Tribunal administratif de Strasbourg, 20 octobre 2021, n° 2106745

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Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, 20 oct. 2021, n° 2106745
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 2106745

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF mcs DE STRASBOURG

N° 2106745 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

[…]

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. P.

Juge des référés Le tribunal administratif de Strasbourg ___________

Le juge des référés Ordonnance du 20 octobre 2021

___________

39-08-015-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er octobre 2021, et un mémoire produit le 18 octobre 2021, la société SAEML Moselle TV, prise en la personne de son directeur en exercice, représentée par Me Friederich, demande au juge des référés :

1°) d’annuler, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, la décision du 16 septembre 2021 par laquelle l’Agence de l’eau Rhin-Meuse a rejeté comme irrégulière son offre présentée dans le cadre de la passation du marché de prestation de services pour l’organisation de la cérémonie des « Trophées de l’eau » 2021, ainsi que d’annuler la décision en date du 20 septembre 2021 d’attribuer le marché à la société Vitanime ;

2°) d’enjoindre au pouvoir adjudicateur de reprendre la procédure d’attribution du marché en cause au stade de l’analyse des offres ;

3°) de mettre à la charge de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- son offre, déposée sur la plateforme « PLACE », plateforme dématérialisée des achats de l’Etat, n’était nullement vide de tout contenu, et était donc régulière ;

- l’égalité entre les candidats n’a pas été respectée dès lors qu’elle n’a pas été destinataire des demandes complémentaires formulées par le pouvoir adjudicateur.


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Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, le directeur général de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse conclut, principalement, à l’irrecevabilité de la requête et, subsidiairement, au rejet de celle-ci au fond.

Il soutient :

- à titre principal : que la requête est irrecevable dès lors que les conditions pour former un référé contractuel ne sont pas réunies ;

- à titre subsidiaire : que le manquement allégué aux obligations de mise en concurrence et au principe d’égalité des candidats n’est pas établi dès lors que, premièrement, l’offre de la société requérante était incomplète, et donc irrégulière et, deuxièmement, cette irrégularité n’était pas susceptible d’une régularisation.

Vu :

- la notification de rejet de l’offre de la société SAEML Moselle TV ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. P., vice-président, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative pour statuer sur les requêtes en référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus, au cours de l’audience publique du 19 octobre 2021 à 10 h 30 :

- le rapport de M. P. ;

- les observations de Me Brignatz substituant Me Friederich, pour la société requérante, qui persiste dans les écritures de sa requête et soutient en outre :

à titre principal : que la signature du marché attribué à la société Vitanime est irrégulière car intervenue le même jour que la décision d’attribution du marché à ladite société ;

à titre subsidiaire : qu’elle entend présenter les conclusions de sa requête au titre du référé contractuel en cas d’intervention de la signature du contrat ;

- et les observations de Mmes A., juriste, et Mme B., responsable Achat, pour l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, qui persiste dans ses écritures et soutient en outre :

que la société requérante, comme tous les candidats, a reçu l’accusé de réception électronique de la mise en ligne de son offre et ainsi pouvait vérifier si une offre complète avait bien été mise en ligne ;

qu’il n’y avait pas lieu, dès lors que cela aurait méconnu le principe d’égalité entre les candidats, dont se prévaut la société requérante, d’inviter cette dernière à régulariser son offre.

La clôture de l’instruction a été prononcée, à l’issue de l’audience, à 11 h 10.


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Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique (…) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ». Selon l’article L. 551-2 du même code : « I.- Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (…) ». Aux termes de l’article L. 551-4 du même code : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu’à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ». L’article L. 551-11 de ce même code ajoute que : « Le juge ne peut statuer avant un délai fixé par voie réglementaire ». Et aux termes du deuxième alinéa de l’article R. 551-5 du même code : « Le juge ne peut statuer avant le seizième jour à compter de la date d’envoi de la décision d’attribution du contrat aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre. Ce délai est ramené au onzième jour lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice justifie que la décision d’attribution du contrat a été communiquée par voie électronique à l’ensemble des opérateurs économiques intéressés. ». Aux termes de l’article L. 551-10 de ce code : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 (…) sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat (…) et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…) ».

2. Par la présente requête, la société SAEML Moselle TV demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, d’annuler la décision en date du 16 septembre 2021 par laquelle l’Agence de l’eau Rhin-Meuse a rejeté comme irrégulière son offre présentée dans le cadre de la passation du marché de prestation de services pour l’organisation de la cérémonie des « Trophées de l’eau » 2021, ainsi que d’annuler la décision en date du 20 septembre 2021 d’attribuer le marché à la société Vitanime.

Sur la recevabilité des conclusions présentées au titre des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :

3. Il résulte des dispositions précitées au point 1 que les pouvoirs conférés au juge des référés en vertu de la procédure spéciale instituée par l’article L. 551-1 du code de justice administrative ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat. En l’espèce, il est constant que le marché de prestation de services pour l’organisation de la cérémonie des « Trophées de l’eau » 2021 était conclu à la date d’introduction de la présente requête. Par suite, les conclusions susmentionnées ne sont pas recevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative :


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4. Aux termes de l’article L. 551-13 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section ». Aux termes de l’article L. 551-14 du même code : « Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l’Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n’est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l’article L. 551-1 ou à l’article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 et s’est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ». Aux termes de l’article L. 551-18 du même code : « Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu’aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n’a été prise, ou lorsqu’a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsqu’ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d’exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat ». Enfin, aux termes de l’article L 551-20 du même code : « Dans le cas où le contrat a été signé avant l’expiration du délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l’article L. 551-4 ou à l’article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. ».

5. Il résulte des dispositions précitées que les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont limitativement définis à l’article L 551-18 du code de justice administrativement. S’agissant des marchés passés selon une procédure adaptée, pour lesquels le pouvoir adjudicateur n’est pas soumis à l’obligation de communiquer la décision d’attribution du marché aux candidats non retenus, l’annulation d’un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 551-18, c’est-à-dire de l’absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique. Le juge du référé contractuel doit également annuler un marché à procédure adaptée, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 551-18, ou prendre l’une des autres mesures mentionnées à l’article L. 551-20 dans l’hypothèse où, alors qu’un recours en référé précontractuel a été formé, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s’est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.

6. En premier lieu, dès lors qu’il est constant que le contrat litigieux a été passé selon une procédure adaptée, la société requérante ne peut utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas respecté, pour la signature du contrat, le délai exigé après l’envoi de la décision d’attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre.


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7. En deuxième lieu, la société requérante n’établit pas que la procédure de passation du contrat litigieux serait entachée des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 551-18 précité, à savoir l’absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique. En effet, il résulte de l’instruction que l’offre présentée par la société requérante, déposée sur la plateforme « PLACE » (plateforme dématérialisée des achats de l’Etat), a été rejetée comme irrégulière car incomplète, dès lors qu’elle ne comprenait que le document unique de marché européen (« DUME ») ainsi que des signatures électroniques de documents intitulés « Offre AERM 2021 » et « Dossier de candidature AERM 2021 » dont il n’est, en revanche, pas établi qu’ils auraient été eux-mêmes présentés par voie électronique sur la plateforme en cause.

8. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir que l’égalité entre les candidats n’aurait pas été respectée (dès lors qu’elle n’aurait pas été destinataire des demandes complémentaires formulées par le pouvoir adjudicateur) dès lors qu’ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les manquements susceptibles d’être utilement invoqués dans le cadre du référé contractuel sont limitativement définis à l’article L 551-18 du code de justice administrativement.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la procédure de passation du marché en litige, et notamment de la décision de rejet de l’offre de la société requérante, présentées sur le fondement de l’article L. 551-13 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

10. Il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que les conclusions de la société requérante tendant à ce qu’il soit enjoint au pouvoir adjudicateur de reprendre la procédure d’attribution du marché en cause au stade de l’analyse des offres ne peuvent qu’être rejetées par voie de conséquence du rejet des conclusions de la requête présentées tant au titre des articles L. 551-1 et suivants que des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ». Il y a lieu de rejeter les conclusions de la société requérante présentées au titre de ces dispositions.

O R D O N N E :


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Article 1er : La requête de la société SAEML Moselle TV est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SAEML Moselle TV et au directeur général de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse.

Fait à Strasbourg, le 20 octobre 2021.

Le juge des référés,
M. P.

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, La greffière,
Mme L.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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