Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 23 décembre 2010, 336119

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Il résulte de l’article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR) qu’en raison du caractère personnel d’une pension de retraite, celle-ci n’est due qu’au titulaire du droit à pension qui en fait la demande. Ce droit ne constitue donc pas, en principe, une créance transmise aux héritiers lors du décès du bénéficiaire. Toutefois, dans le cas où, de son vivant, ce dernier s’est prévalu de ce droit devant l’administration ou un juge, sans qu’un refus définitif lui ait été opposé, ses héritiers peuvent réclamer le bénéfice des arrérages de pension dus jusqu’à la date de son décès et agir en justice pour faire reconnaître ces droits.

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Sur la décision

Référence :
CE, 1re et 6e ss-sect. réunies, 23 déc. 2010, n° 336119, Lebon T.
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 336119
Importance : Mentionné aux tables du recueil Lebon
Type de recours : Contentieux des pensions
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 30 novembre 2009, N° 091153
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Rappr., pour la possibilité offerte aux héritiers de réclamer des arrérages de pensions de vieillesse du régime général lorsque le défunt (de cujus) en avait fait la demande de son vivant, Cass. soc., 18 juillet 1996, Bull. civ. V, n° 304
Cass. 2ème civ., 11 juillet 2005, n°03-30774, inédite au Bulletin.
Identifiant Légifrance : CETATEXT000023296369
Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2010:336119.20101223

Sur les parties

Texte intégral

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er février et 3 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Jeannine A, demeurant … ; Mme A demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler le jugement n° 091153 du 1er décembre 2009 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 21 octobre 1991 par lequel le ministre de l’économie, des finances et du budget a concédé à son défunt époux, M. Jean-Louis B, une pension de retraite, en tant qu’il n’intégrait pas la bonification pour enfants prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et à ce qu’il soit enjoint au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat de procéder à une nouvelle liquidation de cette pension en incluant cette bonification ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée au tribunal administratif de Rennes et d’enjoindre au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension, à compter du 1er janvier 2000, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Jean Lessi, Auditeur,

— les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme A,

— les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de Mme A ;

Considérant que M. B, ancien directeur principal d’établissement des postes, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 1991 par un arrêté du 21 octobre 1991 ; que, suite à son décès, survenu le 21 décembre 2006, une pension de réversion a été concédée par un arrêté du 15 novembre 2007 à Mme A, sa veuve, à compter du 1er janvier 2007 ; que cette dernière a saisi le tribunal administratif de Rennes d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté de concession de pension dont son défunt époux était titulaire en tant qu’il ne prenait pas en compte la bonification pour enfants prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par un jugement contre lequel Mme A se pourvoit, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions dont il était saisi au motif que Mme A n’avait pas qualité pour agir contre l’arrêté de concession de son défunt époux ;

Considérant, qu’aux termes de l’article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires (…).  ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en raison du caractère personnel d’une pension de retraite, celle-ci n’est due qu’au titulaire du droit à pension qui en fait la demande ; que ce droit ne constitue ainsi pas une créance qui pourrait être regardée comme un bien transmis aux héritiers lors du décès de ce bénéficiaire, hors le cas où ce dernier s’est prévalu de ce droit avant son décès, sans qu’un refus définitif ne lui ait été opposé ; que, par suite, si le décès du titulaire du droit à pension a normalement pour effet l’extinction définitive de ce droit qui était ouvert à son bénéfice exclusif, ses héritiers ne pouvant se prévaloir de ce droit, sauf pour obtenir le cas échéant une pension de réversion, il en va autrement dans l’hypothèse où le titulaire du droit a réclamé de son vivant, en saisissant l’administration ou en engageant une action contentieuse, la concession de sa pension, et qu’il n’a pas été statué définitivement sur sa demande ; que dans cette hypothèse, ses héritiers justifient d’un intérêt leur donnant qualité pour agir en vue de la reconnaissance de cet avantage ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que la qualité d’héritière de son défunt époux ne conférait pas à Mme A qualité pour agir contre le titre de pension de son mari, au seul motif que ce dernier n’avait pas engagé d’action contentieuse, sans rechercher s’il s’était prévalu de ses droits devant l’administration, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. B avait, le 21 décembre 2004, présenté à l’administration une demande tendant à l’octroi de la bonification pour enfants prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et que la décision implicite rejetant cette demande n’est pas devenue définitive ; que, dans ces conditions, Mme A, en sa qualité d’héritière de son défunt époux, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l’arrêté du 21 octobre 1991 par lequel ce dernier s’était vu concéder sa pension de retraite, en tant qu’il ne prend pas en compte cette bonification ; qu’elle se prévaut de l’absence de notification régulière de cet arrêté pour en demander l’annulation ;

Considérant que si les dispositions du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite réservaient aux femmes fonctionnaires le bénéfice de la bonification d’ancienneté d’un an par enfant, le principe de l’égalité des rémunérations énoncé par les stipulations, alors en vigueur, de l’article 119 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l’article 141 du traité instituant la Communauté européenne, puis l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, applicable aux pensions servies par le régime de retraite des fonctionnaires, s’oppose à ce que l’avantage ainsi accordé aux personnes qui ont assuré l’éducation de leurs enfants soit réservé aux femmes, alors que les hommes ayant assuré l’éducation de leurs enfants en seraient exclus ; qu’il suit de là qu’en tant qu’il ne prend pas en compte la bonification prévue par ce texte, alors qu’il n’est pas contesté que M. B avait assuré l’éducation de ses enfants, l’arrêté du 21 octobre 1991 portant concession de sa pension est entaché d’illégalité ; que, dès lors, Mme A est fondée à en demander, pour ce motif, l’annulation, dans la mesure où il ne comporte pas le bénéfice de la bonification pour enfants prévue au b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant toutefois, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l’expiration de la quatrième année qui suit celle de l’entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu’aux arrérages afférents à l’année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures  ; que, d’autre part, un recours contentieux directement formé contre un arrêté de concession de pension en vue d’en remettre en cause le montant implique nécessairement, s’il est accueilli, que l’administration procède, en prenant un nouvel arrêté, à une nouvelle liquidation de la pension ; que par suite lorsque, comme en l’espèce, le titulaire d’une pension ou ses héritiers présentent une telle demande, celle-ci doit être regardée comme une demande de liquidation de pension à laquelle peut être opposée la prescription édictée par l’article L. 53 ;

Considérant qu’il était loisible à M. B, dès la notification de son titre de pension qui ne comportait pas la bonification litigieuse, d’en demander dans cette mesure l’annulation en invoquant l’incompatibilité des dispositions du b) de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite excluant les hommes du bénéfice de cet avantage avec le principe de l’égalité des rémunérations découlant des stipulations mentionnées ci-dessus ; que, dès lors, c’est de son fait personnel que M. B n’a demandé à ce qu’il soit procédé à une nouvelle liquidation de sa pension qu’après l’expiration de la quatrième année qui a suivi celle de l’entrée en jouissance normale de sa pension ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A, dont le mari n’a présenté sa demande tendant à obtenir une nouvelle liquidation de sa pension que le 21 décembre 2004, ne peut prétendre aux arrérages de la pension de celui-ci qu’à compter du 1er janvier 2000 et seulement jusqu’au 21 décembre 2006, date du décès de M. B ; qu’il y a lieu, dès lors, de prescrire au ministre de modifier les conditions dans lesquelles la pension de M. B lui a été concédée et de revaloriser rétroactivement cette pension pour la période courant du 1er janvier 2000 au 21 décembre 2006 ;

Considérant que Mme A a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter de la demande de son mari du 21 décembre 2004 ; qu’à la date du 1er février 2010, à laquelle Mme A a présenté des conclusions à fin de capitalisation de ces intérêts, il était dû plus d’une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2009 est annulé.

Article 2 : L’arrêté du 21 octobre 1991 concédant à M. B sa pension est annulé en tant qu’il ne comporte pas le bénéfice de la bonification pour enfants.

Article 3 : Il est enjoint au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement de revaloriser la pension de M. B pour la période courant du 1er janvier 2000 au 21 décembre 2006.

Article 4 : Les sommes dues à Mme A porteront intérêt au taux légal à compter du 21 décembre 2004. Les intérêts échus à la date du 1er février 2010 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 5 : L’Etat versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus de la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Rennes est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à Mme Jeannine A, au service des pensions de la Poste et de France Télécom et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement.

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