Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 23 mai 2023, n° 2305705

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 23 mai 2023, n° 2305705
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 2305705
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 31 mai 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. B A, représenté par Me Ottou, demande au juge des référés, statuant en application des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de l’admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision née le 23 avril 2021, par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer, dans l’attente du jugement à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, dans un délai de 15 jours à compter de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 200 euros hors taxes, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu’elle renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est présumée en raison de sa précédente qualité de mineur non accompagné ; par ailleurs, la décision contestée le place en situation irrégulière et compromet son insertion professionnelle et sociale, dès lors que, faute de régularité de son séjour, il a perdu son emploi et risque de perdre la prise en charge dont il bénéficie de la part la Fondation des apprentis d’Auteuil, laquelle se termine en juin 2023 ;

— il existe des moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

o elle est entachée d’un vice d’incompétence de l’auteur de l’acte, dès lors que ce dernier n’est aucunement identifiable s’agissant d’une décision implicite ;

o elle est entachée d’un défaut de motivation, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration ;

o elle est entachée d’un défaut d’examen sérieux de sa situation ;

o elle est entachée d’un défaut de base légale ;

o elle méconnait les dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation, dès lors qu’il remplit toutes les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; en l’occurrence, il a été confié à l’ASE avant l’âge de seize ans, il justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation et il démontre que la France constitue le centre de ses attaches privées depuis son arrivée sur le territoire français, au milieu de l’année 2017.

La requête a été communiquée au préfet des Hauts-de-Seine, qui n’a pas produit d’observations.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête n° 2305787, enregistrée le 27 avril 2023, par laquelle M. A demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Chabauty, premier conseiller, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, pour statuer sur les requêtes en référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience du 16 mai 2023 à 16 heures 00.

Ont été entendus au cours de cette audience publique, tenue en présence de Mme Soulier, greffière d’audience :

— le rapport de M. Chabauty, juge des référés ;

— les observations de Me Ottou, représentant M. A, qui maintient et précise les conclusions et moyens du requérant, ainsi que les observations de ce dernier ;

— le préfet des Hauts-de-Seine n’étant ni présent, ni représenté.

La clôture de l’instruction a été fixée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, ressortissant guinéen né le 16 janvier 2002, est entré en France le 27 août 2017, selon ses déclarations. Il a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine à compter du 22 août 2017, d’abord dans le cadre d’un accueil temporaire mineur jusqu’au 3 septembre 2017, puis d’un placement judiciaire ordonné par le juge des enfants du tribunal pour enfants de C jusqu’au 14 juin 2018, d’une mesure de tutelle ordonnée par le juge des tutelles des mineurs du tribunal de grande instance de C jusqu’au 15 janvier 2020 et, à compter de sa majorité, dans le cadre d’un contrat d’accueil temporaire jeune majeur. Le 23 décembre 2020, il a sollicité son admission au séjour auprès des services de la préfecture de police de Paris sur le fondement des dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sa demande ayant par la suite été transférée à la préfecture des Hauts-de-Seine au regard de sa nouvelle domiciliation. A ce titre, il a été mis en possession de plusieurs récépissés de demande de carte de séjour, dont le dernier a expiré le 23 février 2023. Par la présente requête, M. A demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour, née le 23 avril 2021 du silence gardé par le préfet des Hauts-de-Seine sur sa demande de titre de séjour.

Sur le bénéfice de l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : « Dans les cas d’urgence () l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée () par la juridiction compétente ou son président. () ». Aux termes de l’article 61 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 : « L’admission provisoire est accordée par () le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l’intéressé, soit d’office si celui-ci a présenté une demande d’aide juridictionnelle ou d’aide à l’intervention de l’avocat sur laquelle il n’a pas encore été statué ».

3. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de M. A au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin de suspension :

4. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

En ce qui concerne l’urgence :

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre et il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Enfin, la condition d’urgence s’apprécie à la date de la présente ordonnance.

6. Il résulte de l’instruction, ainsi qu’il a été dit au point 1 de la présente ordonnance, que M. A a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance des Hauts-de-Seine du 22 août 2017 au 16 janvier 2023, date à laquelle il a atteint l’âge maximum pour bénéficier d’une telle prise en charge, et qu’il bénéficie, jusqu’au 9 juin 2023, d’un hébergement exceptionnel par la Fondation des apprentis d’Auteuil de Meudon (Hauts-de-Seine). Par ailleurs, le requérant, qui, après sa majorité et à la suite du dépôt de sa demande de titre de séjour, s’est vu délivrer des récépissés de demande de carte de séjour l’autorisant à travailler, dont le dernier a expiré le 23 février 2023, a obtenu un premier certificat d’aptitude professionnelle « monteur installations sanitaires » en juillet 2021 puis un second certificat d’aptitude professionnelle, spécialité « réparation des carrosseries », en juillet 2022. Enfin, il résulte de l’instruction, notamment d’un rapport de l’éducatrice spécialisée et de la psychologue en charge de son suivi ainsi que d’une lettre de soutien cosignée de la directrice et de la cheffe du service d’accompagnement vers l’autonomie de la Fondation des apprentis d’Auteuil de Meudon, que M. A a toujours donné satisfaction tant sur le plan scolaire et professionnel que par son comportement et son évolution au sein des structures dans lesquelles il a été accueilli. Dès lors, compte tenu de l’obstacle que la décision portant refus de titre de séjour en litige constitue à la poursuite de son intégration professionnelle et sociale et de la circonstance que son accompagnement va définitivement prendre fin le 9 juin 2023, le requérant justifie que cette décision préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation personnelle. Par suite, dans les circonstances de l’espèce, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, qui n’est au demeurant pas contestée par le préfet des Hauts-de-Seine dès lors que ce dernier n’a formulé aucune observation dans la présente instance, doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :

7. En l’état de l’instruction, le moyen invoqué par M. A, tiré de ce que la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision.

8. Il résulte de ce qui précède que les deux conditions prévues à l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont réunies. Par suite, il y a lieu de prononcer la suspension de l’exécution de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de M. A, née le 23 avril 2021 du silence gardé par le préfet des Hauts-de-Seine sur cette demande, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

9. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ».

10. En application des dispositions précitées de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, il y a lieu d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance. A ce stade, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais liés à l’instance :

11. Il ressort de ce qui est énoncé au point 3 de la présente ordonnance que M. A est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve, d’une part, de l’admission définitive du requérant à l’aide juridictionnelle, et d’autre part, que Me Ottou, avocate de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 800 euros à verser à Me Ottou. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A, la somme de 800 euros lui sera directement versée.

O R D O N N E :

Article 1er : M. A est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 :L’exécution de la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de M. A, née le 23 avril 2021 du silence gardé par le préfet des Hauts-de-Seine sur cette demande, est suspendue, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour assortie d’une autorisation de travail, dans un délai de quinze jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 4 : Sous réserve de l’admission définitive de M. A à l’aide juridictionnelle et sous réserve que Me Ottou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, l’Etat versera à Me Ottou, avocate de M. A, une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l’aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A, la somme de 800 euros lui sera directement versée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Fait à Cergy, le 23 mai 2023.

Le juge des référés,

signé

C. Chabauty

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 23 mai 2023, n° 2305705