Conseil d'État, 3ème SSJS, 10 décembre 2014, 383483, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CE, 3e ss-sect. jugeant seule, 10 déc. 2014, n° 383483
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 383483
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Limoges, 16 juillet 2014, N° 1401222
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032629939
Identifiant européen : ECLI:FR:CESJS:2014:383483.20141210

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :

M. A… a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de suspendre l’exécution de l’arrêté du 9 mai 2014 par lequel le préfet de la Corrèze a déclaré son cheptel détenu au lieu dit « Le Vialaneix » infecté par la tuberculose bovine. Par une ordonnance n° 1401222 du 17 juillet 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a ordonné la suspension de l’exécution de cet arrêté en tant qu’il prescrit l’abattage total du troupeau.


Procédure devant le Conseil d’Etat :

Par un pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 5 août 2014, le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’article 1er de l’ordonnance n° 1401222 du 17 juillet 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges ;

2°) statuant en référé dans cette mesure, de rejeter la demande de suspension.

Vu :

 – les autres pièces du dossier ;

 – la Constitution ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

 – la directive 98/58/CE du Conseil du 20 juillet 1998 ;

 – le code rural et de la pêche maritime ;

 – le décret n° 99-260 du 2 avril 1999 ;

 – l’arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins ;

 – l’arrêté du 24 octobre 2005 pris pour l’application de l’article L. 221-1 du code rural ;

 – le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

— les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Vincent, Ohl, avocat de M. A…;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que M. A… est propriétaire d’un cheptel de 155 bovins sur le site dit « Le Vialaneix » et de 55 bovins sur le site dit « Crouzette » ; que lors d’un contrôle réalisé le 5 mars 2014 à l’abattoir de Vitré, des lésions évocatrices de tuberculose bovine ont été constatées sur un bovidé identifié comme provenant de la partie du cheptel de M. A… située sur le site dit « Le Vialaneix » ; que, par arrêtés du 13 mars 2014, le préfet de la Corrèze a prononcé la mise sous surveillance des deux parties du troupeau de M. A… ; qu’à la suite d’analyses complémentaires, il a, par arrêté du 9 mai 2014, déclaré la partie de troupeau située au lieu dit « Le Vialaneix » infectée et prescrit, d’une part, des mesures de prophylaxie, d’autre part, l’abattage total de cette partie du troupeau ; que le ministre chargé de l’agriculture se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 17 juillet 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges en tant qu’elle suspend l’exécution de la mesure d’abattage total ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. » ; que ces dispositions permettent au pouvoir réglementaire d’autoriser des expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi ; que dès lors, en jugeant qu’était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté prescrivant l’abattage total du troupeau de M. A… le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité à raison du fait que l’exploitation de M. A…, qui se trouve en Corrèze, ne pouvait se voir appliquer les dispositions de l’arrêté du 4 septembre 2008 relatif à l’abattage partiel à titre expérimental de certains troupeaux de bovins infectés de tuberculose dans les départements de la Côte-d’Or et de la Dordogne, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a commis une erreur de droit ; que l’article 1er de son ordonnance doit, pour ce motif, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;

3. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

5. Considérant, en premier lieu, que l’article 11 de l’arrêté du 15 septembre 2003 fixant les mesures techniques et administratives relatives à la prophylaxie collective et à la police sanitaire de la tuberculose des bovinés et des caprins prévoit qu’une instruction du ministre chargé de l’agriculture fixe notamment les conditions et modalités de recours aux tests de dépistage et de diagnostic de la tuberculose ; que, sur cette base, a été prise la note de service DGAL/SDSPA/SDSSA/N2013-8123 du 23 juillet 2013 qui énonce, au titre des mesures de traçabilité à prendre en cas de détection de lésion suspecte de tuberculose : « Dans la mesure du possible, il convient également de conserver une oreille avec la boucle du ou des animaux ayant présenté des lésions suspectes, afin de garder une possibilité de tests de confirmation génétique ultérieurs en cas de contestation » ;

6. Considérant, d’une part, qu’eu égard à la portée de ces dispositions, le moyen tiré de ce que l’arrêté litigieux serait illégal dès lors qu’il se fonde sur le résultat d’un contrôle à l’issue duquel n’a pas été conservée une oreille avec la boucle de l’animal ayant présenté des lésions suspectes ne paraît pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

7. Considérant, d’autre part, qu’il est constant que le laboratoire de Vitré a respecté les mesures de traçabilité prescrites par le décret du 2 avril 1999 relatif à l’étiquetage et à la traçabilité des viandes bovines, dont l’article 1er prescrit notamment le marquage de l’animal à l’encre indélébile avant enlèvement de la partie portant le numéro national d’identification ; que par ailleurs, il ressort des pièces du dossier qu’à la demande de M. A…, le ministre a fait procéder à un test de compatibilité génétique entre les produits infectés et le père du bovin identifié comme contaminé ; que ce test a confirmé une probabilité de filiation de 99,937 % ; que, dès lors, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que l’arrêté litigieux aurait été pris au vu d’analyses qui ne porteraient pas sur le bovin identifié comme provenant de l’exploitation de M. A… n’est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que l’article 3 de la directive 98/58/CE du 20 juillet 1998 du Conseil du 20 juillet 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages impose aux Etats membres de prendre les dispositions afin que les propriétaires ou détenteurs d’animaux domestiques prennent toutes les mesures appropriées en vue de garantir le bien-être de ces animaux et de leur éviter toute douleur, souffrance ou dommage inutile ; qu’eu égard à la portée de ces dispositions, qui encadrent les conditions d’élevage et de détention des animaux, le moyen tiré de ce que l’arrêté litigieux aurait été pris en leur méconnaissance ou en méconnaissance des articles L. 214-1 à L. 214-3 et R. 214-17 à D. 214-19 du code rural et de la pêche maritime, qui en assurent la transposition, n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu’il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le moyen tiré de ce que l’arrêté litigieux méconnaîtrait le principe d’égalité dès lors qu’il a été pris sur le fondement d’une réglementation qui n’inclut pas les dispositions à caractère expérimental de l’arrêté précédemment mentionné du 4 septembre 2008 permettant le seul abattage partiel de certains troupeaux de bovins infectés de tuberculose n’est pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, M. A… n’est pas fondé à demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du 9 mai 2014 en tant qu’il prescrit l’abattage total de la partie de son cheptel située au lieu dit « Le Vialaneix » ; que ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L’article 1er de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Limoges du 17 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la demande présentée par M. A… devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et à M. B… A….

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