CEDH, Cour (deuxième section), SOCIETE DES MINES SACILOR-LORMINES c. la FRANCE, 13 novembre 2003, 65411/01

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 13 nov. 2003, n° 65411/01
Numéro(s) : 65411/01
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 18 octobre 2000
Jurisprudence de Strasbourg : APBP c. France, no 38436/97, §§ 27, 35, 21 mars 2002
Nideröst Huber c. Suisse, arrêt du 18 février 1997, Recueil 1997-I, p. 108, §§ 23, 24
Van de Hurk c. Pays Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 20, § 61
Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, § 33
Higgins et autres c. France, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, § 42
Lobo Machado c. Portugal, arrêt du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 215, § 49
Vermeulen c. Belgique, arrêt du 20 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, p. 234, § 33
K.D.B. c. Pays Bas, arrêt du 27 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 631, § 44
Reinhardt et Slimane Kaïd c. France, arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998-II
García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 26, 28, CEDH 1999-I
Immeubles Groupe Kosser c. France, no 38748/97, § 23, 21 mars 2002
Kress c. France [GC], no 39594/98, §§ 71, 76, CEDH 2001-VI
Meftah c. France, no 32911/96, §§ 44-47, 26 avril 2001
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-44584
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:1113DEC006541101
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête no 65411/01
présentée par la Société Des Mines SACILOR-LORMINES
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 13 novembre 2003 en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
Gaukur Jörundsson,
L. Loucaides,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
M. Ugrekhelidze,
MmeA. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 18 octobre 2000,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante, la Société Des Mines de Sacilor-Lormines, est une société anonyme en liquidation amiable selon une délibération de son assemblée générale du 3 mars 2000, représentée par son liquidateur amiable, Monsieur Jean-Luc Sauvage, désigné par ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre du 6 mars 2000. Elle est représentée devant la Cour par Me Rémy Schmitt, avocat à Strasbourg.


A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

I. Genèse de l’affaire

La société Lormines, sous-filiale d’Usinor, a été constituée en 1978 pour reprendre, en vertu d’un décret de mutation du 28 mars 1979, les concessions et amodiations des mines de fer de Sacilor en Lorraine.

La requérante a ensuite repris d’autres concessions, en particulier celles de la société des mines du Nord-Est et de sa filiale, la société de Droitaumont-Giraumont. Au total, la requérante s’est retrouvée titulaire de soixante trois concessions de mines de fer en Lorraine à la date de l’annonce de l’arrêt d’exploitation. La régression de l’activité du minerai de fer s’est en effet poursuivie de façon constante depuis 1963. La société a été contrainte de cesser son activité d’extraction du fait de la faible rentabilité des gisements ferrifères lorrains face à la concurrence mondiale. Ainsi, la production de minerai de fer de la société requérante est passée de 13 940 000 T en 1978 à 4 300 000 T en 1991. Du fait de l’abandon, après un lent déclin, de la filière fonte phosphoreuse par les clients de la requérante, la décision d’arrêter la production a été prise en 1991. L’arrêt des différentes exploitations s’est étalé entre le 30 juin 1992 et le 31 juillet 1993. La requérante a dû cesser toute activité d’extraction en juillet 1993.

Dans la perspective de la cessation complète de son activité, la requérante a engagé les procédures d’abandon-renonciation des concessions dont elle était titulaire. L’abandon, qui vise à fermer et mettre en sécurité les anciennes installations minières, consiste à exécuter un arrêté par lequel le préfet territorialement compétent a défini les travaux d’abandon, et se termine lorsque l’administration a pu constater la parfaite réalisation des mesures prescrites. La renonciation met fin à la concession et soustrait le concessionnaire à l’application de la police spéciale des mines et le libère de la présomption de responsabilité pour les dégâts qui surviennent à la surface. Lors de l’annonce de l’arrêt des exploitations de la société, les procédures d’abandon et de renonciation étaient régis par l’article 83 du code minier et le décret no 80-330 du 7 mai 1980 relatif à la police des mines et des carrières. La loi no 94-588 du 15 juillet 1994, modifiant certaines dispositions du code minier, a supprimé les articles 83 et 84 et leur a substitué les articles 79 et 84. Le décret en Conseil d’Etat no 95-696 du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines a été adopté pour l’application de ces dispositions. Enfin, la loi no 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière des dommages consécutifs à l’exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l’exploitation a de nouveau modifié le droit minier (voir droit interne pertinent).  

De nombreuses mesures de police ont été prises dans ce cadre à l’encontre de la société requérante (plus d’une vingtaine), toutes contestées devant les tribunaux administratifs de Strasbourg et Nancy. Ces requêtes ont été rejetées par des jugements en date des 27 octobre, 17 novembre et 27 novembre 2000 pour le tribunal administratif de Strasbourg et du 29 décembre 2000 pour le tribunal administratif de Nancy. La requérante a interjeté appel de ces jugements devant la cour administrative d’appel de Nancy. Les procédures sont pendantes.

Par ailleurs, la requérante a également engagé de nombreux recours tendant à l’annulation des refus du ministre chargé des mines d’accepter sa renonciation à plusieurs concessions, à ce qu’il soit enjoint au ministre d’accepter lesdites renonciations et à ce qu’elle soit indemnisée du préjudice subi du fait de ces refus. Ces demandes ont été rejetées par des jugements du tribunal administratif de Nancy en date des 29 décembre 2000 et 30 août 2002 et par jugements du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 février 2002. Ces juridictions ont refusé de constater que la renonciation avait produit son effet par elle-même au motif que ce pouvoir n’appartiendrait qu’à l’administration et que l’abstention de celle-ci ne saurait permettre au juge administratif d’exercer un tel pouvoir. 

II. Les arrêtés interpréfectoraux des 26 mai et 18 juillet 1997 portant mesures de police des mines

L’arrêté interpréfectoral (préfecture de la région Lorraine, préfecture de la Moselle et préfecture de Meurthe-et-Moselle) du 26 mai 1997 portant mesures de police des mines, enjoignit à la requérante ce qui suit :

« Vu la loi no87.565 du 22 juillet 1987 modifiée relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt et à la prévention des risques majeurs ;

Vu le décret no95.696 du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines, notamment les articles 34 et 49 ;

Vu la décision inter-préfectorale du 25 mars 1997 des préfets de la Moselle, de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse portant création d’une « Conférence interdépartementale permanente sur les conséquences de l’arrêt de l’activité minière » composée d’une instance administrative et d’un Conseil Scientifique ;

Considérant les affaissements miniers survenus sur les sites de la « Cité de Coinville » le 14 octobre 1996, de la « rue de Metz » le 18 novembre 1996 à Auboue et de « Moutiers-Haut » le 15 mai 1997 à Moutiers ;

Considérant la répétition de ces affaissements et leurs conséquences dans des zones habitées ;

Considérant que les affaissements miniers menacent les intérêts protégés par l’article 79 du code minier notamment la solidité des édifices publics et privés, la conservation des voies de communication et la sécurité des populations ;

Considérant les interrogations sur l’origine de ces affaissements et les effets de l’ennoyage, compte-tenu notamment du constat que lors des derniers affaissements l’eau d’ennoyage avait atteint les zones d’exploitation sous-jacentes dans les trois mois précédents ;

Considérant en conséquence qu’il convient d’assurer de manière prioritaire la surveillance des conditions dans lesquelles l’ennoyage se réalise ; que la cote NGF 115 a été atteinte fin février 1997, soit il y a trois mois environ ; que la cote NGF 172 est celle de l’ennoyage final attendu ; que cette surveillance doit s’exercer sous les parties bâties, à l’intérieur des zones « jaunes », « oranges » et « rouges », correspondant aux parties d’édifices miniers dont la tenue à terme ne peut être considérée comme assurée de par leurs caractéristiques géométriques et d’exploitation ; que les communes concernées sont donc celles d’Auboue, Briey, Homecourt, Joeuf et Moutiers (Meurthe-et-Moselle) Moyeuvre-Petite, Moyeuvre-Grande, Roncourt, Sainte-Marie-aux-Chênes et Saint Privat-la-Montagne (Moselle) ;

Considérant que la mise en place d’un dispositif de contrôle propre à déceler l’apparition d’éventuels mouvements du sol en surface, de les mesurer et d’en suivre l’évolution le cas échéant, nécessite que puissent être préalablement inventoriées et hiérarchisées les zones à risque ;

Vu l’urgence ;

Sur la proposition de M. le directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement de Lorraine ;

Arrêtent :

Article 1er : [La requérante] est tenue, sans délai, de confier à un collège de trois spécialistes extérieurs à l’entreprise et dont elle soumettra la composition à l’accord préalable des préfets sur avis du Directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement de Lorraine, la mission ci-après définie :

-analyser les parties d’édifices miniers définies dans l’avant dernier considérant, localisé entre les cotes NGF 115 et 172 des communes d’Auboue, Briey, Homecourt, Joeuf et Moutiers (Meurthe et Moselle), Moyeuvre-Petite, Moyeuvre-Grande, Roncourt, Sainte-Marie-aux Chênes et Saint Privat-la-Montagne (Moselle).

-sérier les parties d’édifices miniers ainsi répertoriées en fonction de la présence de facteur de déséquilibre aggravant d’une part, de la vulnérabilité liée au type d’habitats exposés, d’autre part.

La société Lormines mettra à la disposition des spécialistes tous documents et archives d’ordre technique concernant les travaux d’exploitation intéressés détenus par elle.

La société communiquera au préfet dans un délai de dix jours, à compter de la notification du présent arrêté, le rapport rendu par ces spécialistes au termes de leur mission.

Article 2 : [La requérante] prendra toutes dispositions pour mobiliser en permanence un réseau adapté et suffisamment dimensionné des géomètres, afin de pouvoir exercer, à la demande des préfets, les mesures de surveillance et d’observations exigées par la situation. »

Par un arrêté du 18 juillet 1997, les préfets de la Moselle et de la Meurthe et Moselle imposèrent à la requérante ce qui suit :

« Vu le code minier, notamment les articles 77 et 79 ; (...)

Vu l’arrêté interprefectoral du 26 mai 1997, ensemble l’arrêté interpréfectoral du 11 juin 1997 des préfets de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle imposant à la Société LORMINES, dont le siège social est à Hayange (Moselle), 155 rue de Verdun, de confier à un collège de trois spécialistes extérieurs à l’entreprise, la mission d’analyser des parties d’édifices miniers des communes d’Auboue, Briey, Homecourt, Joeuf et Moutiers (Meurthe-et-Moselle), Moyeuvre-Petite, Moyeuvre-Grande, Roncourt, Sainte-Marie-aux-Chênes et Saint Privat (Moselle), et de sérier les parties d’édifices miniers ainsi répertoriés en fonction de la présence de facteurs de déséquilibres aggravants d’une part, de la vulnérabilité liée aux types d’habitats exposés d’autre part ;

Vu l’urgence ;

Considérant le rapport des experts mandatés par la Société LORMINES conformément à l’arrêté préfectoral sus-visé ;

Considérant qu’en l’état actuel des connaissances, l’apparition de fissures sur les bâtiments peut constituer un précurseur d’affaissement ;

Sur la proposition de Monsieur le Directeur Régional de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement de Lorraine ; Arrêtent

Article 1

La Société LORMINES, dont le siège social est à HAYANGE (Moselle), 155 Rue de Verdun, prendra toutes dispositions pour mobiliser en permanence un réseau adapté et suffisamment dimensionné d’experts compétents en bâtiments afin de pouvoir exercer dans des délais brefs et à la demande des préfets, à l’analyse des fissures des bâtiments à l’intérieur des zones « jaunes », « oranges » et « rouges », sous parties bâties comprises dans le périmètre des concessions de mines de fer dont la Société LORMINES est le titulaire dans les communes d’Auboue, Briey, Homecourt, Joeuf et Moutiers (Meurthe-et-Moselle), Moyeuvre-Petite, Moyeuvre-Grande, Roncourt, Sainte-Marie-aux-Chênes et Saint Privat (Moselle),

Le compte rendu des analyses faites par ces experts sera communiqué par écrit aux préfets concernés, dans les délais et les formes compatibles avec le déclenchement de la procédure d’alerte si celle-ci s’avère nécessaire, sous 48 heures dans les autres cas.


Article 2

Messieurs les secrétaires généraux des préfectures de Moselle et de Meurthe et Moselle, le Directeur Régional de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement de Lorraine et les sous-préfets territorialement compétents, sont chargés, chacun en ce qui les concerne, de l’exécution du présent arrêté qui sera notifié à la Société LORMINES, transmis immédiatement aux maires des communes concernées et qui sera publié au recueil des actes administratifs de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ».

Le 31 décembre 1997, la requérante saisit le Conseil d’Etat d’une demande en annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 26 mai 1997 et de la décision implicite par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie refusa de retirer cet arrêté. Elle sollicita également le remboursement d’une somme de 325 620 francs, augmentée des intérêts, représentant le montant des frais exposés en application de l’arrêté du 26 mai 1997.

Le 17 mars 1998, la société requérante saisit le Conseil d’Etat d’un recours en excès de pouvoir contre l’arrêté du 18 juillet 1997 et la décision implicite par laquelle le ministre compétent refusa de retirer cet arrêté ainsi que d’une demande de remboursement des frais qu’elle avait exposé pour son application.

Le 21 mars 2000, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat envoya un courrier au directeur des affaires juridiques du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie dans lequel il disait regretter le dysfonctionnement de ses services dans l’instruction d’affaires contentieuses inscrites à un rôle du Conseil d’Etat du 20 mars 2000 qui avaient dû en être rayées à la toute dernière minute en raison d’une production tardive de sa part. Il précisait ceci : 

« S’agissant de l’affaire no 192947, elle vous a été communiquée le 9 mars 1998. En l’absence de réponse de votre part, vous avez été invité à nouveau à produire vos observations les 16 juillet, 27 août et 29 septembre 1998 et 8 avril 1999.

Parce qu’il faut bien qu’une affaire soit jugée même si l’administration néglige de répondre, l’affaire a été confiée à un rapporteur, examinée en formation d’instruction, transmise à un commissaire du Gouvernement et inscrite au rôle du 20 mars, l’avis d’audience étant transmis le 13 mars 2000.

Ce n’est que postérieurement à cet avis d’audience que vous avez produit des observations qui ont été reçues au Conseil d’Etat le 18 mars, en télécopie.

Le principe du caractère contradictoire de la procédure imposant que vos observations fussent communiquées à la société requérante, il a été inévitable de rayer l’affaire du rôle. A quelques nuances près, il en, va de même pour l’affaire no 194925. Une telle situation est difficilement admissible. Pour la bonne instruction des affaires, le juge impartit des délais aux parties. Le cas échéant, un délai supplémentaire peut, s’il est demandé, être accordé.

Mais en l’espèce, ce n’est qu’au bout de deux ans qu’en dépit de plusieurs rappels vous avez présenté vos observations et vous l’avez fait après inscription au rôle plaçant le Conseil d’Etat devant le fait accompli et lui imposant de rayer l’affaire.

Le Premier Ministre a pris en 1998 des dispositions propres à assurer dans de bonnes conditions la défense de l’Etat et le bon déroulement des procédures juridictionnelles. Je regrette qu’en l’espèce ses directives aient été méconnues de façon aussi patente ». 

Par arrêt du 19 mai 2000 (nos 192947, 194925), notifié le 20 juin 2000, le Conseil d’Etat, après avoir joint les deux recours, se prononça comme suit :

« (...)

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 34 du décret [du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines] : le préfet prend par arrêté les mesures de police applicables aux mines. Sauf en cas d’urgence ou de péril imminent, il invite auparavant l’exploitant à présenter ses observations dans le délai qu’il lui impartit » ; que compte tenu de la gravité de la situation créée par les affaissements qui s’étaient produits les 14 octobre 1996, 18 novembre 1996 et 15 mars 1997 à l’aplomb de différents sites miniers qui avaient été exploités par [la requérante] et au vu des conclusions déposées le 20 mai 1997 par le conseil scientifique crée le 25 mars 1997 à cet effet, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont pu légalement prendre en urgence l’arrêté du 26 mai 1997 prescrivant à la société requérante de confier à un collège d’experts l’analyse de plusieurs sites miniers et d’en étudier les risques et de mobiliser en permanence un réseau de géomètres afin de pouvoir exercer les mesures de surveillance requises ; qu’ils ont pu également, en raison de l’urgence, sans consulter l’exploitant et sitôt connu le rapport des experts désignés en application de l’arrêté du 26 mai 1997, imposer à la société, par l’arrêté du 18 juillet 1997, de mobiliser en permanence un réseau d’experts en bâtiments ; que, par suite, les moyens tirés de ce ces arrêtés auraient été pris aux termes d’une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l’article 34 du décret du 9 mai 1995, ne peuvent être accueillis ;

Considérant qu’aux termes de l’article 79 du code minier dans sa rédaction issue de la loi du 15 juillet 1994 : « les travaux de recherche ou d’exploitation d’une mine doivent respecter les contraintes et obligations afférentes à (...)/ la sécurité et la salubrité publiques, (...) à la solidité des édifices publics ou privés (...) /Lorsque les intérêts mentionnés à l’alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l’autorité administrative peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts dans un délai déterminé » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 84 du code minier, fixant les règles applicables à l’arrêt des travaux miniers : « Lorsque les mesures prévues par le présent article ou prescrites par l’autorité administrative en application du présent article ont été réalisées, l’autorité administrative en donne acte à l’explorateur ou à l’exploitant (...) » ; qu’aux termes de l’article 49 du décret du 9 mai 1995 : « la surveillance administrative et la police des mines prennent fin à la date où il est donné acte à l’exploitant des travaux effectués (...)/ Toutefois, le préfet est habilité (...) à prendre (...) toutes les mesures que rendraient nécessaires des incidents ou accidents imputables à d’anciens travaux miniers, lorsque de tels évènements sont de nature à porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 79 du code minier, et ce jusqu’à la limite de validité du titre minier » ;

Considérant, d’une part, que, contrairement à ce qui est soutenu, la loi du 15 juillet 1994 est entrée en vigueur dès sa publication ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que les demandes d’abandon de travaux auraient été présentées avant l’entrée en vigueur de cette loi, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle en ont fait légalement application ; 

Considérant, d’autre part, qu’il ressort de la combinaison des dispositions précitées que la circonstance que l’exploitant aurait exécuté les travaux prescrits par l’autorité administrative en vue de l’abandon d’un mine, ne suffit pas à l’exonérer de ses responsabilités tant qu’il ne lui a pas été donné acte de cette exécution et, pour les incidents ou accidents mettant en jeu la protection des intérêts visés par l’article 79 du code minier, tant que le concessionnaire reste titulaire du titre minier ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’exception des concessions de Valleroy et Moutiers, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle n’ont pas donné acte de l’exécution des travaux pour les mines abandonnées par [la requérante], ni accepté les propositions de renonciation aux concessions concernées ; que, par suite, les préfets (...) ont pu à bon droit, sauf sur les parties de communes situées à l’aplomb des concessions de Valleroy et Moutiers, mettre à la charge de l’exploitant les mesures nécessaires pour prévenir la répétition d’affaissements de terrain ;

Considérant qu’en application des dispositions des articles 79 et 84 du code minier, les autorités administratives peuvent prescrire à l’exploitant toutes les mesures destinées à assurer la protection des objectifs de sécurité et de salubrité publiques et de solidité des édifices prévue par l’article 79 de ce code ; que ces mesures peuvent consister aussi bien en des études destinées à analyser et répertorier les risques d’incident que dans des travaux destinés à les prévenir ou y mettre fin ; 

(...)

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’Etat doit être condamné à rembourser à la société requérante les frais engagés correspondant aux sites pour lesquels la décision du ministre imposant des mesures à la société est annulée par la présente décision ;

(...)

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à [la requérante] une somme de 20 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; (...) ».

Le 17 janvier 2001, la requérante saisit le tribunal administratif de Paris afin qu’il annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’économie sur sa demande tendant au versement de la somme de 20 000 francs en exécution de l’article 3 de l’arrêt du Conseil d’Etat du 19 mai 2000.

Par ordonnance du 28 février 2001, le président du tribunal transmit la requête au Conseil d’Etat.

Dans le même temps, la requérant demanda au Conseil d’Etat de condamner l’Etat à une astreinte de 2000 francs par jour en vue d’assurer l’exécution de l’ensemble de la décision du 19 mai 2000.

Par arrêt du 5 avril 2002 (nos 229499, 231060), notifié le 23 mai 2002, le Conseil d’Etat considéra que l’exécution litigieuse n’était pas complète :

« Considérant que le ministre de l’économie des finances et de l’industrie a, le 23 juillet 2001, ordonné le paiement d’une somme de 71 745,60 francs au titre de remboursement des frais engagés sur les sites pour lesquels les décisions du ministre ont été annulées par la décision du 19 mai 2000 ; qu’il ressort d’une fiche de calcul produite par l’administration que cette somme se décompose en une indemnité de 66 000 francs en principal, dont le montant n’est pas contesté, et des intérêts s’élevant à 5 745,60 francs ; que s’agissant des intérêts (....) le point de départ aurait dû être fixé, non pas au 19 mai 2000, date de la décision ayant prononcé la condamnation, mais au jour où la requérante a effectivement payé la facture du 31 octobre 1997 de l’institut national de l’environnement industriel et des risques ; que, dans cette mesure, la requérante est fondée à soutenir que la décision du 19 mai 2000 n’a pas été complètement exécutée.

Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de prescrire à l’Etat de prendre dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, en ce qui concerne le point de départ des intérêts au taux légal, les mesures propres à assurer complètement l’exécution de l’article 2 de l’arrêt du 19 mai 2000, et de prononcer contre lui une astreinte de 10 euros par jour à compter de l’expiration de ce délai s’il ne s’est pas acquitté de cette obligation ». 

III. L’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998

Faisant suite aux arrêtés des 26 mai et 18 juillet 1997 susvisés et à d’autres arrêtés du 12 août 1997 prescrivant la mission d’analyser des parties d’édifice miniers de plusieurs communes n’ayant pas fait l’objet de l’expertise prescrite par l’arrêté interpréfectoral du 26 mai 1997 et de sérier les parties d’édifices miniers ainsi répertoriés en fonction de la présence de facteurs de déséquilibres aggravants d’une part, et de la vulnérabilité liée aux types d’habitats d’autre part, les préfets de la Moselle, de Meurthe et Moselle et de la Meuse prirent un arrêté en date du 24 juillet 1998 enjoignant ce qui suit :

« (...) Article 1er

La requérante (...) prendra toutes dispositions pour procéder, dans des délais brefs et à la demande des préfets territorialement compétents, à l’analyse de fissure de bâtiments ou d’infrastructures implantés à l’intérieur des zones « jaunes, oranges et rouges » affichées comme exposées à mouvements significatifs du sol dans la cartographie des amplitudes des affaissements potentiels différés diffusée et localisées à l’intérieur des emprises des concessions de mines de fer portant sur parties des départements de la Moselle, de Meurthe et Moselle et de la Meuse dont [la requérante] est titulaire.

Le compte rendu des analyses sera communiqué par écrit aux préfets concernés, dans les délais et les formes compatibles avec le déclenchement de la procédure d’alerte si celle-ci s’avère nécessaire, sous 48 heures dans les autres cas.

(...) ».

La requérante n’ayant pu exécuter cet arrêté, celui-ci fit l’objet d’une exécution d’office par l’Etat aux frais de la première. Au titre de l’exécution d’office, la requérante se vit réclamer la somme de 18 572 francs par un titre de perception du 7 février 2000 qu’elle contesta devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Le 17 septembre 1998, la requérante saisit le Conseil d’Etat d’une requête visant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 et demanda le sursis à exécution de cet arrêté.

Le 23 mars 1999, elle saisit la haute juridiction afin qu’elle annule la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’économie sur sa demande qui tendait au retrait de l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 et qu’elle condamne l’Etat à lui verser une indemnité de 450 455 francs en réparation des frais engagés pour l’application de l’arrêté litigieux.

Dans ses conclusions du 21 février 2001, la requérante sollicita la communication, avant l’audience, des avis rendus par les formations administratives du Conseil d’Etat en matière minière au cours des dernières années et des conclusions du commissaire du Gouvernement.

Par arrêt du 5 avril 2002 (no 199686, 205909), le Conseil d’Etat, après avoir joint les deux requêtes, rejeta les prétentions de la requérante :

« (...) Sur les conclusions de [la requérante] tendant à la communication de divers documents :

Considérant d’une part que les conclusions du commissaire du Gouvernement n’ont pas à être préalablement communiquées aux parties ; que d’autre part la requérante n’est en tout état de cause, pas fondée à demander, dans le cadre de ses conclusions dirigées contre l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998, la communication d’avis, émis par les formations administratives du Conseil d’Etat, portant sur des projets de loi ou de décret ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines, et de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie au recours hiérarchique formé contre cet arrêté :

Considérant, en premier lieu, que l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 a un champ d’application plus étendu que l’arrêté interpréfectoral du 18 juillet 1997, lequel, d’ailleurs, n’a été que partiellement annulé par la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux en date du 19 mai 2000 ; que, par suite, la société requérante n’est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l’arrêté du 24 juillet 1998 devrait être annulé par voie de conséquence de l’annulation de l’arrêté du 18 juillet 1997 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 27 du décret du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines : « Le préfet, sous l’autorité du ministre chargé des mines, exerce la surveillance administrative et la police des mines sur l’ensemble des travaux et installations situés dans son département. Lorsque les travaux et installations s’étendent sur plusieurs départements, le ministre chargé des mines peut confier à un préfet coordinateur le soin d’exercer la surveillance administrative et la police des mines sur l’ensemble des travaux et installations » ; que ces dispositions prévoient la possibilité pour le ministre chargé des mines de désigner un préfet coordinateur, mais ne lui en font pas obligation ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en l’absence de cette désignation, les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle auraient été incompétents pour prendre les arrêtés attaqués, ne peut qu’ être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que le projet d’arrêté litigieux a été communiqué le 23 juin 1998 à la société requérante qui a présenté ses observations le 30 juin 1998 ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’inobservation de la procédure contradictoire instituée à l’article 34 du décret du 9 mai 1995 manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que l’arrêté attaqué vise les textes applicables, rappelle les précédentes étapes de la procédure et se réfère aux « préconisations du conseil scientifique réuni le 24 février 1998 ayant pour effet d’étendre les expertises déjà réalisées à l’ensemble des concessions dont [la requérante] est titulaire (...), l’objectif étant d’évaluer les risques pour la sécurité des personnes » ; qu’il est, ainsi, suffisamment motivé ;

Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article 79 du code minier dans sa rédaction issue de la loi du 15 juillet 1994 : « Les travaux de recherches ou d’exploitation d’une mine doivent respecter les contraintes et obligations afférentes à (...) / la sécurité et la salubrité publiques, (...) à la solidité des édifices publics ou privés (...) : Lorsque les intérêts mentionnés à l’alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l’autorité administrative peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toute mesure destinée à assurer la protection de ces intérêts dans un délai déterminé » ; qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 84 du même code minier, fixant les règles applicables à l’arrêt des travaux miniers : « Lorsque les mesures prévues par le présent article ou prescrites par l’autorité administrative en application du présent article ont été réalisées, l’autorité administrative en donne acte à l’explorateur ou à l’exploitant (...) » ; qu’aux termes de l’article 49 du décret du 9 mai 1995 : « La surveillance administrative et la police des mines prennent fin à la date où il est donné acte à l’exploitant des travaux effectués (...)/ Toutefois, le préfet est habilité (...) à prendre (...) toutes les mesures que rendraient nécessaires des incidents ou accidents imputables à d’anciens travaux miniers, lorsque de tels évènements sont de nature à porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 79 du code minier, et ce jusqu’à la limite de validité du titre minier » ; que selon l’article 119-4 du code minier : « les renonciations, totales ou partielles, aux droits de recherche ou d’exploration de mines ou de carrières ne deviennent définitives qu’après avoir été acceptées par le ministre chargé des mines » ; qu’aux termes de l’article 34 du décret du 19 avril 1995 : « La demande de renonciation à un titre minier est adressée au ministre chargé des mines. / (...) L’acceptation d’une renonciation est prononcée par arrêté du ministre chargé des mines » ;

Considérant, d’une part, que, contrairement à ce qui est soutenu, la loi du 15 juillet 1994 est entrée en vigueur dès sa publication et avait vocation à s’appliquer à toutes les concessions de mines en cours de validité à cette date ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que les demandes d’abandon de travaux et de renonciation aux concessions auraient été présentées avant l’entrée en vigueur de cette loi, les préfets de la Moselle, de le Meuse et de Meurthe-et-Moselle en ont fait légalement application ; que la société requérante ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir utilement d’un moyen tiré, de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique dès lors que l’arrêté attaqué n’a pas été pris pour la mise en oeuvre du droit communautaire ;

Considérant, d’autre part, qu’il ressort de la combinaison des dispositions précitées que la circonstance que l’exploitant aurait été exécuté les travaux prescrits par l’autorité administrative en vue de l’abandon d’une mine, ne suffit pas à l’exonérer de ses responsabilités tant qu’il ne lui a pas été donné acte de cette exécution ; qu’en outre, lorsque, comme en l’espèce, sont survenus des incidents ou accidents, tels que des affaissements, susceptibles de nuire à la solidité des édifices publics et privés, le préfet demeure habilité à intervenir même après qu’il a été donné acte de l’exécution des travaux prescrits en vue de l’abandon de la mine, tant que le concessionnaire reste titulaire du titre minier ; qu’il ressort des pièces du dossier que si certaines des mines énumérées à l’article 2 de l’arrêté attaqué avaient fait l’objet d’une procédure d’abandon dont il avait été donné acte par le directeur régional de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, aucune des concessions correspondantes, à la date de l’arrêté attaqué, n’était venue à expiration ou n’avait fait l’objet d’une procédure de renonciation acceptée par le ministre, une telle acceptation expresse étant seule susceptible, contrairement à ce qui est soutenu dans un nouveau mémoire enregistré la veille de l’audience, quelle que soit la date à laquelle elle intervient, de donner son plein effet à la renonciation ; que la société requérante ne peut utilement invoquer les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour soutenir qu’il appartiendrait au Conseil d’Etat de fixer une date différentes ; que, par suite, les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle ont pu à bon droit mettre à la charge de l’exploitant les mesures nécessaires pour prévenir la répétition d’affaissements de terrain ;

Considérant, en sixième lieu, qu’en application des dispositions des articles 79 et 84 du code minier, les autorités administratives peuvent prescrire à l’exploitant toutes les mesures destinées à assurer la protection des objectifs de sécurité et de salubrité publiques et de solidité des édifices prévue par l’article 79 de ce code ; que ces mesures peuvent consister aussi bien en des études destinées à analyser et répertorier les risques d’incidents que dans des travaux destinés à les prévenir ou à y mettre fin ;

Considérant, en septième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, l’arrêté attaqué ne comporte pas de prescriptions imprécises ou impossibles à exécuter ;

Considérant, en huitième lieu, qu’il ne peut, en tout état de cause, être sérieusement soutenu que l’arrêté attaqué impose à la société requérante une obligation prohibée par l’article 4 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales selon lequel « nul ne peut être astreint à un travail forcé ou obligatoire » ; que les charges financières qui résulteront de l’application de cet arrêté ne sauraient être assimilées à une dépossession de la société requérante alors d’ailleurs que l’article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention réserve la possibilité pour les Etats de « mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général » ; que l’article 11 de la convention, relatif à la liberté de réunion et d’association, n’est pas applicable à l’espèce ; qu’enfin, l’arrêté attaqué n’impose pas à la société requérante des « charges spéciales » prohibées par l’article 4 du traité instituant la communauté européenne du charbon et de l’acier ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il y ait lieu de poser à la Cour de justice des communautés européennes aucune question préjudicielle, que [la requérante] n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 portant mesures de police des mines et de la décision implicite de rejet opposée par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie au recours hiérarchique formé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par [la requérante] pour mettre en oeuvre l’arrêté litigieux :

Considérant, d’une part, qu’il résulte de ce qui précède que les préfets de la Moselle, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle n’ont commis aucune illégalité constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat ;

Considérant, d’autre part, que le risque d’affaissements et l’intervention consécutive de l’administration pour prescrire les mesures susceptibles d’y remédier sont inhérents à l’activité minière et doivent normalement entrer dans les prévisions du concessionnaire ; que la société requérante n’est pas fondée, en tout état de cause, à invoquer la théorie du fait du prince et la théorie de l’imprévision ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions susanalysées ne peuvent qu’être rejetées ; (...) »

IV. Procédure relative à la concession de Sancy

Le 23 octobre 1998, la requérante mit en demeure le ministre chargé des mines d’accepter sa renonciation à la concession de Sancy et de l’indemniser du préjudice subi du fait de l’absence d’acceptation de cette renonciation. Le 26 février 1999, il naquit une décision implicite de rejet qui permit à la requérante de saisir le tribunal administratif de Nancy.

Par jugement du 29 décembre 2000, le tribunal administratif de Nancy ne fit que partiellement droit à la requête en annulant le refus du secrétaire d’Etat à l’industrie d’accepter la renonciation de Lormines, en lui enjoignant de l’accepter dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement et en condamnant l’Etat à verser à la requérante 23 098 francs à titre de dommages et intérêts. 

Le 30 mai 2001, la requérante fit appel devant la cour administrative d’appel de Nancy afin qu’elle réforme le jugement en tant qu’il rejetait, par son article 5, le surplus de ses conclusions indemnitaires, qu’elle  condamne l’Etat à lui verser la somme de 554 238 francs, assortie des intérêts légaux à compter du 26 octobre 1998, lesdits intérêts étant capitalisés au 5 décembre 2000, et qu’elle constate que la renonciation à la concession de Sancy a produit son effet au jour de son abandon effectif le 20 avril 1994.

Le 5 juin 2001, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie demanda l’annulation de l’article 2 du jugement par lequel le tribunal a enjoint au secrétaire d’Etat à l’industrie d’accepter la renonciation de la requérante à la concession de Sancy. Il demanda également de prononcer le sursis à exécution de l’article 2 du jugement attaqué.

Par requête du 6 juin 2001, la requérante fit une demande visant à assortir l’injonction prononcée par le jugement d’une astreinte définitive de 10 000 francs par jour de retard dans l’acceptation de sa renonciation à la concession de Sancy.

Statuant par un seul arrêt rendu le 24 juin 2002, la cour administrative d’appel de Nancy considéra en premier lieu que les conclusions de la requérante tendant à la constatation de la date d’effet de la renonciation à une concession ne sont pas au nombre de celles qui peuvent être soumises au juge administratif. Elle ajouta que ceci ne faisait pas obstacle à ce que la requérante le saisisse de conclusions contre une décision du ministre rejetant sa demande tenant à ce que la date de l’abandon effectif soit fixée au 20 avril 1994, l’irrecevabilité opposée à bon droit par le premier juge n’empêchant pas l’exercice de son droit à un recours effectif prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. La cour administrative d’appel rejeta en second lieu la requête du ministre et prononça contre l’Etat, à défaut de justifier l’acceptation de la renonciation de la requérante à la concession de Sancy, une astreinte de 1 000 euros par jours jusqu’à la date à laquelle le jugement du 29 décembre 2000 aura reçu exécution. La requérante se pourvut en cassation devant le Conseil d’Etat. La procédure est actuellement pendante.

Par arrêté paru au journal officiel du 2 août 2002, le ministre accepta la renonciation de la requérante à la concession de Sancy.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

Police des mines et réformes successives du droit minier

En 1991, lors de l’annonce de l’arrêt des exploitations de la société requérante, les procédures d’abandon et de renonciation étaient régies par l’article 83 du code minier et le décret no 80-330 du 7 mai 1980 relatif à la police des mines et des carrières. L’article 83 du code minier stipulait alors que :

« Lors de l’abandon des travaux au terme de validité d’un titre ou d’une autorisation de recherches ou d’exploitation, ou bien, dans le cas d’une exploitation par tranches, à la fin de l’exploitation de chaque tranche, le titulaire du titre ou de l’autorisation doit exécuter des travaux ayant pour objet la protection des intérêts mentionnés à l’article 84, qui lui sont prescrits par le Préfet sur proposition du service des mines après consultation du conseil municipal de la commune intéressée. La remise en état, notamment à des fins agricoles, des sites et lieux affectés par les travaux et par les installations de toute nature réalisés en vue de l’exploitation et de la recherche, peut être prescrite ; elle est obligatoire dans le cas des carrières. Ces dispositions sont applicables aux travaux visés à l’article 80.

A défaut d’exécution, les opérations prescrites sont effectuées d’office et aux frais du titulaire ou du contrevenant par les soins de l’administration.

Les communes et les départements ont un droit de préemption en cas de vente des carrières laissées à l’abandon qui ont été exploitées sur leur territoire ».

Pour sa part, l’article 84 du code minier disposait :

« Si les travaux de recherche ou d’exploitation d’une mine sont de nature à compromettre la sécurité et la salubrité publiques, les caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestres ou maritimes, la conservation de la mine ou d’une autre mine, la sûreté, la sécurité et l’hygiène des ouvriers mineurs, la conservation des voies de communication, la solidité des édifices publiques ou privés, l’usage, le débit ou la qualité des eaux de toute nature, il y est pourvu par le Préfet, au besoin d’office et aux frais de l’explorateur ou de l’exploitant ».

L’article 17 de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau a modifié l’article 83 du code minier en insérant, après son premier alinéa, deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans tous les cas, le titulaire du titre ou de l’autorisation dresse un bilan des effets cumulés des travaux sur la présence, l’accumulation, l’émergence, le volume, l’écoulement et la qualité des eaux de toute nature, évalue les conséquences prévisibles de l’abandon des travaux ou de l’exploitation sur la situation ainsi créée et sur les usages de l’eau et indique les mesures compensatoires envisagées.

Après avoir consulté les collectivités territoriales intéressées et entendu le titulaire du titre ou de l’autorisation, le Préfet lui prescrit les travaux à exécuter pour rétablir en leur état antérieur, conserver en leur état actuel ou adapter aux besoins, les caractéristiques essentielles du milieu aquatique et les conditions hydrauliques permettant de répondre aux objectifs mentionnés à l’article Premier de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau ».

En outre, le deuxième alinéa de l’article 83 du code minier était complété par une phrase ainsi rédigée :

« La consignation entre les mains d’un comptable public des sommes nécessaires à la réalisation des travaux imposés en application de l’alinéa précédent peut être exigée dans les conditions prévues à l’article 17 de la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 précité. »

Ensuite, la loi no 94-588 du 15 juillet 1994, modifiant certaines dispositions du code minier, a supprimé ces deux dispositions et leur a substitué les articles 79 et 84.

Le nouvel article 79 du code minier disposait :

« Les travaux de recherche ou d’exploitation d’une mine doivent respecter les contraintes et les obligations afférentes à la sécurité et à la santé du personnel, à la sécurité et à la salubrité publiques, aux caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre ou maritime, à la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication, de la mine et des autres mines, et plus généralement aux intérêts de l’archéologie et aux intérêts énumérés par les dispositions de l’article Premier de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, de l’article 4 de la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, de l’article Premier de la loi no76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, et de l’article 2 de la loi no92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau ainsi qu’aux intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et par les installations afférentes à l’exploitation.

Lorsque les intérêts mentionnés à l’alinéa précédent sont menacés par ces travaux, l’autorité administrative peut prescrire à l’explorateur ou à l’exploitant de mines toutes mesures destinées à assurer la protection de ses intérêts, dans un délai déterminé.

En cas de manquement à ses obligations à l’expiration du délai imparti, l’autorité administrative fait procéder en tant que besoin d’office à l’exécution des mesures prescrites, aux frais de l’explorateur ou de l’exploitant ».

Le nouvel article 84 du code minier disposait :

« Le cas échéant, lors de la fin de chaque tranche de travaux et, en dernier ressort, lors de la fin de l’exploitation et l’arrêt des travaux, l’explorateur ou l’exploitant fait connaître les mesures qu’il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l’article 79, pour faire cesser de façon générale les séquelles, désordres et nuisances de toute nature générés par ces activités et pour ménager, le cas échéant, les possibilités de reprise de l’exploitation.

Dans tous les cas, l’explorateur ou l’exploitant dresse le bilan des effets des travaux sur la présence, l’accumulation, l’émergence, le volume, l’écoulement et la qualité des eaux de toute nature, évalue les conséquences de l’arrêt des travaux de l’exploitation sur la situation ainsi créée et sur les usages de l’eau et indique les mesures compensatoires envisagées.

La déclaration doit être faite au plus tard au terme de la validité du titre minier.

A défaut, l’autorité administrative reste habilitée au-delà de ce terme à prescrire les mesures nécessaires.

Au vu de cette déclaration et après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et entendu l’explorateur ou l’exploitant, l’autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n’auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant.

Elle prescrit également, en tant que de besoin et dans les mêmes formes, les travaux à exécuter pour préserver les paysages et pour répondre aux objectifs mentionnés aux articles 1er et 2 de la loi no92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau et ce à due proportion des conséquences de l’exploitation minière.

Elle prescrit les mesures nécessaires pour préserver les intérêts agricoles des sites et des lieux affectés par les travaux et par les installations de toute nature réalisées en vue de l’exploitation et de la recherche.

L’autorité administrative peut accorder à l’explorateur ou à l’exploitant le bénéfice des dispositions des articles 71 à 73 du présent Code pour réaliser les mesures prescrites par le présent article jusqu’à leur complète réalisation.

Le défaut de réalisation des mesures prévues au présent article entraîne leur exécution d’office par les soins de l’administration, aux frais de l’explorateur ou de l’exploitant.

La consignation entre les mains d’un comptable public des sommes nécessaires à leur réalisation peut être exigée et, le cas échéant, recouvrée comme en matière de créance étrangère à l’impôt et au domaine.

Lorsque les mesures prévues par le présent article ou prescrites par l’autorité administrative en application du présent article ont été réalisées, l’autorité administrative en donne acte à l’explorateur ou à l’exploitant.

Cette formalité met fin à la surveillance des mines, telle qu’elle est prévue à l’article 77.

Toutefois, s’agissant des activités régies par le présent Code, l’autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l’article 79 jusqu’à l’expiration de la validité du titre minier ».

Le décret en Conseil d’Etat no 95-696 du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines a été adopté pour l’application de ces dispositions. Ses article 47 alinéa 3 et 49 prévoient :

« Après avoir fait établir un procès-verbal de récolement des mesures prises par l’exploitant et constater éventuellement leur conformité ou prescription supplémentaire, le Préfet donne acte par arrêté de l’arrêt définitif des travaux et de la cessation d’utilisation des installations ».

« La surveillance administrative et la police des mines prennent fin à la date où il est donné acte à l’exploitant des travaux effectués ou à la date où les travaux exécutés d’office ont été achevés.

Toutefois, le Préfet est habilité, sauf dans les cas où d’autres activités que celles couvertes par le code minier seraient substituées aux travaux arrêtés ou aux installations dont l’utilisation a pris fin, à prendre dans le cadre du présent titre toutes les mesures que rendraient nécessaires les incidents ou accidents imputables à d’anciens travaux miniers, lorsque de tels évènements sont de nature à porter atteinte aux intérêts protégés par l’article 79 du code minier, et ce jusqu’à la limite de validité du titre minier ».

L’article 34 du décret no 95-427 du 19 avril 1995 relatif aux titres miniers prévoyait :

« La demande de renonciation à un titre minier est adressée au ministre chargé des mines.

Elle est instruite, selon les cas, comme il est dit aux articles 26 et 27 ci-dessus.

L’acceptation d’une renonciation est subordonnée, le cas échéant, à l’exécution préalable des mesures de police prescrites. Sous cette réserve, elle est de droit en cas de renonciation totale. L’acceptation d’une renonciation est prononcée par arrêté du ministre chargé des mines ».

Enfin, la loi no 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière des dommages consécutifs à l’exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l’exploitation a de nouveau modifié le droit minier. Les articles 91, 92 et 93 de cette loi sont ainsi rédigés :

Article 91

« La procédure d’arrêt des travaux miniers s’applique à une installation particulière lorsqu’elle cesse d’être utilisée pour l’exploitation à l’ensemble des installations et des travaux concernés, lors de la fin d’une tranche de travaux et en tout état de cause à l’ensemble des installations et des travaux n’ayant pas fait l’objet de la procédure d’arrêt lors de la fin de l’exploitation. Les déclarations prévues par cette procédure doivent être faites au plus tard au terme de la validité du titre minier. A défaut, l’autorité administrative reste habilitée au-delà de ce terme à prescrire les mesures nécessaires.   Lors de la cessation d’utilisation d’installations mentionnées à l’article 77, ou lors de la fin de chaque tranche de travaux ou, au plus tard, lors de la fin de l’exploitation et de l’arrêt des travaux, l’explorateur ou l’exploitant fait connaître les mesures qu’il envisage de mettre en oeuvre pour préserver les intérêts mentionnés à l’article 79, pour faire cesser de façon générale les désordres et nuisances de toute nature engendrés par ses activités, pour prévenir les risques de survenance de tels désordres, et pour ménager le cas échéant les possibilités de reprise de l’exploitation.

   Dans le cas où il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de prévenir ou faire cesser tout désordre, il incombe à l’explorateur ou à l’exploitant de rechercher si des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes subsisteront après l’arrêt des travaux. Si de tels risques subsistent, il étudie et présente les mesures, en particulier de surveillance, qu’il estime devoir être poursuivies après la formalité mentionnée au neuvième alinéa du présent article.

   Dans tous les cas, l’explorateur ou l’exploitant dresse le bilan des effets des travaux sur la présence, l’accumulation, l’émergence, le volume, l’écoulement et la qualité des eaux de toute nature, évalue les conséquences de l’arrêt des travaux ou de l’exploitation sur la situation ainsi créée et sur les usages de l’eau et indique les mesures envisagées pour y remédier en tant que de besoin.

   Au vu de la déclaration d’arrêt des travaux, après avoir consulté les conseils municipaux des communes intéressées et après avoir entendu l’explorateur ou l’exploitant, l’autorité administrative prescrit, en tant que de besoin, les mesures à exécuter et les modalités de réalisation qui n’auraient pas été suffisamment précisées ou qui auraient été omises par le déclarant. L’autorité administrative indique le délai dans lequel les mesures devront être exécutées.

   Le défaut d’exécution des mesures prescrites entraîne leur exécution d’office par les soins de l’administration, aux frais de l’explorateur ou de l’exploitant.

   La consignation entre les mains d’un comptable public des sommes nécessaires à leur réalisation peut être exigée et, le cas échéant, ces sommes peuvent être recouvrées comme en matière de créance étrangère à l’impôt et au domaine.   L’autorité administrative peut accorder à l’explorateur ou l’exploitant le bénéfice des dispositions des articles 71 à 73 pour réaliser les mesures prescrites jusqu’à leur complète réalisation.

   Lorsque les mesures envisagées par l’explorateur ou l’exploitant, ou prescrites par l’autorité administrative en application du présent article, ont été exécutées, cette dernière en donne acte à l’explorateur ou à l’exploitant.   Cette formalité met fin à l’exercice de la police des mines telle qu’elle est prévue à l’article 77. Toutefois, s’agissant des activités régies par le présent code, et lorsque des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes apparaissent après la formalité prévue à l’alinéa précédent, l’autorité administrative peut intervenir dans le cadre des dispositions de l’article 79 jusqu’à l’expiration du titre minier et, dans les cas prévus au premier alinéa de l’article 93, jusqu’au transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention des risques miniers ».

Article 92

« L’explorateur ou l’exploitant est tenu de remettre aux collectivités intéressées ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents les installations hydrauliques que ces personnes publiques estiment nécessaires ou utiles à l’assainissement, à la distribution de l’eau ou à la maîtrise des eaux pluviales, de ruissellement et souterraines. Les droits et obligations afférents à ces installations sont transférés avec elles.

   Les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité sont transférées à leur demande dans les mêmes conditions. Ce transfert est approuvé par le représentant de l’Etat ; il est assorti du versement par l’exploitant d’une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de fonctionnement de ces installations, et dont le montant est arrêté par le représentant de l’Etat.

   Les litiges auxquels donne lieu l’application du présent article sont réglés comme en matière de travaux publics. »

Article 93

« Lorsque des risques importants d’affaissement de terrain ou d’accumulation de gaz dangereux, susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes, ont été identifiés lors de l’arrêt des travaux, l’exploitant met en place les équipements nécessaires à leur surveillance et à leur prévention et les exploite.

   La fin de la validité du titre minier emporte transfert à l’Etat de la surveillance et de la prévention de ces risques, sous réserve que les déclarations prévues à l’article 91 aient été faites et qu’il ait été donné acte des mesures réalisées.

   Ce transfert n’intervient toutefois qu’après que l’explorateur ou l’exploitant a transmis à l’Etat les équipements, les études et toutes les données nécessaires à l’accomplissement des missions de surveillance et de prévention et qu’après le versement par l’exploitant d’une somme correspondant au coût estimé des dix premières années de la surveillance et de la prévention des risques et du fonctionnement des équipements.

   L’autorité administrative peut recourir aux dispositions des articles 71 et 72 pour permettre l’accomplissement par ses services des mesures de surveillance et de prévention des risques miniers, ou pour exécuter des travaux en vue d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

   L’autorité administrative informe annuellement les élus locaux réunis au sein d’un comité départemental ou interdépartemental de suivi des risques miniers du déroulement et des résultats de la surveillance de ces risques ».

Le Conseil d’Etat

Ordonnance no 45-1708 du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’Etat

Article 2

« Le Conseil d’Etat se compose de :

1o Un vice-président ;

2o Cinq présidents de section ;

3o Quarante-deux conseillers d’Etat en service ordinaire ;

4o Douze conseillers d’Etat en service extraordinaire ;

5o Quarante-cinq maîtres des requêtes ;

6o Quarante-quatre auditeurs (...) ».

Ces membres du Conseil d’Etat sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la Justice (articles 5 à 10). En particulier, le vice-président du Conseil d’Etat est choisi parmi les présidents de section ou les conseillers d’Etat en service ordinaire (article 5 in fine) et les présidents de section sont choisis parmi les conseillers d’Etat en  service ordinaire (article 6). 

Décret no 63-766 du 30 juillet 1963 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ordonnance du 31 juillet 1945 et relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat

Article 2

« Le Conseil d’Etat est divisé en six sections dont cinq sections administratives et une section du contentieux. »


Article 27

« La section du contentieux est juge de toutes les affaires qui relèvent de la juridiction contentieuse du Conseil d’Etat (...) ».

Article 28

« La Section du contentieux est composée de conseillers d’Etat en service ordinaire occupant les fonctions de président-adjoint de la section et de président de sous-section, des conseillers d’Etat en service ordinaire appartenant en même temps à une section administrative ainsi que de maîtres des requêtes et d’auditeurs. »

Section des travaux publics du Conseil d’Etat - Avis no 360332 – 29 septembre 1997

« Travaux de sauvegarde et de remise en état du site après l’abandon de l’exploitation minière. Pouvoirs de l’administration à l’égard de l’exploitant. - Application de la loi du 15 juillet 1994.

Le Conseil d’Etat (Section des travaux publics), saisi par le secrétaire d’Etat à l’Industrie des questions suivantes :

1. L’application immédiate du nouvel article 84 du code minier ne heurte t-elle pas les droits acquis par les titulaires de titres miniers, alors que sont concernés des travaux ouverts antérieurement à cette loi ? Doit-on ou peut-on limiter les prescriptions de police susceptibles de leur être imposées, dès lors que les objectifs qui sont désormais assignés à la police des mines n’étaient manifestement pas envisagés lors de l’ouverture de l’exploitation ?

2. Le principe de proportionnalité des actes de police administrative doit-il s’entendre comme imposant au préfet de tenir compte des moyens humains, financiers, ou techniques dont dispose l’exploitant lorsqu’il impose à ce dernier des mesures particulières ?

Dans quelle mesure, en cas d’impossibilité pour l’exploitant de mettre en œuvre les prescriptions préfectorales, les obligations ainsi fixées pèseraient-elles sur l’Etat, qui devrait les exécuter et les financer ?

3. Le possible élargissement induit par l’utilisation du terme mesures au lieu de travaux dans l’article 84 du code minier peut–il conduire à imposer, outre des obligations dont le résultat est accessible dans des délais compatibles avec la nécessité de mettre un terme à la police spéciale des mines, des obligations, par exemple de pompage, dont la réalisation s’inscrit dans une longue durée, ou dans une durée dont la prévision est délicate ?

Dans ce dernier cas, une contradiction n’existe-t-elle pas avec les articles 46 et 49, deuxième alinéa, du décret du 9 mai 1995 qui semblent, au moins implicitement et pour les mines régulièrement exploitées, enfermer l’exercice de la police des mines dans la durée de validité du titre minier ?

Le préfet doit-il par ailleurs se cantonner dans des mesures matérielles, ou peut-il imposer des mesures financières telles que la constitution libératoire d’une dotation à un organisme ?

4. Est-il envisageable d’organiser la transmission à un tiers aux obligations minières (une société, un groupement de collectivités publiques, etc) d’une partie des obligations (celles concernant le pompage des eaux, l’entretien d’équipements, par exemple) imposées au titre de la police des mines ? Le donné acte peut-il intervenir dès lors que le préfet constate que l’exploitant a mis en place une structure permettant de prendre en charge l’exécution de ses obligations : ou au contraire, ne peut-il intervenir qu’après la constatation que les mesures prescrites ont été effectivement réalisées ou sont arrivées à leur terme ?

5. S’agissant d’une disposition d’ordre public, le juge peut-il, et selon quels critères, considérer que l’article 17 de la loi du 15 juillet 1994 a un effet immédiat sur les contrats en cours ? Serait-il envisageable, le cas échéant, au regard de la Constitution, de prendre une disposition législative donnant un effet rétroactif à l’article 17 précité ?

6. Selon quels critères le juge peut-il écarter l’application d’une clause de non responsabilité de l’exploitant minier à raison des dommages causés par son activité minière, en cas de mutations immobilières ? En particulier, le juge peut-il prononcer la nullité d’une telle clause lorsqu’est établi le caractère prévisible ou inéluctable des dommages ? Faut-il dans ce cas apporter la preuve que l’exploitant avait connaissance du risque, ou l’existence du risque suffit-elle, considérant que l’exploitant aurait dû en avoir connaissance ? Par ailleurs, l’interprétation de la validité de telles  clauses par le juge est-elle susceptible de tenir compte de la gravité du dommage ?

Vu le Code civil ; le code minier ; la loi no94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l’article L. 711-12 du Code du travail, et le décret no95-696 du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines :

Est d’avis de répondre aux questions posées dans le sens des observations qui suivent :

1. Sur la procédure d’abandon des travaux miniers (article 84 du code minier) :

a) une règle de droit nouvelle ne s’applique pas aux situations juridiques qui, à la date de son entrée en vigueur, étaient définitives. Dès lors, l’abandon des travaux miniers ouverts avant l’entrée en vigueur de la loi du 15 juillet 1994 n’est pas régi par l’article 84 nouveau du code minier, issu de cette loi, si, à cette date, la consistance des travaux de sauvegarde et de remise en état du site avait été définitivement fixée, en application de l’article 83 ancien du code minier et des articles 22 à 29 du décret no80-330 du 7 mai 1980, par l’acceptation de la déclaration de délaissement ou d’abandon présentée par l’exploitant, ou par l’intervention d’un arrêté préfectoral prescrivant les travaux à exécuter. Dans le cas contrarie, l’article 84 nouveau s’applique, ainsi, bien entendu, qu’à l’abandon des travaux miniers ouverts après le 15 juillet 1994.

b) le principe de « proportionnalité des actes de police administrative » implique que l’administration ne prescrive à l’exploitant que les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs et préserver les intérêts énumérés mentionnés aux articles 79 et 84 du code minier. Dans l’appréciation de ce qui est nécessaire, l’administration n’est pas liée par les capacités humaines, financières ou techniques de l’exploitant.

c) L’administration est tenue de faire respecter les prescriptions qu’elle a fixées en application des dispositions précitées. En cas de carence de l’exploitant, pour quelque cause que ce soit, elle doit mettre en oeuvre les pouvoirs de substitution qu’elle tient des 8e et 9e alinéas de l’article 84. A défaut, l’Etat pourrait voir sa responsabilité totalement ou partiellement engagée en cas d’inexécution.

d) Il résulte de l’ensemble des dispositions de l’article 84 du code minier que, sauf accord de l’exploitant, l’administration ne peut pas imposer des mesures dont le terme ne serait pas fixé. L’exécution de ces mesures ne peut pas se prolonger durablement après l’expiration de la validité du titre minier, sauf dans le cas prévu à l’article 48 du décret du 9 mai 1995.

e) Pour qu’il puisse lui en être donné acte, l’exploitant doit exécuter lui-même les mesures prescrites et ne pourrait s’en acquitter en transmettant ses obligations à un tiers, même doté par lui des moyens financiers nécessaires.

2. Sur la validité des clauses d’exonération de la responsabilité de l’exploitant minier ou de l’explorateur dans les contrats de mutation immobilière (article 17 de la loi du 15 juillet 1994) :

a) Sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes, il apparaît que l’article 17 de la loi du 15 juillet 1994, qui frappe d’une nullité d’ordre public, dans les contrats de mutation immobilière que les exploitants concluent avec les collectivités locales ou les personnes physiques non professionnelles, toute clause exonérant l’exploitant de la responsabilité des dommages lié s à son activité minière, ne s’applique pas aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de ladite loi. En effet, sauf rétroactivité expressément stipulée par le législateur, une loi nouvelle ne s’applique pas aux conditions d’un contrat définitivement conclu avant son entrée en vigueur.

b) Sauf en matière répressive, le principe de non-rétroactivité des lois ne s’impose pas au législateur. Celui-ci pourrait donc décider de donner un caractère rétroactif à l’article 17 de la loi du 15 juillet 1994.

c) Il n’est pas possible d’apporter une réponse générale à la question concernant la possibilité pour le juge d’écarter l’application des clauses d’exonération de la responsabilité du vendeur. Il appartiendra aux juridictions saisies d’apprécier au cas par cas la validité de telles clauses au regard de l’article 1643 du Code civil. »

Code de justice administrative

Article R 311-1-5o

« Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...)

5. Des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ; (...) ».

GRIEFS

A.  Article 6 § 1 de la Convention

1.  La requérante soutient que le Conseil d’Etat n’est pas un tribunal indépendant et impartial.

a) Elle estime que le Conseil d’Etat n’est pas indépendant en raison de la dualité fonctionnelle de celui-ci, de la carrière et du statut de ses membres.

Elle fait valoir que le Conseil d’Etat est le conseil du Gouvernement et que la coexistence structurelle en son sein de fonctions de conseil du Gouvernement et de fonctions contentieuses a violé son droit à un tribunal indépendant. En effet, le Conseil d’Etat a été amené à donner son avis, en application de l’article 39 de la constitution, sur le projet de loi no 346 (1990-1991), soumis ensuite par le Gouvernement au Sénat, et qui est devenu la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau dont les articles 17 et 46 III ont alourdi les obligations pesant sur l’exploitant minier. Il en est allé de même pour le projet de loi no 462 (1992-1993) qui est devenu la loi no 94-588 du 15 juillet 1994, modifiant certaines dispositions du code minier et pour le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 15 janvier 1999. De ce processus est issue la loi no 99-245 du 30 mars 1999 relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l’exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l’exploitation. Après avoir conseillé le Gouvernement dans cette politique législative, le Conseil d’Etat a participé à l’édiction des décrets en Conseil d’Etat nos 95-427 du 19 avril 1995, relatif aux titres miniers,  95-696 du 9 mai 1995 relatif à l’ouverture des travaux miniers et à la police des mines, et 2001-209 du 6 mars 2001 modifiant le décret précédent. Ainsi, contestant les mesures de police des mines qui lui étaient imposées en application du décret en Conseil d’Etat no 95-696 du 9 mai 1995, la requérante prétend qu’elle n’avait aucune chance d’obtenir gain de cause puisque dans ce litige le Conseil d’Etat, intégré à l’action gouvernementale, était juge et partie.

Par ailleurs, la requérante rappelle que la section des travaux publics du Conseil d’Etat s’est prononcée sur diverses questions du droit minier, à la demande du secrétaire d’Etat à l’industrie, dans un avis rendu le 29 septembre 1997. Plus précisément, alors qu’il était saisi du recours hiérarchique contre l’arrêté du 18 mai 1997, le secrétaire d’Etat à l’industrie a posé à la section des travaux publics plusieurs questions dont l’une relative à l’application immédiate du nouvel article 84 du code minier au regard des droits acquis par les titulaires des titres miniers et une autre concernant le principe de proportionnalité des actes de police administrative. Or, selon la requérante, pour statuer le 5 avril 2002 (no 199686 et 205909), le Conseil d’Etat n’aurait fait que se conformer à sa précédente décision du 19 mai 2000, laquelle a repris l’analyse de sa section des travaux publics. La requérante affirme que, sur ordre exprès du Gouvernement, le Conseil d’Etat a publié cet avis de la section des travaux publics dans son rapport de 1998. La requérante ajoute enfin qu’elle avait déjà contesté plusieurs mesures de police des mines, notamment les arrêtés préfectoraux des 26 mai et 18 juillet 1997, sur lesquelles le Conseil d’Etat s’est prononcé dans son arrêt du 19 mai 2000 et soutient que la règle selon laquelle le Conseil d’Etat refuserait en principe de répondre à une demande d’avis d’un ministre lorsque le point de droit fait directement l’objet d’un recours contentieux pendant devant une juridiction n’a pas été respectée. Dans ces conditions, elle affirme que sa requête n’avait aucune chance d’aboutir favorablement et ajoute qu’elle en a eu la certitude lorsqu’elle a appris que le litige ne serait pas tranché par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat (selon un usage qui voudrait que le contentieux ne puisse prendre une position contraire à celle des formations administratives que dans son instance la plus solennelle, l’Assemblée du contentieux).

La requérante soutient que son analyse précédente est confirmée par l’examen de la carrière des membres du Conseil d’Etat. Il n’existe pas au sein du Conseil d’Etat un corps de fonctionnaire exerçant exclusivement les fonctions de juge. Les membres du Conseil d’Etat exercent, au cours de leur carrière, des hautes fonctions dans l’administration active. Le décret no 63-766 du 30 juillet 1963 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat organise un brassage entre les sections administratives et la section du contentieux. Ce mode de fonctionnement ne permet pas de garantir au justiciable un juge véritablement indépendant. C’est ainsi qu’en l’espèce, Monsieur le conseiller d’Etat Bernard Pecheur, qui a siégé au sein de la formation ayant rendu l’arrêt du 19 mai 2000, a été nommé, par décret du 26 mai 2000, secrétaire général du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie dont relève précisément la politique minière alors même que ledit arrêt n’avait pas été notifié. Pareille pratique du Gouvernement est, selon la requérante, de nature à jeter un doute sérieux sur l’indépendance du Conseil d’Etat statuant au contentieux, portant ainsi atteinte à la confiance nécessaire que la justice doit inspirer au public.

Enfin, les membres du Conseil d’Etat ne sont pas des magistrats ; ils sont nommés en Conseil des ministres, la seule condition de nomination des conseillers d’Etat est d’avoir 45 ans sans que soit posée une condition particulière de compétence en matière juridique, contrairement à ce qu’il en est pour le Conseil d’Etat luxembourgeois dont la Cour européenne a censuré le mode de fonctionnement (arrêt Procola c. Luxembourg du 28 septembre 1995). La requérante soutient que d’une manière générale, les membres du Conseil d’Etat ne bénéficient pas de garanties particulières contre les pressions extérieures.

b) Reprenant les arguments avancés sur le manque d’indépendance du Conseil d’Etat, la requérante estime qu’au cours des dix dernières années, les formations administratives et consultatives ont élaboré une jurisprudence qui est en contradiction avec ses intérêts. Compte tenu de l’autorité qui s’attachait à cette jurisprudence du Conseil d’Etat statuant comme conseil du gouvernement, la haute juridiction ne pouvait plus passer pour un tribunal impartial au sens de l’article 6 § 1. Cette situation a été aggravée par la décision non motivée par laquelle le Conseil d’Etat a refusé de communiquer les avis rendus par les formations administratives dont pourtant la transmission s’imposait, ne fût-ce que pour permettre de s’assurer que ses juges n’avaient pas déjà pris des positions incompatibles avec les intérêts de la société  dans l’exercice de leur fonctions de conseil du Gouvernement. La publication de l’avis dans le rapport public pour 1998 interdisait de considérer que le Conseil put à l’avenir constituer un juge impartial. C’est ce que le Conseil d’Etat a décidé lui-même dans un arrêt d’Assemblée du 23 février 2000 (société Labor Metal et autres). La violation serait d’autant plus évidente qu’il semblerait que certains membres de la formation de jugement qui a rendu l’arrêt du 5 avril 2002 ont eu à connaître des mêmes questions dans l’exercice des fonctions consultatives. Or, la requérante rappelle que la Cour a déjà constaté que ce cumul était contraire à l’article 6 § 1 (arrêt Procola précité).

2.  L’égalité des armes

a) Représentation devant le Conseil d’Etat

La requérant observe qu’elle a eu l’obligation de recourir au ministère d’un avocat aux Conseils, alors que le ministre de l’économie a été dispensé de constituer avocat. Ainsi, les arguments soutenus directement par l’Etat, sans l’intermédiaire d’un avocat, apparaissent comme la parole de l’intérêt général. Cette disparité serait préjudiciable à la bonne marche de la procédure, notamment à sa rapidité, et à la déférence nécessaire que les parties doivent avoir envers le juge. Cette inégalité présente encore l’inconvénient d’avoir privé de la possibilité d’engager des discussions confidentielles avec les conseils de l’Etat.

b) Pièces non communiquées soumises à la formation de jugement

La requérante fait valoir que conformément à sa pratique constante, le Conseil d’Etat a statué au vu des avis rendus par ses formations consultatives sur les questions de droit minier. Le fait d’avoir soumis à la formation de jugement ces avis et le refus de lui communiquer ces documents ont constitué, selon la requérante, une violation grave et manifeste de l’égalité des armes.

c) Impossibilité de faire apprécier la constitutionnalité de la loi no 94588 du 15 juillet 1994

La requérante expose que la loi du 15 juillet 1994 a étendu le champ d’application de la police des mines et que sa situation s’en est trouvée aggravée. Elle dénonce le fait qu’aucun recours ne lui était ouvert pour contester la constitutionnalité de la loi du 15 juillet 1994, contrairement au Président de la République et au Premier Ministre (articles 61 alinéa de la Constitution du 4 octobre 1958).

d) Insuffisance de la motivation du Conseil d’Etat

La requérante soutient que la Conseil d’Etat, dans ses arrêts du 5 avril 2002, n’a motivé sa décision ni sur l’application de la loi de 1994 ni sur le refus de communiquer les avis émis par ses formations administratives.

e) Sur le rôle du commissaire du Gouvernement

La requérante se plaint de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable dans le respect du principe de l’égalité des armes et du contradictoire en raison de l’impossibilité d’obtenir préalablement à l’audience devant le Conseil d’Etat communication des conclusions du commissaire du Gouvernement, et de ne pas avoir pu y répliquer à l’audience. Et ce, d’autant plus que le commissaire du Gouvernement a pu conforter son point de vue par sa participation au délibéré.

f) Sur la substitution de base légale par le Conseil d’Etat

La requérante fait valoir que l’arrêté préfectoral du 24 juillet 1998 a été pris sur le seul fondement de l’article 79 du code minier et que le Conseil d’Etat, pour le sauver d’une annulation certaine, a basé son raisonnement sur l’article 84 du code minier que les préfets n’avaient pas pris en compte.

g) Sur l’absence d’effet de la renonciation à ses concessions

La requérante soutient qu’accepter que la renonciation n’intervienne que lorsque le ministre l’accepte, c’est permettre à l’Etat de différer indéfiniment l’acceptation des renonciations afin de continuer à imposer des obligations financières illimitées. Cette conception serait contraire à l’article 6 § 1 qui fait interdiction à l’Etat de peser d’une façon déterminante sur l’issue d’un litige qui l’oppose à un particulier (arrêt Raffineries Grecques Stran et Stratis Andradis c. Grèce du 9 décembre 1994, série A no 301-B). Cette violation serait d’autant plus intolérable que l’acceptation est de droit selon l’article 34 du décret no 95-427 du 19 avril 1995 et que l’Etat a reconnu avoir volontairement différé l’acceptation des renonciations de la requérante. Celle-ci s’appuie sur un rapport du préfet de la région de Lorraine au Gouvernement du 13 juillet 1998 : « si légitimement, l’exploitant peut souhaiter que les procédures soient limitées de manière raisonnable dans la durée, il n’en demeure pas moins que les séquelles de l’activité minière peuvent intervenir des décennies ou même des siècles après l’arrêt de l’exploitation. Face à ce dilemme, l’Etat a pour le moment préféré différer certaines procédures de renonciation. Un mission portant sur le code minier et sur la gestion de la fin d’exploitation des mines est actuellement en cours ».

3.  Selon la requérante, le refus du juge administratif de se reconnaître le pouvoir de constater que la renonciation à ses concessions est acquise au jour du constat de l’abandon effectif au motif qu’il n’appartiendrait qu’au ministre compétent d’accepter ladite renonciation constitue un déni de justice. Sous peine de priver l’article 6 § 1 de tout effet utile, le juge doit disposer de tout le pouvoir nécessaire à la solution du litige qui lui est soumis et à la protection des droits du requérant. L’autolimitation par laquelle le juge administratif français s’interdit traditionnellement de se substituer à l’Administration dans l’exercice de ses pouvoirs est illégale puisqu’il s’agit d’une règle purement jurisprudentielle et qu’il n’appartient qu’à la loi de fixer les pouvoirs du juges et d’organisation des juridictions. L’opposition de cette prétendue règle est inopérante car la requérante expose qu’elle demandait seulement aux juridictions administratives d’accepter la renonciation à ses concessions aux lieux et place du ministre, la renonciation devant produire effet par elle-même. Ainsi, l’acceptation ministérielle, qui était de droit conformément à l’article 24 du décret 80-204 du 11 mars 1980 et à l’article 34 du décret 95-427 du 19 avril 1995, n’aurait eu pour effet que d’empêcher l’ancien concessionnaire de revenir sur sa renonciation la rendant ainsi irréversible et définitive. C’est donc en violation de l’article 6 § 1 de la Convention que le Conseil d’Etat a énoncé dans son arrêt du 5 avril 2002 que l’acceptation expresse de la renonciation par le ministre est seule susceptible de donner son plein effet à la renonciation. Il en est de même pour la cour administrative d’appel de Nancy qui a statué le 24 juin 2002.

La requérante fait encore valoir qu’une autre forme de déni de justice a été commise. Ses conclusions auraient été dénaturées par le Conseil d’Etat. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat du 19 mai 2000, la requérante expose qu’elle avait conclu à ce que la décision implicite par laquelle le comptable public près le ministre de l’économie procède au paiement d’office des frais de justice mis à la charge de l’Etat par cet arrêt et non ordonnancés préalablement par le ministre soit annulée. Or, le Conseil d’Etat a considéré que la requête tendait à l’annulation d’une décision implicite du ministre de l’économie, ce qui n’était pas le problème posé. La décision illégale de refus prise par le comptable n’en demeurait pas moins et devait être annulée. Enfin dans les affaires jointes nos 199686 et 205909 ayant donné lieu à l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 avril 2002, la requérante se plaint de ce que la haute juridiction a refusé de statuer sur plusieurs chefs du dernier mémoire déposé, notamment quant à son argumentation tendant à démontrer que, nonobstant le refus d’admettre que la renonciation produit son effet par elle-même, il n’en demeurait pas moins que le silence gardé par le ministre pendant quatre mois à compter du constat d’abandon effectif des concessions par la Direction régionale de la recherche, de l’industrie et de l’environnement de Lorraine avait fait naître des décisions implicites de refus, au plus tard en 1996, dont l’illégalité pouvait être invoquée par voie d’exception à l’encontre de toutes les mesures de police prises ultérieurement sur lesdites concessions.

4.  La requérante voit dans l’absence de communication des conclusions du commissaire du Gouvernement et l’impossibilité d’y répliquer à l’audience une violation de son droit à une audience publique. La faculté de présenter une note en délibéré ne saurait constituer un palliatif suffisant car elle ne saurait avoir autant de force qu’une réplique orale.

5.  La requérante considère que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable dans les procédures ayant abouti aux arrêts du Conseil d’Etat du 5 avril 2002.

6.  La requérante se plaint de la violation de son droit à l’exécution des décisions de justice. Elle explique qu’il lui a fallu engager une procédure judiciaire supplémentaire pour obtenir l’exécution par l’Etat des condamnations pécuniaires prononcées par l’arrêt du 19 mai 2000 d’une part, et pour que le ministre accepte la renonciation à la concession de Sancy d’autre part.

B.  Article 6 § 1 combiné avec l’article 14

La requérante rappelle que les recours engagés contre les arrêtés interpréfectoraux relèvent de la compétence directe du Conseil d’Etat par application de l’article R311-1-5o du code de justice administrative. De nature réglementaire, la dérogation apportée à la compétence des tribunaux administratifs est illégitime car un acte pris par un préfet relève en principe de la compétence du tribunal administratif puis de la cour administrative d’appel et du Conseil d’Etat tandis que les causes litigieuses ont été jugées dans des conditions beaucoup moins protectrices de l’article 6 que si elles avaient reçu un traitement normal.

C.  Article 13 considéré isolément et en combinaison avec l’article 14 de la Convention

La requérante reprend, sous l’angle de ces dispositions, les griefs qu’elle a exposés précédemment au regard de l’article 6 § 1de la Convention considéré isolément et pris en combinaison avec l’article 14 de la Convention.

D.  Article 1 du Protocole No 1 à la Convention considéré isolément et en combinaison avec l’article 14 de la Convention

La requérante dénonce l’ingérence de l’Etat dans son droit à disposer librement de ses biens, sous la forme en l’espèce, de la renonciation aux concessions minières qu’elle a cessé d’exploiter et pour lesquelles elle a effectué les travaux prescrits par l’administration en vue de leur abandon définitif. En considérant que l’Etat pouvait encore exercer la police des mines sur un certain nombre de concessions et que ce dernier a choisi de différer l’acceptation de la renonciation à ces concessions, l’imposition de charges pécuniaires illimitées et lourdes alors que l’exploitation minière a cessé depuis 1990 constitue une ingérence dans le droit au respect de ses biens (arrêt Spacek c. République Tchèque, no 26449/95, 9.11.1999).

Cette ingérence ne saurait constituer une simple réglementation de l’usage des biens mais doit être examinée au regard de la deuxième phrase du 1er alinéa de l’article 1er du Protocole. A cet égard, la requérante considère que l’ingérence n’est pas légale, qu’elle n’est pas justifiée par un but d’intérêt général et qu’elle méconnaît l’exigence d’un juste équilibre entre l’intérêt général et les impératifs de la sauvegarde de ses droits fondamentaux.

a) l’ingérence n’est pas légale car le Conseil d’Etat a fait une application rétroactive de la loi du 15 juillet 1994 et a porté atteinte au principe de la confiance légitime. De même, la requérante soutient que les charges nouvelles imposées par cette loi étaient imprévisibles lorsqu’elle a commencé à cesser son activité minière. Plus généralement, la requérante soutient que les modifications successives du droit minier ont mis les exigences de stabilité et de sécurité juridiques à néant. L’état du droit était d’ailleurs tellement inintelligible que le Gouvernement lui-même a dû saisir la section des travaux publics du Conseil d’Etat pour tenter de clarifier le droit en la matière (avis du 29 septembre 1997). Ainsi, le nouvel article 84 alinéa 10 ne répond pas aux exigences qualité de la loi puisqu’il semble signifier que la police des mines ne peut s’appliquer qu’aux « activités régies » par le code minier ; or la requérante rappelle qu’elle a cessé toute activité minière en 1993. De même, l’article 79 du code minier auquel renvoie l’article 84 alinéa 10 prévoit que la police des mines ne s’exerce qu’à l’égard des « travaux de recherche ou d’exploitation d’une mine ». La requérante dénonce la frénésie normative qui a permis à l’Etat de s’octroyer un pouvoir illimité en vue de fixer à sa charge des obligations financières importantes.

La requérante rappelle que selon l’article 36 du code minier, une concession minière constitue « un droit immobilier distinct de la propriété de la surface » et considère qu’elle constitue un « bien » au sens de l’article 1er du Protocole No 1. Le système de l’acceptation de la renonciation par l’Etat ne peut se comprendre selon la requérante, l’acceptation visée par l’article 119-4 du code minier (selon lequel les renonciations aux droits de recherche ou d’exploitation de mines ne deviennent définitives qu’après avoir été acceptées par le ministre chargé des mines) n’ayant que pour seul objet de rendre la renonciation irréversible. Un tel système dégénère dans l’arbitraire selon la requérante et l’Etat n’en userait qu’aux seules fins d’imposer des charges nouvelles, imprévisibles et exorbitantes. Elle affirme que pour chaque concession visée par les arrêtés interpréfectoraux, elle avait fait une déclaration d’abandon et une demande d’acceptation de renonciation conformément au décret du 7 mars 1980. Ainsi, dans la mesure où elle considère qu’elle ne devait plus être titulaire des concessions en cause au moment où l’Etat prétendait encore y exercer la police des mines, la requérante conclut que les charges exorbitantes que ce dernier a fait peser sur elle sont contraires à l’article 1er du Protocole No 1.

b) La requérante prétend que l’imposition d’obligations financières illimitées a pour seul objectif de s’approprier son patrimoine, l’affectation de ses biens au financement de dépenses publiques ne saurait répondre à une finalité d’intérêt général, motif pris de la sécurité publique. Elle considère qu’elle n’a pas à pâtir de la mauvaise conception et de l’imprécision des textes intervenus au cours des dix dernières années en matière de police des mines.  Elle affirme dès lors qu’on ne saurait servir l’intérêt général en imposant à un ancien exploitant qui ne dispose plus d’aucun moyen financier, technique, ni en personnel, de réaliser les prescriptions du pouvoir de police.

c) La requérante soutient enfin que c’est à tort que le Conseil d’Etat a suivi l’avis de sa section consultative selon lequel « l’administration n’est pas liée par les capacités humaines, financières ou techniques de l’exploitant ».

Avant même de se voir imposer des coûts supplémentaires au titre de la police des mines, la requérante rappelle qu’elle a effectué des dépenses considérables en vue de mettre fin, dans de bonnes conditions à son exploitation minière. Elle fait valoir que le coût de l’arrêt des exploitations s’est élevé à 28 507 966 euros pour le reclassement du personnel et à 30 642 252 francs pour les travaux d’abandon. Elle rappelle que ces sommes ne comprennent pas les frais liés aux mesures de police prise après l’exécution des procédures d’abandon, ni les consignations de frais de surveillance des anciennes exploitations minière pour les dix ans à venir qui viendraient à être imposées en vertu de la loi du 30 mars 1999. L’Etat tenterait d’exiger le paiement d’une somme d’environ 60 millions d’euros sur le fondement de cette loi.

Face à cette situation financière, l’Etat devait une contrepartie financière. La requérante parle de travaux mis à sa charge par des arrêtés pris en 1999 et en 2000 pour lesquels l’Etat n’a rien pris en charge. Elle rappelle à cet égard une jurisprudence du Conseil d’Etat selon laquelle il ne peut être imposé au concessionnaire d’une mine, par l’effet d’une législation de police postérieure à l’institution de la concession, des charges nouvelles et imprévues (CE Cie PLM / Bayle et Consorts de Verbrouck, 27 juillet 1906).

En résumé, la requérante considère que les mesures infligées par l’Etat constituent un enrichissement illicite en sa faveur et que pareil enrichissement n’est pas conforme à l’exigence du juste équilibre entre l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde de ses droits.  

E.  Article 4 de la Convention

La requérante soutient que l’arrêté du 24 juillet 1998 a pour objet de lui prescrire des travaux contraires à l’article 4 § 2 de la Convention. Elle se réfère à un arrêt Tsomtsos et autres c. Grèce du du 15 novembre 1996 (Recueil des arrêts et décisions, 1996-V) dans lequel la Cour a condamné la haute partie contractante pour avoir imposé à des particuliers une contribution forcée à une opération de travaux publics. Selon elle, l’article 4 § 2 de la Convention est applicable à une personne morale, tout comme l’article 8 de la Convention a été reconnu applicable à une société anonyme.

F.  Article 11 de la Convention

La requérante soutient que l’article 11 comprend le droit de former une association à but lucratif, à savoir une société anonyme telle que la société Lormines. Cet article garantit non seulement le droit de créer une association mais également le droit de la faire vivre conformément à son objet social. Or, elle estime subir une immixtion de l’autorité publique dans sa vie sociale car l’Etat lui impose de réaliser certains travaux et détermine unilatéralement ce qu’elle doit faire. Ainsi, l’Etat se livre à une prise de contrôle de la société et en fait un prestataire forcé de service public.

EN DROIT

A.  Article 6 § 1 de la Convention

La requérante allègue plusieurs violations de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi rédigées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil »

1. La requérante soutient que le Conseil d’Etat n’a pas été indépendant et impartial. En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

2. La requérante se plaint de plusieurs violations du principe de l’égalité des armes.

a) La requérante se plaint de l’inégalité résultant de son obligation de recourir au ministère d’un avocat devant le Conseil d’Etat et de l’absence d’une telle obligation pour la partie adverse qui est l’Etat.

La Cour rappelle que le principe de l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large de procès équitable – requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Nideröst-Huber c. Suisse du 18 février 1997, Recueil 1997-I, § 23).

La Cour relève que, en droit français, en raison du caractère spécifique du pourvoi en cassation, le demandeur en cassation doit avoir recours, en principe à un avocat spécialisé inscrit à l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. A cet égard, la Cour a admis que la spécificité de la procédure devant les juridictions de cassation peut justifier de réserver à des avocats spécialisés de plaider des causes particulièrement techniques et portant uniquement sur des moyens de droit (voir, mutatis mutandis pour la Cour de cassation,  Meftah  et autres c. France [GC], nos 32911/96, 35237/97 et 34595/97, 26 juillet 2002, §§ 44-47), de sorte que l’on peut parler d’un avantage procuré par l’assistance d’un avocat aux Conseils. Dans ces conditions, la Cour ne voit pas en quoi l’inégalité alléguée au profit de la partie adverse de la requérante pourrait poser un problème sous l’angle du procès équitable et en conclut que le grief doit être rejetée pour défaut manifeste de fondement par application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

b) La requérante se plaint de l’absence de communication des avis rendus par les formations consultatives du Conseil d’Etat sur les questions de droit minier.

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

c) La requérante se plaint de l’impossibilité de contester la loi no 94-588 du 15 juillet 1994 devant le Conseil constitutionnel.

La Cour constate que la requérante a pu contester les effets de l’application de la loi incriminée qu’elle a subi personnellement. Dans ces conditions, elle ne décèle aucune apparence de violation de l’article 6 § 1 de la Convention et rejette le grief pour défaut manifeste de fondement conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

d) La requérante se plaint du défaut de motivation de la décision du Conseil d’Etat sur deux points : l’application de la loi no 94-588 précitée et le refus de lui communiquer les avis émis par les formations consultatives du Conseil d’Etat.

Sur le premier point, la Cour rappelle que selon sa jurisprudence, si l’article 6 § 1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, p. 20, § 61). L’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s’analyser à la lumière des circonstances de chaque espèce (Higgins et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, § 42 et Garcia Ruiz c. Royaume-Uni [GC], arrêt du 21 janvier 1999, no 30544/96, § 26, CEDH 1999-I). Dans les circonstances de l’espèce, et à la lecture du cinquième considérant de l’arrêt du 5 avril 2002 (no 199686, 205909), il n’apparaît pas que le Conseil d’Etat a manqué à son obligation de motivation. Cette partie du grief doit dès lors être rejetée pour défaut manifeste de fondement conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Quant au second point, la Cour considère qu’il peut être englobé dans le grief 2 b) ci-dessus et qu’il ne nécessite pas un examen séparé de ce dernier.

e) La requérante se plaint de n’avoir pas eu communication des conclusions du commissaire du Gouvernement et de n’avoir pu en conséquence y répondre à l’audience devant le Conseil d’Etat. Elle ajoute que la violation de l’article 6 § 1 est d’autant plus patente que le commissaire du Gouvernement peut conforter son point de vue par sa participation au délibéré. La requérante voit par ailleurs dans cette absence de communication une violation de son droit à une audience publique que la possibilité de déposer une note en délibéré ne saurait atténuer.

La Cour a déjà rappelé que le principe de l’égalité des armes requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (Nideröst-Huber c. Suisse précité).

Or, indépendamment du fait que, dans la majorité des cas, les conclusions du commissaire du Gouvernement ne font pas l’objet d’un document écrit, la Cour relève qu’il ressort clairement du déroulement de la procédure devant le Conseil d’Etat que le commissaire du Gouvernement présente ses conclusions pour la première fois oralement à l’audience publique de jugement de l’affaire et que tant les parties à l’instance que les juges et le public en découvrent le sens et le contenu à cette occasion (voir les arrêts Kress c. France [GC] du 7 juin 2001, no 39594/98, CEDH 2001, §o73, APBP c. France du 21 mars 2002, no 38436/97, § 24, et Immeubles Groupe Kosser c. France du 21 mars 2002, no 38748/97, § 23).

La requérante ne saurait tirer du droit à l’égalité des armes reconnu par l’article 6 § 1 de la Convention le droit de se voir communiquer, préalablement à l’audience, des conclusions qui ne l’ont pas été à l’autre partie à l’instance, ni au rapporteur, ni aux juges de la formation de jugement (arrêt Nideröst-Huber précité). Aucun manquement à l’égalité des armes ne se trouve donc établi (arrêt Kress précité).

Toutefois, la notion de procès équitable implique aussi en principe le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation soumise au juge, fût-ce par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (voir les arrêts Lobo Machado c. Portugal du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 215, § 49, Vermeulen c. Belgique du 20 février 1996, Recueil 1996-I, p. 234, § 33, K.D.B. c. Pays-Bas du 27 mars 1998, Recueil 1998-II, p. 631, § 44 et Nideröst-Huber précité, p. 108, § 24).

Pour ce qui est de l’impossibilité pour les parties de répondre aux conclusions du commissaire du Gouvernement à l’issue de l’audience de jugement, la Cour a déjà relevé qu’à la différence de l’affaire Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France (arrêt du 31 mars 1998, Recueil 1998-II), il n’est pas contesté que dans la procédure devant le Conseil d’Etat, les avocats qui le souhaitent peuvent demander au commissaire du Gouvernement, avant l’audience, le sens général de ses conclusions. Il n’est pas davantage contesté que les parties peuvent répliquer par une note en délibéré, aux conclusions du commissaire du Gouvernement, ce qui permet, et c’est essentiel aux yeux de la Cour, de contribuer au respect du principe du contradictoire. Enfin, au cas où le commissaire du Gouvernement invoquerait oralement lors de l’audience un moyen non soulevé par les parties, le président de la formation de jugement ajournerait l’affaire pour permettre aux parties d’en débattre (arrêt Kress précité, § 76).

Reste que, de l’avis de la Cour, le dépôt d’une note en délibéré contribue au respect du principe du contradictoire à certaines conditions. En particulier, les justiciables doivent pouvoir déposer une telle note indépendamment de la décision éventuelle du président d’ajourner l’affaire, tout en disposant d’un délai suffisant pour la rédiger. Par ailleurs, afin d’éviter tout litige quant à sa prise en compte par la haute juridiction administrative, la Cour estime que l’arrêt devrait expressément viser l’existence d’une note en délibéré, comme c’est déjà le cas s’agissant de la mention, dans les arrêts du Conseil d’Etat, de la requête ou du recours enregistré auprès de son secrétariat, des autres pièces du dossier et des interventions en audience publique (rapporteur, conseils des parties et commissaire du Gouvernement) (arrêt APBP précité, § 27).

En l’espèce, la Cour relève que la requérante ne justifie pas avoir fait usage de la possibilité de déposer une note en délibéré.

Dans ces conditions, la Cour estime que la procédure suivie devant le Conseil d’Etat a offert suffisamment de garanties à la requérante et qu’aucun problème ne se pose sous l’angle du droit à un procès équitable pour ce qui est du respect du contradictoire.

Il s’ensuit que cette partie du grief doit dès lors être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Pour ce qui est de la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré, en l’état actuel du dossier,  la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

f) La requérante soutient que le Conseil d’Etat a procédé à une substitution de base légale pour ne pas avoir à annuler le décret du 24 juillet 1998.

La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. Spécialement, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de faits ou de droit commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (García Ruiz c. Espagne, arrêt du 21 janvier 1999, Recueil 1999-I, § 28). Par ailleurs, l’interprétation du droit interne appartient au premier chef aux autorités internes (Edificaciones March Gallego SA c. Espagne, arrêt du 19 février 1998, Recueil 1998-I, no 64, § 33).

La Cour relève que la décision litigieuse est largement motivée et que le Conseil d’Etat a fait application des articles 79 et 84 pour justifier des mesures prescrites à la requérante en vue de la protection des objectifs de sécurité et salubrité publiques, ce qui relève de son appréciation discrétionnaire, qu’il n’appartient pas à la Cour de censurer en l’absence d’élément d’arbitraire. La Cour en conclut que le grief vise l’interprétation et l’application du droit interne, domaine réservé à la compétence des juridictions internes.

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

g) La requérante soutient que l’Etat cherche à différer l’acceptation des renonciations des concessions minières, ce qu’aurait confirmé le Conseil d’Etat en considérant que les concessions litigieuses n’avaient pas fait l’objet de procédure de renonciation acceptée par le ministre. Elle estime que l’acceptation devait être de droit en vertu de l’article 34 du décret du 19 avril 1995 et se plaint d’une immixtion de l’Etat en la matière.

La Cour considère que le grief présenté par la requérante n’a pas de similitude avec celui de l’arrêt qu’elle cite dans la présentation de son grief dans la mesure où n’est pas en cause ici l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire d’un litige. En effet, et ce dès une loi de 1970, dont est issu l’article 119-4 du code minier, les renonciations, totales ou partielles, aux droits de recherches ou d’exploitation de mines ou de carrières ne deviennent définitives qu’après avoir été acceptées par le ministre chargé des mines. Le Conseil d’Etat a par ailleurs constaté qu’aucune des concessions visées dans les arrêtés attaqués n’avaient fait l’objet d’une procédure de renonciation acceptée par le ministre. On ne saurait donc parler d’immixtion de l’Etat sur l’issue d’un litige mais de l’application de la loi et de son interprétation par les tribunaux, matière qui relève, comme il a été dit précédemment, de la compétence des juridictions internes qu’il n’appartient pas à la Cour de critiquer. 

Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

3. La requérante se plaint de la durée des procédures ayant abouti aux arrêts du Conseil d’Etat du 5 avril 2002. En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

4. La requérante allègue une méconnaissance du droit d’accès à la justice que garantit l’article 6 § 1 de la Convention, lequel droit a pour corollaire le droit à l’exécution des décisions judiciaires définitives (voir en particulier l’arrêt Hornsby c. Grèce du 19 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-II, pp. 510-511, § 40).

La Cour constate que la requérante a obtenu l’exécution des décisions de justice internes litigieuses et qu’elle ne saurait en conséquence se prétendre encore victime au sens de l’article 34 de la Convention. Le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement par application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

5. La requérante dénonce plusieurs dénis de justice. La Cour relève que la requérante a soumis au Conseil d’Etat des contestations relatives à la légalité des arrêtés interpréfectoraux sur laquelle il a exercé manifestement un contrôle. Dans ces conditions, et rappelant pour le restant du grief que l’application et l’interprétation du droit interne relèvent de la compétence des juridictions internes, qui ont répondu aux argumentations de la requérante, la Cour considère que cette partie de la requête doit également être rejetée pour défaut manifeste de fondement par application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

B.  Article 6 § 1 de la Convention combiné avec l’article 14

La requérante considère que la compétence directe du Conseil d’Etat en la matière litigieuse constitue une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, combiné avec l’article 14, ce dernier étant ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

La Cour relève que la compétence de premier et dernier ressort s’explique par la nécessité d’assurer un juge unique à des recours contre des actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif.  Elle rappelle que la Convention ne garantit pas le droit à un double degré de juridiction en matière civile et en déduit qu’aucune question ne se pose sous l’angle de cet article, combiné avec l’article 14, cette disposition n’interdisant la discrimination que dans la jouissance des droits et libertés garantis par la Convention. Partant, ce grief doit être rejeté pour incompatibilité ratione materiae par application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C.  Article 13 considéré isolément et en combinaison avec l’article 14 de la Convention

La requérante reprend, sous l’angle de ces dispositions, les griefs qu’elle a exposés précédemment au regard de l’article 6 § 1 de la Convention considéré isolément et pris en combinaison avec l’article 14 de la Convention.

Eu égard à la conclusion à laquelle elle est parvenue au point B, la Cour considère que ce grief doit également être rejeté pour défaut manifestement de fondement en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

D.  Article 1 du Protocole No 1 à la Convention considéré isolément et en combinaison avec l’article 14 de la Convention

La requérante se plaint d’une violation de son droit au respect de ses biens. Les parties pertinentes de l’article 1 Protocole 1 se lisent ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général (...). »

En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.

E.  Article 4 de la Convention

La requérante considère que les travaux imposés dans le cadre de l’exécution de l’arrêté interpréfectoral du 24 juillet 1998 sont des travaux forcés ou obligatoires au sens de l’article 4 § 2 de la Convention, lequel dispose :

« Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. »

A supposer même que la notion de travail forcé ou obligatoire soit applicable dans un cas où, comme en l’espèce, la requérante n’est pas une personne physique et où l’obligation d’effectuer un certain travail n’a pas un caractère personnel, la Cour estime que la mise en œuvre des mesures de prévention et de surveillance des risques miniers ne peut être considérée comme un travail forcé ou obligatoire au sens de cette disposition. En conséquence, et avec le Conseil d’Etat, la Cour considère qu’il ne peut être sérieusement soutenu que l’arrêté du 24 juillet 1998 impose à la requérante une obligation prohibée par l’article 4 § 2 de la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention. 

F.  Article 11 de la Convention

La requérante soutient que l’Etat, en prescrivant des mesures de police des mines, porte atteinte à son objet social, en violation de l’article 11 de la Convention, qui dispose :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. (...) »

La Cour observe que les faits de l’espèce ne sont pas couverts par les libertés de réunion pacifique et d’association garantis par l’article 11 de la Convention et en conclut que le grief doit être rejeté pour incompatibilité ratione materiae conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Ajourne l’examen des griefs du requérant tirés du manque d’indépendance et d’impartialité du Conseil d’Etat, de l’absence de communication des avis consultatifs des sections administratives du Conseil d’Etat, de la durée de la procédure, de la participation du commissaire du Gouvernement au délibéré et du droit au respect de ses biens ;

Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

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CEDH, Cour (deuxième section), SOCIETE DES MINES SACILOR-LORMINES c. la FRANCE, 13 novembre 2003, 65411/01