CJCE, n° C-3/00, Arrêt de la Cour, Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes, 20 mars 2003

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Curia · CJUE · 9 juillet 2015

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 20 mars 2003, Danemark / Commission, C-3/00
Numéro(s) : C-3/00
Arrêt de la Cour du 20 mars 2003. # Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes. # Rapprochement des législations - Directive 95/2/CE - Emploi des sulfites, des nitrites et des nitrates comme additifs alimentaires - Protection de la santé - Dispositions nationales plus strictes - Conditions d'application de l'article 95, paragraphe 4, CE - Principe du contradictoire. # Affaire C-3/00.
Date de dépôt : 6 janvier 2000
Précédents jurisprudentiels : 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90
arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C-315/99
Solution : Recours en annulation : rejet sur le fond, Recours en annulation : obtention
Identifiant CELEX : 62000CJ0003
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2003:167
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Sur les parties

Texte intégral

Avis juridique important

|

62000J0003

Arrêt de la Cour du 20 mars 2003. – Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes. – Rapprochement des législations – Directive 95/2/CE – Emploi des sulfites, des nitrites et des nitrates comme additifs alimentaires – Protection de la santé – Dispositions nationales plus strictes – Conditions d’application de l’article 95, paragraphe 4, CE – Principe du contradictoire. – Affaire C-3/00.


Recueil de jurisprudence 2003 page I-02643


Parties

Motifs de l’arrêt

Décisions sur les dépenses

Dispositif

Parties


Dans l’affaire C-3/00,

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenu par

République d’Islande, représentée par M. H. S. Kristjánsson, en qualité d’agent,

et par

Royaume de Norvège, représenté par Mme B. B. Ekeberg, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Shotter et H. C. Støvlbæk, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision 1999/830/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative aux dispositions nationales notifiées par le royaume de Danemark concernant l’emploi des sulfites, nitrites et nitrates dans les denrées alimentaires (JO L 329, p. 1),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet et R. Schintgen, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr et J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l’audience du 25 septembre 2001,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mai 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l’arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 6 janvier 2000, le royaume de Danemark a, en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE, demandé l’annulation de la décision 1999/830/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative aux dispositions nationales notifiées par le royaume de Danemark concernant l’emploi des sulfites, nitrites et nitrates dans les denrées alimentaires (JO L 329, p. 1, ci-après la «décision attaquée»).

2 Par ordonnance du président de la Cour du 4 octobre 2000, la république d’Islande et le royaume de Norvège ont été admis à intervenir à l’appui des conclusions du royaume de Danemark.

Le cadre juridique

L’article 95 CE

3 Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a modifié substantiellement l’article 100 A du traité CE et l’a renuméroté article 95 CE. L’article 95, paragraphes 4 à 7, CE dispose:

«4. Si, après l’adoption par le Conseil ou par la Commission d’une mesure d’harmonisation, un État membre estime nécessaire de maintenir des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l’article 30 ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail, il les notifie à la Commission, en indiquant les raisons de leur maintien.

5. En outre, sans préjudice du paragraphe 4, si, après l’adoption par le Conseil ou par la Commission d’une mesure d’harmonisation, un État membre estime nécessaire d’introduire des dispositions nationales basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail en raison d’un problème spécifique de cet État membre, qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation, il notifie à la Commission les mesures envisagées ainsi que les raisons de leur adoption.

6. Dans un délai de six mois après les notifications visées aux paragraphes 4 et 5, la Commission approuve ou rejette les dispositions nationales en cause après avoir vérifié si elles sont ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent ou non une entrave au fonctionnement du marché intérieur.

En l’absence de décision de la Commission dans ce délai, les dispositions nationales visées aux paragraphes 4 et 5 sont réputées approuvées.

Lorsque cela est justifié par la complexité de la question et en l’absence de danger pour la santé humaine, la Commission peut notifier à l’État membre en question que la période visée dans le présent paragraphe peut être prorogée d’une nouvelle période pouvant aller jusqu’à six mois.

7. Lorsque, en application du paragraphe 6, un État membre est autorisé à maintenir ou à introduire des dispositions nationales dérogeant à une mesure d’harmonisation, la Commission examine immédiatement s’il est opportun de proposer une adaptation de cette mesure.»

La directive 89/107/CEE

4 Adoptée sur le fondement de l’article 100 A du traité, la directive 89/107/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les additifs pouvant être employés dans les denrées destinées à l’alimentation humaine (JO L 40, p. 27, ci-après la «directive-cadre»), définit les additifs alimentaires, fixe les conditions de base de leur emploi dans les denrées alimentaires et arrête le cadre dans lequel une liste positive d’additifs sera élaborée par la suite. Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive, cette liste positive détermine les additifs dont l’emploi est autorisé, à l’exclusion de tout autre, les denrées alimentaires auxquelles ces additifs peuvent être ajoutés et les conditions de cette adjonction.

5 En vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la directive-cadre, les additifs alimentaires sont incorporés dans la liste positive sur la base des critères généraux décrits à l’annexe II de la même directive.

6 L’annexe II de la directive-cadre, intitulée «Critères généraux pour l’utilisation des additifs alimentaires», prévoit, à ses points 1, 3 et 6:

«1. Les additifs alimentaires ne peuvent être approuvés que:

— si un besoin technologique suffisant peut être démontré et si l’objectif recherché ne peut être atteint par d’autres méthodes économiquement et technologiquement utilisables,

— s’ils ne présentent aucun danger pour la santé du consommateur aux doses proposées, dans la mesure où les données scientifiques dont on dispose permettent de porter un jugement,

— si leur emploi n’induit pas le consommateur en erreur.

[…]

3. Pour déterminer les effets nocifs éventuels d’un additif alimentaire ou de ses dérivés, celui-ci doit être soumis à des essais et à une évaluation toxicologiques appropriés. Cette évaluation devrait aussi prendre en considération, par exemple, tout effet cumulatif, synergique ou de renforcement dépendant de son emploi ainsi que le phénomène de l’intolérance humaine aux substances étrangères à l’organisme.

[…]

6. L’approbation des additifs alimentaires doit:

[…]

b) être limitée à la dose minimale nécessaire pour atteindre l’effet désiré;

c) tenir compte de toute dose journalière admissible ou donnée comme équivalente, établie pour l’additif alimentaire, et de l’apport quotidien probable de cet additif dans tous les produits alimentaires […]»

7 L’article 6 de la directive-cadre prévoit que les dispositions susceptibles d’avoir une incidence sur la santé publique sont adoptées après consultation du comité scientifique de l’alimentation humaine (ci-après le «CSAH»).

La directive 95/2/CE

8 En application de la directive-cadre, le contenu de la liste positive a été précisé par trois directives spécifiques: la directive 94/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1994, concernant les édulcorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires (JO L 237, p. 3), la directive 94/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1994, concernant les colorants destinés à être employés dans les denrées alimentaires (JO L 237, p. 13), et la directive 95/2/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 1995, concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants (JO L 61, p. 1).

9 Adoptée sur le fondement de l’article 100 A du traité, la directive 95/2 porte sur les conditions d’emploi des additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants. Lors de son adoption, la délégation danoise a voté contre ladite directive en expliquant, dans une déclaration de vote faite le 15 décembre 1994, que celle-ci ne répondait pas de manière satisfaisante aux exigences sanitaires auxquelles cette délégation attachait une importance déterminante en ce qui concerne notamment l’utilisation de nitrites, de nitrates et de sulfites comme additifs alimentaires.

10 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 95/2:

«Ne peuvent être employés dans les denrées alimentaires que les additifs conformes aux spécifications adoptées par le Comité scientifique de l’alimentation humaine.»

11 Conformément à l’article 2 de la directive 95/2, les additifs autorisés dans les denrées alimentaires sont énumérés aux annexes I, III, IV et V de celle-ci. Il résulte en particulier dudit article 2, paragraphe 4, que les additifs énumérés à l’annexe III ne peuvent être utilisés que dans les denrées alimentaires visées dans cette annexe et dans les conditions qui y sont fixées.

12 L’annexe III, partie B, de la directive 95/2 présente dans le tableau suivant les conditions d’utilisation de l’anhydride sulfureux (E 220) et des sulfites – sulfite de sodium (E 221), sulfite acide de sodium (E 222), disulfite de sodium (E 223), disulfite de potassium (E 224), sulfite de calcium (E 226), sulfite acide de calcium (E 227) et sulfite acide de potassium (E 228). Les quantités maximales y sont exprimées en mg/kg ou en mg/l de SO2, selon le cas, et se rapportent à la quantité totale disponible en tenant compte de toutes les sources.

Denrées alimentaires

Quantité maximale (mg/kg ou mg/l, selon le cas), exprimée en SO2

Burger-meat contenant au minimum 4 % de produits végétaux et/ou de céréales

450

Breakfast sausages

450

Longaniza fresca et butifarra fresca

450

Poisson séché salé de l’espèce gadidés

200

Crustacés et céphalopodes:

— frais, congelés et surgelés

Crustacés, famille penaeidae solencerides, Aristeidae:

— moins de 80 unités

— entre 80 et 120 unités

— plus de 120 unités

— cuits

150(1)

150(1)

200(1)

300(1)

50(1)

Biscuits secs

50

Amidons (à l’exception des amidons pour aliments de sevrage, préparations de suite et préparations pour nourrissons)

50

Sagou

30

Orge perlée

30

Granules de pommes de terre déshydratés

400

Amuse-gueule à base de céréales et de pommes de terre

50

Pommes de terre pelées

50

Pommes de terre transformées (y compris les pommes de terre congelées et surgelées)

100

Pâte de pommes de terre

100

Légumes blancs, séchés

400

Légumes blancs transformés (y compris les légumes blancs congelés et surgelés)

50

Gingembre séché

150

Tomates séchées

200

Pulpe de raifort

800

Pulpe d’oignon, d’ail et d’échalote

300

Légumes et fruits conservés dans le vinaigre, l’huile ou la saumure (à l’exception des olives et des poivrons jaunes conservés dans la saumure)

100

Poivrons jaunes conservés dans la saumure

500

Champignons transformés (y compris les champignons congelés)

50

Champignons séchés

100

Fruits séchés:

— abricots, pêches, raisins, prunes et figues

— bananes

— pommes et poires

— autres (y compris les fruits à coque)

2000

1000

600

500

Noix de coco séchées

50

Fruits, légumes, angélique et écorces d’agrumes confits, cristallisés ou glacés

100

Confitures, gelées et marmelades au sens de la directive 79/693/CEE (à l’exception de la confiture extra et de la gelée extra) et autres pâtes à tartiner similaires à base de fruits, y compris les produits à valeur énergétique réduite

50

Jams, jellies et marmalades contenant des fruits sulfités

100

Fourrages à base de fruits (pour pâtisserie en croûtes)

100

Assaisonnements à base de jus d’agrumes

200

Jus de raisins concentré pour la fabrication de vins maison

2 000

Mostarda di frutta

100

Extraits de fruit gélifiants, pectine liquide destinés à la vente au consommateur final

800

Bigarreaux, fruits secs réhydratés et litchis, en bocaux

100

Tranches de citron en bocal

250

Sucres au sens de la directive 73/437/CEE, à l’exception du sirop de glucose, déshydraté ou non

15

Sirop de glucose, déshydraté ou non

20

Mélasses

70

Autres sucres

40

Nappages (sirop pour crêpes, sirops aromatisés pour laits frappés aromatisés et glaces; produits similaires)

40

Jus d’orange, de pamplemousse, de pomme et d’ananas destinés à la vente en vrac dans les établissements de restauration

50

Jus de limette et de citron

350

Concentrés à base de jus de fruits contenant au minimum 2,5 % d’orge (barley water)

350

Autres concentrés à base de jus de fruits ou de fruits broyés; capilé groselha

250

Boissons aromatisées sans alcool contenant du jus de fruits

20 (transfert à partir de concentrés uniquement)

Boissons aromatisées sans alcool contenant au minimum 235 g/l de sirop de glucose

50

Jus de raisins non fermenté à usage de vin de messe

70

Confiseries à base de sirop de glucose

50 (transfert à partir de sirop de glucose uniquement)

Bière, y compris la bière à faible teneur en alcool et la bière sans alcool

20

Bière subissant une seconde fermentation dans le fût

50

Vins

Conformément aux règlements (CEE) n_ 822/87,

(CEE) n_ 4252/88,

(CEE) n_ 2332/92 et

(CEE) n_ 1873/84 du Conseil, et à leurs règlements d’application

[…]

Vins sans alcool

200

Made wine

260

Cidre, poiré, vin de fruits, vin de fruits pétillant (y compris les produits sans alcool)

200

Hydromel

200

Vinaigre de fermentation

170

Moutarde, à l’exception de la moutarde de Dijon

250

Moutarde de Dijon

500

Gélatine

50

Succédanés de viande, de poisson et de crustacés à base de protéines végétales ou de céréales

200

(1) Pour les parties comestibles.

13 L’annexe III, partie C, de la directive 95/2 précise dans un tableau les conditions d’utilisation des nitrites et des nitrates dans les denrées alimentaires. Le contenu de ce tableau peut être présenté de la façon suivante:

Nitrite de potassium (E 249) et nitrite de sodium (E 250):

Denrées alimentaires

Dose indicative d’incorporation

(mg/kg)

Quantité résiduelle

(mg/kg)

Produits de charcuterie et de salaison non cuits, séchés

150(2)

50(3)

Autres produits de salaison et charcuterie

Produits de viande en conserve

Foie gras, foie gras entier, blocs de foie gras

150(2)

100(3)

Bacon traité en salaison

175(3)

(2) Exprimé en NaNO2.

(3) Quantité résiduelle au point de vente au consommateur final, exprimée en NaNO2.

Nitrate de sodium (E 251) et nitrate de potassium (E 252):

Denrées alimentaires

Dose indicative d’incorporation

(mg/kg)

Quantité résiduelle

(mg/kg)

Produits de charcuterie et de salaison

Produits de viande en conserve

300

250(4)

Fromage à pâte dure, semi-dure et semi-molle

Succédané de fromage à base de produits laitiers

50(4)

Harengs au vinaigre et sprats

200(5)

(4) Exprimé en NaNO3.

(5) Quantité résiduelle, y compris pour le nitrite formé à partir de nitrate, exprimé en NaNO2.

14 L’article 9, premier alinéa, de la directive 95/2 dispose:

«Les États membres mettent en vigueur avant le 25 septembre 1996 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive afin:

— d’autoriser, au plus tard le 25 septembre 1996 la commercialisation et l’emploi des produits conformes à la présente directive,

— d’interdire, au plus tard le 25 mars 1997 la commercialisation et l’emploi des produits non conformes à la présente directive; les produits mis sur le marché ou étiquetés avant cette date qui ne satisfont pas aux exigences de la présente directive peuvent toutefois être commercialisés jusqu’à épuisement des stocks.»

La réglementation danoise

15 La première réglementation d’ensemble relative aux additifs alimentaires a été adoptée par le royaume de Danemark en 1973. Cette réglementation comprenait notamment une liste positive des additifs autorisés. Seuls les additifs visés dans cette liste pouvaient être employés et leur emploi n’était autorisé que dans les conditions spécifiées dans ladite liste.

16 La liste positive danoise a évolué de façon continue en fonction des évaluations sanitaires et des besoins technologiques, au fur et à mesure de l’adoption de règles communautaires relatives aux additifs.

17 À l’exception des dispositions relatives aux sulfites, aux nitrites et aux nitrates, la directive 95/2 a été transposée en droit danois par le décret n_ 1055 du ministère de la Santé, du 18 décembre 1995, relatif aux additifs alimentaires (Lovtidende 1995 A, p. 5571), modifié ensuite par les décrets n_ 834 du ministère de la Santé, du 23 septembre 1996 (Lovtidende 1996 A, p. 5089) et n_ 942 du ministère de l’Alimentation, du 11 décembre 1997 (Lovtidende 1997 A, p. 5614) (ci-après le «décret n_ 1055/95»).

18 Les annexes du décret n_ 1055/95 indiquent, sous forme de tableau, les conditions d’emploi des sulfites dans les denrées alimentaires autres que le vin (les règles communautaires relatives au vin sont applicables au Danemark). Leur contenu peut être présenté de la manière suivante:

Denrées alimentaires

Quantité maximale ajoutée

(mg/kg ou mg/l, selon le cas) exprimée en SO2

Pulpe d’ail

300

Pulpe de raifort

600

Abricots

1 000(6)

Pommes de terre granulées

100

Confiture, gelée, confiture d’oranges et crème de marron (couvertes par la directive 79/693/CEE)

50(6)

Autres confitures

50(6)

Confiseries à base de sirop de glucose

50(6)

Biscuits secs

150

Homard frais en eau profonde

30

Crustacés congelés

30

Crustacés cuits

30

Produits de sucre (au sens de la directive 73/437/CEE)

15(6)

Sirop de glucose

20(6)

Vinaigre d’un taux d’acidité maximal de 8 %

100

Jus de limette

100

Jus de citron

350

Boissons aromatisées à base de jus de fruit concentré

20(6)

Bière

20

Cidre et poiré

50

Vin de fruit

300

(6) Quantité résiduelle.

19 Les annexes du décret n_ 1055/95 indiquent en outre les conditions d’utilisation des nitrites et des nitrates dans les denrées alimentaires. Leur contenu peut être présenté de la manière suivante:

Nitrite de potassium (E 249) et nitrite de sodium (E 250):

Denrées alimentaires

Quantité ajoutée (7)

(mg/kg)

Produits à base de viande non traités par la chaleur, faits à partir de morceaux entiers de viande, y compris les tranches de produits

60

Bacon du type Wiltshire et les coupes s’y rapportant, y compris le jambon salé

150

Produits à base de viande soumis à un traitement thermique, faits à partir des morceaux entiers de viande, y compris les tranches de produits

60

Rullepølse (saucisse de viande roulée)

100

Produits à base de viande soumis à un traitement thermique, faits à partir des morceaux entiers de viande, y compris les tranches de produits, entièrement ou semi-préservés

150

Produits à base de viande, non traités par la chaleur, faits à partir de viande hachée

60

Salami danois fermenté

100

Produits à base de viande, non traités par la chaleur, faits à partir de viande hachée, entièrement ou semi-préservés

150

Produits à base de viande, soumis à un traitement thermique, faits à partir de viande hachée

60

Boules de viande ou pâté de foie

0

Produits à base de viande, soumis à un traitement thermique, faits à partir de viande hachée, entièrement ou semi-préservés

150

(7) Calculée en NaNO2.

Nitrate de sodium (E 251) et nitrate de potassium (E 252):

Denrées alimentaires

Quantité ajoutée (8)

(mg/kg)

Bacon du type Wiltshire et coupes s’y rapportant, y compris le jambon salé

300

(8) Calculée en NaNO3.

La décision attaquée

20 Par lettre du 15 juillet 1996, complétée par lettre du 20 mai 1997, le gouvernement danois a, au titre de l’article 100 A, paragraphe 4, du traité, notifié à la Commission ses dispositions nationales concernant l’emploi des sulfites, des nitrites et des nitrates (ci-après les «dispositions litigieuses») en vue de leur maintien par dérogation aux dispositions de la directive 95/2.

21 À la suite de contacts informels avec les services de la Commission, le gouvernement danois a adressé à celle-ci des informations complémentaires le 14 juillet 1998. La Commission a ensuite transmis le dossier de notification aux autres États membres pour avis. Sept d’entre eux ont émis des avis, dont plusieurs exprimaient des réserves sur la demande de ce gouvernement.

22 La Commission a, le 26 octobre 1999, adopté la décision attaquée sur le fondement de l’article 95, paragraphe 6, CE. Par celle-ci la Commission a constaté que les dispositions litigieuses «ont pour objectif de protéger la santé publique, mais excèdent ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif» (point 44 des motifs de ladite décision) et a donc décidé de ne pas les approuver.

23 La décision attaquée a été notifiée au gouvernement danois le 28 octobre 1999.

24 À la suite de cette notification, le gouvernement danois a abrogé les dispositions litigieuses en adoptant le décret n_ 822, du 5 novembre 1999 (Lovtidende 1999 A, p. 5713).

Les données scientifiques

Sulfites

25 Il ressort du dossier de la présente affaire que l’adjonction de sulfites aux denrées alimentaires permet d’obtenir un effet conservateur. Ceux-ci sont employés notamment dans le vin, la confiture, les biscuits secs et les fruits secs. Ils inhibent le développement de bactéries détériorant les denrées alimentaires, ainsi que le développement de moisissures et de levures.

26 Absorbés en grandes quantités, les sulfites peuvent toutefois être nocifs pour la santé, car ils sont susceptibles de causer notamment des lésions du tube digestif. En outre, ils peuvent provoquer de graves réactions allergiques chez les personnes asthmatiques et, dans les cas les plus graves, conduire à la mort. Ces réactions peuvent survenir même si le sujet allergique n’absorbe que de très faibles quantités de sulfites.

27 Le CSAH a étudié la toxicologie des sulfites en 1981 (Rapports du CSAH, 11e série, p. 47, ci-après l'«avis de 1981»). Par la suite, ce comité a rendu, le 25 février 1994, un avis sur les sulfites utilisés comme additifs dans les denrées alimentaires (Rapports du CSAH, 35e série, p. 23, ci-après l'«avis de 1994»). Dans cet avis, le CSAH a fixé une dose journalière admissible (ci-après la «DJA») pour l’anhydride sulfureux à 0-0,7 mg/kg de poids corporel. En outre, il a recommandé, eu égard à la survenance de réactions allergiques graves, que l’emploi des sulfites soit limité autant que possible et que leur présence dans les denrées alimentaires soit signalée sur l’étiquette.

Nitrites et nitrates

28 Selon les informations dont dispose la Cour dans le cadre de la présente affaire, les nitrites et les nitrates sont des additifs alimentaires ayant un effet conservateur sur les denrées alimentaires et pouvant être dangereux pour l’organisme humain de diverses manières.

29 L’adjonction de nitrites et de nitrates dans les denrées alimentaires soutient l’effet conservateur du fumage, de la salaison ou de la cuisson, par exemple sur les produits de viande. Ces substances inhibent le développement de bactéries susceptibles de détériorer lesdites denrées ainsi que celui de bactéries pathogènes comme le clostridium botulinum, responsable du botulisme. Toutefois dans les produits de viande, les nitrites se transforment en nitrosamines, notamment par une réaction s’opérant entre les nitrites et certaines substances naturellement présentes dans la viande. Les nitrosamines sont reconnues comme étant cancérigènes.

30 Le CSAH a examiné les besoins technologiques et les risques sanitaires liés à l’adjonction de nitrites et de nitrates dans ses avis des 19 octobre 1990 (Rapports du CSAH, 26e série, p. 21, ci-après l'«avis de 1990») et 22 septembre 1995 (Rapports du CSAH, 38e série, p. 1, ci-après l'«avis de 1995»). Dans le premier de ces avis, il a notamment conclu:

«Il serait prudent de réduire dans la mesure du possible le niveau des composés nitrosés préformés dans l’alimentation. C’est pourquoi le Comité recommande que l’exposition aux nitrosamines préformées dans les aliments soit réduite au minimum par des pratiques technologiques appropriées, telles que l’abaissement des doses de nitrite et de nitrate ajoutés aux aliments au minimum requis pour obtenir l’effet conservateur nécessaire et pour assurer la sécurité du point de vue microbiologique. Ces niveaux de nitrate et de nitrite devraient être les plus bas que l’on puisse atteindre au vu de l’information présentée au Comité au cours de l’établissement du présent rapport.» (Rapports du CSAH, 26e série, p. 27 et 28).

31 Dans son avis de 1995, le CSAH rappelle que les nitrosamines sont cancérigènes et constate qu’il est impossible de définir un seuil au-dessous duquel elles ne présentent aucun risque cancérigène. Le CSAH reprend la conclusion contenue dans son avis de 1990 selon laquelle il faut réduire au minimum l’exposition alimentaire aux nitrosamines (Rapports du CSAH, 38e série, p. 22 et 23, points 3.3.2.2 et 3.3.2.3).

Le recours

32 À l’appui de son recours en annulation de la décision attaquée, le royaume de Danemark invoque cinq séries de moyens tirés, premièrement, d’une violation des formes substantielles, deuxièmement, d’une méconnaissance des conditions d’application de l’article 95, paragraphe 4, CE, troisièmement, d’erreurs de droit et de fait entachant spécifiquement le rejet des dispositions litigieuses concernant l’emploi des sulfites, quatrièmement, d’erreurs de droit et de fait entachant spécifiquement le rejet des dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates et, cinquièmement, d’une omission de statuer et d’un défaut de motivation.

Sur les moyens tirés de la violation des formes substantielles

Arguments des parties

33 Par son premier moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande, fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une violation des formes substantielles en ce que la Commission n’a pas respecté à son égard le principe du contradictoire avant d’arrêter ladite décision. Celle-ci serait fondée sur des appréciations erronées – dont, notamment, celle selon laquelle les dispositions de la directive 95/2 sont conformes aux avis actualisés du CSAH – qui auraient pu être clarifiées si la Commission en avait donné la possibilité au gouvernement danois.

34 Par son deuxième moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande, fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une violation des formes substantielles en ce que la Commission n’a pas donné au gouvernement danois la possibilité de prendre connaissance des avis recueillis auprès d’autres États membres ni de les commenter. Ce serait de sa propre initiative que la Commission aurait transmis le dossier de notification aux États membres pour avis, sans qu’aucune disposition du traité CE prévoie qu’elle doit requérir leur avis avant d’arrêter une décision en application de l’article 95, paragraphe 6, CE. Or, plusieurs des griefs retenus dans la décision attaquée à l’encontre des dispositions litigieuses coïncideraient avec ces avis, ce qui permettrait de supposer que ces derniers ont influé sur cette décision. Ces avis contiendraient des points de vue erronés qui sont repris dans ladite décision et que le gouvernement danois aurait pu corriger s’il avait été consulté.

35 La Commission répond aux premier et deuxième moyens en soutenant, à titre principal, que le principe du contradictoire ne s’applique pas dans le cadre d’une demande au titre de l’article 95, paragraphe 4, CE. En effet, la procédure instaurée par cette disposition constituerait en réalité une étape d’une procédure législative, c’est-à-dire tendrait à l’adoption d’actes de portée générale. Autoriser le maintien de dispositions nationales dérogatoires en vertu de l’article 95, paragraphe 4, CE reviendrait à modifier une directive ou à arrêter un régime transitoire dans le cadre d’une directive.

36 La Commission fait valoir, à titre subsidiaire, que, en l’espèce, elle a respecté le principe du contradictoire. En effet, le gouvernement danois aurait réellement eu la possibilité de faire connaître son point de vue. D’une part, dans le cadre de la procédure législative ayant précédé l’adoption de la directive 95/2, ce gouvernement aurait eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur le niveau de protection prévu par cette directive. D’autre part, dans sa demande au titre de l’article 95, paragraphe 4, CE, il aurait exposé les éléments qui, à son sens, justifient le recours à cette disposition. Si le gouvernement danois avait été entendu avant que la Commission arrête la décision attaquée, il aurait donc eu une troisième opportunité d’exposer son point de vue. La Commission ajoute que, après la notification des dispositions litigieuses au titre de l’article 95, paragraphe 4, CE, mais avant l’adoption de la décision attaquée, une réunion s’est tenue le 19 novembre 1997 entre elle et les autorités danoises afin de débattre de l’affaire. Le gouvernement danois aurait eu toute latitude, lors de cette réunion, de soulever d’autres questions en rapport avec ladite notification.

37 À titre plus subsidiaire encore, pour le cas où la Cour considérerait qu’il y a eu violation du principe du contradictoire, la Commission argue de ce que cette violation n’a eu en l’espèce aucune incidence sur l’issue de la procédure. Elle fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour, une violation des droits de la défense ne peut entraîner une annulation que s’il y a lieu de considérer que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Or, la Commission aurait informé le gouvernement danois, notamment par une lettre de M. Bangemann, membre de la Commission, datée du 16 mars 1999, qu’elle avait demandé et reçu des observations d’autres États membres, sans que ce gouvernement ait jamais demandé à avoir la possibilité de commenter les informations obtenues des autres États membres. Ce n’est que dans sa requête en annulation qu’il aurait pour la première fois exprimé ce souhait. Par ailleurs, le 22 octobre 1999, le gouvernement danois aurait adressé à deux membres de la Commission des lettres dans lesquelles il commentait un certain nombre d’éléments techniques figurant dans le projet de la décision attaquée. Il en résulterait que ce gouvernement connaissait ledit projet préalablement à son adoption et qu’il a fait connaître ses observations à son sujet avant que la décision attaquée ne soit arrêtée.

Appréciation de la Cour

38 À titre liminaire, il convient d’examiner la nature de la procédure prévue à l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE.

39 Il est certes vrai, comme le soutient la Commission, qu’une décision de la Commission, prise dans le cadre de cette procédure, approuvant le maintien d’une disposition nationale qui déroge à un acte communautaire de portée générale, entraîne la modification erga omnes du champ d’application de cet acte. Néanmoins, la procédure qui mène à une telle décision ne saurait être considérée comme faisant partie du processus législatif aboutissant à l’adoption de l’acte de portée générale.

40 En effet, la procédure d’approbation de dispositions nationales dérogatoires, visée à l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE, est différente de celle conduisant à l’adoption de la mesure d’harmonisation objet de la dérogation. En vertu de l’article 95, paragraphe 1, CE, ladite mesure est adoptée, selon la procédure de codécision visée à l’article 251 CE, par le Conseil et le Parlement européen statuant sur proposition de la Commission et après consultation du Comité économique et social. En revanche, la procédure d’approbation s’ouvre, d’après les termes mêmes de l’article 95, paragraphe 4, CE, après que le législateur a adopté la mesure d’harmonisation. Sa finalité est d’apprécier les exigences particulières d’un État membre, la Commission ayant l’obligation, en application de l’article 95, paragraphe 7, CE, d’examiner l’opportunité de proposer au législateur communautaire l’adaptation de la mesure d’harmonisation lorsqu’elle a approuvé des dispositions nationales y dérogeant.

41 L’argument de la Commission fondé sur la nature législative de la procédure ne saurait donc être accueilli.

42 Néanmoins, il y a lieu de relever qu’aucune disposition ne prévoit l’application du principe du contradictoire à la procédure de décision, prévue à l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE, visant à l’approbation de dispositions nationales dérogatoires à une mesure d’harmonisation adoptée au niveau communautaire.

43 De même, aucune disposition n’impose à la Commission, dans le cadre de cette procédure, de recueillir les avis des autres États membres, ainsi qu’elle l’a fait en l’espèce.

44 Il importe donc de vérifier si le principe du contradictoire s’applique, même en l’absence d’une réglementation spécifique, notamment dans la situation où de tels avis ont été demandés.

45 Le principe du contradictoire, dont la Cour assure le respect, impose à l’autorité publique d’entendre les intéressés avant l’adoption d’une décision les concernant (arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C-315/99 P, Rec. p. I-5281, point 28).

46 Selon la jurisprudence de la Cour, le principe du respect des droits de la défense, auquel le principe du contradictoire est étroitement lié, s’applique non seulement aux administrés mais également aux États membres. En ce qui concerne ces derniers, ce principe a été reconnu dans le cadre de procédures ouvertes par une institution communautaire à l’encontre de l’État membre concerné, telles que celles en matière de contrôle des aides d’État ou de surveillance du comportement des États membres en ce qui concerne les entreprises publiques (voir, par exemple, arrêts du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 44, et du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C-288/96, Rec. p. I-8237, point 99).

47 Toutefois, la procédure prévue à l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE est initiée non pas par une institution communautaire mais par un État membre, la décision de l’institution communautaire n’étant prise qu’en réaction à cette initiative.

48 En effet, cette procédure est entamée sur la demande d’un État membre visant à l’approbation de dispositions nationales dérogatoires à une mesure d’harmonisation adoptée au niveau communautaire. Par sa demande, cet État a tout loisir de s’exprimer sur la décision dont il demande l’adoption, ainsi qu’il ressort expressément de l’article 95, paragraphe 4, CE, qui oblige ledit État à indiquer les raisons du maintien des dispositions nationales en question. À son tour, la Commission doit être en mesure, dans les délais qui lui sont impartis, d’obtenir les renseignements qui s’avèrent nécessaires, sans être obligée d’entendre à nouveau l’État membre demandeur.

49 Cette conclusion est confirmée, d’une part, par la disposition figurant à l’article 95, paragraphe 6, deuxième alinéa, CE, selon laquelle les dispositions nationales dérogatoires sont réputées approuvées si la Commission ne se prononce pas dans un certain délai. D’autre part, en vertu du troisième alinéa de ce paragraphe, la prolongation de ce délai n’est pas possible en cas de danger pour la santé humaine. Il en ressort que les auteurs du traité ont voulu que, tant dans l’intérêt de l’État membre demandeur que dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché intérieur, la procédure prévue à cet article soit conclue rapidement. Cet objectif serait difficilement conciliable avec une exigence qui imposerait des échanges prolongés d’informations et d’arguments.

50 Il en découle que le principe du contradictoire ne s’applique pas à la procédure prévue à l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE. Par conséquent, les deux premiers moyens du royaume de Danemark doivent être rejetés comme non fondés.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des conditions d’application de l’article 95, paragraphe 4, CE

Arguments des parties

51 Par la seconde branche de son troisième moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande, fait valoir, tant par rapport aux sulfites que par rapport aux nitrites et aux nitrates, que la décision attaquée ne reconnaît pas pleinement le fait que l’article 95, paragraphe 4, CE ouvre aux États membres la possibilité de maintenir des dispositions nationales dérogeant aux mesures d’harmonisation arrêtées par le législateur communautaire. L’article 95, paragraphes 4 et 6, CE viserait à ouvrir aux États membres qui le jugent nécessaire la possibilité de maintenir des dispositions nationales dérogatoires sur la base d’une évaluation autre que celle effectuée par le législateur communautaire. En revanche, la décision attaquée, et notamment le point 42 de ses motifs, procéderait de l’idée que, une fois que le législateur communautaire a examiné les éléments pertinents et émis un acte juridique, il n’appartient plus aux États membres de remettre en question cet examen. À cet égard, la décision attaquée reposerait sur une erreur de droit.

52 Par ailleurs, les points 28 et 43 des motifs de la décision attaquée rappelleraient que les mesures d’harmonisation relatives respectivement aux sulfites, aux nitrites et aux nitrates sont toujours susceptibles de faire l’objet d’une révision en application des articles 4 de la directive-cadre et 7 de la directive 95/2. Cependant, la présence d’une clause de sauvegarde ne serait pas pertinente aux fins de l’appréciation que doit effectuer la Commission au titre de l’article 95, paragraphes 4 et 6, CE. Cette dernière aurait, à tort, intégré la présence d’une clause de sauvegarde dans les motifs qui sous-tendent son refus d’approuver les dispositions litigieuses. À cet égard également la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit.

53 Par son sixième moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande et le royaume de Norvège, rappelle que la décision attaquée a refusé d’approuver les dispositions litigieuses au motif, notamment, que le gouvernement danois n’aurait démontré ni l’existence d’un problème de santé particulier pour la population danoise par rapport à l’emploi des sulfites (point 32 des motifs de ladite décision) ni l’existence d’une situation spécifique de cette population au regard du danger que pourrait représenter l’emploi de nitrites et de nitrates (point 43 des motifs de la même décision). Or, l’existence, dans l’État membre concerné, d’une situation spécifique censée justifier le recours à l’article 95, paragraphe 4, CE ne ferait pas partie des exigences prévues à cette disposition. Celle-ci mentionnerait des «exigences importantes visées à l’article 30 ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail», mais non l’existence d’une situation spécifique à l’État demandeur. Ce dernier critère serait pertinent dans le cas d’une décision arrêtée en application de l’article 95, paragraphe 5, CE, concernant l’introduction de dispositions nationales nouvelles fondées sur des connaissances nouvelles. La décision attaquée violerait donc les dispositions de l’article 95, paragraphe 4, CE.

54 La Commission fait valoir que l’interprétation de l’article 95 CE doit se fonder avant tout sur le fait que le paragraphe 1 de cette disposition permet d’arrêter des mesures relatives au rapprochement des législations des États membres ayant pour objet le marché intérieur. Les actes communautaires fondés sur l’article 95, paragraphe 1, CE pourraient représenter une harmonisation complète du domaine qu’ils visent. Dans un tel cas, l’article 95, paragraphe 4, CE donnerait à un État membre la possibilité de maintenir, à certaines conditions, des dispositions nationales dérogatoires. Cette disposition introduirait une exception au principe de l’application uniforme du droit communautaire et de l’unité du marché et serait donc d’interprétation stricte. En outre, il incomberait à l’État membre concerné de prouver que les dispositions nationales qu’il entend appliquer prévoient un niveau de protection plus élevé que les mesures communautaires d’harmonisation auxquelles elles dérogent.

55 Un État membre pourrait maintenir des dispositions nationales dérogatoires en vertu de l’article 95, paragraphe 4, CE soit dans le cas où une situation spécifique dans cet État justifie le maintien de telles dispositions, soit dans le cas où la législation communautaire est lacunaire en ce sens qu’elle n’assure pas un «niveau de protection élevé» au sens de l’article 95, paragraphe 3, CE. En revanche, un État membre ne saurait substituer sa propre évaluation du risque à celle faite par le législateur communautaire. Le fait qu’un État membre évalue le risque autrement que le législateur communautaire ne constituerait pas une «justification» permettant de maintenir des dispositions nationales dérogatoires en application de l’article 95, paragraphe 4, CE. Les États membres qui invoquent cette disposition devraient établir l’existence d’éléments scientifiques nouveaux ou d’éléments qui auraient dû être pris en considération et qui montrent que la législation communautaire n’assure pas une protection suffisante. Cette interprétation serait corroborée par l’article 95, paragraphe 7, CE dont il ressortirait que, lorsqu’un État membre est autorisé à maintenir des dispositions nationales dérogeant à une mesure d’harmonisation, la Commission examine immédiatement s’il est opportun de proposer une adaptation de cette mesure.

Appréciation de la Cour

56 Il convient de rappeler que le traité CE vise à l’établissement progressif du marché intérieur, lequel comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel est assurée la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. À cette fin, le traité CE a prévu l’adoption de mesures relatives au rapprochement des législations des États membres. Dans le cadre de l’évolution du droit primaire, l’Acte unique européen a introduit dans ce traité une nouvelle disposition, l’article 100 A.

57 L’article 95 CE, qui, en vertu du traité d’Amsterdam, remplace et modifie l’article 100 A du traité, opère une distinction selon que les dispositions notifiées sont des dispositions nationales préexistant à l’harmonisation ou des dispositions nationales que l’État membre concerné souhaite introduire. Dans le premier cas, prévu à l’article 95, paragraphe 4, CE, le maintien des dispositions nationales préexistantes doit être justifié par des exigences importantes visées à l’article 30 CE ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail. Dans le second cas, prévu à l’article 95, paragraphe 5, CE, l’introduction de dispositions nationales nouvelles doit être fondée sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail en raison d’un problème spécifique de cet État membre qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation.

58 La différence entre les deux hypothèses prévues à l’article 95 CE est que, dans la première, les dispositions nationales existaient avant la mesure d’harmonisation. Elles étaient donc connues du législateur communautaire mais celui-ci n’a pas pu ou n’a pas entendu s’en inspirer pour l’harmonisation. Il a donc été jugé acceptable que l’État membre puisse demander que ses propres règles restent en vigueur. À cette fin, le traité CE exige que de telles mesures soient justifiées par des exigences importantes visées à l’article 30 CE ou relatives à la protection du milieu de travail ou de l’environnement. En revanche, dans la seconde hypothèse, l’adoption d’une législation nationale nouvelle est davantage susceptible de mettre en péril l’harmonisation. Les institutions communautaires n’ont, par définition, pas pu prendre en compte le texte national lors de l’élaboration de la mesure d’harmonisation. Dans ce cas, les exigences visées à l’article 30 CE ne sont pas prises en considération et seules sont admises des raisons relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail, à la condition que l’État membre apporte des preuves scientifiques nouvelles et que la nécessité d’introduire des dispositions nationales nouvelles résulte d’un problème spécifique de l’État concerné qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation.

59 Il en découle que ni le libellé de l’article 95, paragraphe 4, CE ni l’économie de cet article dans son ensemble ne permettent d’exiger de l’État membre demandeur qu’il établisse que le maintien des dispositions nationales qu’il notifie à la Commission est justifié par un problème spécifique de cet État.

60 En revanche, si, de fait, un problème spécifique existe dans l’État membre demandeur, cette circonstance peut être hautement pertinente pour éclairer la Commission dans son choix d’approuver ou de rejeter les dispositions nationales notifiées. C’est un élément que, le cas échéant, la Commission devrait prendre en compte lorsqu’elle arrête sa décision.

61 Il ressort de l’économie générale de la décision attaquée que la Commission n’a examiné l’éventuelle existence d’une situation spécifique au royaume de Danemark qu’à titre d’élément pertinent pour son appréciation de la décision à prendre. La décision attaquée ne traite pas l’existence d’une telle situation comme une condition de l’approbation de dispositions nationales dérogatoires préexistantes. Il en découle que le moyen du royaume de Danemark, tiré d’une interprétation erronée par la Commission de l’article 95, paragraphe 4, CE en ce que cet article exigerait l’existence d’une situation spécifique, n’est pas fondé.

62 Des considérations analogues s’appliquent à l’exigence de preuves scientifiques nouvelles. Cette condition est imposée par l’article 95, paragraphe 5, CE pour l’introduction de dispositions nationales dérogatoires nouvelles, mais n’est pas prévue à l’article 95, paragraphe 4, CE pour le maintien de dispositions nationales dérogatoires préexistantes. Elle ne fait pas partie des conditions imposées pour le maintien de telles dispositions.

63 En outre, l’État membre demandeur peut, aux fins de justifier le maintien de telles dispositions nationales dérogatoires, invoquer le fait qu’il évalue le risque pour la santé publique autrement que le législateur communautaire l’a fait dans la mesure d’harmonisation. Vu l’incertitude inhérente à l’évaluation des risques posés à la santé publique, notamment par l’emploi d’additifs alimentaires, des évaluations divergentes de ces risques peuvent légitimement être effectuées, sans nécessairement être fondées sur des données scientifiques différentes ou nouvelles.

64 En effet, un État membre peut fonder une demande tendant au maintien de ses dispositions nationales préexistantes sur une évaluation du risque pour la santé publique différente de celle retenue par le législateur communautaire lors de l’adoption de la mesure d’harmonisation à laquelle ces dispositions nationales dérogent. À cette fin, il incombe à l’État membre demandeur d’établir que lesdites dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure communautaire d’harmonisation et qu’elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

65 Cette interprétation de l’article 95, paragraphe 4, CE est confirmée par l’article 95, paragraphe 7, CE, en vertu duquel, lorsqu’un État membre est autorisé à maintenir des dispositions nationales dérogatoires, la Commission examine immédiatement s’il est opportun de proposer une adaptation de la mesure d’harmonisation. Une telle adaptation pourrait en effet être appropriée lorsque les dispositions nationales approuvées par la Commission assurent un niveau de protection plus élevé que la mesure d’harmonisation à la suite d’une évaluation divergente du risque pour la santé publique.

66 C’est à la lumière de l’interprétation de l’article 95, paragraphe 4, CE, dégagée aux points 62 à 64 du présent arrêt, qu’il convient d’examiner les dispositions concrètes de la décision attaquée relatives à l’emploi des additifs en cause, à savoir d’un côté les sulfites et de l’autre les nitrites et les nitrates.

67 Avant de procéder à cet examen et pour achever la considération des moyens tirés de la méconnaissance des conditions d’application de l’article 95, paragraphe 4, CE, il convient d’apprécier l’argument du royaume de Danemark selon lequel la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit en raison de la mention, figurant aux points 28 et 43 des motifs de cette décision, selon laquelle les mesures d’harmonisation relatives aux sulfites, aux nitrites et aux nitrates pourraient à l’avenir être modifiées en vertu des articles 4 de la directive-cadre et 7 de la directive 95/2.

68 La décision d’approuver ou non le maintien des dispositions nationales notifiées doit être arrêtée en tenant compte des circonstances existant à la date à laquelle cette décision est prise. Par conséquent, l’éventualité d’une modification de la mesure d’harmonisation ne peut servir de fondement à ladite décision.

69 Or, il ressort de l’économie de l’ensemble de la décision attaquée que la mention figurant aux points 28 et 43 des motifs de celle-ci n’a pas conditionné la position prise par la Commission. Cette mention doit être considérée comme surabondante. Dans cette mesure, son manque de pertinence ne constitue pas en soi un motif d’annulation de la décision attaquée. Il convient donc de rejeter l’argument sur ce point avancé par le royaume de Danemark.

Sur les moyens tirés d’erreurs de droit et de fait entachant le rejet des dispositions litigieuses concernant l’emploi des sulfites

Arguments des parties

70 Il convient d’examiner les moyens invoqués par le royaume de Danemark qui ont trait à l’emploi des sulfites. Il s’agit de la première branche du troisième moyen, du cinquième moyen et de la première branche du septième moyen.

71 Par la première branche du troisième moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande, rappelle que, selon le point 20 des motifs de la décision attaquée, les éléments présentés par le gouvernement danois quant au besoin technologique d’utilisation des sulfites ne se rapportent ni à l’objectif de protection de la santé publique tel que mentionné à l’article 30 CE ni aux autres objectifs énumérés à l’article 95, paragraphe 4, CE, et ne sont donc pas pertinents. Selon le royaume de Danemark, il serait toutefois impossible de séparer l’évaluation des incidences sur la santé d’une substance donnée de l’évaluation du besoin technologique justifiant son emploi. Le besoin technologique constituerait en conséquence un critère pertinent dans l’évaluation des considérations liées à la santé des personnes visées à l’article 30 CE et, partant, à l’article 95, paragraphe 4, CE. Dans cette mesure, la décision attaquée reposerait sur une erreur de droit. Ainsi, la Commission n’aurait pas pris position sur les arguments invoqués par le gouvernement danois en ce qui concerne le besoin technologique. Ceci ressortirait clairement du point 21 des motifs de la décision attaquée qui énonce, in fine, que l’argument concernant le besoin technologique «ne saurait être invoqué au regard de la protection de la santé publique, puisque sur ce plan, il appartient aux autorités danoises d’établir que la présence de sulfites constitue un risque pour la santé publique».

72 La Commission admet que, en l’absence d’un besoin technologique justifiant l’utilisation d’un additif, il n’y a aucune raison de courir le risque sanitaire potentiel résultant de l’autorisation d’utiliser cet additif. Elle soutient néanmoins que, en l’espèce, elle a bien étudié tous les arguments invoqués par le gouvernement danois au sujet du besoin technologique d’utilisation des sulfites. Par conséquent, la décision attaquée ne reposerait pas sur une erreur de droit, même si le libellé du point 20 de ses motifs est susceptible de conduire à des malentendus.

73 Par son cinquième moyen, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande, fait valoir que la décision attaquée, en tant qu’elle rejette les dispositions litigieuses concernant l’emploi des sulfites, repose sur une erreur de droit, et notamment sur une application erronée du principe de proportionnalité.

74 Tout d’abord, la Commission affirmerait à tort, au point 27 des motifs de la décision attaquée, que le gouvernement danois n’a pas justifié sa sélection de seulement 16 catégories de denrées alimentaires dans lesquelles l’emploi des sulfites est autorisé sur les 61 que compte l’annexe III, partie B, de la directive 95/2. En effet, l’article 95, paragraphe 4, CE permettrait exclusivement de maintenir les dispositions nationales en vigueur, de sorte que ce gouvernement se serait borné à reprendre la liste positive danoise telle qu’en vigueur à la date d’adoption de la directive 95/2, sans procéder à une autre sélection.

75 Ensuite, la Commission ferait valoir à tort, au point 26 des motifs de la décision attaquée, que le gouvernement danois, au lieu de déroger aux dispositions de la directive 95/2, aurait dû travailler au renforcement des conditions d’emploi des sulfites dans le vin. Le royaume de Danemark admet que deux verres de vin contiennent environ 40 mg de sulfites, alors que, selon la DJA établie par le CSAH, un adulte peut ingérer 45 à 50 mg de sulfites par jour. Toutefois, les règlements communautaires sur le vin seraient fondés sur l’article 37 CE qui, contrairement à l’article 95 CE, n’autorise pas le maintien de dispositions nationales dérogatoires. Le fait que la DJA pour les sulfites puisse être dépassée en cas d’ingestion d’une faible quantité de vin ne saurait en aucune manière empêcher les États membres de limiter l’adjonction de sulfites à d’autres produits en vue de réduire d’une manière générale le risque de dépassement de la DJA.

76 Enfin, la décision attaquée reposerait sur une application erronée du principe de proportionnalité étant donné que les dispositions danoises litigieuses concernant l’emploi des sulfites, contrairement à ce que la Commission prétend, ne seraient pas disproportionnées. Lesdites dispositions suivraient uniquement les recommandations du CSAH, en particulier son avis de 1994, dans lequel il est notamment indiqué que des réactions asthmatiques occasionnelles graves peuvent survenir même à des taux d’exposition aux sulfites relativement faibles.

77 En réponse, la Commission rappelle que les dispositions de la directive 95/2 portent notamment sur l’utilisation des sulfites comme additifs dans les denrées alimentaires. Cette utilisation serait justifiée par un besoin technologique. Un abaissement généralisé de la quantité de sulfites pouvant être employée dans les denrées alimentaires ne serait pas justifiable au regard de la fonction technologique de ces additifs. En revanche, les problèmes soulevés par le gouvernement danois au sujet d’un dépassement de la DJA dû à l’addition de sulfites dans le vin devraient essentiellement être résolus dans le cadre de la réglementation relative au vin.

78 Sur la question du risque de réactions allergiques aux sulfites, la Commission fait valoir que les allergies déclenchées par l’emploi d’additifs concernent des individus. Le législateur communautaire, conscient de ce risque, aurait choisi de résoudre le problème des allergies par l’information des consommateurs. Par ailleurs, l’avis de 1981, sur la base duquel la directive 95/2 a été adoptée, ainsi que l’avis de 1994, ne contiendraient aucun élément allant à l’encontre des quantités maximales fixées par cette directive. En outre, le CSAH n’aurait pas déclaré que l’étiquetage constitue une mesure insuffisante.

79 Par la première branche de son septième moyen le royaume de Danemark fait valoir qu’il ressort du point 23 des motifs de la décision attaquée que la directive 95/2 est fondée sur l’avis de 1994, qui définit une DJA pour les sulfites. En réalité, la position commune du Conseil concernant le projet de directive aurait été fixée en 1993, avant la communication de l’avis de 1994. La directive 95/2 aurait été adoptée le 20 février 1995 sans aucune modification de son texte initial. Elle serait donc fondée sur la précédente évaluation des sulfites par le CSAH, communiquée en 1981, laquelle ne comportait aucune détermination d’une DJA.

80 Par ailleurs, les considérations exposées aux points 30 et 31 des motifs de la décision attaquée, relatives à l’étiquetage, ne tiendraient pas compte de l’avis de 1994, selon lequel l’emploi des sulfites doit être limité dans la mesure du possible afin de prendre en considération le risque de graves réactions allergiques. Selon cet avis, un étiquetage ne serait pas suffisant dans le cas des sulfites.

81 La Commission répond que le point 23 des motifs de la décision attaquée n’indique pas que la directive 95/2 est fondée sur l’avis de 1994, mais mentionne cet avis seulement à titre indicatif. Pour le reste, elle renvoie aux arguments qu’elle a exposés dans le cadre des troisième, quatrième et cinquième moyens.

Appréciation de la Cour

82 En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, relative au besoin technologique d’employer des sulfites, il convient de retenir que le besoin technologique est étroitement lié à l’évaluation de ce qui est nécessaire pour la protection de la santé publique. En effet, en l’absence d’un besoin technologique justifiant l’utilisation d’un additif, il n’y a aucune raison de courir le risque sanitaire potentiel résultant de l’autorisation d’utiliser cet additif. L’affirmation contenue au point 20 des motifs de la décision attaquée, selon laquelle les éléments présentés par le gouvernement danois à l’égard du besoin technologique d’utilisation des sulfites ne se rapportent pas à l’objectif de la santé publique, est clairement erronée.

83 Malgré cette affirmation erronée, il ressort des points 21, 24 et 27 ainsi que de la note n_ 20 des motifs de la décision attaquée que la Commission a procédé en fait à un examen de fond des arguments invoqués par le gouvernement danois relatifs au besoin technologique d’utilisation des sulfites dans les denrées alimentaires. La décision attaquée ne repose donc pas sur une erreur de droit à cet égard.

84 Cette conclusion n’est pas infirmée par la mention figurant au point 21 des motifs de la décision attaquée, selon laquelle il appartient aux autorités nationales d’établir que la présence de sulfites constitue un risque pour la santé publique. En effet, il incombe précisément à un État membre qui invoque l’article 95, paragraphe 4, CE de prouver que les conditions d’application de cette disposition sont remplies. La mention figurant audit point 21 ne comporte aucune erreur de droit.

85 Il découle de ce qui précède que la première branche du troisième moyen, relative au besoin technologique, n’est pas fondée.

86 En ce qui concerne le premier grief soulevé au titre du cinquième moyen, relatif à la motivation du choix du gouvernement danois, il convient de relever que la différence essentielle entre les dispositions litigieuses et la directive 95/2 réside dans le nombre de catégories de produits alimentaires dans lesquelles l’emploi des sulfites est autorisé. En effet, les dispositions litigieuses n’autorisent l’emploi des sulfites que dans 16 catégories sur les 61 admises par cette directive. Au vu de tous les éléments produits devant la Cour, il faut constater que le gouvernement danois n’a pas justifié son choix d’interdire tout emploi de sulfites dans les 45 autres catégories de denrées alimentaires.

87 À cet égard, il n’est pas possible de retenir l’argument du royaume de Danemark selon lequel il découlerait de l’article 95, paragraphe 4, CE qu’un État membre peut exclusivement demander à maintenir en vigueur la liste positive nationale existant à la date d’adoption de la directive 95/2, sans pouvoir procéder à une autre sélection des denrées alimentaires. En effet, le fait que cette disposition autorise seulement le maintien de la législation nationale en vigueur n’a pas pour conséquence qu’un État membre ne peut pas modifier en partie cette législation lors de la transposition de la directive d’harmonisation et la maintenir pour la partie restante. En prévoyant la possibilité d’autoriser le maintien de certaines dispositions nationales en vigueur, l’article 95 CE présuppose nécessairement que celles-ci peuvent coexister avec d’autres dispositions nationales conformes à la directive d’harmonisation.

88 En ce qui concerne le deuxième grief soulevé au titre du cinquième moyen, relatif à l’emploi des sulfites dans le vin, il convient de rappeler que la présente affaire vise l’emploi d’additifs dans les denrées alimentaires et non dans le vin et, à ce titre, relève du champ d’application de la directive 95/2 et non de la réglementation relative au vin. Si le vin apporte des quantités importantes de sulfites qui sont susceptibles de présenter un risque pour la santé des personnes, il est important que le législateur communautaire prenne en temps utile les mesures nécessaires pour faire face à ce risque.

89 En revanche la présence de quantités élevées de sulfites dans le vin ne peut pas justifier, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 95, paragraphe 4, CE, une interdiction généralisée d’utiliser les sulfites comme additifs dans les denrées alimentaires. En effet, dans la mesure où l’État membre requérant demande l’autorisation de maintenir des dispositions nationales qui dérogent à la directive 95/2 en ce qui concerne certaines denrées alimentaires, c’est par rapport à ces denrées, et non par rapport à d’autres produits, qu’il lui incombe de justifier lesdites dispositions nationales.

90 Dans ces circonstances le grief relatif à la teneur en sulfites du vin ne peut constituer un motif d’annulation de la décision attaquée et doit être rejeté.

91 En ce qui concerne le troisième grief soulevé au titre du cinquième moyen, relatif à l’application du principe de proportionnalité, il est inexact d’interpréter l’avis de 1994 en ce sens qu’il condamnerait l’étiquetage dans le cas des sulfites. Au contraire, tout en recommandant de limiter l’emploi de ces derniers, cet avis conclut qu’ils ne constituent pas un danger pour la santé de la grande majorité des personnes et recommande l’étiquetage à l’intention des personnes susceptibles d’y être allergiques. En effet, selon la recommandation iii) dudit avis, «[l]es personnes sensibles devraient être à même d’identifier la présence de sulfites ajoutés dans les denrées alimentaires et les boissons non alcoolisées, grâce à la liste des ingrédients sur l’étiquette».

92 Or, d’une part, la directive 95/2 fixe des quantités maximales pour l’emploi des sulfites comme additifs et, d’autre part, la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1), prévoit l’information des personnes qui présentent une allergie à certains ingrédients des denrées alimentaires, ce qui correspond au double souci exprimé dans l’avis de 1994 de limiter l’utilisation des sulfites et d’avertir le public de leur présence par l’étiquetage.

93 Il en résulte que, en ce qui concerne les sulfites, les mesures communautaires d’harmonisation apparaissent suffisantes au regard de l’avis de 1994 et que la décision attaquée ne comporte aucune erreur factuelle ou d’appréciation à cet égard. Par conséquent, le grief tiré de l’application erronée par la Commission du principe de proportionnalité n’est pas fondé.

94 En ce qui concerne la première branche du septième moyen, relative à une erreur factuelle, force est de constater que, contrairement à ce que soutient le royaume de Danemark, le point 23 des motifs de la décision attaquée n’affirme nullement que la directive 95/2 est fondée sur l’avis de 1994. Il est clair, au contraire, que cette décision mentionne l’avis de 1994 parce que le gouvernement danois l’a invoqué à l’appui de sa demande. En effet, dans les points suivant le point 23 des motifs de la décision attaquée, la Commission procède à un examen circonstancié de certains arguments avancés par ce gouvernement sur la base dudit avis.

95 À cet égard, il convient de rejeter comme non fondée la première branche du septième moyen relative à une erreur factuelle.

96 Pour le reste, cette branche du moyen, ayant trait au risque de réactions allergiques aux sulfites, reprend en substance le troisième grief soulevé au titre du cinquième moyen. Tout comme celui-ci, cette branche du septième moyen doit donc être rejetée pour les raisons exposées aux points 91 à 93 du présent arrêt.

97 Il découle de ce qui précède que l’ensemble des moyens ayant trait spécifiquement au rejet des dispositions litigieuses concernant l’emploi des sulfites doivent être écartés comme non fondés.

Sur les moyens tirés d’erreurs de droit et de fait entachant le rejet des dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates

Arguments des parties

98 Il convient d’examiner les moyens invoqués par le royaume de Danemark qui portent sur l’emploi des nitrites et des nitrates. Il s’agit, à titre principal, de la première branche du quatrième moyen et, à titre subsidiaire, de la seconde branche de celui-ci, ainsi que de la seconde branche du septième moyen.

99 Par la première branche du quatrième moyen, invoquée à titre principal, le royaume de Danemark soutient que la décision attaquée, en tant qu’elle rejette les dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates, repose sur une application erronée du principe de proportionnalité.

100 À cet égard, le royaume de Danemark, soutenu par la république d’Islande et par le royaume de Norvège, rappelle que, selon le point 44 des motifs de la décision attaquée, les dispositions litigieuses «ont pour objectif de protéger la santé publique, mais excèdent ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif». En ce qui concerne les nitrites et les nitrates, cette conclusion serait fondée notamment sur les points 35, 37 et 38 des motifs de la décision attaquée, lesquels affirmeraient sans preuves, notamment, que les niveaux de nitrites et de nitrates fixés par le décret n_ 834 du ministère de la Santé danois, du 23 septembre 1996, ne garantissent pas une présence suffisante d’additifs dans les produits à la fin de la chaîne alimentaire pour remplir leurs fonctions technologiques, c’est-à-dire pour assurer la sécurité microbiologique des produits.

101 Le gouvernement danois fait valoir que, dans le cadre de l’article 95, paragraphe 6, CE, la Commission devrait approuver les dispositions nationales qui lui sont notifiées si elles sont proportionnées au but recherché, à savoir la protection de la santé humaine. Cette conclusion découlerait également de l’annexe II, points 1 à 3 et 6, de la directive-cadre, qui établit les critères généraux pour l’utilisation des additifs alimentaires. Or, les avis de 1990 et de 1995, qui constatent une corrélation entre le niveau de nitrites ajoutés aux denrées alimentaires et la formation de nitrosamines cancérigènes, établiraient qu’il est impossible de fixer un niveau de nitrites ou de nitrates ajoutés en dessous duquel il ne se formerait aucune tumeur. Ces avis concluraient donc qu’il convient de ramener le niveau de nitrites ajoutés aux denrées alimentaires au minimum nécessaire pour obtenir l’effet conservateur requis. Étant donné le lien scientifiquement établi entre l’ajout de nitrites ou de nitrates et la formation de nitrosamines, les dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates, qui fixeraient des quantités maximales correspondant aux besoins technologiques strictement nécessaires pour obtenir l’effet conservateur requis dans les produits de viande en cause et pour assurer la sécurité du point de vue microbiologique, seraient proportionnées à l’objectif de protection de la santé humaine qu’elles poursuivent. Ces dispositions seraient également conformes au principe de précaution reconnu dans la jurisprudence de la Cour.

102 Dès lors, en considérant, dans la décision attaquée, que les dispositions litigieuses constituaient une surprotection superflue de la santé publique, la Commission se serait livrée à une interprétation erronée des exigences découlant du principe de proportionnalité. L’erreur de droit ainsi commise devrait entraîner l’annulation de cette décision.

103 La Commission fait valoir que le niveau de protection fixé par la directive 95/2 correspond à l’avis de 1990. L’avis de 1995 confirmerait pour l’essentiel les conclusions de l’avis de 1990. Dans le cas où, comme en l’espèce, il existe des mesures d’harmonisation, la proportionnalité des dispositions nationales qu’un État membre entend maintenir devrait être appréciée par rapport au niveau de protection fixé par le législateur communautaire. Une appréciation du niveau de protection sur la base des mêmes éléments que ceux dont disposait le Conseil lors de l’adoption de la directive 95/2 ne pourrait en principe aboutir à un résultat différent de celui auquel est parvenu le législateur communautaire, à moins qu’il ne soit établi que la protection assurée par ladite directive est manifestement insuffisante. Une telle preuve n’aurait pas été apportée par le gouvernement danois dans sa demande au titre de l’article 95, paragraphe 4, CE. Par ailleurs, un État membre ne pourrait pas se prévaloir unilatéralement du principe de précaution pour maintenir des dispositions nationales dérogatoires. Dans un domaine ayant fait l’objet d’une harmonisation des législations des États membres, il appartiendrait au législateur communautaire d’appliquer le principe de précaution.

104 Par la seconde branche du quatrième moyen, invoquée à titre subsidiaire, le royaume de Danemark soutient que la décision attaquée, en tant qu’elle rejette les dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates, repose sur un abus manifeste du pouvoir d’appréciation de la Commission dans l’application du principe de proportionnalité.

105 À cet égard, le royaume de Danemark, soutenu par le royaume de Norvège, fait valoir que la Commission a en tout état de cause excédé son pouvoir d’appréciation en se bornant à constater, sans aucune preuve scientifique, que les quantités maximales fixées par les dispositions litigieuses pour l’emploi de nitrites et de nitrates dans les denrées alimentaires sont contraires aux exigences du principe de proportionnalité. Les dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates seraient conformes aux recommandations du CSAH figurant dans ses avis de 1990 et de 1995.

106 La Commission répond que la directive 95/2 est conforme aux recommandations du CSAH. Dans les conclusions de son avis de 1990, le CSAH ne recommanderait aucune quantité maximale pour les nitrites et les nitrates dans les aliments. Il y recommanderait simplement «que l’exposition aux nitrosamines préformées dans les aliments soit réduite au minimum par des pratiques technologiques appropriées, telles que l’abaissement des doses de nitrite et de nitrate ajoutés aux aliments au minimum requis pour obtenir l’effet conservateur nécessaire et pour assurer la sécurité du point de vue microbiologique». Or, les dispositions litigieuses ne garantiraient pas une présence suffisante d’additifs dans les produits à la fin de la chaîne alimentaire pour remplir leurs fonctions technologiques, c’est-à-dire pour assurer la sécurité microbiologique des produits.

107 Par la seconde branche du septième moyen, le royaume de Danemark allègue que l’appréciation de la Commission, en tant qu’elle porte sur les dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates, est entachée d’erreurs factuelles. Il fait valoir que, contrairement à ce qui est affirmé aux points 37 et 38 des motifs de la décision attaquée, lesdites dispositions assurent suffisamment la sécurité microbiologique et concordent pleinement avec l’avis de 1990. Contrairement à ce qui serait mentionné aux points 35, 37, 41 et 42 des motifs de la décision attaquée, elles ne seraient pas incohérentes au regard de l’objectif déclaré de protection de la santé publique, puisque, pour tous les types de produits de viande visés, elles fixeraient des doses autorisées de nitrates et de nitrites considérablement plus faibles que celles prévues par la directive 95/2. En effet, les dispositions litigieuses fixeraient une quantité maximale d’incorporation de nitrites, tandis que la directive 95/2 fixerait une quantité maximale résiduelle.

108 En réponse, la Commission renvoie aux arguments qu’elle a développés au titre des troisième, quatrième et cinquième moyens.

Appréciation de la Cour

109 Pour ce qui concerne la seconde branche du septième moyen, tirée d’erreurs factuelles, il convient de relever que l’avis de 1995 concernant les nitrites et les nitrates a expressément examiné les dispositions de la directive 95/2 relatives à ces additifs. Dans cet avis, le CSAH note que la quantité résiduelle de nitrites autorisée par ladite directive «est bien supérieure aux prévisions basées sur les niveaux maximaux d’adjonction de nitrates et de nitrites qui, d’après les informations obtenues par le [CSAH] lors du rapport précédent, peuvent se justifier pour des raisons technologiques».

110 Cette appréciation très critique des quantités maximales fixées par la directive 95/2 n’est pas contredite par le fait que, dans ce même avis, le CSAH a repris les recommandations exprimées dans son avis de 1990. Au contraire, ces recommandations confirment la nécessité de réduire au minimum les niveaux de nitrates et de nitrites ajoutés aux denrées alimentaires. En effet, selon le point 3.3.2.3 de l’avis de 1995:

«Le [CSAH] répète donc, comme dans son rapport précédent, que l’exposition aux nitrosamines préformées dans l’alimentation doit être réduite au minimum par les pratiques technologiques appropriées telles que l’abaissement des niveaux de nitrates et de nitrites ajoutés aux denrées alimentaires, de façon à les réduire au minimum requis pour garantir l’effet de conservation nécessaire et pour assurer la sécurité microbiologique.»

111 La décision attaquée n’a pas pris suffisamment en compte l’avis de 1995. À son sujet, elle omet de mentionner que les quantités maximales de nitrites fixées dans la directive 95/2 sont mises en cause par cet avis.

112 Il faut rappeler que l’avis de 1990, de par sa date, ne pouvait pas porter un jugement sur la directive 95/2 qui n’a été proposée qu’en 1992 et adoptée en 1995. En revanche, pour formuler son avis de 1995, le CSAH a été spécifiquement chargé du mandat, entre autres, d’étudier la sécurité d’utilisation des nitrates et des nitrites comme additifs alimentaires dans les conditions fixées par la directive 95/2. C’est dans l’exécution de ce mandat qu’il a critiqué cette directive en ce qui concerne les conditions d’emploi des nitrites. Le fait qu’à cet égard l’avis de 1995 a confirmé celui de 1990 tend à indiquer que les quantités de nitrites autorisées par la directive 95/2 sont critiquables également à la lumière de l’avis de 1990.

113 Or, les constatations du CSAH à cet égard sont pertinentes pour évaluer si les dispositions litigieuses sont justifiées.

114 Il s’ensuit que, dans la mesure où la Commission a omis de prendre dûment en considération l’avis de 1995 pour apprécier la justification des dispositions litigieuses concernant l’emploi des nitrites et des nitrates, sa décision est entachée d’un vice de nature à entraîner son illégalité.

115 Il en découle que la décision attaquée doit être annulée en tant qu’elle rejette lesdites dispositions.

116 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner le quatrième moyen.

Sur les moyens tirés d’une omission de statuer et d’un défaut de motivation

117 Enfin, par son huitième moyen, le royaume de Danemark fait valoir que la Commission a omis de se prononcer sur la question de savoir si les dispositions litigieuses sont un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent une entrave au fonctionnement du marché intérieur. Pourtant, aux termes de l’article 95, paragraphe 6, CE, la Commission aurait dû statuer sur ces points et n’aurait pas pu fonder sa position sur le seul fait que les dispositions litigieuses n’étaient pas justifiées par la protection de la santé publique. Le royaume de Danemark est d’avis que l’insuffisance de prise de position constitue une violation de l’article 95, paragraphe 6, CE et, par conséquent, un motif d’annulation en application de l’article 230 CE.

118 Or, une demande au titre de l’article 95, paragraphe 4, CE doit être appréciée au regard des conditions prévues à la fois à ce paragraphe et au paragraphe 6 du même article. Si une seule de ces conditions n’est pas remplie, la demande doit être rejetée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres. La Commission ayant rejeté la demande en l’espèce sur la base de l’exigence importante que constitue la protection de la santé publique, condition visée à l’article 95, paragraphe 4, CE, elle n’était pas tenue d’examiner sa conformité avec les trois autres conditions mentionnées au paragraphe 6 dudit article.

119 Il en découle que le présent moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

120 Par son neuvième moyen, qui est présenté à titre subsidiaire par rapport au moyen précédent, le royaume de Danemark conclut à l’annulation de la décision attaquée pour insuffisance de motivation.

121 À cet égard, le royaume de Danemark fait valoir que, à supposer que les éléments mentionnés à l’article 95, paragraphe 6, CE aient effectivement été pris en compte par la Commission pour arrêter la décision attaquée, il aurait fallu le faire ressortir expressément dans celle-ci. En pareille hypothèse, ladite décision serait entachée d’une insuffisance de motivation.

122 La Commission répond que la décision attaquée satisfait pleinement à l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE, telle qu’interprétée dans la jurisprudence de la Cour. En effet, ladite décision contiendrait, aux points 20 à 34 de ses motifs, pour ce qui concerne les sulfites, et aux points 37 et 38 ainsi que 41 à 44 de ses motifs, pour ce qui concerne les nitrites et les nitrates, un exposé circonstancié des éléments de fait et de droit justifiant la position prise par la Commission.

123 Pour apprécier le présent moyen, il faut d’abord vérifier l’hypothèse sur laquelle il est basé, à savoir l’hypothèse que la décision attaquée était en réalité fondée sur l’un ou plusieurs des trois éléments mentionnés à l’article 95, paragraphe 6, CE.

124 Dans le cadre de l’examen de la justification des dispositions litigieuses au regard de l’exigence importante que constitue la protection de la santé publique, la décision attaquée contient certaines allusions, notamment aux points 37, 41 et 42 de ses motifs, selon lesquelles les dispositions litigieuses autoriseraient l’emploi de nitrites et de nitrates dans des conditions comparables à celles prévues par la directive 95/2 dans des produits traditionnels au Danemark tels que le bacon du type Wiltshire, la saucisse de viande roulée (rullepølse) ou le salami danois fermenté, et, à cet égard, elle évoque expressément au point 37 desdits motifs un traitement discriminatoire.

125 Toutefois la Commission ne procède pas à l’appréciation de la question de savoir si les dispositions litigieuses sont ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent ou non une entrave au fonctionnement du marché intérieur, au sens de l’article 95, paragraphe 6, CE. Il est important de préciser à cet égard que l’appréciation de cette question appartient à la Commission et que la Cour ne peut pas, dans le cadre d’un contentieux en annulation tel que la présente affaire, substituer son évaluation à celle de la Commission.

126 En effet, les points 45, 46 et 47 des motifs de la décision attaquée affirment que la Commission n’avait pas, en l’espèce, à vérifier les conditions relatives à l’absence de discrimination arbitraire, à l’absence de restriction déguisée dans le commerce entre États membres et à l’absence d’entrave au fonctionnement du marché intérieur. Dans sa défense, la Commission a confirmé que, par la décision attaquée, elle avait rejeté la demande du gouvernement danois au seul motif que celle-ci n’était pas suffisamment justifiée par des exigences importantes au sens de l’article 95, paragraphe 4, CE. En outre, il convient de constater que la motivation de ce refus, qui figure aux points 19 à 44 des motifs de la décision attaquée, est articulée en fonction de l’exigence importante que constitue la protection de la santé publique.

127 À la lumière de ces considérations, il apparaît que la décision attaquée n’est pas fondée sur l’un ou plusieurs des éléments mentionnés à l’article 95, paragraphe 6, CE. Il s’ensuit que l’hypothèse qui sous-tend le présent moyen n’est pas établie. Par conséquent, il convient de rejeter ce moyen.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

128 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 69, paragraphe 3, du même règlement, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, chaque partie ayant partiellement succombé en ses moyens, il y a lieu de décider que chacune supporte ses propres dépens.

129 En application de l’article 69, paragraphe 4, deuxième alinéa, du même règlement, la république d’Islande et le royaume de Norvège, qui sont intervenus au litige, supportent leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête:

1) La décision 1999/830/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative aux dispositions nationales notifiées par le royaume de Danemark concernant l’emploi des sulfites, nitrites et nitrates dans les denrées alimentaires, est annulée en tant qu’elle rejette lesdites dispositions nationales pour ce qui concerne l’emploi des nitrites et des nitrates dans les denrées alimentaires.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supporte ses propres dépens.

4) La république d’Islande et le royaume de Norvège supportent leurs propres dépens.

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CJCE, n° C-3/00, Arrêt de la Cour, Royaume de Danemark contre Commission des Communautés européennes, 20 mars 2003