Tribunal administratif de Montreuil, 10ème chambre, 4 juillet 2023, n° 2009233

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Rivière Avocats · 5 septembre 2023

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Rivière Avocats · 5 septembre 2023

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 10e ch., 4 juill. 2023, n° 2009233
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2009233
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 11 juillet 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 septembre 2020 et 8 octobre 2021, M. B, représenté par Me Pineau, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de prononcer la décharge, à concurrence de 30 000 euros, de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

— à titre principal, la distinction entre résidents et non-résidents pour l’octroi de la réduction d’impôt prévue par les dispositions de l’article 199 tervicies du code général des impôts porte atteinte au principe de liberté de circulation des capitaux prévu à l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

— à titre subsidiaire, le montant des travaux payés en 2015 doit être porté en déduction de ses revenus fonciers en application des dispositions du 3° du I de l’article 156 du code général des impôts ;

— à titre infiniment subsidiaire, l’administration aurait dû engager une procédure de rectification contradictoire en application de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, la directrice chargée de la direction des impôts des non-résidents conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête. Elle soutient que, pour le surplus, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Syndique, première conseillère,

— les conclusions de M. Noël, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, résident fiscal en Allemagne, a inscrit, dans sa déclaration de revenus au titre de l’année 2015, un montant de 100 000 euros afin de bénéficier de la réduction d’impôt accordée au titre des dépenses de restauration immobilière dans les secteurs sauvegardés, les quartiers anciens dégradés et les zones protégées en application de l’article 199 tervicies du code général des impôts. Après avoir été assujetti à une cotisation à l’impôt sur le revenu sans réduction d’impôt, il a formé une réclamation le 27 décembre 2018 afin de demander le bénéfice de la réduction d’impôt prévue par cet article ainsi que de celle prévue par l’article 199 septvicies, qui a été implicitement rejetée. Dans le dernier état de ses écritures, après que l’administration a prononcé un dégrèvement à hauteur de 3 893 euros au titre de la réduction d’impôt de l’article 199 septvicies, il demande au tribunal de prononcer la réduction à concurrence de 30 000 euros de la cotisation primitive d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2015.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de de l’article 55 du livre des procédures fiscales : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 56, lorsque l’administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l’article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. () ». Il résulte de ces dispositions que la procédure de redressement contradictoire dont elles prévoient l’application ne concerne que les cas où l’administration remet en cause des éléments que le contribuable est tenu de déclarer en vue de permettre à celle-ci d’asseoir l’impôt.

3. Pour établir l’imposition en litige, l’administration fiscale ne s’est pas fondée sur la prise en compte de données différentes de celles déclarées par le contribuable et qui ont servi de base au calcul de l’imposition primitive litigieuse. En effet, en ne retenant pas, lors d’un contrôle sur pièces, la réduction d’impôt au titre de l’article 199 tervicies du code général des impôts réservée par cet article aux contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du même code, l’administration n’a pas procédé à un redressement des éléments déclarés par le contribuable. Par suite, et contrairement à ce que soutient M. B, l’administration n’était pas tenue de recourir à la procédure de rectification contradictoire prévue par les dispositions de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales pour établir l’impôt de l’intéressé.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

En ce qui concerne la réduction d’impôt :

4. D’une part, aux termes de l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ». Aux termes de l’article 65 du même traité : " 1. L’article 63 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les Etats membres : a) d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu ou leurs capitaux sont investis ; () 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 63 ".

5. D’autre part, aux termes de l’article 199 tervicies du code général des impôts, dans sa version applicable : " I. ' Les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B bénéficient d’une réduction d’impôt sur le revenu à raison des dépenses qu’ils supportent en vue de la restauration complète d’un immeuble bâti : 1°-situé dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme, soit lorsque le plan de sauvegarde et de mise en valeur de ce secteur est approuvé, soit lorsque la restauration a été déclarée d’utilité publique en application de l’article L. 313-4 du même code ; 2°-jusqu’au 31 décembre 2015, situé dans un quartier ancien dégradé délimité en application de l’article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion lorsque la restauration a été déclarée d’utilité publique ; 3°-situé dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application des articles L. 642-1 à L. 642-7 du code du patrimoine dans leur rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement lorsque la restauration a été déclarée d’utilité publique ; 4°-situé dans une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine créée en application des articles L. 642-1 à L. 642-7 du code du patrimoine lorsque la restauration a été déclarée d’utilité publique. La réduction d’impôt s’applique aux dépenses effectuées pour des locaux d’habitation ou pour des locaux destinés originellement à l’habitation et réaffectés à cet usage ou pour des locaux affectés à un usage autre que l’habitation n’ayant pas été originellement destinés à l’habitation et dont le produit de la location est imposé dans la catégorie des revenus fonciers. () III. ' La réduction d’impôt est égale à 22 % du montant des dépenses mentionnées au II, retenues dans la limite annuelle de 100 000 €. Ce taux est porté à 30 % lorsque les dépenses sont effectuées pour des immeubles situés dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme ou dans un quartier ancien dégradé délimité en application de l’article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion lorsque la restauration a été déclarée d’utilité publique. IV. ' Lorsque les dépenses portent sur un local à usage d’habitation, le propriétaire prend l’engagement de le louer nu, à usage de résidence principale du locataire, pendant une durée de neuf ans. Lorsque les dépenses portent sur un local affecté à un usage autre que l’habitation, le propriétaire prend l’engagement de le louer pendant la même durée. () ".

6. Il résulte des stipulations citées au point 4, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l’exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu’un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Toutefois, lorsqu’un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l’égard de contribuables résidents et non-résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu’il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général. En matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables. Ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu’il accorde au résident n’est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents. Toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents ou dans des pays tiers, il est établi que, au regard de l’objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.

7. Les dispositions de l’article 199 tervicies du code général des impôts instaurent une réduction d’impôt sur le revenu au profit des contribuables qui, d’une part, supportent des dépenses en vue de la restauration complète d’un immeuble dans les secteurs sauvegardés, les quartiers anciens dégradés et les zones protégées en raison de leurs caractéristiques architecturales, urbaines et paysagères et qui, d’autre part, prennent l’engagement de louer les locaux nus pour une durée minimale de neuf ans. Le montant de la réduction d’impôt correspond à un pourcentage du montant des dépenses dans la limite annuelle de 100 000 euros. Ces dispositions visent à inciter à la réhabilitation d’immeubles entiers affectés très majoritairement à l’habitation dans des quartiers historiques ou anciens en vue de sauvegarder le patrimoine architectural et urbain français et à donner en location les locaux de ces immeubles, en permettant aux personnes qui supportent les dépenses de restauration d’imputer une fraction du coût de leur investissement sur l’impôt sur le revenu dont ils sont redevables en France. Eu égard à l’objet et au contenu de ces dispositions, la situation des non-résidents qui supportent des dépenses répondant aux conditions prévues par la loi est comparable à celle des résidents. Il n’est pas établi, y compris par les travaux préparatoires à l’adoption de l’article 84 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, dont est issu le dispositif fiscal contesté, initialement créé par la loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière, que la restriction ainsi imposée à la libre circulation des capitaux réponde à une raison impérieuse d’intérêt général. Par suite, les dispositions de l’article 199 tervicies du code général des impôts sont contraires à la liberté de circulation des capitaux en tant qu’elles limitent le bénéfice de la réduction d’impôt qu’elles prévoient aux contribuables domiciliés en France.

8. Toutefois, ainsi que le fait valoir l’administration, le requérant ne produit pas les éléments permettant de justifier son éligibilité au bénéfice de cette réduction d’impôt, tels qu’ils sont précisés à l’article 46 ACZ de l’annexe III au code général des impôts, et notamment la note annexe conforme à un modèle fixé par l’administration, la déclaration d’utilité publique de l’opération de restauration et l’autorisation d’urbanisme, accompagnée de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France.

9. Il résulte de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à demander une réduction d’impôt en application des dispositions de l’article 199 tervicies du code général des impôts.

En ce qui concerne la déduction de dépenses de travaux :

10. A titre subsidiaire, le requérant soutient que le montant des travaux supportés en 2015 pour le bien qu’il possède 12 rue d’Alger à Nantes doit être porté en déduction de ses revenus fonciers en application du 3° du I de l’article 156 du CGI. Toutefois, en se bornant à produire une attestation de virement de 100 000 euros à la date du 13 octobre 2015 au bénéficiaire « ASL du 12 rue d’Alger » et un descriptif technique des travaux sur les parties privatives de l’immeuble sans qu’aucun lien puisse être établi entre ces documents, l’intéressé n’établit pas le caractère fiscalement déductible de son revenu foncier des dépenses qu’il a supportées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête doivent être rejetées, y compris celles tendant au versement d’intérêts moratoires et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la directrice chargée de la direction des impôts des non-résidents.

Délibéré après l’audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Auvray, président,

Mme Syndique, première conseillère,

Mme Fabre, conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

N. Syndique

Le président,

B. Auvray Le greffier,

S. Werkling

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Montreuil, 10ème chambre, 4 juillet 2023, n° 2009233