Tribunal de grande instance de Bobigny, 6e chambre, 4e section, n° 13/11060

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, 6e ch., 4e sect., n° 13/11060
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 13/11060

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

DE BOBIGNY

Chambre 6/Section 4

Affaire : 13/11060

N° de Minute :

SAS KILIC BATIMENT

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

représentée par Me Y ROTA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 702, postulant et par Me Eric AZOULAY, avocat au barreau de VAL D’OISE, plaidant

DEMANDEUR

C/

Maître A B es qualité d’administrateur provisoire de l’Association Cultuelle de la Grande Mosquée de CLICHY-MONTFERMEIL (A.C.G.M. C.M.)

[…]

[…]

non représentée

Monsieur L M N O en sa qualité de président sortant de l’association cultuelle de la Grande Mosquée de Clichy-Montfermeil

[…]

[…]

non représenté

Association ISLAMIQUE ET CULTURELLE DE CLICHY SOUS BOIS (A.I.C.C.)

[…]

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

représentée par Me Ahcene TALEB, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 27

Association CULTURELLE FRANCO-MAROCAINE

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

non représentée

Association DES CITOYENS NORD AFRICAINS DE CLICHY SOUS BOIS

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

non représentée

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Ahcene TALEB, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 27

2

Association INTERCULTURELLE DE CLICHY SOIS BOIS

[…]

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

non représentée

Association DU MILLI GORUS DE MONTFERMEIL

[…]

[…]

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

représentée par Me Erik-H BOYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0723

LA COMMUNAUTE ISLAMIQUE DU MILLI GORUS DE FRANCE

[…]

[…]

représentée par Me Erik-H BOYER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0723

LA FEDERATION DES CENTRES CULTURELS TURCS

[…]

[…]

non représentée

Maître C D es qualité d’administrateur provisoire de l’association ACGMCM

[…]

[…]

représenté par Me H AUDOUIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 172

Association DENOMMEE A.C.G.M. C.M. – ASSOCATION CULTUELLE DE LA GRANDE MOSQUEE DE CLICHY MONTFERMEIL représentée par Messsieurs I J K et E F

représentée par Me Laurent KARILA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0264

Monsieur G Y

[…]

[…]

représenté par Me Bernard-rené PELTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0155

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS- MAF

[…]

[…]

représentée par Me Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0146

DEFENDEURS

JUGE DE LA MISE EN ÉTAT :

Madame X, Juge,

assistée aux débats de Mme COPIN, Greffier.

DÉBATS :

Audience publique du 15 mai 2017.

3

ORDONNANCE :

Prononcée publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, rédigée et signée par Madame X, Juge, juge de la mise en état, assistée de Mme COPIN, Greffier.

4

L’Association Cultuelle de la Grande Mosquée de Clichy-Montfermeil (ci-après l’ACGMCM), fondée par huit associations, a pour objet d’assurer l’exercice du culte musulman, de pourvoir en tout ou partie aux frais et besoins pour l’exercice du culte ainsi que divers services et activités qui peuvent s’y rattacher et de représenter les musulmans de Clichy-sous-Bois.

Dans ce cadre, elle a confié la réalisation de travaux de construction d’une mosquée à Clichy-sous-Bois aux intervenants suivantsྭ:

Monsieur G Y, architecte, en qualité de maître d’œuvre

la société KILIC BATIMENT, en qualité d’entreprise générale

la société ALFA ENGINEERING, en qualité de Bureau d’Études Techniques

la société Bureau Veritas, en qualité de bureau de contrôle technique des travaux

la société Les Coordinateurs Associés, en qualité de coordinateur en matière d’hygiène, santé et sécurité

Aux termes de la lettre de commande du 18 mai 2009, le montant total des travaux confiés à la société KILIC BATIMENT s’élève à la somme de 5.000.000 euros HT.

Ce document précise que le prix «ྭen consistance et prestations, s’entend hors taxes, valeur février 2006. Il est réputé ferme, forfaitaire, actualisable et révisableྭ».

Il stipule également que les travaux sont réglés après validation par l’architecte d’une demande d’acompte mensuelle remise sous la forme d’une situation de travaux.

La société KILIC Bâtiment a adressé à l’A.C.G.M. C.M. trois demandes d’acomptes sous forme de situation de travaux en date des 22 juin 2009, 21 juillet et 31 août 2009 pour les montants respectifs suivantsྭ: 151.572,64 € TTC, 188.634,84 euros TTC et 372.636,42 euros TTC.

Par lettre du 14 décembre 2009, la société KILIC Bâtiment a rappelé à l’A.C.G.M. C.M. qu’elle devait payer les sommes des deux dernières situations de travaux et qu’elle devait fournir une garantie bancaire.

Par lettre du 7 janvier 2010, l’association ABCD (faisant partie de la Fédération Française du Bâtiment région Paris Ile-de-France), mandatée par la société KILIC Bâtiment aux fins de recouvrement, a mis en demeure la débitrice de régler à cette dernière la somme de 561.271,26 € TTC et de lui fournir les garanties bancaires.

Le 9 juin 2010, la société KILIC Bâtiment a fait assigner l’A.C.G.M. C.M., Monsieur L M N O en sa qualité d’ancien président de l’A.C.G.M. C.M., ainsi que huit associations en qualité de membres fondateurs de l’A.C.G.M. C.M. (l’association islamique et culturelle de Clichy-sous-Bois, l’association culturelle franco-marocaine, l’association des citoyens Nord-africains de Clichy-sous-Bois, l’association dite «ྭEspoir Méditerranéeྭ», l’association interculturelle de Clichy-sous-Bois, l’association du Milli Görus de Montfermeil – sise […] à Clichy-sous-Bois, l’association la communauté islamique du Milli Görus de France et la fédération des centres culturels turcs) devant la juridiction des référés de Bobigny à laquelle elle a demandé notamment la condamnation de l’A.C.G.M. C.M. à lui payer la somme de 561.271,26 €, à lui fournir une garantie bancaire sous astreinte à hauteur du montant du marché, soit 5.000.000 € HT ainsi que de déclarer commune l’ordonnance à intervenir à l’ensemble des membres fondateurs de l’A.C.G.M. C.M.

5

Par ordonnance de référé du 8 octobre 2010, le juge des référés a ordonné une expertise et a désigné Monsieur H Z en qualité d’expert avec notamment pour mission de « dresser un état de la situation, de rechercher d’éventuelles responsabilité et de faire le compte entre les parties ».

Par actes séparés des 30 et 31 juillet, 2, 6, 21 et 22 août 2013, la société KILIC Bâtiment a fait assigner au fond l’A.C.G.M. C.M. et ses membres fondateurs afin que soit ordonné un sursis à statuer sur l’ensemble des demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

L’expert a déposé son rapport en l’état le 12 novembre 2013.

Par conclusions en ouverture de rapport signifiées par RPVA le 4 septembre 2014, la société KILIC Bâtiment demande au tribunal de condamner solidairement l’A.C.G.M. C.M. représentée par Monsieur C D en qualité d’administrateur provisoire, avec l’ensemble de ses membres fondateurs à lui payer les sommes de :

«ྭ• 561.271,26 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la lettre recommandée AR, valant mise en demeure du 14 décembre 2009.

• 1.631.618,62 euros au titre d’indemnités dues contractuellement, conformément aux dispositions de l’article 13 du contrat avec intérêts au taux légal également à compter du 14 décembre 2009

• 30.000 euros sur le fondement de la résistance abusive.

• 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.ྭ»

Par ordonnance sur requête du Juge de l’Exécution en date du 26 juillet 2013, la société KILIC Bâtiment a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le terrain appartenant à l’A.C.G.M. C.M.ྭ

Cette inscription a été régularisée auprès de la conservation des hypothèques de Bobigny 3e Bureau, le 29 juillet 2013, Volume 2013 V N°2640 et a été renouvelée en juillet 2016.

Par acte du 11 juin 2017, l’ACGMCM a appelé en garantie Monsieur G Y et son assureur, la MAF.

Les deux procédures ont été jointes sous le numéro de RG13/11060.

Par conclusions d’incident signifiées par RPVA le 16 février 2017, l’ACGMCM a saisi le juge de la mise en état d’une demande d’expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions sur incident signifiées par RPVA le 11 mai 2017, l’ACGMCM demande au juge de la mise en état de :

«ྭDIRE ET JUGER l’ACGMCM recevable et bien fondée en ses demandes ;

DÉSIGNER tel Expert judiciaire qu’il plaira au Tribunal avec pour mission de :

? convoquer les parties dans le respect du contradictoire ;

? se rendre sur place ;

? se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;

? entendre tous sachants ;

? visiter les lieux, les décrire en l’état actuel ;

6

? examiner les désordres, non-conformités et manquements allégués par la requérante non seulement dans les présentes conclusions mais également dans les pièces auxquelles elle se réfère, notamment dans le rapport de la Société GEOMEDIA du 24 juin 2016 et dans le rapport de la Société QCS SERVICES du 25 juin 2016 ;

? en détailler l’origine, les causes et l’étendue et fournir tout élément permettant à la juridiction saisie de déterminer à quel intervenant ces désordres, malfaçons et inachèvement sont imputables et dans quelle proportion ;

? indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvement quant à la solidité et, plus généralement, quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;

? dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’Art ;

? fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités éventuelles encourues et d’évaluer s’il y a lieu tous les préjudices subis ;

? donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ;

? évaluer le coût des travaux utiles à l’aide de devis d’entreprises fournis par les parties ;

? donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvement ou non-conformités et sur leur évaluation ;

? en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnu par l’Expert, autoriser le requérant à faire exécuter, à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, sous la direction du maître d’œuvre et par des entreprises qualifiées de son choix, les travaux estimés indispensables par l’Expert judiciaire ;

? dire que l’Expert judiciaire adressera aux parties, aux termes de ses opérations, un document de synthèse et arrêtera le calendrier de la phase conclusive de ses opérations en fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;

DIRE ET JUGER que la demande reconventionnelle de la Société KILIC BATIMENT de condamnation de l’ACGMCM au paiement d’une provision d’un montant de 360.611,06 € se heurte à une contestation sérieuse ;

En conséquence :

DÉBOUTER la Société KILIC BATIMENT de l’ensemble de ses demandes y compris de sa demande

reconventionnelle de condamnation de l’ACGMCM au paiement d’une provision d’un montant de 360.611,06 € TTC ;

DÉBOUTER la MAF de sa demande de condamnation de l’ACGMCM au paiement d’une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société KILIC BATIMENT et la MAF à payer à l’ACGMCM une somme de 5.000 € en

application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RÉSERVER les dépens.ྭ»

7

Aux termes de ses dernières conclusions sur incident signifiées par RPVA le 17 mars 2017, la société KILIC demande au juge de la mise en état de :

«ྭ- Dire et juger les demandes de la société KILIC aussi bien fondées que recevables.

En conséquence,

A titre principal,

— Dire et juger l’ACGMCM irrecevable et mal fondée en sa demande d’expertise.

— L’en débouter.

Subsidiairement,

— Dire et juger qu’il n’y a pas lieu d’étendre la mission de l’expert à la question des préjudices et coûts induits par l’abandon du chantier.

— Dire et juger, eu égard à l’écoulement du temps, que l’expert devra déterminer si le désordres trouvent leur origine dans le mauvais entretien du chantier interrompu depuis 2009.

— Dire et juger que les frais d’expertise seront mis à la charge exclusive de l’Association dénommée A.C.G.M. C.M. – Association Cultuelle de la Grande Mosquée de Clichy-Montfermeil.

Plus subsidiairement,

— Donner acte à la société KILIC BATIMENT de ses plus expresses protestations et réserves sur la mesure d’expertise sollicitée.

A titre reconventionnel,

— Condamner l’Association dénommée A.C.G.M. C.M. – Association Cultuelle de la Grande Mosquée de Clichy-Montfermeil à payer à la société KILIC BATIMENT SAS, par provision, la somme de 360.611,06 euros TTC.

En tout état de cause,

— Condamner l’Association dénommée A.C.G.M. C.M. – Association Cultuelle de la Grande Mosquée de Clichy-Montfermeil à payer à la société KILIC BATIMENT SAS la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.ྭ»

Aux termes de ses dernières conclusions sur incident signifiées par RPVA le 12 mai 2017, Monsieur Y demande au juge de la mise en état de :

«ྭ- Recevoir Monsieur Y en ses conclusions et le déclarant bien fondé, vu le rapport d’expertise précédemment déposé le 12 NOVEMBRE 2013 par Monsieur H Z sur les mêmes demandes et les mêmes causes auxquelles il n’est pas allégué que cet Expert n’ait pas répondu, vue 1'assignation introductive sur le fond à la requête de la société KILIC du 13 JUILLET 2013, vues les conclusions d‘incident a?n de désignation d’Expert à la requête de l’ACGMCM du 16 FEVRIER 20127, vus les articles 144 145 771 du CPC.

— En principal, dire n‘y avoir lieu à ordonner l’expertise judiciaire sollicitée,

o En tout état de cause, rejeter la demande d"expertise portant sur les couts et préjudices allégués par l’ACGMCM en raison de l‘allongement du temps pendant sept années depuis la suspension du chantier fin 2009,

— Subsidiairement, con?er le complément d’expertise à Monsieur H Z qui a une connaissance unique de la situation matérielle et de l’évolution éventuelle dommageable des ouvrages depuis son expertise clôturée le 13 NOVEMBRE 2013,

o Dire que cet Expert aura pour mission spécialement d’examiner les conditions de garde du chantier pendant les sept années écoulées, et de dire si les déformations des ouvrages – à les supposer avérées – trouvent leur origine dans un défaut d’entretien et de maintenance pendant les sept années écoulées.

Réserver les dépens.ྭ»

8

Aux termes de ses dernières conclusions sur incident signifiées par RPVA le 5 mai 2017, la MAF demande au juge de la mise en état de :

«ྭ• DIRE L’ACGMCM autant irrecevable que mal fondée en sa demande de désignation d’un expert judiciaire,

• LA DEBOUTER par voie de conséquence de sa demande d’expertise,

• CONDAMNER l’ACGCMC à 2 000 € au titre de l’article 700 du CPC,

• CONDAMNER l’ACGMCM aux dépens de l’incident.ྭ»

Les autres parties à l’instance régulièrement assignées n’ont pas constitué avocat. L’association des citoyens Nord-africains de Clichy-sous-Bois, l’association interculturelle de Clichy-sous-Bois et Monsieur L M N O ont été assignés suivant les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. La présente décision sera réputée contradictoire à l’égard de toutes les parties. Les autres parties non comparantes ont été assignées à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il sera renvoyé aux écritures sus mentionnées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Vu les débats du 15 mai 2017,

MOTIVATION

I.Sur la demande d’expertise

En application de l’article 771 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour ordonner, même d’office, une mesure d’instruction.

La demande d’expertise judiciaire formée dans une procédure au fond est soumise aux articles 143, 144 et 146 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 143 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible.

En application des articles 144 et 146 du même code, les mesures d’instruction peuvent être ordonnées dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer ou si une partie qui allègue un fait ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. Elles ne peuvent être toutefois ordonnées en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

Il en résulte que les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées et la carence du demandeur dans l’administration de la preuve qui leur incombe.

En l’espèce, l’ACGMCM produit deux rapports des 24 et 25 juin 2016 réalisés par la société QCS SERVICES à qui a été attribuée une mission de reconnaissance structurelle des voiles contre terre réalisées par la société KILIC BATIMENT et par la société GEOMEDIA à qui a été attribuée une étude géotechnique de type G5. Elle souligne que ces rapports concluent à des malfaçons et à la présence d’un remblai mou justifiant une démolition des constructions.

9

L’ACGMCM ajoute qu’il y a eu un abandon de chantier et qu’il en résulte un surcoût de la construction du bâtiment envisagé et que la mission confiée à l’expert doit intégrer cette évaluation.

Ainsi, l’ACGMCM entend voir un expert se prononcer sur les malfaçons et défauts des fondations, soit sur les mêmes questions posées à l’expert Monsieur Z dont la mission était libellée ainsi : «ྭvérifier si les désordres, non-finitions, malfaçons ou défauts de conformité allégués par les défendeurs dans leurs assignations existent. Dans l’affirmative, les décrire, en indiquer la date d’apparition, le siège et l’importance et en rechercher les causes, et dire s’ils compromettent la destination de l’ouvrage ou d’une partie de l’ouvrageྭ».

La mission de l’expert n’était pas uniquement de nature financière mais bien de nature technique.

L’expert a tenu compte du rapport de sol de la société SOL PROGRES, tout comme la société QCS SERVICES.

D’autre part, l’expert judiciaire s’est notamment prononcé sur l’opportunité de démolir l’ouvrage, la prise en compte de la poussée hydrostatique dans la construction des voiles de béton, la question de l’étanchéité de l’ouvrage et le coulage des fondations. Force est donc de constater que l’expertise a porté sur l’ensemble des fondations soit sur les points évoqués dans le cadre des nouveaux rapports présentés par l’ACGMCM.

Au surplus, il sera souligné que ne sont pas versées aux débats les conclusions en défense de l’ACGMCM lors de l’audience de référé expertise ni même les «ྭobservations destinées à «ྭMonsieur l’expertྭ»ྭ». Or, il ressort du rapport d’expertise et des termes de la mission d’expertise que ces documents ont permis de borner la mission de l’expert notamment au regard des désordres sur lesquels l’expertise a porté.

Enfin, il ne ressort pas de l’expertise que l’expert ait indiqué que d’autres analyses ou investigations soient utiles.

Ainsi, la demande d’expertise consiste à solliciter de l’expert qu’il revienne sur les conclusions du précédent rapport et s’analyse en réalité en une demande de contre expertise laquelle suppose pour être ordonnée un examen au fond des pièces et de la procédure.

Par conséquent, à ce stade de la procédure, la demande de mesure d’expertise n’apparaît pas justifiée. Il appartiendra au Tribunal statuant au fond d’apprécier s’il estime, au regard des éléments de preuve produits au débat, être insuffisamment éclairé compte tenu des demandes exposées et d’ordonner le cas échéant une nouvelle mesure d’expertise.

Le juge du fond n’étant pas lié par les conclusions du technicien, l’ACGMCM peut dans le cadre de la procédure au fond combattre l’analyse de l’expert en produisant au débat d’autres éléments de preuve de nature à étayer ses prétentions et moyens de défense.

De même, concernant la demande au sujet du préjudice financier due au renchérissement du coût des travaux, l’ACGMCM expose l’existence de ce préjudice en l’évaluant. Or, c’est cette évaluation qui serait demandée à l’expert alors que l’expertise n’est ordonnée que pour les faits dont dépend la solution du litige et pour une partie qui ne dispose pas d’assez d’éléments pour exposer le fait dont elle entend tirer conséquence.

10

Ainsi, la demande de mesure d’expertise judiciaire sera rejetée.

II.Sur la demande reconventionnelle

Aux termes de l’article 771 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour notamment accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 du même code.

En application du même article, si le principe de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, une provision peut être allouée.

L’article 1134 du code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l’espèce, il n’est pas contesté et il résulte de la lettre de commande qu’aux termes d’un premier ordre de service, la société KILIC devait réaliser les travaux d’installation du chantier, des travaux de fondation ainsi que les études techniques de l’ensemble du clos et couvert.

La mission confiée à l’expert Monsieur Z visait principalement à évaluer les travaux réalisés et donc ceux pour lesquels paiement est dû.

L’expert a estimé cette somme au montant de 554.724,91 euros HT compte tenu des travaux effectivement réalisés. Il a ajouté que le maître d’ouvrage lui-même avait évalué cette somme. Il en a déduit l’acompte à la commande ainsi que la situation n°1 payée, ce dont il résulte un reste à payer de 360.611,06 euros TTC.

Il a précisé : «ྭen dépit des observations techniques du maître d’ouvrage, examinées successivement, et au vu des propres évaluations de ce dernier, nous considérons qu’il lui reste devoir à la société KILIC la somme totale de 360.611,06 euros TTC justifiant si nécessaire, a posteriori, le caractère injustifié des non-paiements visés plus haut.ྭ».

A supposer que des malfaçons soient à déplorer, elles se résolvent non en une diminution du paiement de solde du marché mais en une allocation de dommages-intérêts laquelle relève d’une analyse approfondie et donc de l’office du juge du fond, le juge de la mise en état étant le juge de l’évidence. Il en va de même pour la question de l’abandon de chantier allégué par l’ACGMCM.

Compte tenu de ce qui précède, l’existence de l’obligation de l’ACGMCM ne fait l’objet d’aucune contestation sérieuse en son montant et en son principe.

Ainsi, l’ACGMCM sera condamnée à verser à la société KILIC la somme provisionnelle de 360.611,06 euros.

Demandes accessoires

Les dépens et les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront réservés.

11

Les condamnations au paiement d’une provision prononcées par le juge de la mise en état sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Rejetons la demande d’expertise sollicitée par l’ACGMCM,

Condamnons l’ACGMCM à verser à la SAS KILIC BATIMENT la somme provisionnelle de 360.611,06 euros,

Réservons les demandes formées au titre des frais irrépétibles,

Réservons les dépens,

Rappelons que la décision du juge de la mise en état condamnant une partie à verser une somme provisionnelle est exécutoire de plein droit à titre provisoire,

Rejetons le surplus des demandes,

Renvoyons à la mise en état du 2 octobre 2017 à 13 h 30 – porte 325 pour conclusions du défendeur avant le 31 juillet 2017 et conclusions du demandeur avant le 28 septembre 2017.

La minute a été signée par Madame X, Juge, et par Madame COPIN, Greffier

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

DU 01 JUIN 2017

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