Tribunal administratif de Pau, 23 décembre 2022, n° 2202603

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Chronologie de l’affaire

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www.obsalis.fr · 31 mai 2023

Démission et résiliation de contrat des militaires : des refus d'agrément susceptibles de recours Publié le 31/05/2023 - Mis à jour le 31/05/2023 Lorsqu'un militaire ou un gendarme envisage la démission ou la résiliation de son contrat d'engagement, en vue d'un départ dans le civil, par exemple, il doit solliciter l'agrément du ministre compétent. Le ministre concerné ne peut refuser de délivrer l'agrément demandé que pour des motifs tirés des besoins du service, lesquels doivent être fondés sur la nécessité impérieuse de maintenir le militaire concerné sur son poste, sur des …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 23 déc. 2022, n° 2202603
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 2202603
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et mémoire enregistrés le 24 novembre 2022 et le 14 décembre 2022, M. E A, représenté par Me Laplante, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du 29 août 2022 par laquelle le ministre des armées a rejeté son recours préalable relatif à sa demande de résiliation anticipée de son contrat d’engagé auprès du ministère des armées ;

2°) d’enjoindre au ministre des armées de statuer de nouveau sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— sa requête est recevable dès lors qu’il a saisi la commission des recours des militaires dans le délai qui lui était imparti ;

— la condition d’urgence doit être regardée comme satisfaite car :

* la demande de résiliation du contrat d’engagé visait à lui permettre de rejoindre le civil en tant que moniteur parachutiste pour une association, il bénéficiait à ce titre d’une promesse d’embauche en CDD qui a été renouvelée et précisée le 20 octobre 2022 ;

* il s’agit d’une opportunité stable pour lui et sa famille dans la mesure où les conditions de travail seront beaucoup plus raisonnables au sein de l’association Pau parachutisme passion, qui est soumise à la réglementation classique du droit du travail et qui n’organise pas de saut en soirée ou dans la nuit contrairement au poste qu’il occupe actuellement ;

* il aura atteint l’âge limite de service au 1er août 2024 et devra être radié à cette date soit dans 1 an et demi, ainsi sa reconversion dans le civil lui permettra de continuer à exercer une activité professionnelle et de maintenir un niveau de revenu supérieur à celui dont il bénéficiera avec sa pension de retraite militaire ;

* la proposition faite par l’association est exceptionnelle et les opportunités d’emploi rares dans son secteur d’activité;

* s’il n’est pas en mesure de confirmer sa venue pour le 2 janvier 2023, l’association sera contrainte de proposer le poste à un tiers ;

* le requérant a entendu contester le refus opposé à la demande de résiliation de son contrat par l’introduction d’un recours administratif préalable obligatoire ;

* le requérant perçoit actuellement un traitement de 2 900 euros alors qu’il percevra un salaire de 2 400 euros par mois en qualité de directeur technique adjoint au sein de l’association, en plus de sa pension militaire évaluée à 1 400 euros par mois, soit un total de 3 800 euros par mois ;

— la décision attaquée est entachée d’un doute sérieux de légalité :

* elle est entachée d’un défaut de compétence ;

* la commission de recours militaire était irrégulièrement composée ;

* le ministre des armées a entaché sa décision d’une erreur de fait puisque son engagement actuel est lui-même irrégulier et constitue un motif exceptionnel justifiant de la résiliation dudit engagement ;

* le terme de son contrat d’engagement est antérieur à celui de son engagement de servir, ainsi, il ne pouvait être autorisé à suivre la formation dont résulte son engagement à servir de cinq ans ;

* l’engagement litigieux résulte d’une formation qu’il a été forcé de suivre alors qu’elle n’était pas nécessaire et non obligatoire au regard des qualifications dont il dispose déjà, dès lors, cette circonstance est également un motif exceptionnel justifiant qu’il soit fait droit à sa demande de résiliation de son contrat.

Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— l’urgence n’est pas caractérisée car :

* le requérant aurait dû contester directement la décision du 24 février 2022 par un référé-suspension, or il ne l’a fait qu’à compter du 14 novembre 2022 ;

* aucun élément du dossier ne permet de démontrer que le salaire servi dans l’emploi proposé, dans le secteur associatif, serait plus avantageux que la pension de retraite du requérant ;

* le requérant ne démontre pas en quoi cette promesse d’embauche lui offrirait une stabilité lui permettant de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale dans la mesure où la proposition d’embauche se situe dans le même département que sa formation d’emploi actuelle ;

* la 2ème promesse d’embauche en date du 20 octobre 2022 ne saurait être retenue dans la présente instance puisqu’elle est postérieure à la date de la décision contestée du 19 août 2022 ;

— sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision :

* elle n’est pas entachée d’un défaut de compétence ;

* la commission de recours militaire était régulièrement composée ;

* le motif de résiliation invoqué par le requérant pour justifier de sa demande de résiliation ne constitue pas un motif exceptionnel, dès lors, la décision attaquée n’est entachée d’aucune illégalité interne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la défense ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties de l’audience publique du 15 décembre 2022, au cours de laquelle, après rapport de l’affaire, ont été entendues :

— Le rapport de Mme B ;

— Les observations de Me Taquet, postulant en lieu et place de Me Laplante, représentant de M. A, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyen en abandonnant les moyens de légalité externe et en développant sur le motif exceptionnel justifiant la possibilité de résiliation;

— Les observations de Madame D, représentante du ministère des armées qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A est entré en service le 1er octobre 2003 en qualité d’engagé volontaire de l’armée de terre avec une radiation des contrôles prévue au 1er août 2024. Depuis le 31 juillet 2018, il appartient au domaine de spécialités « maintenance » (MAI) et à la filière « parachutage-largage-conditionnement » (PCO) et a été affecté à l’école des troupes aéroportées (ETAP) à Pau en qualité de technicien de conditionnement « para-largage ». Le 1er août 2019, il a été nommé au grade de sergent. Le 9 septembre 2019, il conclut un nouveau contrat d’engagement, effectif à compter du 1er août de la même année, par lequel il s’engage pour une durée de cinq ans à la suite de son admission à l’une des formations spécialisées fixées par arrêté du 11 septembre 2019. Le 4 février 2022, par formulaire unique de demande, M. A a sollicité la résiliation de son contrat d’engagement à partir du 6 avril 2022. Par une décision en date du 24 février 2022, la direction des ressources humaines de l’armée de terre a refusé de faire droit à sa demande. Par un courrier en date du 27 février 2022, M. A saisit la commission des recours des militaires et demande l’annulation du rejet de la demande de résiliation de son contrat. Par une décision du 29 août 2022, le ministre des armées rejette le recours préalable de M. A. Par la présente requête, l’intéressé demande la suspension de la décision du ministre des armées du 29 août 2022 se substituant à celle du 24 février 2022.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ». Aux termes de l’article L. 522-1 du même code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. () ». Aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 du même code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire. ».

En ce qui concerne l’urgence :

3. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A bénéficie d’une opportunité d’emploi dans le secteur privé, au sein d’une association de parachutisme, correspondant à sa qualification et qui lui permettrait de concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale, à laquelle la décision litigieuse le contraint à renoncer. Compte tenu de l’échéance fixée par l’association « Pau parachutisme passion », employeur potentiel du requérant au 2 janvier 2023 pour postuler, qui correspondant à sa date d’embauche en tant que moniteur « PAC-TANDEM », pour un contrat à durée déterminée d’un an renouvelable, la décision attaquée doit être regardée comme portant une atteinte grave et immédiate à sa situation constitutive d’une situation d’urgence, au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, sans que la circonstance que le requérant aurait dû contester directement la décision du 24 février 2022 par un référé-suspension ne puisse caractériser un défaut d’urgence de sa demande.

En ce qui concerne le doute sérieux :

5. Aux termes de l’article L. 4132-5 du code de la défense : " Les militaires d’active autres que de carrière peuvent servir en tant que : () 2° Militaires engagés ; (). « . Aux termes de l’article L. 4132-6 du même code : » L’état militaire cesse () pour le militaire servant en vertu d’un contrat, lorsque l’intéressé est rayé des contrôles « . Aux termes de l’article L. 4139-13 du code de la défense : » La démission du militaire de carrière ou la résiliation du contrat du militaire servant en vertu d’un contrat, régulièrement acceptée par l’autorité compétente, entraîne la cessation de l’état militaire. La démission ou la résiliation du contrat, que le militaire puisse bénéficier ou non d’une pension de retraite dans les conditions fixées au II de l’article L. 24 et à l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ne peut être acceptée que pour des motifs exceptionnels, lorsque, ayant reçu une formation spécialisée ou perçu une prime liée au recrutement ou à la fidélisation, le militaire n’a pas atteint le terme du délai pendant lequel il s’est engagé à rester en activité. () « . Aux termes de l’article L. 4139-50 du même code : » Pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 4139-13, un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre de l’intérieur fixe la liste des formations spécialisées et la durée du lien au service qui leur est attachée. / Le militaire admis à une formation spécialisée s’engage à servir en position d’activité ou en détachement d’office, pour la durée fixée par l’arrêté mentionné au premier alinéa, à compter de la date d’obtention du titre validant la formation ou, à défaut, de la date de la fin de la formation. / Le militaire dont la limite d’âge ou la limite de durée de service ne permet pas de respecter la durée de lien au service exigée à l’issue de la formation spécialisée souhaitée n’est pas autorisé à suivre ladite formation. / Le lien au service exigé à l’issue d’une formation spécialisée n’est pas modifié en cas de changement de statut. ".

6. Si pour refuser de faire droit à la demande d’agrément de résiliation de contrat de M. A, le ministre des armées s’est fondé sur ce que l’intéressé s’est engagé à rester en activité pendant une durée de cinq ans à compter de la date d’obtention du titre validant sa formation au certificat technique du 1er degré (CT1) du domaine MAI, filière « parachutage-largage conditionnement », qu’il a obtenu ce CT1 le 17 décembre 2019 et qu’il est lié au service au titre d’une formation spécialisée jusqu’au 16 décembre 2024, le contrat d’engagement du requérant arrive à échéance le 1er août 2024. De plus, si la légitimité du retour sur investissement attendu par l’armée ne peut être remise en cause, le requérant invoque le motif exceptionnel prévu aux dispositions de l’article L. 4139-13 du code de la défense précitées.

7. Pour justifier de ce motif exceptionnel, l’intéressé fait valoir une promesse d’embauche au sein d’une association de parachutisme, de sa volonté de quitter l’institution afin de s’épanouir professionnellement dans le milieu civil lui permettant d’allier au mieux vie familiale et vie professionnelle et du caractère exceptionnel de la localisation de l’offre d’emploi sur place répondant à ses qualifications sur un secteur d’emplois de niche et de sa proposition de rembourser les frais de scolarité liés à sa dernière formation au regard de son départ anticipé dont il est conscient. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise par le ministre des armées en refusant de libérer le requérant de ses liens contractuels sans justifier de la nécessité et de l’intérêt impératif du service de maintenir M. A sur le poste qu’il occupe en qualité de technicien de conditionnement « para-largage » à l’école des troupes aéroportées (ETAP), située à Pau, et des difficultés potentielles générées par la vacance de son poste, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont il est demandé la suspension compte tenu de la validité du motif exceptionnel.

8. Il résulte de ce qu’il précède que les deux conditions prévues à l’article L. 521-1 du code de justice administrative étant remplies, il y a lieu de suspendre l’exécution de la décision attaquée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. ». Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire () ».

10. Compte tenu des motifs retenus pour prononcer la suspension de la décision du 29 août 2022, l’exécution de la présente ordonnance implique qu’il soit enjoint au ministère des armées de réexaminer la demande de résiliation présentée par M. A.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a eu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision du 29 août 2022 du ministre des armées est suspendue.

Article 2 : il est enjoint au ministre des armées de réexaminer la demande de M. A.

Article 3 : L’Etat est condamné à verser à M. A la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. E A et au ministre des armées.

Copie sera adressée à Me Laplante.

Fait à Pau, 23 décembre 2022,

La juge des référés La greffière,

Signé Signé

M. BM. C

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme :

La greffière,

Signé

M. C

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