Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 28 décembre 2018, 404792, Inédit au recueil Lebon

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Conclusions du rapporteur public · 26 avril 2024

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Conclusions du rapporteur public · 21 avril 2023

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Conclusions du rapporteur public · 17 octobre 2022

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Sur la décision

Référence :
CE, 6e et 5e ch. réunies, 28 déc. 2018, n° 404792
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 404792
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037882246
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2018:404792.20181228

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 31 octobre 2016 et les 18 mai et 18 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, les sociétés DOPLA, FLO EUROPE, ILIP et NUPIK INTERNACIONAL demandent au Conseil d’État :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en oeuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique ;

2°) de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux dépens éventuels.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la Constitution ;

 – la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment ses articles 20 et 21 ;

 – le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 26, 34 et 36 ;

 – la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages ;

 – la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;

 – le décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 ;

 – le code de l’environnement ;

 – le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

— le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

— les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a inséré à l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement un III aux termes duquel : « III. – Au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. / Les modalités d’application du premier alinéa du présent III sont fixées par décret, notamment la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes et les conditions dans lesquelles cette teneur est progressivement augmentée ». Les modalités d’application de ces dispositions ont été définies par le décret du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en oeuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique dont les sociétés Dopla et autres demandent au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes de l’article 22 de la Constitution, « les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ». S’agissant d’un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution.

3. Bien que le décret attaqué ait des incidences sur les entreprises qui produisent ou commercialisent en France les produits qu’il vise, son exécution n’appelle aucune mesure relevant de la compétence du ministre chargé des entreprises. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait irrégulier, faute d’être contresigné par le ministre de l’économie et des finances, ne peut qu’être écarté.

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance, par l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement, des articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

4. Les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne interdisent les restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation entre les États membres ainsi que toutes mesures d’effet équivalent. Aux termes de l’article 36 du même traité, ces dispositions ne font cependant pas obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit « justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. » Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, d’une part, que la notion de « mesure d’effet équivalent » inclut toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire, et, d’autre part, qu’une réglementation nationale qui constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives est autorisée lorsqu’elle est indistinctement applicable aux produits nationaux et importés et qu’elle est nécessaire pour satisfaire à l’une des raisons d’intérêt général qu’elle retient ou à des exigences impératives, comme la protection de l’environnement. Les dispositions en cause doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint.

5. D’une part, le décret attaqué interdit, en application de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement, à partir du 1er janvier 2020, la mise sur le marché et la commercialisation en France de gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique, à l’exception de ceux qui sont compostables en compostage domestique et qui sont composés de matière biosourcée à hauteur d’au moins 50 % à partir du 1er janvier 2020 et d’au moins 60 % à partir du 1er janvier 2025. En interdisant sur le marché français des produits ne satisfaisant pas aux minima fixés alors qu’ils peuvent être légalement fabriqués et commercialisés dans d’autres Etats membres, les dispositions contestées instituent une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 34 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

6. D’autre part, l’article L. 541-1 du code de l’environnement définit les objectifs poursuivis par la politique nationale de prévention et de gestion des déchets et impose à ce titre, dans un but de protection de l’environnement, de donner la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets, puis de mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets privilégiant la préparation en vue de la réutilisation et le recyclage par rapport aux autres formes de valorisation et à l’élimination.

7. Il ressort des pièces du dossier qu’en adoptant la mesure d’interdiction contestée, le législateur a poursuivi un objectif de réduction du volume des déchets plastiques afin, notamment, de prévenir et de limiter la pollution des sols et du sous-sol ainsi que les atteintes à la biodiversité. A cette fin, le texte entend, d’une part, limiter l’offre de produits plastiques jetables pour privilégier l’utilisation de produits réutilisables et, d’autre part, réduire la proportion de plastiques conventionnels dans les produits à usage unique restant commercialisés pour en limiter l’impact sur l’environnement. S’il est soutenu que les fabricants de gobelets, verres et assiettes en plastique sont déjà soumis à une réglementation contraignante leur imposant notamment de prendre en compte le cycle de vie de leurs produits dès leur conception, cette circonstance ne répond pas à l’objectif prioritaire précité de réduction de la production de déchets. A cet égard, les mesures de substitution évoquées par les requérantes, à savoir la mise en place de systèmes de collecte et de recyclage et de programmes de prévention de déchets sauvages à destination du public ou la mise en place d’un tri à la source, ne répondent pas à l’objectif de prévention et de réduction de la production des déchets en cause et ne constituent, en outre, qu’une réponse partielle à l’objectif de prévention de la pollution tant qu’une partie des déchets continue d’échapper aux circuits permettant leur gestion selon la hiérarchie fixée par la loi. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le champ d’application de l’interdiction qui, d’une part, aux termes du 6° de l’article D. 543-295 du code de l’environnement, tel qu’issu du décret attaqué, englobe l’ensemble des gobelets, verres et assiettes en plastique conçus pour pouvoir être utilisés pour tout type de consommation d’aliments ou de boissons, à l’exception des gobelets, verres et assiettes entrant dans le champ de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, et, d’autre part, s’applique indistinctement aux produits nationaux et importés, est en rapport direct avec l’objectif poursuivi. Enfin, si les requérantes invoquent le caractère encore incomplet des données disponibles sur l’impact réel sur l’environnement des produits composés de matières biosourcées, l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement précité n’autorise que ceux d’entre eux qui sont non seulement constitués pour tout ou partie de telles matières, mais qui sont également compostables en compostage domestique. Il résulte de ce qui précède, et alors que le législateur a prévu une entrée en vigueur différée et progressive du dispositif afin de permettre aux opérateurs du secteur concerné de s’adapter et, le cas échéant, de se réorienter vers la production et la commercialisation de produits compostables et constitués majoritairement de matières biosourcées, que l’interdiction édictée constitue une mesure nécessaire au regard de l’exigence impérative de protection de l’environnement, proportionnée et justifiée au regard de l’objectif poursuivi. Il suit de là que le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’inconventionnalité de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement doit être écarté.

En ce qui concerne l’atteinte au principe d’égalité :

8. D’une part, le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

9. Le décret attaqué définit les modalités d’application des dispositions du III de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement précité, tel qu’issu de la loi du 17 août 2015, qui vise exclusivement les gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine « pour la table » et qui exclut les produits utilisés comme emballages de produits alimentaires. S’il est soutenu que le décret attaqué établirait ainsi une différence de traitement injustifiée entre les gobelets, verres et assiettes jetables et ceux qui constituent des emballages, cette différence résulte de la loi. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité est inopérant.

10. D’autre part, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne que le principe d’égalité, consacré par les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

11. En édictant une réglementation visant l’utilisation, par des particuliers, de gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique destinés à la table, sans inclure ceux qui sont nécessaires à la vente de produits alimentaires et qui font déjà l’objet de la réglementation prévue par la directive 94/62/CE du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, le décret attaqué définit les modalités d’application des dispositions du III de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement précité, qui, ainsi qu’il a été rappelé, vise exclusivement les gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine « pour la table » et exclut les produits utilisés en qualité d’emballages de produits alimentaires. Cette distinction, qui s’applique indistinctement aux opérateurs nationaux et à ceux qui sont issus d’autres Etats membres de l’Union européenne et n’établit donc aucune discrimination fondée sur la nationalité, instaure une différence de traitement justifiée par une différence objective de situation. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les délais de mise en oeuvre selon les teneurs minimales en matière biosourcée fixés par le décret attaqué, qui ont pour but de permettre aux opérateurs concernés d’anticiper l’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction édictée, introduiraient une discrimination entre les professionnels concernés par la mesure. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l’exception, de la méconnaissance, par les dispositions du III de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement, du principe d’égalité consacré par les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux doit être écarté.

En ce qui concerne l’atteinte aux objectifs de clarté et d’intelligibilité de la norme :

12. Le 6° de l’article D. 543-295 du code de l’environnement, introduit par le décret attaqué, définit avec suffisamment de précision le champ d’application de la mesure d’interdiction édictée en prévoyant que celle-ci s’applique aux gobelets, verres et assiettes conçus pour pouvoir être utilisés pour tout type de consommation d’aliments ou de boissons, à l’exclusion des gobelets, verres et assiettes entrant dans le champ de la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, c’est-à-dire aux produits « pour la table », comme le prévoit l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement et conformément à la définition figurant au 5° du même article. Par ailleurs, la notion de « compostage domestique » renvoie aux exigences de la norme française homologuée relative aux spécifications pour les plastiques aptes au compostage domestique tandis que les notions de « matière biosourcée » et « teneur biosourcée » sont définies aux 7° et 8° de l’article D. 543-295 mentionné ci-dessus. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par le décret attaqué, des objectifs constitutionnels de clarté et d’intelligibilité de la norme ne peut qu’être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Dopla et autres ne sont pas fondées à demander l’annulation du décret du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en oeuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique. Leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Dopla et autres est rejetée.


Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Dopla, première requérante dénommée, au Premier ministre, ainsi qu’au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

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Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 28 décembre 2018, 404792, Inédit au recueil Lebon