Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, Reconduite à la frontière, 8 février 2023, n° 2216681

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, reconduite à la frontière, 8 févr. 2023, n° 2216681
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 2216681
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Lille, 7 décembre 2022
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 juin 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance en date du 8 décembre 2022, le premier vice-président du tribunal administratif de Lille a transmis la requête de M. A, enregistrée au greffe de ce tribunal le 9 novembre 2022, au tribunal de Cergy-Pontoise.

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 8 et 27 décembre 2022, M. A, représenté par Me Karila, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé l’octroi d’un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— l’arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

— il méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— la décision refusant l’octroi d’un délai de départ volontaire est entachée d’une erreur de droit au titre de l’article L. 612-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et d’une erreur manifeste d’appréciation ;

— la décision fixant le pays de destination est illégale car elle prend pour fondement une mesure d’éloignement elle-même illégale ;

— la décision interdisant le retour sur le territoire français méconnait les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le 27 décembre 2022 le préfet du Nord a transmis des pièces demandées.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B;

— les observations de Me Karila, et du requérant, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

— le préfet n’étant ni présent ni représenté.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant marocain né le 1er janvier 1986, déclare être entré sur le territoire français en 2018. Il a été interpellé le 7 novembre 2022 à la suite d’un contrôle d’identité. Par un arrêté du 7 novembre 2022, le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de douze mois. Par la présente requête, M. A demande au tribunal l’annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l’arrêté attaqué a été signé par Floriane Delpino, attachée d’administration de l’Etat, titulaire d’une délégation de signature du 13 octobre 2022 n° 245 du préfet du Nord publié le même jour, pour signer la décision contestée en cas d’absence ou d’empêchement d’autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elles n’ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l’acte attaqué. Ainsi, le moyen tiré de ce que les décisions contestées ont été prises par une autorité incompétente doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

4. En l’espèce, M. A se prévaut de sa présence en France depuis plus de quatre ans et de son insertion professionnelle. Toutefois il ressort des pièces du dossier qu’il est célibataire, sans charge de famille en France et qu’il ne travaille au sein de la société Bounou Renov que depuis le 1er février 2022. Ces éléments sont trop récents et ne sont pas de nature à caractériser l’existence d’attaches d’une intensité particulière. En outre, le requérant n’est pas dépourvu d’attaches dans son pays d’origine où résident ses parents. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. () » . Aux termes de l’article L. 612-2 de ce code : « Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : () 3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet. » et l’article L. 612-3 du même code dispose que  : " Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : () 2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; () 4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, que contrairement à ce qu’il soutient il ne justifie pas d’une résidence stable et qu’il n’a pas pu présenter de passeport. Par suite, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation, que le préfet du Nord a estimé que le risque de fuite était établi et refusé de lui accorder un délai de départ volontaire.

7. Il résulte de ce qui précède que le requérant ne peut se prévaloir, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l’encontre la légalité de la décision fixant le pays de destination.

8. En dernier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que, lorsque le préfet prend, à l’encontre d’un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il appartient au préfet d’assortir sa décision d’une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères que sont la durée de la présence de l’étranger sur le territoire français, la nature et l’ancienneté de ses liens avec la France, l’existence ou non d’une précédente mesure d’éloignement et, le cas échéant, la menace pour l’ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

9. En l’espèce, d’une part, M. A ne s’est vu accorder aucun délai de départ volontaire en vue de se conformer à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. D’autre part, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il n’établit pas l’existence de liens anciens et intenses avec la France. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d’un an serait entachée d’une erreur d’appréciation.

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au préfet du Nord.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2023.

Le président,

signé

J-P. BLa greffière,

signé

O. El Moctar

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision0

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