QPC a, dans des délais très contraints, réussi à démêler l’écheveau des demandes présentées en faisant clairement apparaître, quand ils existaient, les liens entre les dispositions législatives mises en cause et les principes constitutionnels prétendument violés.

À l’issue d’une analyse très précise, le rapporteur a proposé de retenir ou d’écarter chacune des « sous-questions » soulevées et de transmettre l’ensemble de chaque QPC. Le ministère public s’est livré, lui aussi, à une analyse précise de chaque « sous-question » et a proposé un filtrage dans la transmission.

Une décision de transmission

À l’issue de l’audience publique et du délibéré, la CDBF a décidé de transmettre les trois QPC au Conseil d’État et de sursoir à l’examen du fond de l’affaire en attendant la ou les décisions à venir.

Un arrêt unique

La CDBF a considéré que les trois QPC soulevées pour une même affaire constituaient un ensemble. Elle a décidé de le traiter dans un arrêt unique.

Une décision de transmission

La CDBF a, tout d’abord, vérifié que chacun des demandeurs, avait, en ce qui le concernait, produit à la Cour un mémoire distinct et motivé conformément aux dispositions de l’article 23-1 de l’ordonnance du 7 novembre 1958.

Elle a ensuite examiné les trois conditions requises pour la transmission au Conseil d’État d’une QPC en application de l’article 23-2 de l’ordonnance de 1958 : la disposition législative contestée est « applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites » ; elle ne doit pas avoir « été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances » ; la question soulevée « n’est pas dépourvue de caractère sérieux ».

La CDBF a constaté que les QPC soulevées portaient sur des dispositions du CJF20 qui fixent les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la CDBF, à la procédure applicable devant elle et aux faits qu’elle est susceptible de réprimer par des amendes.

Elle a considéré que ces dispositions étaient applicables à l’affaire dont était saisie la CDBF et n’avaient pas été déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel.

Enfin, sur le point le plus délicat, elle a considéré que les moyens tirés de ce que ces dispositions portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment les articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen21, posaient des questions qui ne pouvaient être regardées comme dépourvues de caractère sérieux.

La CDBF a pris la décision d’une transmission au Conseil d’État des QPC soulevées par les requérants. Cette décision avant-dire droit ne préjuge nullement d’une appréciation sur la constitutionnalité des dispositions contestées, qui relève du juge constitutionnel.

En conséquence de cette transmission, il a été sursis à statuer sur le fond de l’affaire.

Les décisions qui ont suivi

L’arrêt de la CDBF du 22 mai 2014 a été transmis dans les huit jours suivants au Conseil d’État. Celui-ci, par une décision du 25 juillet 2014, a transmis la QPC au Conseil constitutionnel. Les motivations de sa décision étaient très proches de celles de la CDBF.

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 24 octobre 2014, a considéré que les dispositions législatives du CJF mises en cause par la QPC étaient toutes conformes à la Constitution. Le Conseil a énoncé une réserve tenant au principe de proportionnalité des peines, les autorités judiciaires et disciplinaires compétentes devant veiller, lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, à ce que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.

Arrêt n° 193-696 du 17 juin 2014
Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM)

I – Infractions retenues

Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF.

II -Résumé

La SOVAFIM, société anonyme dont l’État est actionnaire unique, a eu recours à des prestataires de services, pour des montants élevés, sans publicité ni mise en concurrence préalable, arguant du fait qu’elle n’était pas un pouvoir adjudicateur.

La CDBF, après une analyse précise des circonstances de création de cette société et des conditions dans lesquelles elle exerçait son activité, a considéré, au contraire, qu’elle devait être regardée comme un pouvoir adjudicateur, au sens de l’ordonnance du 6 juin 2005 et qu’elle aurait dû respecter les règles prescrites par cette ordonnance pour la passation de ses marchés.

A -Une demande de récusation

Dans son mémoire en défense, le conseil du président-directeur général de la SOVAFIM a demandé la récusation des magistrats de la Cour des comptes siégeant à la CDBF qui auraient adopté les rapports publics de la Cour des comptes comprenant des insertions relatives à la SOVAFIM22.

La CDBF avait anticipé ce risque de mise en cause de son impartialité, en adoptant une formation de jugement comprenant un conseiller maître qui n’avait pas participé aux délibérations sur les insertions SOVAFIM, avec mention explicite de cette non-participation dans les deux rapports publics de la Cour des comptes concernés.

La CDBF a donc pu rejeter sans difficulté cette demande de récusation.

B -Un moyen de procédure

La défense mettait en cause le fait que la décision de renvoi devant la CDBF qualifiée de « juridiction répressive spéciale » était prise par le seul ministère public et non par un magistrat indépendant comme c’est le cas devant les juridictions répressives de droit commun.

Elle estimait que la décision de renvoi méconnaissait les arguments de la défense et était uniquement à charge, ce qui caractérisait une violation du droit au procès équitable et au principe d’égalité des armes.

Se fondant sur la procédure décrite par le CJF23, la CDBF a estimé que cette procédure garantissait que tous les éléments du dossier avaient pu être présentés et débattus avant que la Cour se prononce, sans méconnaissance du droit au procès équitable et au principe d’égalité des armes. Elle a rejeté ce moyen.

C -Les faits et les infractions

La SOVAFIM, société anonyme créée en 2005 dont l’État est l’actionnaire unique, a, de 2006 à 2008, fait appel à des prestataires de services pour un montant total de près de 6 M€ sans publicité ni, dans la plupart des cas, mise en concurrence au motif qu’elle n’avait pas la qualité de pouvoir adjudicateur et qu’elle n’était pas soumise à l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

La CDBF, se fondant sur l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 200524 (mais en en modifiant l’ordre de présentation), a considéré que la qualité de pouvoir adjudicateur d’un organisme de droit privé supposait la réunion des trois conditions cumulatives suivantes :

— l’existence d’une personnalité juridique autonome ;

— une relation de dépendance étroite à l’égard d’un pouvoir adjudicateur à raison du mode de financement, de gestion ou de contrôle ;

— la satisfaction d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.

L’examen des deux premières conditions n’a soulevé objectivement aucune difficulté, la SOVAFIM étant une société anonyme, elle dispose donc d’une personnalité juridique autonome ; son actionnaire unique est l’État, elle est donc dans une relation de dépendance étroite à l’égard d’un pouvoir adjudicateur.

La troisième condition comprend deux volets : la satisfaction d’un besoin d’intérêt général (1) ayant un caractère autre qu’industriel et commercial (2). L’examen du premier membre n’a pas soulevé de difficulté particulière, la CDBF a considéré que les missions de la SOVAFIM consistant à acquérir des biens immobiliers auprès de l’État ou des établissements publics pour les gérer et les valoriser dans l’attente de leur cession, puis de les céder sur le marché en versant à son actionnaire unique, l’État, les dividendes que la société était en mesure de distribuer répondaient bien à un besoin d’intérêt général. La SOVAFIM ne contestait pas cette analyse.

La question la plus délicate à trancher était de savoir si ce besoin avait ou non un caractère autre qu’industriel et commercial. S’il n’existe pas d’arrêt de la CDBF sur des matières équivalentes25, la jurisprudence communautaire est abondante26 et cet arrêt SOVAFIM en porte l’empreinte.

La SOVAFIM avait mis en avant plusieurs arguments pour défendre le caractère commercial de son activité :

— son conseil d’administration avait à plusieurs reprises refusé de donner son accord à des opérations d’acquisition de biens en vue de leur revente qu’il estimait insuffisamment conformes à l’intérêt de la société ;

— la société avait procédé à des ventes d’immeubles au prix du marché et selon des modalités analogues à celles d’autres opérateurs privés ;

— la société exerçait son activité dans le respect des règles du code de commerce.

Sans contester les faits avancés, la CDBF a réfuté cette argumentation estimant qu’elle n’était pas suffisante pour donner à l’activité de la SOVAFIM un caractère pleinement commercial27. Pour apprécier si le besoin d’intérêt général est dépourvu de caractère industriel ou commercial, la Cour a fait porter son examen sur les circonstances de la création de cette société et sur les conditions de droit et de fait dans lesquelles elle exerçait son activité.

Elle a vérifié que les statuts et l’activité de la SOVAFIM s’inscrivaient dans le cadre et les objectifs définis par la loi et en a déduit que cette société était un instrument de la politique immobilière de l’État. Le cadre mis en place a en effet permis que les biens immobiliers acquis par la SOVAFIM lui soient transférés selon des modalités dérogeant au droit commun de la cession des propriétés des personnes publiques (modalités de fixation du prix, en particulier).

La CDBF a constaté que la quasi-totalité de l’activité de la SOVAFIM au cours des années 2006 et 2007 a porté non pas sur des biens disponibles sur le marché pour lesquels elle aurait été en concurrence avec d’autres opérateurs économiques pour les acquérir mais sur des biens déterminés par l’État et appartenant soit à Réseau ferré de France (RFF) soit à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM).

Plus précisément, elle a relevé que dans le premier cas, l’objectif ouvertement poursuivi par l’État à travers l’intervention de la SOVAFIM était d’accélérer la valorisation et la cession de biens détenus par RFF en vue de procurer rapidement des recettes significatives principalement à l’État par la distribution de dividendes et que dans le second cas, la revente par la SOVAFIM de biens dont elle avait fait l’acquisition auprès de la CANSSM avait notamment pour objectif d’améliorer la situation financière de la caisse et par voie de conséquence d’alléger ses besoins de subvention de la part de l’État.

La CDBF a donc estimé que la SOVAFIM devait être regardée comme ayant poursuivi la satisfaction de besoins présentant un caractère autre que commercial au sens de l’article 3 de l’ordonnance du 6 juin 2005 et qu’elle devait être considérée comme un pouvoir adjudicateur au sens du même texte.

En conséquence, la SOVAFIM aurait dû respecter les règles prescrites par l’ordonnance pour la passation de ses marchés.

D -La prise en compte des circonstances

La CDBF a reconnu la responsabilité du président-directeur général de la SOVAFIM pendant la période en cause mais lui a accordé des circonstances atténuantes tenant d’une part au retard pris par l’État, actionnaire unique de la société, pour lui faire connaître sa position sur cette question de qualification en tant que pouvoir adjudicateur et d’autre part à la décision que ce PDG avait prise, volontairement en 2009 d’appliquer l’ordonnance du 6 juin 2005.

III -Sanctions prononcées

La prise en compte de ces circonstances atténuantes a conduit la CDBF à infliger au PDG de la SOVAFIM une amende de montant modéré (1 500 €).

La Cour a décidé la publication de l’arrêt au Journal officiel de la République française.

Arrêt n° 195-686/704 du 6 octobre 2014 Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen

I – Les infractions retenues

Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF ;

Art. L. 313-6 CJF : avantage injustifié procuré à autrui entraînant un préjudice pour le Trésor ou l’organisme intéressé.

II -Résumé

Le CHU de Caen n’a pas respecté les procédures de publicité et de mise en concurrence applicables dans le domaine de la commande publique pour des marchés de maîtrise d’œuvre et pour des prestations d’expertise financière. Il a par ailleurs recruté un agent qu’il a mis à disposition d’un groupement d’intérêt public (GIP) dans des conditions irrégulières. Le directeur général du CHU ainsi que, dans une moindre mesure, deux directeurs adjoints ont été sanctionnés par la Cour de discipline budgétaire et financière.

III -Les faits et les infractions

Sur les trois griefs examinés par la CDBF, les deux premiers portaient sur le non-respect des règles de la commande publique, le troisième sur la commission d’irrégularités dans le recrutement d’un agent contractuel.

A -Sur le non-respect des règles de la commande publique

1 -Les marchés de maîtrise d’œuvre

Le CHU de Caen a procédé à des travaux d’aménagement de trois logements de fonction sans passer de marchés spécifiques mais en utilisant les marchés à bons de commande existant déjà pour l’établissement dans les principaux corps de métiers.

Ce recours à des marchés à bons de commande n’a pas fait l’objet de grief soulevé par le ministère public dans sa décision de renvoi, laquelle délimite strictement le champ du délibéré de la CDBF. En revanche, des griefs étaient soulevés sur le non-respect des procédures de publicité et de mise en concurrence dans la passation des marchés de maîtrise d’œuvre de ces trois opérations de réaménagement.

La CDBF a tout d’abord constaté que ces procédures n’avaient pas été respectées, ce qui n’était pas contesté par les personnes renvoyées. Elle a écarté le moyen tiré par le directeur du CHU de la situation d’urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles pour le pouvoir adjudicateur et n’étant pas de son fait (art. 35 du code des marchés publics – CMP – applicable au moment des faits), considérant que ce moyen ne trouvait pas à s’appliquer au cas d’espèce.

Elle a ensuite relevé que des avenants avaient augmenté considérablement le montant du marché de maîtrise d’œuvre de l’opération principale, qu’ils avaient bouleversé l’économie du marché en violation des dispositions de l’article 20 du CMP et qu’ils n’avaient pas été soumis à la commission d’appel d’offres de l’établissement. Au passage, la CDBF remarque que l’absence de maîtrise du chantier par les responsables du CHU a été favorisée par le recours à des marchés à bons de commande et par des paiements sur facture.

La CDBF considère donc que ces faits sont constitutifs de l’infraction aux règles d’exécution des dépenses d’un organisme public, mentionnée à l’article L. 313-4 du CJF.

Sur la question de l’avantage injustifié procuré à autrui ayant entraîné un préjudice pour l’établissement

L’on sait que la CDBF est très exigeante lorsqu’elle examine des faits susceptibles de constituer cette infraction composée de trois éléments cumulatifs (la méconnaissance de ses obligations par le gestionnaire public, l’avantage injustifié procuré à autrui et le préjudice subi par l’organisme public intéressé). L’arrêt CHU de Caen confirme cette rigueur28.

Sur le premier élément, la CDBF rappelle que le respect des règles du CMP s’impose aux agents publics et que le fait de s’exonérer du respect de ces règles doit être considéré comme une méconnaissance de leurs obligations. Elle ajoute qu’il appartient aux responsables d’un établissement public de veiller à la mise en place d’une organisation et de procédures garantissant le respect de ces règles29.

Sur les deux autres éléments qui en l’espèce sont liés, la CDBF constate que la mission du maître d’œuvre de l’opération principale portait notamment sur des éléments tels que le dossier de consultation des entreprises et l’assistance aux contrats de travaux. Ces éléments ont donné lieu à une rémunération du maître d’œuvre alors qu’aucun contrat spécifique de travaux n’a été conclu dans le cadre de cette opération puisque les paiements des travaux ont été faits, soit dans le cadre de factures, soit dans celui de marchés à bons de commande signés antérieurement aux contrats de maîtrise d’œuvre.

La démonstration est nette. La CDBF en conclut que la rémunération de l’architecte pour des éléments de mission non réalisés a constitué un avantage injustifié procuré à autrui et qu’elle a créé un préjudice à l’hôpital.

2 -Des prestations de conseil

Le CHU avait confié deux missions d’audit de ses comptes à un cabinet d’expertise pour un montant supérieur à 4 000 €, seuil au-delà duquel, au moment des faits, un marché devait faire l’objet de publicité et de mise en concurrence, sauf circonstances particulières (art. 28 du CMP).

La CDBF constate que ces formalités n’ont pas été remplies, ce qui n’était pas contesté par l’établissement. Elle écarte le moyen de l’urgence soulevé par le directeur du CHU, estimant que « même si la situation financière très dégradée de l’établissement a conduit les autorités de tutelle à demander au nouveau directeur général la production d’un plan de retour à l’équilibre, cette demande ne justifiait pas qu’il puisse s’affranchir des règles de la commande publique ».

Elle considère que, pour ces prestations également, l’infraction aux règles d’exécution des dépenses (L. 313-4) est bien constituée.

B -Sur le recrutement d’un agent contractuel mis à disposition d’un GIP

La décision de renvoi du procureur général soulevait trois griefs :

le CHU avait recruté un agent contractuel en qualité d’ingénieur hospitalier sur un contrat à durée indéterminée sans que celui-ci ne précise la nature des fonctions exercées par cet agent (infraction à l’art. L. 313-4 du CJF) ;

le CHU avait mis cet agent à disposition d’un GIP, ce qui, au moment des faits, n’était pas autorisé. Un avantage injustifié avait donc été procuré à autrui entraînant un préjudice pour le CHU (infraction de l’article L. 313-6 du CJF) ;

contrairement aux stipulations de la convention constitutive du GIP, une convention spécifique de mise à disposition de cet agent n’avait pas été passée entre le GIP et le CHU (art. L. 313-4 du CJF).

La CDBF a considéré que le premier et le troisième grief étaient fondés. Elle n’a pas retenu, sur le premier grief, l’argument opposé par le directeur du CHU selon lequel les missions de l’agent contractuel avaient été définies dans une lettre du directeur du GIP au directeur du CHU.

Sur le deuxième grief, elle a en revanche considéré, contrairement au ministère public, que le GIP, centre d’imagerie cérébrale et de recherche en neurosciences, pouvait, eu égard à la nature de ses activités, relever de dispositions législatives reprises à l’article L. 341-4 du code de la recherche en vigueur au moment des faits, et bénéficier de mises à disposition de personnels issus des membres constitutifs du GIP et rémunérés par eux.

La CDBF a donc estimé que la mise à disposition de l’un de ses agents par le CHU de Caen auprès du GIP « Cyceron » et la prise en charge par l’établissement public hospitalier de la rémunération de cet agent ne constituaient pas des irrégularités, la question de l’avantage injustifié procuré à autrui ne se posant plus.

Sur cet aspect de l’affaire, la CDBF n’a donc sanctionné que des infractions à l’article L. 313-4 du CJF.

IV -La prise en compte des circonstances

Dans l’examen des circonstances de l’affaire, la CDBF a relevé que le directeur général du CHU portait la responsabilité principale des infractions, en particulier parce que, s’agissant des marchés de maîtrise d’œuvre, il avait souhaité suivre personnellement le déroulement des opérations concernant le réaménagement du principal logement de fonction, la direction du patrimoine et des infrastructures n’ayant pas, sur la demande du directeur général, désigné de conducteur de travaux pour suivre l’opération comme elle le faisait habituellement.

De façon assez classique, la CDBF a considéré la répétition des infractions commises par le directeur général du CHU comme une circonstance aggravante30.

S’agissant de la directrice et du directeur adjoint en charge du patrimoine et des infrastructures qui avaient signé, soit un marché, soit un avenant, la CDBF a estimé que « les conditions particulières dans lesquelles ont été menées les opérations de réaménagement des logements de fonction, sous le contrôle direct du directeur général », pouvaient constituer des circonstances atténuantes.

La CDBF a cependant réaffirmé qu’il appartenait à ces deux directeurs, compte tenu de la nature de leurs fonctions, d’alerter par écrit le ou leurs supérieurs hiérarchiques sur les irrégularités que faisaient apparaître les contrats soumis à leur signature31.

V -Sanctions prononcées

La CDBF a infligé au directeur général du CHU une amende de 6 000 €, supérieure à la demande du procureur général (5 000 €). Cette amende se situe dans une fourchette haute des sanctions de la CDBF. En effet, dans les 28 affaires examinées au fond par la CDBF depuis 2009, seules trois d’entre elles ont donné lieu à une amende égale ou supérieure à 5 000 €.

Les deux autres directeurs se sont vus infliger des sanctions, limitée (1 000 €) pour la directrice, voire de principe (300 €, soit le minimum de l’infraction à l’article L. 313-6 du CJF) pour le directeur adjoint.

Arrêt n° 196-718 du 8 décembre 2014
Maison de retraite publique de Vertheuil

I – Les infractions retenues

Art. L. 313-4 du CJF : infractions aux règles d’exécution des dépenses et des recettes de l’État ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à l’article L. 312-1 du CJF.

II -Résumé

Le directeur d’une maison de retraite publique appartenant à une « fondation » qui regroupe aussi deux foyers occupationnels pour personnes handicapées a commis cinq infractions tenant à une mauvaise présentation des budgets et des comptes administratifs, à des retards dans la transmission des documents budgétaires aux autorités de tarification, à la constitution irrégulière de provisions pour risques et charges et aux paiements irréguliers de primes de services et de nouvelles bonifications indiciaires (NBI).

La CDBF a aussi reconnu la responsabilité du comptable de l’établissement sur la plupart des infractions commises y compris pour des versements irréguliers de NBI à des contractuels qui lui avaient déjà valu un débet de la CRC.

Par cet arrêt, la CDBF confirme sa jurisprudence sur le recours au mécanisme de l’infraction continue qui permet de reporter le point de départ de la prescription.

III-Les faits et les infractions

Les cinq griefs examinés par la CDBF relevaient de l’article L. 313-4 du CJF, infractions aux règles d’exécution des dépenses de l’établissement public, au cas d’espèce : les trois premiers griefs dans le champ des infractions aux règles budgétaires et comptables, les deux derniers dans le champ du paiement irrégulier de dépenses aux personnels.

A -Sur la tenue des comptes

Alors que la « fondation Roux » se composait de trois structures, dont une maison de retraite transformée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en 2007, le directeur n’a présenté ses budgets et ses comptes que sous forme éclatée et non de façon globale, ni pour l’EHPAD, ni pour la fondation.

Cette pratique contraire aux dispositions du code de l’action sociale et des familles (CASF) n’a pas permis aux autorités de tarification de disposer d’une indispensable vision globale32.

Contrairement au ministère public dans sa décision de renvoi, la CDBF a considéré que ces infractions n’étaient pas continues mais bien distinctes et que, par conséquent, le point de départ de la prescription ne pouvait pas être reporté.

Le directeur a été logiquement reconnu responsable. Le comptable l’a aussi été, la CDBF ayant considéré que ses initiatives prises auprès du directeur et du conseil d’administration de l’établissement n’ont pas eu de conséquences concrètes et se sont avérées insuffisantes pour lui permettre d’assumer dans ses fonctions de comptable de l’établissement sa responsabilité de conseil et d’alerte de l’ordonnateur, la présentation régulière des documents budgétaires étant indispensable à l’imputation exacte des opérations en comptabilité.

B -Sur les retards dans la production des documents budgétaires

Le directeur a produit les budgets et comptes administratifs de l’établissement avec retard par rapport aux délais fixés par le CASF.

Comme précédemment, la CDBF a considéré que ces infractions n’étaient pas continues.

C -Sur la constitution irrégulière de provisions pour risques et charges

La CDBF a constaté que le compte 1518 (« autres provisions pour risques et charges ») a été utilisé comme un compte « réservoir » au cours des exercices 2003 à 2007 inclus pour financer des dépenses diverses, sans lien avec la notion de « risques et charges ». Elle a considéré que les provisions comptabilisées sur ce compte avaient un caractère fictif qui a permis au directeur de contourner le refus d’approbation des dépenses de la section d’investissement par l’autorité de tarification.

Cette comptabilisation fictive de provisions pour risques et charges a eu pour effet de porter atteinte à la sincérité des comptes de l’établissement et de priver ses financeurs de la possibilité de procéder à une éventuelle réfaction des excédents budgétaires, et de suivre les investissements réalisés et leur financement.

La responsabilité du directeur a été engagée ; celle du comptable aussi, au motif qu’il avait une très bonne compréhension du fonctionnement théorique du compte 1518 mais que cette maîtrise du référentiel comptable ne l’avait pas conduit à émettre de réserve lorsqu’il a constaté son utilisation comme compte « réservoir », sans lien avec les risques effectivement encourus. La CDBF a considéré qu’en refusant d’apprécier l’existence du risque, le comptable avait méconnu les responsabilités en matière de bonne tenue de la comptabilité de la maison de retraite qui lui incombaient en vertu de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, applicable au moment des faits.

Comme précédemment, la CDBF a considéré que ces infractions n’étaient pas continues.

D -Sur le paiement irrégulier de primes de service

Le montant des primes de service versées en décembre 2007 dépassait largement le plafond de 7,5 % fixé par l’article 2 de l’arrêté interministériel du 24 mars 1967 en raison, notamment de l’absence d’état nominatif par grade permettant de connaître la masse globale des traitements bruts des personnels susceptibles d’avoir droit à cet émolument.

La CDBF a considéré que ces faits constituaient des manquements aux règles d’exécution des dépenses figurant dans l’article 30 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 qui dispose que « La liquidation a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le montant de la dépense. Elle est faite au vu des titres établissant les droits acquis aux créanciers. ».

Le directeur a été reconnu responsable, le comptable aussi au motif qu’il avait manqué de vigilance dans le contrôle des opérations de l’établissement.

E -Le paiement irrégulier de NBI à des agents contractuels

L’établissement a attribué des NBI à des agents contractuels en contrevenant à des dispositions règlementaires combinées qui réservent l’attribution de la NBI aux seuls fonctionnaires titulaires de la fonction publique hospitalière occupant certains emplois.

La responsabilité du directeur a été engagée, celle du comptable aussi.

Deux points sont à souligner :

1, S’agissant de la prescription, la CDBF a eu recours au mécanisme de l’infraction continue en le motivant très précisément.

Elle a ainsi constaté que pendant une période comprise entre 2003 et le mois de janvier 2010 des paiements irréguliers sont intervenus, chaque mois, sur la base d’une décision elle-même irrégulière. Elle a estimé qu’à raison de leur caractère répétitif, ces faits, qui procèdent d’une même méconnaissance de la règlementation en vigueur, sont constitutifs d’une infraction continue et que par conséquent le point de départ du délai de la prescription pouvait être fixé au moment où l’irrégularité a pris fin, soit à compter du mois de janvier 201033.

2, S’agissant du non bis in idem

Confortée par une récente décision du Conseil constitutionnel34 portant notamment sur son régime de sanctions, la CDBF a engagé la responsabilité du comptable bien que les versements de NBI effectués en 2006 lui aient déjà valu d’être mis en débet par la chambre régionale des comptes d’Aquitaine pour un montant de 2 621,92 €, jugement confirmé en appel par la Cour des comptes.

IV -La prise en compte des circonstances

La CDBF n’a reconnu aucune circonstance atténuante au directeur. Au contraire, elle a considéré que ses absences de prise en considération des signalements et des alertes qui lui ont été faits constituaient des circonstances aggravantes.

Elle a accordé des circonstances atténuantes au comptable tenant d’une part à ses alertes à l’ordonnateur, même formulées sur un mode mineur et d’autre part à l’absence de collaboration des services de l’ordonnateur.

V -Sanctions prononcées

La CDBF a suivi le ministère public pour infliger une amende de 2 000 € au directeur.

Elle est restée en deçà pour le comptable, sanctionné d’une amende de 500 € (le ministère public avait demandé 1 000 €).

Décisions de classement du Procureur général

I – Décisions de classement du Procureur général prises sur la base des dispositions législatives du code des juridictions financières

Les décisions de classement du Procureur général peuvent être prises à trois stades de la procédure ; après saisine de la Cour (article L. 314-3 : « si le procureur général estime qu’il n’y a pas lieu à poursuites, il procède au classement de l’affaire »), après instruction (article L. 314-4 : « lorsque l’instruction est terminée, le dossier est soumis au procureur général, qui peut décider le classement de l’affaire s’il estime qu’il n’y a pas lieu à poursuites »), ou après avis rendu par le ministre ou l’autorité de tutelle des agents mis en cause (article L. 314-6 : « Le dossier est ensuite transmis au procureur général qui prononce le classement de l’affaire par décision motivée ou le renvoi devant la Cour avec des conclusions motivées ».

En 2014, huit décisions de classement ont été prises par le Procureur général, dont trois sur le fondement de l’article L. 314-3, quatre sur le fondement de l’article L. 314-4 et une sur le fondement de l’article L. 314-6.

Les trois décisions de classement ab initio, prises sur le fondement de l’article L. 314-3, concernaient trois déférés de chambres régionales des comptes, le premier relatif à un établissement public de santé, le deuxième relatif à un office public de l’habitat et le troisième se rapportant à une société d’économie mixte intercommunale.

Les cinq décisions de classement après instruction, prises sur le fondement de l’article L. 314-4 et L. 314-6, concernaient un service déconcentré du ministère de l’intérieur, un centre de formation d’apprentis des métiers du commerce, de l’industrie et de l’artisanat et une société anonyme d’économie mixte, une chambre de commerce et d’industrie, un établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricoles. Ces affaires ont été classées pour différents motifs : irrégularités de gestion présumées non établies ou insuffisamment caractérisées ; absence de gravité suffisante de l’affaire conjuguée à l’existence de nombreuses circonstances atténuantes et des régularisations intervenues. En conséquence, dans ces cinq affaires, le Procureur général, estimant au vu de l’instruction qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre, a décidé le classement et un classement avec un rappel à la loi pour l’une d’entre elles.

II -Les décisions de classement du Procureur général prises sur la base de la loi du 16 juillet 1980

En règle générale, les affaires déférées en application de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ont trait à des condamnations par le juge administratif de la partie tenue aux dépens ou, à défaut, de la partie perdante, à payer à l’autre partie une somme fixée par la juridiction au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Lorsque le jugement n’est pas exécuté, le Procureur général intervient pour inciter les administrations négligentes ou récalcitrantes à obtempérer.

En 2014, le parquet général a été saisi de huit affaires nouvelles (onze en 2013, neuf en 2012) qui ont fait l’objet d’instruction préliminaire.

Le Parquet général a procédé en 2014 au classement de neuf affaires (treize en 2013, treize en 2012). Dans tous ces cas, des courriers de mise en demeure ont été adressés par le Procureur général et ont permis aux justiciables d’obtenir l’exécution des décisions de justice.

Décisions du Conseil d’État, juge de cassation des arrêts de la CDBF

En 2014, le Conseil d’État a rendu une décision sur un pourvoi en cassation formé contre un arrêt de la CDBF.

Ce pourvoi a fait l’objet d’une décision de non-admission au titre de la procédure préalable (art. L. 822-1 du CJA). Ce pourvoi se rapportait à l’arrêt de la CDBF n° 189-683 du 17 juin 2013 « Centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg ».

Par ailleurs, une décision de transmission au Conseil constitutionnel de QPC soulevées dans l’affaire n° 694-695 « Consortium de réalisation (CDR) et Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) » et dont la CDBF avait décidé la transmission au Conseil d’État dans son arrêt n° 192-694/695-I du 22 mai 2014, a été rendue le 23 juillet 2014.

Conclusion

L’année 2014 a été marquée par les QPC soulevées par des personnes mises en cause dans une affaire contre 11 articles du CJF portant sur les procédures, le fonctionnement et le régime de sanctions de la CDBF.

Ces QPC ont ralenti le fonctionnement de la CDBF jusqu’à ce que la décision du Conseil constitutionnel soit connue. Pour autant, le nombre d’arrêts rendus par la Cour s’est situé dans la moyenne de ces 10 dernières années (cinq arrêts par an) et a même été supérieur à celui de 2013.

La décision du Conseil constitutionnel du 24 octobre 2014 qui a déclaré conformes à la Constitution les 11 articles du CJF mis en cause par les QPC a assuré une stabilité juridique à la Cour pour les années futures.

L’année 2014 a aussi été marquée par la très forte augmentation du nombre des saisines, dont le tiers a été enregistré au ministère public dans les deux derniers mois de l’année.

Cette hausse est significative d’attentes croissantes placées en cette juridiction.

À cet égard, les propositions tendant à faire évoluer le champ des personnes justiciables de la Cour et celui du droit public financier formulées notamment dans le rapport annuel de 2013 ont été entendues par les auteurs du rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics35.

Accompagnant cette dynamique, le Président de la CDBF va, en début d’année 2015, proposer au Gouvernement une réforme de la partie règlementaire du CJF portant sur certains aspects techniques de ses procédures et de son fonctionnement.

Sans attendre l’aboutissement de cette réforme, la CDBF travaillera à améliorer son fonctionnement interne en vue de réduire les délais de traitement des affaires qui sont actuellement trop longs.

Le présent rapport a été délibéré à la Cour des comptes le vingt-trois janvier deux mil quinze.

Ont délibéré : M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Toutée, Président de la section des finances du Conseil d’État, vice-président de la Cour de discipline budgétaire et financière ; MM. Ménéménis, Larzul, Prieur et Bouchez, conseillers d’État, Mmes Fradin et Vergnet, MM. Geoffroy, Maistre et Bertucci, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres titulaires de la Cour de discipline budgétaire et financière.

Était présent et a participé aux débats : M. Johanet, Procureur général de la République, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, assisté de Mme Cordier, premier avocat général.

M. Carcagno, conseiller référendaire à la Cour des comptes et secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière, assurait le secrétariat de la séance.

Fait à la Cour des comptes, le 23 janvier 2015.

Didier MIGAUD

1 Dans la pratique, ce rapport est publié en même temps que le rapport public de la Cour des comptes.

2 CC, décision n° 2014-423 du 24 octobre 2014, QPC.

3 CDBF, 30 juin 2006, Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la région d’Étaples-sur-Mer, AJDA 2006, p. 2445.

4 CDBF, 13 juin 2003, SEM Sarcelles Chaleur, Lebon p. 121.

5 Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées.

6 Le premier arrêt de la Cour a été rendu six années après la création de la Juridiction : CDB, 30 juin 1954, Maison centrale de Melun.

7 Ne sont toutefois pas comptabilisés au sein de ces classements, ceux portant sur des affaires d’inexécution des décisions de justice qui relèvent d’une démarche distincte. En effet, dans ces affaires, le classement signifie que l’action du ministère public a permis l’aboutissement de la demande qui, dès lors, est dénuée d’objet. Le détail des décisions portant sur ce type particulier d’affaires est présenté ci-après.

8 Ceci concerne les arrêts rendus sur renvoi après cassation, de même que les arrêts rendus sur recours en révision, en tierce opposition, en rectification d’erreur matérielle ou sur autres demandes atypiques (p. ex. demande en constatation d’amnistie).

9 La phase 1 s’étend de l’enregistrement du déféré au Parquet jusqu’à la date du réquisitoire ; la phase 2 court du réquisitoire au dépôt du rapport d’instruction ; la phase 3 comprend l’ensemble des étapes ultérieures : du dépôt du rapport jusqu’à la date de lecture de l’arrêt.

10 Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, « Renouer la confiance publique », 8 janvier 2015, p. 148.

11 CEDH, 26 septembre 2000, Guisset c. France : le délai commence à courir à la « date à laquelle le requérant fut averti de l’ouverture d’une information à son encontre devant la Cour de discipline budgétaire et financière » (point 80 de l’arrêt). CEDH, 11 février 2010, Malet c. France. CE, 22 janvier 2007, Forzy, AJDA 2007, p. 697, note Petit ; AJDA 2007, p. 1036, concl. Keller ; Rev. Trésor 2007, p. 725, note Lascombe et Vandendriessche (préjudice du fait du dépassement du délai raisonnable ; condamnation de l’État à verser 4.000 €).

12 Il sera rappelé ici comme supra que l’indicateur du délai de traitement ne préjuge en rien des « délais raisonnables » au sens de la CEDH, qui sont appréciés différemment.

13 Calculé comme suit : nombre d’arrêts rendus par la CDBF entre 2005 et 2014 ayant fait l’objet d’un recours en cassation formulé par une ou plusieurs personnes condamnées, ou par le ministère public près la CDBF.

14 Entre 2005 et 2014, onze pourvois en cassation ont été formés contre des arrêts de la CDBF. L’un d’entre eux a conduit à la cassation, 10 ont été rejetés ou non admis.

15 Hors colloques universitaires n’associant pas un représentant de la CDBF.

16 CDBF, 8 décembre 2014, Maison de retraite publique de Vertheuil.

17 CDBF, 6 octobre 2014, CHU de Caen.

18 CDBF, 17 juin 2014, SOVAFIM.

19 Voir notamment : C. comptes, ch. réunies, 5 mai 2011, Office de tourisme de l’Alpe d’Huez ; C. comptes, 2ème chambre, 6 juillet 2012, Fondation des œuvres sociales de l’air (FOSA).

20 L. 311-2, L. 311-3, L. 311-5, L. 313-1, L. 313-4, L. 313-6, L. 313-7-1, L. 313-11, L. 314-3, L. 314-4 et L. 314-18 du CJF.

21 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, art. 8 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » et art. 16 « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

22 Ce qui était le cas des rapports publics annuels 2011 et 2014.

23 Art. L. 314-4 sur l’instruction, art. L. 314-8 sur la communication du dossier et L. 314-12 sur le déroulement de l’audience.

24 Qui a pour origine la directive communautaire 2004/18/CE du 31 mars 2004.

25 Dans l’affaire « Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris » (SIEMP), 25 novembre 2010, la qualification de pouvoir adjudicateur n’était pas contestée.

26 En particulier à partir de : CJCE, 15 janv. 1998, Mannesman Anlagenbau E.A., aff. C-44/96 et CJCE, 10 novembre 1998, BFI Holding BV, aff. C-360/96.

27 Sur ce point, cf. CJCE, 22 mai 2003, Korhonen E.A.- aff. C-18/01.

28 Dans l’examen de l’existence du préjudice subi, cf. récemment, CDBF, 23 avril 2012, Conseil économique et social (CES), et CDBF, 11 oct. 2013, Maison de retraite de Champcevrais.

29 Sur ces obligations du gestionnaire public, cf. récemment, CDBF, 16 nov. 2012, Agence nationale de l’emploi (ANPE) ; CDBF, 9 déc. 2012, Groupe hospitalier Sud Réunion.

30 Cf. récemment, CDBF, 20 mars 2012, Centre hospitalier de Marigot à Saint-Martin (Guadeloupe) ; CDBF, 17 juin 2013, Centre hospitalier intercommunal de la Lauter à Wissembourg.

31 La CDBF est très attentive au devoir d’alerte qu’ont les gestionnaires publics quand ils sont dans une position de subordonné. Quand ce devoir est rempli, la CDBF retient des circonstances atténuantes ou absolutoires, cf. CDBF, 25 nov. 2010, Société immobilière mixte de la Ville de Paris ; CDBF, 20 mars 2012, Centre hospitalier de Marigot à Saint-Martin (Guadeloupe).

32 Dans l’affaire « Groupe hospitalier Sud Réunion », 9 déc. 2011, la CDBF a sanctionné l’abandon du suivi budgétaire qui a masqué la dégradation de la situation financière de l’établissement. Voir aussi CDBF, 20 mars 2012, Centre hospitalier de Marigot à Saint-Martin (Guadeloupe).

33 Cf. notamment, CDBF, 4 avr. 2001, OPIHLM de la région de Creil.

34 Décision n° 2014-423 QPC du 24 octobre 2014.

35 Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, « Renouer la confiance publique », 8 janvier 2015, p. 154 à 156.


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Cour de discipline budgétaire et financière - Rapport présenté au Président de la République. Annexe au rapport public de la Cour des comptes, 23 janvier 2015