Conseil d'État, 21 septembre 2022, 467514, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Vulpi Avocats - Chronique de jurisprudence · 17 octobre 2022

Septembre 2022 Actes et décisions - Procédure administrative non contentieuse 1 - Actes susceptibles de faire l'objet d'un recours devant le juge administratif – Protection de l'environnement - Preuve du dépôt de déclaration d'installation classée – Décision faisant grief – Recours contentieux possible contre elle. Interrogé par un tribunal administratif, le Conseil d'État répond ici à la question de savoir si la preuve de dépôt d'une déclaration d'une installation classée pour la protection de l'environnement, prévue, par le décret du 9 décembre 2015, à l'article R. 512-48 du code …

 
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Sur la décision

Référence :
CE, 21 sept. 2022, n° 467514
Juridiction : Conseil d'État
Numéro : 467514
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Nîmes, 11 septembre 2022, N° 2202732
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000046326503
Identifiant européen : ECLI:FR:CEORD:2022:467514.20220921

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A C ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l’exécution de l’article 3 de l’arrêté du 12 août 2022 du maire de la commune de Grillon autorisant l’euthanasie de leur chien « Sultan », en deuxième lieu, d’enjoindre au maire de la commune de Grillon de réexaminer leur demande afin de confier la garde définitive de leur chien à leur fils, M. B C et, en dernier lieu, d’ordonner la nomination d’un expert afin de mener une étude comportementale de leur chien. Par une ordonnance n° 2202732 du 12 septembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme A C demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ordonnance du 12 septembre 2022 ;

2°) de suspendre l’exécution de l’article 3 de l’arrêté du 12 août 2022 du maire de Grillon ;

3°) d’enjoindre au maire de Grillon de réexaminer leur demande tenant à confier la garde définitive de leur chien « Sultan » à leur fils, M. B C, ou à Mme D ;

4°) d’enjoindre au maire de Grillon d’ordonner une nouvelle évaluation comportementale de leur chien Sultan ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Grillon la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors que la décision contestée porte atteinte à la vie de leur animal, compte tenu de l’exécution imminente de l’euthanasie ;

— il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de propriété ;

— la décision contestée méconnaît les articles L. 211-11 et L. 211-12 du code rural et de la pêche maritime dès lors que, d’une part, le berger d’Anatolie n’est pas au nombre des races répertoriées comme dangereuses au sens de ces textes et, d’autre part, leur chien ne présente pas de danger grave et immédiat, au vu notamment de l’évaluation comportementale du 12 juillet 2022 ;

— la décision contestée a été prise alors que le maire, informé par les époux C qu’ils souhaitaient se séparer du chien pour le confier à leur fils, n’a alors pas souhaité les entendre ;

— l’arrêté contesté est entaché d’erreur d’appréciation dès lors qu’il est fondé sur le motif tiré de ce que « les conditions de détention de ce chien présentent un danger grave et immédiat » et que les requérants proposent deux solutions alternatives d’hébergement pour ce chien.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code rural et de la pêche maritime ;

— le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ». En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d’urgence n’est pas remplie ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : « I.- Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut prescrire à son propriétaire ou à son détenteur de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l’évaluation comportementale d’un chien réalisée en application de l’article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d’obtenir l’attestation d’aptitude prévues au I de l’article L. 211-13-1. / En cas d’inexécution, par le propriétaire ou le détenteur de l’animal, des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l’animal dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil et à la garde de celui-ci. / Si, à l’issue d’un délai franc de garde de huit jours ouvrés, le propriétaire ou le détenteur ne présente pas toutes les garanties quant à l’application des mesures prescrites, le maire autorise le gestionnaire du lieu de dépôt, après avis d’un vétérinaire désigné par le préfet, soit à faire procéder à l’euthanasie de l’animal, soit à en disposer dans les conditions prévues au II de l’article L. 211-25. Le propriétaire ou le détenteur de l’animal est invité à présenter ses observations avant la mise en œuvre des dispositions du deuxième alinéa du présent I. / II.- En cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou à défaut le préfet peut ordonner par arrêté que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie. / Est réputé présenter un danger grave et immédiat tout chien appartenant à une des catégories mentionnées à l’article L. 211-12, qui est détenu par une personne mentionnée à l’article L. 211-13 ou qui se trouve dans un lieu où sa présence est interdite par le I de l’article L. 211-16, ou qui circule sans être muselé et tenu en laisse dans les conditions prévues par le II du même article, ou dont le propriétaire ou le détenteur n’est pas titulaire de l’attestation d’aptitude prévue au I de l’article L. 211-13-1 ». Aux termes de l’article L. 211-14-1 du même code : « Une évaluation comportementale peut être demandée par le maire pour tout chien qu’il désigne en application de l’article L. 211-11. Cette évaluation est effectuée par un vétérinaire choisi sur une liste départementale. Elle est communiquée au maire par le vétérinaire. () »

3. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que le maire ou le préfet peut prendre des mesures visant à protéger les personnes ou animaux domestiques d’animaux susceptibles de présenter un danger pour eux, notamment en ordonnant une évaluation comportementale ou en invitant les propriétaires de l’animal à présenter des garanties supplémentaires de sécurité. En l’absence de garanties, le maire de la commune peut prendre des mesures coercitives tel le placement en lieu de dépôt de l’animal ou son euthanasie. En outre, en cas de danger grave et immédiat, le maire peut toujours ordonner que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie.

4. Le fait, pour le maire d’une commune ou le préfet, de ne pas restituer un animal à son propriétaire constitue une atteinte grave au droit de propriété de ce dernier. Toutefois, eu égard à l’office du juge des référés, cette atteinte, pour justifier une suspension de la mesure, est également subordonnée à l’existence d’une illégalité manifeste.

Sur les circonstances du litige :

5. Il résulte de l’instruction que M. et Mme A C sont propriétaires d’un chien de race berger d’Anatolie, mâle âgé de deux ans. Ce chien, dénommé « Sultan », a mordu une personne le 21 juin 2022. Le maire de la commune de Grillon a alors ordonné, sur le fondement des dispositions citées au point 2, qu’il soit procédé à une évaluation comportementale du chien. Cette étude, réalisée par un vétérinaire le 12 juillet 2022, a classé ce chien au niveau 2 de risque de dangerosité, soit, aux termes de l’article D. 211-3-2 du code rural, « un risque de dangerosité faible pour certaines personnes ou dans certaines situations ». Cette même étude a conclu à la nécessité de ne pas laisser le chien seul, sans surveillance, de sécuriser le portail et d’attacher le chien lorsque ce dernier se retrouve seul. Le 27 août 2022, le chien « Sultan » a réussi à s’échapper de la propriété de ses maîtres et s’est retrouvé sur la voie publique, attaquant des voitures et demeurant impossible à maîtriser. Il a à nouveau mordu une personne. Par un arrêté du 12 septembre 2022, le maire de la commune de Grillon a ordonné le placement du chien dans un lieu de dépôt sécurisé et a autorisé qu’il soit procédé à son euthanasie.

Sur la demande en référé :

6. M. et Mme C soutiennent que la mesure de placement en lieu de dépôt et autorisant l’euthanasie de leur chien constitue une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit de propriété ainsi qu’au droit à la vie de leur animal.

7. En premier lieu, le maire n’était pas tenu, lorsqu’il a décidé de faire usage, en vue d’un danger grave et immédiat, des pouvoirs qu’il tient des dispositions précitées du II de l’article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime, d’entendre les époux C, alors qu’ils l’avaient informé qu’ils souhaitaient se séparer du chien pour le confier à leur fils.

8. En deuxième lieu, si l’usage que peut faire le maire des pouvoirs qu’il tient des mêmes dispositions est subordonné au constat d’un danger grave et immédiat, il n’est pas conditionné au fait que le chien en cause appartienne aux deux catégories de chiens susceptibles d’être dangereux, mentionnées à l’article L. 211-12 du même code.

9. En troisième lieu, ainsi qu’il a été dit, après que le chien de M. et Mme C se soit échappé sur la voie publique et ait mordu une femme une première fois, le maire de la commune de Grillon a ordonné son évaluation comportementale. Cette évaluation, communiquée aux époux C, a recommandé de ne pas laisser le chien seul, sans surveillance, de sécuriser le portail et d’attacher le chien lorsque ce dernier se retrouve seul. Ultérieurement, le chien a brisé sa chaîne, s’est à nouveau échappé sur la voie publique et a alors mordu un père de famille, qui a dû se réfugier dans son véhicule avec sa femme et ses enfants. M. et Mme C font valoir le risque de niveau 2 identifié par l’évaluation ainsi que des témoignages de voisins assurant du caractère pacifique du chien. Ils proposent en outre de le confier à d’autres personnes, dont leur fils, maître-chien et dresseur. Il résulte toutefois de l’instruction et notamment de la note produite devant le tribunal administratif et signée par le directeur par intérim de la direction départementale de la protection des populations de Vaucluse, vétérinaire, qu’eu égard à son âge, sa race et les deux morsures intervenues à quelques semaines d’intervalle, la probabilité que diminue l’agressivité de ce chien vis-à-vis des humains qu’il ne connaît pas est très faible, y compris s’il est confié à un chenil ou au fils de M. et Mme C, qui ne dispose par ailleurs que d’un petit jardin, dans Marseille, ce qui augmente les risques. En conséquence, la décision du maire n’est, au regard du droit de propriété comme, en tout état de cause, du « droit à la vie » de l’animal, pas manifestement illégale.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner une nouvelle expertise comportementale du chien « Sultan », que, malgré l’urgence, M. et Mme C ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Leur requête doit par suite être rejetée, y compris leurs conclusions à fin d’injonction et celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

— -----------------

Article 1er : La requête de M. et Mme C est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A C.

Copie en sera adressée au maire de la commune de Grillon et à la préfète de Vaucluse.

Fait à Paris, le 21 septembre 202Signé : Thomas Andrieu

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Textes cités dans la décision

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  2. Code rural
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