Tribunal administratif de Nice, 29 octobre 2013, n° 1003518

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nice, 29 oct. 2013, n° 1003518
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 1003518

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NICE

N° 1003518

___________

SOCIETE TREDNET

SOCIETE DIRECT DISTRIBUTION

INTERNATIONAL LIMITED

___________

M. Y de Villefort

Rapporteur

___________

M. Laso

Rapporteur public

___________

Audience du 1er octobre 2013

Lecture du 29 octobre 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Nice

(5e Chambre)

Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 8 septembre 2010 et 19 juillet 2013, présentés pour la société à responsabilité limitée (SARL) Trednet, ayant son siège XXX, représentée par son gérant en exercice, et pour la société Direct Distribution International Limited (DDI), ayant son siège XXX à XXX, représentée par son directeur en exercice, par la SCP d’avocats Klein ; la société Trednet et la société Direct Distribution International Limited demandent au tribunal :

— d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 portant suspension de la commercialisation et ordonnant la destruction de compléments alimentaires qu’elles commercialisent ainsi que les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 ;

— d’autoriser la commercialisation des produits visés par cet arrêté ;

— de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Trednet au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elles soutiennent que :

— les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 font grief en ce qu’elles comportent une injonction et font état de sanctions ;

— l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu’il n’expose pas les raisons pour lesquelles les produits concernés doivent être détruits ;

— certains produits n’étaient plus commercialisés ou leur dosage pouvait être adapté ;

— la destruction de produits non commercialisables n’est pas justifiée ;

— nombre de ces produits sont commercialisés dans plusieurs pays membres de l’Union Européenne ;

— le préfet s’est fondé sur l’arrêté ministériel du 9 mai 2006 dont la conformité au droit communautaire n’est pas établie ;

— l’arrêté du 9 mai 2006 constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction à la libre circulation des marchandises au sens de l’article 28 du traité CE ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 octobre 2010, présenté par le préfet des Alpes-Maritimes qui conclut au rejet de la requête au motif qu’aucun des moyens n’est fondé ;

Vu la lettre du 4 juillet 2013 par laquelle les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d’être fondé sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité des conclusions de la requête dirigées contre les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 qui ne font pas grief ;

Vu l’ordonnance du 8 juillet 2013 fixant la clôture de l’instruction au 23 juillet 2013, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ;

Vu la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 ;

Vu le code de la consommation ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 ;

Vu l’arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 1er octobre 2013 :

— M. Y de Villefort, rapporteur,

— M. Laso, rapporteur public,

— Me Ciussi pour la société Trednet et la société DDI ;

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions dirigées contre les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 :

1. Il ressort des pièces du dossier que les lettres des 28 mai 2010 et 24 juin 2010 ont eu pour seul objet d’inviter les sociétés requérantes, en application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, à présenter leurs observations écrites ou orales à propos de la mesure envisagée par l’administration sur le fondement de l’article L. 218-4 du code de la consommation à la suite d’un contrôle effectué les 7 et 11 mai 2010 ; dès lors que ces lettres ne constituent pas des décisions faisant grief, les sociétés requérantes ne sont pas recevables à en demander l’annulation par la voie du recours en excès de pouvoir ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 9 juillet 2010 :

2. Aux termes de l’article L. 218-4 du code de la consommation : « S’il est établi qu’un lot de produits présente ou est susceptible de présenter, compte tenu de leurs conditions communes de production ou de commercialisation, un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, le préfet ou, à Paris, le préfet de police peut ordonner une ou plusieurs des mesures suivantes : la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction. / Toutefois, l’opérateur peut apporter la preuve qu’une partie des produits du lot ne présente pas de danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs et peut, dans ce cas, être remise sur le marché. Les frais y afférents restent à la charge de l’opérateur. / L’arrêté du préfet précise les conditions dans lesquelles les frais résultant des mesures prescrites, notamment les frais de transport, de stockage et de destruction sont mis à la charge de l’opérateur. / Tout opérateur ayant acquis ou cédé un ou plusieurs éléments du lot et ayant connaissance de la décision de suspension de mise sur le marché, de retrait ou de rappel est tenu d’en informer celui qui a fourni les produits et ceux à qui il les a cédés » ;

3. Aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / -restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police… » ; aux termes de l’article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ;

4. Les mesures que le préfet est habilité à prendre sur le fondement de l’article L. 218-4 du code de la consommation constituent des mesures de police qui doivent être motivées en vertu de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; en l’espèce, le préfet des Alpes-Maritimes a visé dans son arrêté du 9 juillet 2010 les dispositions de droit interne et communautaire sur lesquelles il s’est fondé ; il a exposé en détail la nature des risques pour la santé découlant de la consommation de ces produits dont le dosage en vitamines et minéraux excède les valeurs fixées par l’arrêté ministériel du 9 mai 2006 ou recommandées par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ; une telle motivation, qui porte à la fois sur le retrait et la destruction des produits concernés, répond aux exigences qui découlent de la loi du 11 juillet 1979 ;

5. Par l’article 1er de l’arrêté attaqué, le préfet des Alpes-Maritimes a ordonné le retrait de la commercialisation des lots de produits suivants, offerts à la vente sur les sites internet de la société Trednet et de la société DDI : Vitamine B6 50 mg de marque FSC, Vitamine C 1000 mg de marque FSC, Zinc Picolinate de marque FSC, Opti-Men de marque Optimum Nutrition, Superantioxydants de marque Optimum Nutrition, ZMA 120 caps de marque Tropicana, Creatine3fuel de marque Twinlab, ZMA Fuel de marque Twinlab, Shock Therapy de marque Universal Nutrition, ZMA Pro de marque Universal Nutrition et Spa Pack de marque Universal Nutrition ; pour ordonner cette mesure, il s’est fondé sur la circonstance que certains de ces produits avaient fait l’objet d’un refus de commercialisation de la part de l’administration et que d’autres avaient été mis pour la première fois sur le marché français sans qu’aient été respectées les procédures de déclaration ou d’autorisation prévues aux articles 15 et 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, alors que les compositions indiquées sur les étiquetages, présentaient des surdosages préjudiciables à la santé en raison du dépassement des valeurs fixées par l’arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires, pris en application du décret précité ;

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport établi le 21 mai 2010 par l’inspectrice de la direction départementale de la protection des populations des Alpes-Maritimes, que les produits visés à l’article 1er de l’arrêté attaqué étaient en stock dans les locaux et désignés comme tels sur les sites internet exploités par les sociétés requérantes ; si celles-ci ont informé l’administration, au cours de la procédure contradictoire précédant l’édiction de l’arrêté attaqué, qu’elles cessaient la commercialisation de l’ensemble de ces produits, à l’exception du produit Vitamine C 1000 mg de marque FSC pour lequel une demande était en cours prévoyant un dosage diminué de moitié conforme aux prescriptions de l’arrêté du 9 mai 2006, le préfet a pu, sans commettre d’erreur de droit, leur imposer le retrait de leur commercialisation ;

7. Il est constant que les produits Vitamine B6 50 mg, Vitamine C 1000 et ZMA Fuel n’ont pas fait l’objet de la déclaration prévue à l’article 15 du décret du 20 mars 2006 ; les demandes d’autorisation présentées avant la première mise sur le marché français des produits Zinc Picolinate, Opti-Men, Superantioxydants, XXX et Spa Pack ont été refusées au motif que la procédure d’autorisation simplifiée instituée à l’article 16 de ce décret concerne, non pas les nutriments au sens du 2° de l’article 2 de ce décret mais les compléments alimentaires contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, au sens des 3° et 4° de cet article, ne figurant pas dans les arrêtés prévus aux articles 6 et 7, mais légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

8. Il ne peut être utilement soutenu que nombre que ces produits seraient commercialisés dans plusieurs pays membres de l’Union Européenne dès lors que seule la procédure d’autorisation avec évaluation scientifique prévue par l’article 18 du décret du 20 mars 2006 est susceptible de s’appliquer aux compléments alimentaires comprenant des nutriments à des teneurs excédant celles que permet l’arrêté du 9 mai 2006 ;

9. Il ressort des pièces du dossier que le dosage des vitamines et minéraux entrant dans la composition des produits litigieux conduit au dépassement, dans de larges proportions pour certains d’entre eux, des doses journalières maximales fixées à l’annexe III de l’arrêté du 9 mai 2006 pour les vitamines A, B6 et C ainsi que pour le zinc et le sélénium ; en outre, le dosage de ces mêmes nutriments dans les produits Vitamine B6 50 mg, Zinc Picolinate, Opti-Men, Superantioxydants, ZMA Fuel, Shock Therapy, ZMA Pro et Spa Pack dépasse les limites de sécurité déterminées par l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire, ce qui expose leurs consommateurs à des risques graves pour la santé en raison du caractère toxique de leur surdosage, affectant selon les cas notamment le foie, le système osseux ou le système nerveux ;

10. Si la directive du 10 juin 2002 prévoit une harmonisation complète de la législation applicable dans les Etats membres dans le domaine des vitamines et minéraux présents dans les compléments alimentaires et confie à la Commission européenne la fixation des quantités maximales et minimales de ces nutriments qui peuvent y être admises, il résulte de l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 29 avril 2010 Solgar Vitamin’s France e.a. C-446/08 que les Etats membres demeurent compétents pour fixer ces quantités maximales tant que la Commission européenne ne les a pas elle-même fixées ; il est constant que la Commission européenne n’avait pas, à la date de l’arrêté du 9 mai 2006, adopté de telles mesures ; ainsi, en tout état de cause, c’est à tort que les sociétés requérantes soutiennent que les autorités françaises n’étaient pas compétentes pour fixer ces quantités ; la seule circonstance que cet arrêté du 9 mai 2006 ait été contesté, à la date de l’arrêté préfectoral attaqué, devant le Conseil d’Etat par la voie du recours pour excès de pouvoir et que cette procédure ait été alors pendante après que la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée par son arrêt du 29 avril 2010 sur la question préjudicielle posée par la décision du Conseil d’Etat du 17 décembre 2007 portant sur la conformité de cet acte au droit communautaire n’a pu priver l’arrêté attaqué de base légale ; pour le même motif, le moyen selon lequel l’arrêté ministériel du 9 mai 2006 constituerait une mesure d’effet équivalent à une mesure quantitative de restriction aux échanges contraire au principe de la libre circulation posé à l’article 28 du traité CE alors en vigueur doit être écarté ;

11. Il résulte enfin des dispositions précitées de l’article L. 218-4 du code de la consommation que lorsqu’un lot de produits présente un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, le préfet peut ordonner une ou plusieurs mesures qui peuvent être la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel et la destruction ; il ne ressort pas des pièces du dossier que les dosages autorisés en Belgique et en Italie, pays dans lesquels sont commercialisés les produits Superantioxydants, Creatine3fuel, ZMA Fuel et ZMA Pro, soient supérieurs à ceux qu’autorise l’arrêté ministériel du 9 mai 2006 ; compte tenu des dangers pour la santé publique que présentaient les produits commercialisés et afin de garantir l’impossibilité de les mettre à nouveau sur le marché, en ordonnant à la fois le retrait de leur commercialisation et leur destruction, le préfet des Alpes-Maritimes n’a pas pris une mesure de police disproportionnée par rapport à l’objectif de santé publique poursuivi ;

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Trednet et la société DDI doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Trednet et la société DDI demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Trednet et de la société DDI est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société à responsabilité limitée Trednet, à la société Direct Distribution International Limited et au ministre de l’économie et des finances (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).

Copie en sera faite au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l’audience du 1er octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Parisot, président,

M. X et M. Y de Villefort, premiers conseillers ;

Lu en audience publique le 29 octobre 2013.

Le rapporteur, Le président,

P. Y de VILLEFORT B. PARISOT

Le greffier,

J. ROUSSEL

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