Tribunal administratif d'Amiens, Chambre president, 30 décembre 2022, n° 2104155

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, ch. prés., 30 déc. 2022, n° 2104155
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2104155
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 1er décembre 2022, M. C A, représenté par Me Fuentes, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Beauvais ;

2°) d’annuler la décision de la caisse d’allocations familiales de l’Oise du 27 octobre 2021 portant sur un indu de prime d’activité d’un montant de 8 169,19 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de lui accorder une remise totale de cette dette ou, à défaut, de lui octroyer des délais de paiement de cette dette ;

5°) de mettre à la charge de la caisse d’allocations familiales de l’Oise une somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les aides de ses proches et les recettes de ventes occasionnelles d’objets, qui ne sont pas imposables, ne constituent pas des ressources entrant dans le champ de l’article L. 842-4 du code de la sécurité sociale et devant être prises en compte pour le calcul de la prime d’activité ;

— il est de bonne foi ;

— il dispose d’un droit à l’erreur reconnu par la loi du 10 août 2018 ;

— il est dans une situation de précarité financière ne lui permettant pas de rembourser sa dette.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, la caisse d’allocations familiales de l’Oise conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la sécurité sociale ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

La présidente a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Mme Dhiver, présidente, a lu son rapport au cours de l’audience publique et a relevé, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions tendant à ce que le tribunal accorde à M. A un échéancier de paiement alors qu’aucune demande en ce sens n’a été préalablement formulée auprès de la caisse d’allocations familiales de l’Oise.

La clôture de l’instruction a été prononcée, en application de l’article R. 772-9 du code de justice administrative, après l’appel de l’affaire à l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a fait l’objet d’une enquête, à l’issue de laquelle la caisse d’allocations familiales de l’Oise lui a notifié, par une décision du 26 août 2021, un indu de prime d’activité d’un montant de 8 169,19 euros pour la période de septembre 2018 à juillet 2021. Le 1er septembre 2021, M. A a sollicité une remise de cette dette et a réitéré cette demande le 8 octobre 2021. La caisse d’allocations familiales de l’Oise a répondu à ce dernier courrier par une lettre du 27 octobre 2021 qui doit être regardée comme rejetant implicitement la demande de remise de dette de M. A. La caisse d’allocations familiales a ensuite, par une décision du 9 novembre 2021, expressément confirmé ce refus de remise de dette. M. A, dont les conclusions sont dirigées contre le courrier du 27 octobre 2021, doit être regardé comme demandant au tribunal d’annuler la décision du 9 novembre 2021 rejetant expressément sa demande de remise de dette.

Sur la nature du litige :

2. Aux termes de l’article L. 845-2 du code de la sécurité sociale : « Toute réclamation dirigée contre une décision relative à la prime d’activité prise par l’un des organismes mentionnés à l’article L. 843-1 fait l’objet, préalablement à l’exercice d’un recours contentieux, d’un recours auprès de la commission amiable, composée et constituée au sein du conseil d’administration de cet organisme et qui connaît des réclamations relevant de l’article L. 142-1. / () ». L’article R. 847-2 de ce code précise les conditions, notamment de délai, dans lesquelles s’exerce le recours préalable mentionné à l’article L. 845-2.

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le bénéficiaire de la prime d’activité s’est vu notifier une décision de récupération de sommes indûment perçues au titre de cette prestation et qu’il entend contester en tout ou partie le caractère indu des montants correspondants, il lui appartient de saisir préalablement la commission de recours amiable de l’organisme qui lui sert cette allocation, dans les conditions prévues à l’article R. 847-2 du code de la sécurité sociale.

4. Il résulte de l’instruction que la lettre de M. A du 8 octobre 2021 avait pour seul objet de faire état de sa bonne foi et de solliciter une remise de dette et que, par cette même lettre, le requérant n’a pas entendu contester le bien-fondé de l’indu de prime d’activité. En outre, ni avant ce courrier du 8 octobre 2021, ni après ce même courrier, M. A n’a remis en cause le caractère indu de la prime d’activité qui lui a été versée. Dans ces conditions, faute d’avoir saisi la caisse d’allocations familiales de l’Oise du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l’article L 845-2 du code de la sécurité sociale, M. A ne peut utilement soutenir que l’indu de prime d’activité en litige ne serait pas fondé. Compte tenu de la nature de sa demande du 8 octobre 2021, il peut seulement solliciter une remise de sa dette en invoquant sa bonne foi et sa situation de précarité financière.

Sur la remise de dette :

5. D’une part, aux termes de l’article R. 846-5 du code de la sécurité sociale : « Le bénéficiaire de la prime d’activité est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation toutes informations nécessaires à l’établissement et au calcul des droits, relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer. Il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments. »

6. D’autre part, aux termes de l’article L. 845-3 du code de la sécurité sociale : « Tout paiement indu de prime d’activité est récupéré par l’organisme chargé de son service. () La créance peut être remise ou réduite par l’organisme mentionné au premier alinéa du présent article, en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d’une manœuvre frauduleuse ou d’une fausse déclaration. » Il résulte de ces dispositions qu’un allocataire de la prime d’activité ne peut bénéficier d’une remise gracieuse de la dette résultant d’un paiement indu d’allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l’indu trouve sa cause dans une manœuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s’entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d’une volonté de dissimulation de l’allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives.

7. Lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision refusant ou ne faisant que partiellement droit à une demande de remise gracieuse d’un indu de prime d’activité, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux de l’aide sociale, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise ou une réduction supplémentaire.

8. En premier lieu, d’une part, il résulte de l’instruction que l’indu de prime d’activité notifié à M. A le 26 août 2021 résulte de la réintégration dans ses ressources de crédits non expliqués figurant sur ses comptes bancaires. M. A soutient qu’il s’agit de prêts familiaux et du produit de la vente occasionnelle de biens personnels. S’il n’a pas été en mesure de fournir les éléments permettant de déterminer l’origine des sommes en cause, ses explications circonstanciées sont de nature à établir qu’il n’a pas entendu dissimuler volontairement des revenus et qu’il pouvait, eu égard à la présentation du formulaire de déclaration de ressources, ignorer son obligation déclarative. Ainsi, M. A peut être regardé comme étant de bonne foi. D’autre part, il établit, au regard de ses revenus et charges mensuels, qu’il n’est pas en mesure de s’acquitter de l’intégralité de sa dette sans compromettre durablement l’équilibre du budget de son foyer, composé de lui-même et de ses deux enfants. Dans les circonstances de l’espèce, eu égard à sa bonne foi et à sa situation financière, il y a lieu d’accorder à M. A une remise partielle de sa dette de prime d’activité d’un montant de 4 000 euros.

9. En second lieu, le refus de remise gracieuse ne constituant pas une sanction, M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration, aux termes duquel : « Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. »

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de surseoir à statuer, que M. A est seulement fondé à obtenir une remise partielle de 4 000 euros de sa dette de prime d’activité au titre de période de septembre 2018 à juillet 2021.

Sur la demande d’échéancier de paiement :

11. Le juge administratif peut seulement être saisi des recours formés par les intéressés contre les décisions prises par l’administration sur les demandes de remise ou modération de sommes indûment perçues. Il ne lui appartient pas de contraindre une administration à mettre en place un échéancier de paiement. Par suite, les conclusions de M. A tendant à ce qu’un échéancier de paiement de sa dette lui soit consenti ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la caisse d’allocations familiales de l’Oise une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il est accordé à M. A une remise partielle de 4 000 euros de sa dette de prime d’activité au titre de période de septembre 2018 à juillet 2021.

Article 2 : La caisse d’allocations familiales de l’Oise versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et à la caisse d’allocations familiales de l’Oise.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La présidente,

Signé

M. B La greffière,

Signé

V. Martinval

La République mande et ordonne à la préfète de l’Oise en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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