Tribunal administratif de Bordeaux, Ju-6 semaines, 27 décembre 2022, n° 2205643

  • Stipulation·
  • Erreur·
  • Territoire français·
  • Autorisation provisoire·
  • Droit d'asile·
  • Justice administrative·
  • Liberté fondamentale·
  • Séjour des étrangers·
  • Défaut de motivation·
  • Convention internationale

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Bordeaux, ju-6 semaines, 27 déc. 2022, n° 2205643
Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro : 2205643
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I/ Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2022 sous le n° 2205643, et des pièces complémentaires, enregistrées les 12 et 13 décembre 2022, M. D, représenté par Me Da Ros, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an ;

3°) d’enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » ou « salarié » dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

— la décision a été signée par une autorité incompétente dès lors qu’elle ne dispose pas d’une délégation de signature régulièrement publiée ;

— la décision est entachée d’un défaut de motivation et d’un défaut d’examen de sa situation dès lors qu’il justifie d’une ancienneté de travail depuis plus de deux ans et qu’il a déposé une demande de titre de séjour auprès de la préfecture de Lot-et-Garonne ;

— elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que la preuve de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ainsi que son caractère définitif ne sont pas établis ;

— elle est entachée d’une erreur de fait dès lors que la décision mentionne qu’il ne dispose pas d’un contrat de travail et qu’il se trouve sans ressource propre ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

— la décision est illégale en raison de l’illégalité de refus de séjour sur lequel elle se fonde ;

— elle est entachée d’une erreur de droit ;

— elle est entachée d’une erreur de fait ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

— elle est entachée d’un défaut de motivation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article L.721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En ce qui concerne la décision d’interdiction de retour sur le territoire :

— elle est entachée d’incompétence ;

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— elle est illégale en ce qu’elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D ne sont pas fondés.

II/ Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2022 sous le n° 2205645, et des pièces complémentaires, enregistrées le 12 décembre 2022, Mme D, représentée par Me Da Ros, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an ;

3°) d’enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » ou « salarié » dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

— la décision a été signée par une autorité incompétente dès lors qu’elle ne dispose pas d’une délégation de signature régulièrement publiée ;

— la décision est entachée d’un défaut de motivation et d’un défaut d’examen de sa situation dès lors qu’elle justifie d’une ancienneté de travail depuis plus d’un an et qu’elle a déposé une demande de titre de séjour auprès de la préfecture de Lot-et-Garonne ;

— elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que la preuve de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile ainsi que son caractère définitif ne sont pas établis ;

— elle est entachée d’une erreur de fait dès lors que la décision mentionne qu’elle ne dispose pas d’un contrat de travail et qu’il se trouve sans ressource propre ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

— la décision est illégale en raison de l’illégalité de refus de séjour sur lequel elle se fonde ;

— elle est entachée d’une erreur de droit ;

— elle est entachée d’une erreur de fait ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

— elle est entachée d’un défaut de motivation ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article L.721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En ce qui concerne la décision d’interdiction de retour sur le territoire :

— elle est entachée d’incompétence ;

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— elle est illégale en ce qu’elle est fondée sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2022, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. E C pour statuer sur les requêtes relevant de la procédure prévue à l’article L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus à l’audience publique :

— le rapport de M. C ;

— et les observations de Me Da Ros, représentant M. et Mme D, qui reprend et précise les termes de ses écritures et qui soutient en outre que le droit d’être entendu des requérants a été méconnu.

Le préfet de Lot-et-Garonne n’étant ni présent ni représenté, la clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A D et Mme B D, ressortissants russes, nés le 19 février 1976 et le 3 septembre 1984, sont entrés en France avec leurs deux enfants munis d’un visa court séjour valable du 24 juillet 2019 au 19 janvier 2020. Ils ont sollicité le bénéfice de l’asile le 3 septembre 2019. Leurs demandes d’asile ont été rejetées par décisions du 10 mars 2022 de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides. La Cour nationale du droit d’asile a confirmé ces décisions de rejet le 19 septembre 2022. Par arrêtés du 11 octobre 2022, le préfet de Lot-et-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d’un an. Par la présente requête, M. et Mme D demandent au tribunal d’annuler ces décisions.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 2205643 et 2205645, présentées respectivement pour M. et Mme D, concernent la situation d’un couple marié et présentent à juger des questions semblables. Elles ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul jugement.

Sur l’admission à l’aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. M. et Mme D n’ont pas déposé de demande d’aide juridictionnelle à la date du présent jugement et ils n’entrent pas dans les cas prévus à l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, leurs demandes d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Il est constant que M. et Mme D ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par courriers du 21 septembre 2022 réceptionnés par les services de la préfecture le 26 septembre 2022, antérieurement à l’intervention des arrêtés litigieux. Si le préfet fait valoir qu’il a examiné les droits au séjour des requérants au regard des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à l’admission exceptionnelle au séjour, il ressort des demandes de titre de séjour présentées par les requérants que ces derniers exerçaient des activités professionnelles pour lesquelles ils bénéficiaient d’autorisations provisoires de travail depuis le 7 septembre 2020 pour M. D et depuis le 3 août 2021 pour Mme D. De même, il n’est pas contesté qu’à l’appui de leurs demandes de titre de séjour les requérants produisaient des bulletins de salaires sur des périodes comprises entre le mois de septembre 2020 et le mois d’août 2022 pour M. D et entre le mois d’août 2021 et le mois d’août 2022 pour Mme D. Dans ces conditions, en ne prenant pas en compte ces circonstances relatives aux conditions du séjour en France de M. et Mme D qui lui ont été soumises avant l’intervention des arrêtés contestés, le préfet de Lot-et-Garonne a entaché ses arrêtés d’un défaut d’examen réel et sérieux de la situation des requérants.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D sont fondés à demander l’annulation des arrêtés du 11 octobre 2022, par lesquels le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit le retour sur le territoire national pour une durée d’un an.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

6. Eu égard au motif pouvant seul justifier l’annulation des décisions attaquées, l’exécution du présent jugement implique seulement que le préfet de Lot-et-Garonne réexamine la situation de M. et Mme D. Il y a lieu d’enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et dans cette attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler dans un délai d’un mois à compter de la même date. Il n’y pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de la présente instance, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat le paiement d’une somme globale de 1 500 euros au bénéfice de M. et Mme D sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les demandes d’aide juridictionnelle à titre provisoire de M. et Mme D sont rejetées.

Article 2 : Les arrêtés du préfet de Lot-et-Garonne du 11 octobre 2022 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Lot-et-Garonne de procéder au réexamen de la situation de M. et Mme D dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et dans cette attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler dans un délai d’un mois à compter de la même date.

Article 4 : L’Etat versera à M. et Mme D une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. A D, à Mme B D, à Me Da Ros et au préfet de Lot-et-Garonne.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

J-C C La greffière,

S. CASTAIN

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Bordeaux, Ju-6 semaines, 27 décembre 2022, n° 2205643