CJCE, n° C-220/98, Arrêt de la Cour, Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG contre Lancaster Group GmbH, 13 janvier 2000

  • Caractère trompeur de la dénomination·
  • Libre circulation des marchandises·
  • Rapprochement des législations·
  • Mesures d'effet équivalent·
  • Restrictions quantitatives·
  • Mesures de rapprochement·
  • Emballage et étiquetage·
  • Communauté européenne·
  • Produits cosmétiques·
  • Directive 76/768

Chronologie de l’affaire

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www.droit-patrimoine.fr · 1er mars 2001

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 13 janv. 2000, Estée Lauder, C-220/98
Numéro(s) : C-220/98
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 janvier 2000. # Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG contre Lancaster Group GmbH. # Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne. # Libre circulation des marchandises - Commercialisation d'un produit cosmétique assorti de la dénomination "lifting" - Articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) - Directive 76/768/CEE. # Affaire C-220/98.
Date de dépôt : 15 juin 1998
Précédents jurisprudentiels : 13 janvier 2000. - Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG contre Lancaster Group GmbH. - Demande de décision préjudicielle:Landgericht Köln
arrêt du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96
Parfümerie-Fabrik 4711, C-150/88
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 61998CJ0220
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2000:8
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

61998J0220

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 janvier 2000. – Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG contre Lancaster Group GmbH. – Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln – Allemagne. – Libre circulation des marchandises – Commercialisation d’un produit cosmétique assorti de la dénomination « lifting » – Articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) – Directive 76/768/CEE. – Affaire C-220/98.


Recueil de jurisprudence 2000 page I-00117


Sommaire

Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations – Produits cosmétiques – Emballage et étiquetage – Directive 76/768 – Mesures contre la publicité attribuant aux produits cosmétiques des caractéristiques non possédées par ceux-ci – Interdiction d’importer ou de commercialiser un produit cosmétique assorti de la dénomination «lifting» – Admissibilité – Condition – Caractère trompeur de la dénomination – Appréciation par le juge national

(Traité CE, art. 30 et 36 (devenus, après modification, art. 28 CE et 30 CE); Directive du Conseil 76/768, art. 6, § 3)

Sommaire


$$L’article 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques prescrit aux États membres de prendre toute disposition utile pour que, dans l’étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques qu’ils ne possèdent pas. Ainsi, cette disposition, d’une part, définit les mesures à prendre dans l’intérêt de la défense des consommateurs et de la loyauté des transactions commerciales, qui figurent au nombre des exigences impératives, en vertu desquelles sont admises des entraves à la libre circulation des marchandises au sens de l’article 30 du traité (devenu, après modification, article 28 CE) et, d’autre part, poursuit un objectif de protection de la santé des personnes, au sens de l’article 36 du traité (devenu, après modification, article 30 CE), dans la mesure où une information trompeuse sur les caractéristiques de ces produits pourrait avoir une incidence sur la santé publique.

Les dispositions précitées ne s’opposent, dès lors, pas à l’application d’une réglementation nationale qui interdit l’importation et la commercialisation d’un produit cosmétique comprenant le terme «lifting» dans sa dénomination, lorsque, dans les circonstances de l’espèce, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé est induit en erreur par ladite dénomination, estimant qu’elle attribue au produit des caractéristiques qu’il ne possède pas.

Il appartient au juge national de se prononcer sur le caractère éventuellement trompeur de la dénomination en se référant à l’attente présumée dudit consommateur. Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, s’il éprouve des difficultés particulières pour évaluer le caractère trompeur de la dénomination en cause, le juge national puisse recourir, dans les conditions prévues par son droit national, à un sondage d’opinion ou à une expertise destinés à éclairer le jugement.

(voir points 24-25, 32 et disp.)

Parties


Dans l’affaire C-220/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Landgericht Köln (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG

et

Lancaster Group GmbH,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) et 6, paragraphe 3, de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169), telle que modifiée par la directive 88/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 (JO L 382, p. 46), et la directive 93/35/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 151, p. 32),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), C. Gulmann, J.-P. Puissochet et P. Jann, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG, par Me K. Henning Jacobsen, avocat à Berlin,

— pour Lancaster Group GmbH, par Me A. Lubberger, avocat à Francfort-sur-le-Main,

— pour le gouvernement allemand, par MM. A. Dittrich, Ministerialrat au ministère fédéral de la Justice, et C.-D. Quassowski, Ministerialrat au ministère fédéral de l’Économie, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement français, par Mmes K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et R. Loosli-Surrans, chargé de mission à la même direction, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Mme T. Pynnä, conseiller juridique au même ministère, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. Støvlbæk, membre du service juridique, et Mme K. Schreyer, fonctionnaire national détaché auprès de ce service, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG, représentée par Me K. Kleinschmidt, avocat à Berlin, de Lancaster Group GmbH, représentée par Me A. Lubberger, du gouvernement français, représenté par Mme R. Loosli-Surrans, et de la Commission, représentée par Mme K. Schreyer, à l’audience du 17 juin 1999,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 septembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par ordonnance du 24 mars 1998, parvenue à la Cour le 15 juin suivant, le Landgericht Köln a posé, en application de l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l’interprétation des articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) et 6, paragraphe 3, de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169), telle que modifiée par la directive 88/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 (JO L 382, p. 46), et la directive 93/35/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 151, p. 32, ci-après la «directive 76/768»).

2 Cette question a été posée dans le cadre d’un litige opposant Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG (ci-après «Estée Lauder») à Lancaster Group GmbH (ci-après «Lancaster») à propos de la commercialisation du produit cosmétique «Monteil Firming Action Lifting Extreme Creme» sous le terme «lifting» figurant dans sa dénomination.

La réglementation communautaire

3 La directive 76/768 dispose, en son article 6, paragraphe 3:

«Les États membres prennent toute disposition utile pour que, dans l’étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques qu’ils ne possèdent pas.

En outre, toute référence à des expérimentations sur des animaux doit indiquer clairement si les expérimentations effectuées concernaient le produit fini et/ou ses ingrédients.»

4 La directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17), définit, en son article 1er, son objet en ces termes:

«La présente directive a pour objet de protéger les consommateurs et les personnes qui exercent une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ainsi que les intérêts du public en général contre la publicité trompeuse et ses conséquences déloyales.»

5 L’article 2, point 2, de la directive 84/450 définit la «publicité trompeuse» comme «toute publicité qui, d’une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d’induire en erreur les personnes auxquelles elle s’adresse ou qu’elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d’affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent».

6 L’article 3 de la directive 84/450 précise que, pour déterminer si une publicité est trompeuse, il est tenu compte de tous ses éléments et énumère un certain nombre d’indications à prendre en considération à ce titre.

7 Aux termes de l’article 4 de la directive 84/450, «Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour contrôler la publicité trompeuse dans l’intérêt des consommateurs aussi bien que des concurrents ou du public en général». Cet article précise, par ailleurs, le type de dispositions juridiques que doivent comporter ces moyens, notamment la compétence des tribunaux pour ordonner la cessation d’une publicité trompeuse.

8 Selon l’article 7 de la directive 84/450, celle-ci ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions visant à assurer une protection plus étendue des personnes visées.

La réglementation allemande

9 Le Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb du 7 juin 1909 (loi relative à la lutte contre la concurrence déloyale, ci-après l'«UWG») dispose, en son article 1er:

«Quiconque, dans les relations commerciales, se livre à des fins concurrentielles à des actes contraires aux bonnes moeurs peut être mis en demeure de s’abstenir de ces actes et de réparer.»

10 Aux termes de l’article 3 de l’UWG:

«Quiconque, dans les relations commerciales, donne, aux fins de la concurrence sur les termes de l’offre, des indications trompeuses sur les caractéristiques, l’origine, le mode de fabrication ou le calcul du prix de certains ou de tous les produits ou prestations, sur les tarifs, sur le mode ou la source d’approvisionnement, sur les distinctions qui lui ont été décernées, sur les raisons ou le but de la vente ou sur l’état des stocks peut être mis en demeure de s’abstenir de ces indications.»

11 Le Lebensmittel- und Bedarfsgegenständegesetz du 15 août 1974 (loi fédérale relative aux produits alimentaires et aux produits de consommation courante, ci-après le «LMBG») prévoit, en son article 27, paragraphe 1:

«Il est interdit de commercialiser à titre professionnel des produits cosmétiques sous une dénomination trompeuse ou avec des indications ou une présentation trompeuses, ou de faire de la publicité pour des produits cosmétiques en général ou dans un cas particulier avec des descriptions ou autres mentions trompeuses. Il y a en particulier tromperie

1. lorsqu’on prête à des produits cosmétiques des effets qu’ils n’ont pas en l’état des connaissances scientifiques ou qui ne sont pas suffisamment établis scientifiquement,

2. lorsque la dénomination, les indications, la présentation, la description ou toute autre mention donnent l’impression qu’on peut avec certitude escompter un succès,

3. lorsque des dénominations, indications, présentations, représentations ou autres propos susceptibles d’induire en erreur

a) sur la personne, la qualification, l’aptitude ou les succès du fabricant, de l’inventeur ou des personnes qui travaillent pour eux,

b) sur l’origine des produits cosmétiques, leur quantité, leur poids ou la date de leur fabrication ou de leur emballage, sur leur durée de conservation ou sur d’autres éléments qui sont déterminants dans l’appréciation,

ont été utilisés.»

Le litige au principal

12 Lancaster commercialise la crème raffermissante pour la peau «Monteil Firming Action Lifting Extreme Creme» sous le terme «lifting» figurant dans sa dénomination.

13 Dans la procédure au principal, Estée Lauder fait valoir que le terme «lifting» est trompeur au motif qu’il donnerait l’impression à l’acheteur que le produit a des effets identiques ou comparables, surtout quant à la durée, à une opération chirurgicale de lifting de la peau, alors que tel n’est pas le cas de ladite crème. Estée Lauder demande que soient interdites la mise sur le marché à des fins commerciales, la distribution et la promotion des produits cosmétiques comportant la dénomination «lifting», en particulier la crème susmentionnée, pour incompatibilité avec les articles 3 de l’UWG et 27, paragraphe 1, du LMBG ainsi qu’avec la directive 76/768.

14 Lancaster admet que la crème en cause au principal n’a pas la même action à long terme qu’une opération de lifting, mais indique qu’elle a néanmoins une action raffermissante significative. Elle estime que l’attente du public à l’égard dudit produit ne correspond pas à ce que Estée Lauder prétend. En tout état de cause, son éventuelle condamnation serait contraire aux articles 30 et 36 du traité. Lancaster indique qu’aucune raison ne justifierait les dépenses auxquelles elle devrait faire face afin de dénommer autrement le produit si elle devait procéder à la modification du conditionnement uniquement pour le distribuer en Allemagne, alors que l’utilisation d’une telle dénomination n’est pas contestée dans les autres États membres. L’interdiction sollicitée constituerait une entrave disproportionnée compte tenu de l’importance réduite de l’intérêt général à protéger, qui est d’éviter une erreur des consommateurs sur la seule durée des effets du produit en cause.

15 Le Landgericht Köln considère que l’utilisation du mot «lifting» dans la dénomination du produit cosmétique en cause au principal est contraire à l’article 27, paragraphe 1, du LMBG, qui interdit de commercialiser des produits cosmétiques sous des dénominations trompeuses et notamment d’attribuer à ces produits des effets qu’ils ne possèdent pas si, conformément à la jurisprudence, une partie non négligeable des consommateurs, à savoir environ 10 à 15 %, est induite en erreur.

16 La juridiction de renvoi précise, d’une part, que, dans son arrêt du 12 décembre 1996, «Lifting creme», le Bundesgerichtshof a jugé que la constatation par une juridiction inférieure du caractère trompeur de la désignation «lifting» n’était «pas contraire à l’expérience vécue» et, d’autre part, qu’elle ne dispose pas, en l’absence d’un sondage d’opinion, de preuves matérielles suffisantes pour aboutir à la conclusion contraire.

17 À cet égard, la juridiction de renvoi se demande si, en raison de la notion de consommateur dégagée par la jurisprudence de la Cour dans le domaine des directives applicables, notion selon laquelle le consommateur doit avoir un certain degré d’attention et de discernement, il doit être pris en considération un pourcentage de personnes induites en erreur supérieur à celui de 10 à 15 % consacré par la jurisprudence allemande.

18 La juridiction nationale se pose ensuite la question de savoir si, dans le cas où, conformément au droit communautaire, le consommateur est en l’espèce induit en erreur, l’entrave à la libre circulation des marchandises résultant de l’interdiction de la dénomination litigieuse est compatible avec l’article 30 du traité, alors que cette dénomination est licitement utilisée dans un autre État membre et que la commercialisation dudit produit dans les autres États membres est revendiquée comme légale au titre de ce même article.

19 Il convient de relever que, dans l’affaire mentionnée par la juridiction nationale, le Bundesgerichtshof a considéré que l’erreur de la part d’un nombre non négligeable de consommateurs qui s’attendaient à ce que la crème en cause «Horphag Lifting Creme» produise des effets de raffermissement de la peau d’une certaine durée, alors que ces effets disparaissaient de 2 à 24 heures après l’application de ladite crème, était de nature à justifier l’interdiction de la commercialisation de celle-ci conformément à l’article 27, paragraphe, 1 du LMBG, puisque la dénomination de la crème avait conditionné son achat.

20 Dans ces conditions, le Landgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 30 et 36 du traité CE et/ou l’article 6, paragraphe 3, de la directive du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (76/768/CEE), doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’application de dispositions du droit national en matière de concurrence déloyale qui permettent d’interdire l’importation et la commercialisation d’un produit cosmétique légalement fabriqué ou légalement commercialisé dans un État membre de l’Union européenne, au motif que le consommateur serait induit en erreur par la dénomination `lifting’ qui, comprise comme la mention des effets du produit, laisserait supposer qu’il a un effet durable, alors que ce produit est légalement commercialisé dans d’autres États de l’Union européenne, sans susciter de contestation, avec la même mention de ses effets sur l’emballage?»

21 Il ressort du dossier au principal que la tromperie dont les consommateurs pourraient être victimes en l’espèce ne consisterait pas dans leur conviction que le produit a des effets identiques ou comparables à ceux d’une opération chirurgicale, mais se limiterait à la conviction que le produit a des effets d’une certaine durée.

Sur la question préjudicielle

22 Par sa question, la juridiction nationale demande en substance si les articles 30 et 36 du traité et la directive 76/768 s’opposent à une réglementation nationale qui, telle qu’elle est interprétée par la jurisprudence nationale, interdit l’importation et la commercialisation d’un produit cosmétique, comprenant le terme «lifting» dans sa dénomination, lorsque les consommateurs de cet État peuvent être trompés par ce terme quant à la durée des effets du produit, alors que celui-ci est légalement commercialisé dans d’autres États membres sous cette même dénomination, sans donner lieu à contestation.

23 Il convient de rappeler que la directive 76/768 a procédé à une harmonisation exhaustive des règles nationales d’emballage et d’étiquetage des produits cosmétiques (arrêts du 23 novembre 1989, Parfümerie-Fabrik 4711, C-150/88, Rec. p. 3891, point 28, et du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb, dit «Clinique», C-315/92, Rec. p. I-317, point 11).

24 Parmi les règles définies par la directive 76/768 figure l’obligation, énoncée en son article 6, paragraphe 3, selon laquelle les États membres doivent prendre toute disposition utile pour que, dans l’étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques qu’ils ne possèdent pas.

25 Cette disposition, qui se situe dans le cadre d’une directive tendant, notamment, ainsi qu’il ressort en particulier de ses deuxième et troisième considérants, à assurer la liberté des échanges des produits cosmétiques, définit ainsi les mesures à prendre dans l’intérêt de la défense des consommateurs et de la loyauté des transactions commerciales, qui figurent au nombre des exigences impératives, en vertu desquelles sont admises des entraves à la libre circulation des marchandises au sens de l’article 30 du traité, conformément à la jurisprudence de la Cour. Elle poursuit également un objectif de protection de la santé des personnes, au sens de l’article 36 du traité, dans la mesure où une information trompeuse sur les caractéristiques de ces produits pourrait avoir une incidence sur la santé publique.

26 Les mesures que les États membres sont appelés à prendre pour la mise en oeuvre de cette disposition doivent cependant respecter le principe de proportionnalité (voir, notamment, arrêts Clinique, précité, point 16, et du 28 janvier 1999, Unilever, C-77/97, Rec. p. I-431, point 27).

27 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’interprétation de la directive 84/450, lors de l’évaluation, d’une part, du risque de tromperie des consommateurs et, d’autre part, des exigences de la libre circulation des marchandises, la Cour a jugé que, pour déterminer si une dénomination, une marque ou une indication publicitaire sont ou non trompeuses, il convient de prendre en considération l’attente présumée d’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, Rec. p. I-4657, point 31).

28 Ce critère, fondé sur le principe de proportionnalité, s’applique également dans le domaine de la commercialisation de produits cosmétiques lorsque, comme dans l’affaire au principal, une erreur sur les caractéristiques du produit ne saurait porter atteinte à la santé publique.

29 En vue de l’application de ce critère en l’espèce, plusieurs éléments doivent être pris en considération. Il y a lieu, notamment, de vérifier si des facteurs sociaux, culturels ou linguistiques peuvent justifier que le terme «lifting» employé à propos d’une crème raffermissante soit compris par les consommateurs allemands de manière différente par rapport aux consommateurs des autres États membres ou si les conditions d’utilisation du produit suffisent à elles seules à souligner le caractère transitoire de ses effets, neutralisant toute conclusion contraire pouvant être tirée du terme «lifting».

30 Si, à première vue, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ne devrait pas s’attendre à ce qu’une crème dont la dénomination comporte le terme «lifting» produise des effets durables, il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier, compte tenu de tous les éléments pertinents, si tel est le cas en l’espèce.

31 À cet égard, en l’absence de toute disposition communautaire en la matière, il appartient au juge national, qui estimerait indispensable d’ordonner une expertise ou de commander un sondage d’opinion destiné à l’éclairer sur le caractère éventuellement trompeur d’une indication publicitaire, de déterminer, conformément à son droit national, le pourcentage de consommateurs trompés par ladite indication qui lui paraîtrait suffisamment significatif pour en justifier, le cas échéant, l’interdiction (voir arrêt Gut Springenheide et Tusky, précité, points 35 et 36).

32 Il y a lieu dès lors de répondre que:

— Les articles 30 et 36 du traité et 6, paragraphe 3, de la directive 76/768 ne s’opposent pas à l’application d’une réglementation nationale qui interdit l’importation et la commercialisation d’un produit cosmétique comprenant le terme «lifting» dans sa dénomination, lorsque, dans les circonstances de l’espèce, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé est induit en erreur par ladite dénomination, estimant qu’elle attribue au produit des caractéristiques qu’il ne possède pas.

— Il appartient au juge national de se prononcer sur le caractère éventuellement trompeur de la dénomination en se référant à l’attente présumée dudit consommateur.

— Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, s’il éprouve des difficultés particulières pour évaluer le caractère trompeur de ladite dénomination, le juge national puisse recourir, dans les conditions prévues par son droit national, à un sondage d’opinion ou à une expertise destinés à éclairer le jugement.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

33 Les frais exposés par les gouvernements allemand, français et finlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Landgericht Köln, par ordonnance du 24 mars 1998, dit pour droit:

— Les articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) et 6, paragraphe 3, de la directive 76/768/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques, telle que modifiée par la directive 88/667/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, et la directive 93/35/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, ne s’opposent pas à l’application d’une réglementation nationale qui interdit l’importation et la commercialisation d’un produit cosmétique comprenant le terme «lifting» dans sa dénomination, lorsque, dans les circonstances de l’espèce, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé est induit en erreur par ladite dénomination, estimant qu’elle attribue au produit des caractéristiques qu’il ne possède pas.

— Il appartient au juge national de se prononcer sur le caractère éventuellement trompeur de la dénomination en se référant à l’attente présumée dudit consommateur.

— Le droit communautaire ne s’oppose pas à ce que, s’il éprouve des difficultés particulières pour évaluer le caractère trompeur de ladite dénomination, le juge national puisse recourir, dans les conditions prévues par son droit national, à un sondage d’opinion ou à une expertise destinés à éclairer le jugement.

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