Conseil d'État, 1ère / 6ème SSR, 19 juin 2013, 352898

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Résumé de la juridiction

Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.,,,Cas d’un arrêté abrogeant un précédent arrêté d’extension d’un accord collectif adopté alors que n’a pas été respectée l’obligation, résultant des dispositions réglementaires applicables, de publier préalablement un avis au Journal officiel de la République française (JORF) invitant les personnes et organisations intéressées à faire connaître leurs observations.,,,En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, d’une part, le ministre a procédé, pendant dix-huit mois, à une large consultation des organisations professionnelles concernées, et que d’autre part, l’arrêté d’extension d’un avenant à une convention collective nationale, qui impliquait nécessairement l’abrogation à laquelle le ministre a procédé, a été précédé d’un avis au JORF. Ainsi, l’ensemble des personnes intéressées ont été mises en mesure de faire connaître leurs observations, sans que le défaut de publication les ait privées par lui-même d’une garantie.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 septembre et 22 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs, dont le siège est 109, rue du faubourg Saint-Honoré à Paris (75008), représentée par son président ; la fédération requérante demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler, d’une part, l’arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a abrogé l’arrêté du 20 juillet 2005 portant extension de l’avenant du 17 mars 2005, relatif au champ d’application de la convention collective nationale du commerce des articles de sports et équipements de loisirs, d’autre part, l’arrêté du 13 juillet 2011 par lequel le ministre du travail, de l’emploi et de la santé a étendu l’avenant n° 53 du 25 septembre 2008 à la convention collective nationale des services de l’automobile ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Julia Beurton, Auditeur,

— les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile, dite « convention collective nationale des services de l’automobile », signée le 15 janvier 1981 et étendue par arrêté du 30 octobre 1981, inclut dans son champ d’application, en vertu de son article 1.01 étendu en vigueur au 20 juillet 2005, les entreprises dont l’activité exclusive et principale, identifiée par le code A.P.E, est le : " 64-41. Commerce de détail et réparation de motocycles, cycles et véhicules divers. Sont visées dans ce groupe les activités suivantes : réparation de cycles et motocycles ; commerce de détail de motocyclettes, de cycles, de pièces détachées, d’accessoires et de pneumatiques » ; que, toutefois, par avenant du 17 mars 2005, étendu par arrêté du 20 juillet 2005, ont été incluses dans le champ d’application de la convention collective nationale du commerce des articles de sport et d’équipements de loisirs les « activités dites de roulement avec les pratiques sur terre ou sur route (roller, skate, cycle, etc.) » ; que, par avenant du 25 septembre 2008, les organisations signataires de la convention collective nationale des services de l’automobile ont reformulé l’article 1.01 de cette convention, qui précise désormais que la convention est applicable aux entreprises et établissements dont l’activité exclusive ou principale correspond à l’une de celles énumérées par l’article, parmi lesquelles le « commerce et réparation des cycles. Sont incluses dans le champ de la convention collective les activités décrites ci-après, en référence aux codes APE suivants : 47. 64Z » Commerce de détail d’articles de sport en magasin spécialisé ", dans lequel est exclusivement visé le commerce de bicyclettes ; 95. 29Z « Réparation d’autres biens personnels et domestiques », dans lequel sont exclusivement visés l’entretien et la réparation de bicyclettes » ; que la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs (FPS) s’est opposée à l’extension de cet avenant en faisant valoir qu’elle entraînerait un chevauchement de champs conventionnels ; qu’après avoir consulté les organisations signataires de chaque convention, le ministre chargé du travail a procédé, par deux arrêtés du 13 juillet 2011, d’une part, à l’abrogation de l’arrêté du 20 juillet 2005, d’autre part, à l’extension de l’avenant du 25 septembre 2008 ; que la fédération requérante demande l’annulation de ces deux arrêtés ;

Sur la légalité externe des arrêtés attaqués :

2. Considérant, en premier lieu, en ce qui concerne l’arrêté portant abrogation de l’arrêté du 20 juillet 2005, que l’article D. 2261-13 du code du travail dispose que : « Dans les formes prévues par les articles L. 2261-24 à L. 2261-31, le ministre chargé du travail peut, à la demande d’une des organisations représentatives intéressées ou de sa propre initiative : 1° abroger l’arrêté d’extension en vue de mettre fin à l’extension de la convention ou d’un accord ou de certaines de leurs dispositions lorsqu’il apparaît que les textes en cause ne répondent plus à la situation de la branche ou des branches dans le champ d’application considéré (…) » ; que le pouvoir réglementaire a ainsi entendu renvoyer à l’ensemble de la procédure applicable pour l’extension ou l’élargissement d’une convention ou d’un accord, y compris en ce qu’elle est précisée par les dispositions réglementaires prises pour l’application des articles L. 2261-24 à L. 2261-31 ; que, par suite, le ministre chargé du travail devait faire précéder son arrêté de la publication d’un avis au Journal officiel, en application de l’article D. 2261-3, qui dispose que : « lorsqu’un arrêté d’extension (…) est envisagé, il est précédé de la publication au Journal officiel de la République française d’un avis. Cet avis invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations. (…) / Les organisations et les personnes intéressées disposent d’un délai de quinze jours à compter de la publication de l’avis pour présenter leurs observations » ; qu’il est constant qu’il n’a pas été procédé à cette publication ;

3. Considérant toutefois que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; qu’il ressort des pièces du dossier que, d’une part, le ministre a procédé, pendant dix-huit mois, à une large consultation des organisations professionnelles concernées, d’autre part, l’arrêté d’extension de l’avenant n° 53 du 25 septembre 2008 à la convention collective nationale des services de l’automobile, qui impliquait nécessairement l’abrogation de l’arrêté du 20 juillet 2005, a été précédé d’un avis au Journal officiel de la République française ; qu’ainsi, l’ensemble des personnes intéressées ont été mises en mesure de faire connaître leurs observations, sans que le défaut de publication les ait privées par lui-même d’une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure doit être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, en ce qui concerne l’arrêté portant extension de l’avenant du 25 septembre 2008, que l’avis relatif à cette extension a été publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre 2008 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances de fait et de droit au regard desquelles l’arrêté attaqué a été pris se soient modifiées entre la date de cette publication et celle de son édiction ; que le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière faute de publication d’un nouvel avis au Journal officiel de la République française doit, par suite, être écarté ;

Sur la légalité interne des arrêtés attaqués :

5. Considérant que le ministre chargé du travail, saisi d’une demande d’extension, doit notamment rechercher si le champ d’application professionnel pour lequel l’extension est envisagée n’est pas compris dans le champ professionnel d’une autre convention ou d’un autre accord collectif précédemment étendu ; que, lorsqu’il apparaît que les champs d’application professionnels définis par les textes en cause se recoupent, il lui appartient, préalablement à l’extension projetée, soit d’exclure du champ de l’extension envisagée les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l’accord collectif précédemment étendu, soit d’abroger l’arrêté d’extension de cette convention ou de cet accord collectif, en tant qu’il s’applique à ces activités ; que les dispositions combinées des articles L. 2222-1, L. 2261-15 et D. 2261-13 du code du travail lui attribuent à cet égard un pouvoir d’appréciation lui permettant de procéder à cette abrogation, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, pour des motifs d’intérêt général tenant notamment à la cohérence d’ensemble des champs conventionnels concernés et à la stabilité juridique des règles applicables aux entreprises et à leurs salariés ;

6. Considérant, en premier lieu, que, pour décider de l’abrogation de l’arrêté du 20 juillet 2005, le ministre s’est fondé sur l’intérêt général qui s’attache à la stabilité juridique des stipulations conventionnelles applicables aux entreprises, dès lors que ni la représentativité des fédérations de chacune des conventions en cause ni l’analyse de la situation économique du secteur des cycles ne permettaient de déterminer la convention la plus adaptée à la situation des entreprises de ce secteur et qu’il apparaissait que la majorité des entreprises concernées avaient continué, en dépit de l’arrêté du 20 juillet 2005, de se regarder comme relevant de la seule convention collective nationale des services de l’automobile ; qu’en se fondant sur un tel motif, le ministre n’a pas commis d’erreur de droit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l’arrêté abrogeant l’arrêté du 20 juillet 2005 n’ayant ni pour objet ni pour effet de dénier à la fédération requérante sa représentativité, celle-ci ne saurait faire grief au ministre d’avoir remis en cause sa représentativité ; qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments fournis par la fédération requérante, que le ministre n’a pas inexactement apprécié la situation de l’espèce en estimant que le critère de la représentativité ne permettait pas, à lui seul, de déterminer à quelle convention collective nationale devaient être rattachés le commerce et la réparation de cycles ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si la fédération requérante soutient que les cycles doivent être regardés principalement comme des articles de sport et de loisir et non comme des moyens de locomotion, il ressort des pièces du dossier que le ministre, eu égard à la spécificité de l’activité d’entretien et de réparation des cycles, soumise à des dispositions particulières du code de la route, ainsi qu’à la taille des entreprises spécialisées dans le commerce de cycles, n’a pas fait une inexacte application des dispositions du code du travail en rattachant le commerce et la réparation des cycles à la convention nationale collective des services de l’automobile ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l’arrêté portant extension de l’avenant du 25 septembre 2008 serait, par voie de conséquence de l’illégalité de l’arrêté abrogeant l’arrêté du 20 juillet 2005, entaché d’une erreur de droit en ce qu’il créerait un chevauchement de champs conventionnels ne peut qu’être écarté ;

10. Considérant qu’il suit de là que la FPS n’est pas fondée à demander l’annulation des deux arrêtés attaqués ; que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération professionnelle des entreprises du sport et des loisirs et au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée à la fédération nationale des distributeurs de véhicules de loisirs, à la CFE-CGC Fédération nationale de l’encadrement du commerce et des services, à la confédération générale du travail – Force ouvrière de la métallurgie, au conseil national des professions de l’automobile, à la fédération nationale du commerce et de la réparation du cycle et du motocycle et à la fédération nationale de l’artisanat automobile.

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