Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Présidente bader-koza, 26 octobre 2023, n° 2202715

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Clermont-Ferrand, présidente bader-koza, 26 oct. 2023, n° 2202715
Juridiction : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand
Numéro : 2202715
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 3 novembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 décembre 2022 et le 15 février 2023, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision par laquelle le préfet de la Haute-Loire a implicitement rejeté sa demande du 29 juillet 2022 tendant à la communication des documents administratifs suivants :

— les garanties de maîtrise foncière des mesures, notamment les acquisitions, obligations réelles environnementales et les orientations de gestion correspondantes prévues à l’article 14.3.1 de l’arrêté du 28 octobre 2020 portant autorisation environnementale au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement concernant l’aménagement de la route nationale 88, concernant le descriptif des mesures compensatoires faisant suite à la destruction des zones humides ;

— les garanties de maîtrise foncière des mesures, notamment les acquisitions, obligations réelles environnementales et les orientations de gestion correspondantes prévues à l’article 15.3.1 de l’arrêté précité, concernant le descriptif des mesures compensatoires faisant suite à la destruction des habitats et espèces protégées ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui communiquer sous quinze jours à compter du jugement à intervenir les documents réclamés, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 516 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les documents réclamés sont communicables au sens de l’article L. 300-2 du code des relations entre le public et l’administration ;

— la décision en litige n’est pas motivée ; le préfet n’a opéré aucune évaluation ni mis en balance les intérêts en présence ;

— les documents réclamés contiennent des informations relatives à l’environnement et relèvent des dispositions de l’article L. 124-3 du code de l’environnement ; ils sont communicables sous réserve d’occultation des mentions couvertes par le secret des affaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 février 2023 et le 6 octobre 2023, le préfet de la Haute-Loire conclut au non-lieu à statuer dès lors qu’il a communiqué une version anonymisée des documents réclamés à l’association requérante.

Il fait valoir que l’occultation des informations contenues par les documents sollicités est nécessaire eu égard au droit au respect de la vie privée des propriétaires des parcelles objets des mesures compensatoires, ainsi qu’à leur sécurité, et qu’il n’y a pas lieu de transmettre des informations qui sont encore au stade de l’instruction.

Par une lettre du 7 février 2022, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes a été invitée, à indiquer dans le délai de quinze jours si elle entendait maintenir les conclusions de sa requête.

Par un mémoire, enregistré le 15 février 2023, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes entend maintenir sa requête dans l’ensemble de ses conclusions et demande au tribunal de mettre à la charge du préfet de la Haute-Loire la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— le préfet a méconnu les dispositions de l’article R. 412-2-1 du code de justice administrative dès lors qu’il a produit des pièces caviardées sans transmettre au tribunal la version non confidentielle des documents ;

— le caviardage opéré dépasse ce que la loi autorise à celer en vertu de la sécurité des personnes et des biens vendeurs ; le caviardage rend certaines pages incompréhensibles ;

— le droit à l’information environnementale est garanti par l’article 7 de la Charte de l’environnement ; l’information litigieuse est indispensable pour apprécier la mise en œuvre des mesures compensatoires et leur effectivité.

Par une mesure d’instruction du 5 juin 2023 prise en application de l’article R. 412-2-1 du code de justice administrative, il a été demandé au préfet de la Haute-Loire de communiquer au tribunal la version non occultée des documents produits dans son mémoire en défense.

Les 21 juin 2023 et 10 octobre 2023, le préfet de la Haute-Loire a transmis au tribunal les documents sollicités. Ces derniers n’ont pas été communiqués à l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Bader-Koza, présidente ;

— les conclusions de Mme Luyckx, rapporteure publique ;

— les observations de Mme A, représentant l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes ;

— et les observations de M. B, représentant le préfet de la Haute-Loire.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 octobre 2020, le préfet de la Haute-Loire a accordé une autorisation environnementale au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement concernant l’aménagement de la route nationale 88, et plus particulièrement la création d’une déviation entre les communes de Le Pertuis et Saint-Hostien. Par courrier du 15 décembre 2021, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes a réclamé la communication de documents au préfet de la Haute-Loire, à savoir les garanties de maitrise foncière des mesures, notamment les acquisitions, obligations réelles environnementales et les orientations de gestion correspondantes prévues à l’article 14.3.1 de l’arrêté précité, concernant le descriptif des mesures compensatoires faisant suite à la destruction des zones humides et les garanties de maîtrise foncière des mesures, notamment les acquisitions, obligations réelles environnementales et les orientations de gestion correspondantes prévues à l’article 15.3.1 de l’arrêté précité, concernant le descriptif des mesures compensatoires faisant suite à la destruction des habitats et espèces protégées. Par un avis du 13 octobre 2022, la Commission d’accès aux documents administratifs s’est prononcée favorablement à cette communication, sous réserve de respecter le secret des affaires. Le préfet de la Haute-Loire ayant implicitement confirmé son refus de communiquer les documents demandés, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes demande au tribunal d’annuler ce refus et d’enjoindre au préfet de la Haute-Loire de lui communiquer les documents sollicités.

Sur l’exception de non-lieu à statuer :

2. Le préfet de la Haute-Loire fait valoir qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes dès lors que les documents sollicités ont été régulièrement communiqués en cours d’instance à l’association requérante. Toutefois, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes, qui ne conteste pas avoir été destinataire de ces documents, reproche au préfet de la Haute-Loire d’avoir occulté un nombre trop important d’informations figurant sur les documents en cause.

3. Aux termes de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration : " Ne sont pas communicables : () 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : () d) A la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations ; () « . Aux termes de l’article L. 311-6 du même code : » Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l’administration mentionnée au premier alinéa de l’article L. 300-2 est soumise à la concurrence ; () « . Aux termes de l’article L. 311-7 du même code : » Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu’il est possible d’occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. ".

4. L’association France nature environnement fait valoir que les occultations opérées par le préfet de la Haute-Loire dépassent ce que la loi autorise et qu’aucun risque pour la sécurité des biens et des personnes n’est établi par le préfet de nature à justifier une telle occultation. Si le préfet de la Haute-Loire fait état, en défense, de circonstances locales particulières telles que le mercredi 5 octobre 2022, une trentaine d’individus ont tenté de bloquer le déroulement de travaux et que le 30 août 2023, des engins de chantiers ont été détériorés, il résulte toutefois de l’instruction que les parcelles objet des mesures compensatoires trouvent leur emprise hors du site des travaux et en sont, au demeurant, éloignées. En outre, il résulte des « fiches diagnostic site » communiquées au tribunal par le préfet de la Haute-Loire que les parcelles objet des mesures compensatoires ne sont pour l’essentiel pas ou plus détenues par des personnes privées. Au demeurant, l’association requérante n’exige pas la communication des numéros des parcelles mais uniquement les surfaces des parcelles concernées, qui ne sont pas des éléments permettant l’identification de ces dernières, et qui sont nécessaires à la vérification du caractère suffisant des mesures compensatoires engagées par l’Etat. Enfin, eu égard à l’objet social de l’association requérante et à l’objectif qu’elle poursuit, la seule communication de ces documents n’est pas, par elle-même, de nature à favoriser des intrusions, des dégradations ou tout autre acte de malveillance à l’encontre des parcelles et propriétaires concernés. Dans ces conditions, les seules affirmations du préfet de la Haute-Loire ne suffisent pas à regarder la communication des documents sollicités sans occultation comme étant de nature à porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du d) du 2° de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration,

5. Il résulte de ce qui précède que la communication des documents demandés telle qu’effectuée dans le cadre de la présente instance, est entachée d’irrégularité. Il s’ensuit que l’exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Haute-Loire doit être écartée.

Sur le surplus des conclusions à fin d’annulation :

6. Aux termes de l’article L. 124-1 du code de l’environnement : « Le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l’article L. 124-3 ou pour leur compte s’exerce dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du présent chapitre. ». Aux termes de l’article L. 124-3 du même code : " Toute personne qui en fait la demande reçoit communication des informations relatives à l’environnement détenues par : 1° L’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ; () « . Et aux termes de l’article L. 124-4 du même code : » I. – Après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, l’autorité publique peut rejeter la demande d’une information relative à l’environnement dont la consultation ou la communication porte atteinte : 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration, à l’exception de ceux visés au e et au h du 2° de l’article L. 311-5 ; () ".

7. Les informations sollicitées, qui concernent les mesures compensatoires mises en place suite à la disparition d’une surface de zones humides et des habitats et espèces protégées, sont de nature à permettre d’évaluer le caractère suffisant de ces mesures compensatoires. Par suite, ces informations constituent des informations relatives à l’environnement au sens de l’article L. 124-1 du code de l’environnement précité et présentent, en conséquence, un caractère communicable. Par suite, et alors que le préfet de la Haute-Loire n’évoque en défense aucune impossibilité de produire les documents sollicités ni de difficulté à occulter les éléments protégés par le secret des affaires, ainsi que le préconisait la Commission d’accès aux documents administratifs dans son avis du 13 octobre 2022, l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes est fondée à soutenir que le préfet de la Haute-Loire a irrégulièrement refusé de lui communiquer les documents sollicités. Dès lors, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Haute-Loire sur sa demande du 29 juillet 2022 doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Le présent jugement implique qu’il soit enjoint au préfet de la Haute-Loire de communiquer à l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes l’ensemble des documents actualisés relatifs aux mesures compensatoires mises en place suite à la disparition d’une surface de zones humides et des habitats et espèces protégées, sous réserve des seuls éléments strictement protégés par le sens des affaires, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais de l’instance :

9. Il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de faire droit aux conclusions de l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite de rejet née du silence du préfet de la Haute-Loire sur la demande du 29 juillet 2022 de l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes tendant à la communication des documents relatifs aux mesures compensatoires mises en place suite à la disparition d’une surface de zones humides et des habitats et espèces protégées dans le cadre de l’aménagement d’une déviation entre les communes de Le Pertuis et Saint-Hostien au niveau de la route nationale 88, est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Loire de communiquer à l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes les documents visés à l’article 1er, sous réserve des mentions protégées par le secret des affaires, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’association France nature environnement Auvergne-Rhône-Alpes et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

La présidente,

S. BADER-KOZA Le greffier,

P. MANNEVEAU

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.JC

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Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Présidente bader-koza, 26 octobre 2023, n° 2202715