Tribunal de grande instance de Metz, 21 juin 2018, n° 17/01297

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Sur la décision

Référence :
TGI Metz, 21 juin 2018, n° 17/01297
Juridiction : Tribunal de grande instance de Metz
Numéro(s) : 17/01297

Sur les parties

Texte intégral

Minute n° 2018/474

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE METZ

1 CHAMBRE CIVILEère

NE de RG : 17/01297

ABU/MB

JUGEMENT DU 21 JUIN 2018

I PARTIES

DEMANDEURS :

Monsieur A X, demeurant […]

Madame B C épouse X, demeurant […]

représentés par Maître Carole PIERRE, avocat postulant au barreau de METZ, vestiaire : B501 et par Maître Frédéric COSSERON, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER

DÉFENDEUR  :

Société CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis […]

[…]

représentée par Maître Frédéric RICHARD MAUPILLIER de la SCP VORMS-RICHARD-MAUPILLIER, avocat au barreau de METZ, vestiaire : C201

II COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président Assesseur : Aline BIRONNEAU, Vice-Président Assesseur : Gwenaële QUINET – CHANCHINO, Juge Greffier : Caroline LOMONT

Débats à l’audience du 12 Avril 2018 tenue publiquement.

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III PROCÉDURE

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé signé le 21 décembre 2010, la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE a accordé à Monsieur A X et Madame B C épouse X un prêt immobilier d’un montant total de 189 998,92€, se décomposant de la manière suivante :

- un prêt dit à 0% majoré, d’un montant total de 38 500€, avec une phase de préfinancement de 36 mois, suivie de 180 mensualités de 106,94€ puis de 72 mensualités de 267,36€, au TEG de 0,07%;

- un prêt dit PAS PRIMO OPTIONNEL, d’un montant total de 141498,92€, avec une phase de préfinancement de 36 mois suivie de 288 mensualités de 720,14€ chacune, au TEG de 3,50%.

Monsieur A X et Madame B C épouse X qui s’interrogeaient sur la régularité du calcul du TEG de leur prêt immobilier ont fait réaliser une expertise privée effectuée par D Z, expert judiciaire près la cour d’appel de Montpellier, lequel a conclu le 20 septembre 2014 que l’offre de prêt ne respectait pas les dispositions du code de la consommation.

Par acte d’huissier du 28 novembre 2014, Monsieur A X et Madame B C épouse X ont fait citer la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE devant la présente juridiction afin principalement, de faire substituer le taux d’intérêt contractuel par le taux d’intérêt légal depuis l’origine du prêt.

Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Selon les dispositions de l’article 753 alinéa 3 « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »

Vu l’ordonnance de radiation du 17 novembre 2015 rendue en raison du défaut de diligences des demandeurs ;

Vu les conclusions en reprise d’instance de Monsieur A X et Madame B C épouse X déposées au greffe le 5 mai 2017 et dans lesquelles ils demandent à la juridiction de céans, au visa des articles L 312-1 et suivants du Code de la Consommation et plus particulièrement des articles L 312-4, L 312-5, L 312-8, L 312-10, L 312-2, R 313-1, L 313-1, L 313-3 et L 312-33 du Code de la Consommation et de l’article 1907 du Code Civil, de:

- Réinscrire l’affaire au rôle;

- Déclarer la demande de Monsieur et Madame X recevable et bien fondée ;

- Dire et constater que l’offre de prêt consentie par la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne-Ardenne enfreint les dispositions légales ci-dessus visées ; En conséquence,

- Prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels ;

- En conséquence, condamner la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne-Ardenne au remboursement de l’excédent entre le taux appliqué effectivement à l’offre de prêt et le taux d’intérêt légal ;

- Fixer le taux applicable à hauteur du taux d’intérêt légal pour la période à courir à compter du jugement à intervenir;

- Condamner la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne-Ardenne au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-et intérêts pour manquement à ses obligations d’information, de loyauté et d’honnêteté ;

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- Condamner la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne-Ardenne au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la Caisse d’Épargne Lorraine Champagne-Ardenne aux entiers dépens;

- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les conclusions de la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE notifiées à la partie adverse le 12 février 2018 et dans lesquelles elle demande au tribunal, au visa des articles L311-33, L312-33, R313-1 du Code de la Consommation, de l’article 700 du Code de Procédure Civile, de:

- Dire et juger Monsieur A X et Madame B X irrecevables et, en tout état de cause, particulièrement mal fondés en leurs demandes, fins et prétentions à l’égard de la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE ; En conséquence,

- Débouter Monsieur A X et Madame B X de leurs demandes ;

- Condamner Monsieur A X et Madame B X à payer à la SA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner Monsieur A X et Madame B X aux entiers frais et dépens de la procédure.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 février 2018 qui a fixé l’affaire à l’audience du 12 avril 2018 en formation collégiale;

L’affaire a été appelée à l’audience de ce tribunal du 12 avril 2018 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 21 juin 2018 à 9 heures ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels

Les emprunteurs font grief au prêteur de ne pas avoir respecté les dispositions du code de la consommation en ce que le taux effectif global (TEG) mentionné dans l’offre de prêt ne respecterait pas les dispositions combinées des articles L. 312-4, L. 312-8, L.312-2, L. 313-1 et R.313-1 du code de la consommation en ce que:

- l’analyse mathématique effectuée par Monsieur Z établirait que la banque n’a pas respecté l’égalité entre les sommes prêtées et tous les versements dus par l’emprunteur et que le prêteur a fait usage de l’année lombarde de 360 jours pour calculer les intérêts ;

- des frais ont été omis du calcul du TEG à savoir l’assurance obligatoire, les frais de notaire et frais de garantie, les frais découlant de l’obligation de domiciliation bancaire, l’assurance incendie obligatoire ainsi que les frais afférents à la période de préfinancement.

A titre principal, les emprunteurs réclament l’annulation de la clause de stipulation des intérêts contractuels.

Le juge peut apprécier les moyens qui sont développés pour étayer la prétention sans être nullement tenu par leur ordre de présentation dès lors que les moyens ainsi présentés, même hiérarchisés, apparaissent recevables et tendent exactement et directement au même but.

Partant, il conviendra d’examiner la prétention tendant à l’annulation de la stipulation des intérêts contractuels du contrat de prêt en cause en ce que cette prétention est fondée sur la prohibition de l’année lombarde.

3



Certes, la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE fait valoir, à juste titre, que le rapport de Monsieur Z qui révèle le calcul des intérêts sur 360 jours n’a pas la valeur probante d’une expertise judiciaire.

Mais si le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties et donc dépourvue de caractère contradictoire, il ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire.

Par ailleurs, la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE admet elle-même qu’une clause contractuelle du contrat de prêt en litige stipule, en page 2/19 que « durant la phase d’amortissement les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû, au taux d’intérêt indiqué ci-dessus sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours ».

Enfin, l’offre de prêt en litige ayant été contractée pour financer la construction d’une maison individuelle, il y a lieu de faire application des dispositions des articles L. 312-1 et suivants du Code de la consommation dans leur version en vigueur à la date de la convention, textes qui sont au demeurant spécialement visés dans cette offre de prêt.

Contrairement à ce que soutient le prêteur de deniers, par application combinée des articles 1907 alinéa 2 du Code civil, des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du Code de la consommation dans leur version applicable au présent litige, pour des prêts immobiliers consentis comme en l’espèce à un consommateur ou à un non-professionnel, le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans la convention doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile.

Par conséquent, en considération de la nature du prêt, de la qualité des personnes auxquelles il a été octroyé et du caractère d’ordre public des dispositions du code de la consommation susvisées, les parties ne pouvaient convenir d’un taux conventionnel calculé sur 360 jours (année bancaire) au lieu de 365 ou 366 jours pour une année bissextile, ce qui est interdit en la matière de telle sorte que les parties ne sauraient déroger à la prohibition de l’année lombarde.

Le taux de l’intérêt conventionnel indiqué sur l’offre de prêt immobilier souscrite par Monsieur A X et Madame B C épouse X n’étant pas calculé sur une année civile, cela a pour conséquence de priver les emprunteurs de la possibilité de recevoir une information leur permettant de comprendre et de comparer les coûts qu’ils devront supporter alors qu’il ne leur appartenait pas de rechercher, en présence d’usages et de notions réservées aux professionnels du crédit, l’exacte portée des mentions litigieuses.

Il en résulte nécessairement que c’est la clause de stipulation de l’intérêt conventionnel qui est entachée de nullité, peu important le degré d’exactitude du taux effectif global dès lors qu’en présence de telles clauses, aucun taux d’intérêt n’a été valablement stipulé puisque l’emprunteur n’a pas été mis en mesure au moment de la conclusion du contrat d’évaluer le surcoût susceptible d’en résulter.

Il y a lieu de relever encore que la banque, qui est un professionnel et qui rédige le contrat d’adhésion qu’elle soumet à la signature de l’emprunteur, doit assurer une parfaite cohérence et transparence entre ce qu’elle écrit et ce qu’elle fait au sujet du calcul de l’intérêt conventionnel. Elle ne saurait donc se prévaloir du calcul qu’elle a appliqué à l’insu de l’emprunteur auquel elle fait signer le contrat qu’elle a émis, lui interdisant de connaître la réalité du calcul opéré avec ses conséquences sur le montant des intérêts exactement perçus par la banque.

Pour ces motifs, dès lors que la stipulation concernant le taux conventionnel vise une période de 360 jours et se trouve ainsi frappée de nullité, il importe peu que la banque soutienne l’absence de surcoût d’intérêts ou l’équivalence des calculs.

Etant fondée sur l’absence de consentement par les emprunteurs au coût global du prêt, il convient dès lors de faire droit à la demande de nullité de la stipulation d’intérêts.

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L’erreur qui affecte l’offre préalable d’un crédit immobilier soumis au code de la consommation, expose le prêteur à une déchéance du droit des intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Lorsque l’action des emprunteurs est fondée sur l’article 1907 du code civil (et donc sur le prêt lui-même), ce qui est l’objet de la demande en l’espèce, alors la sanction ne peut être que la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel depuis la signature du contrat, ce qui est réclamé par les demandeurs.

Le tribunal observe que dans leurs écritures, les époux X font référence uniquement au prêt accordé à hauteur de 141 498,92€, c’est-à-dire au prêt PAS PRIMO OPTIONNEL et par ailleurs, leur demande de substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel ne serait pas cohérente pour le prêt à taux zéro.

Il y a donc lieu d’ordonner la substitution, pour le prêt immobilier PAS PRIMO OPTIONNEL au taux conventionnel de 3,410%, du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation du prêt à savoir 0,65% en 2010 et ce, pour toute la durée du prêt, sans révision en fonction de l’évolution du taux légal.

La CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal sera condamnée à régler à Monsieur A X et Madame B C épouse X la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon le taux conventionnel du prêt et les intérêts au taux de 0,65% et ce, depuis l’acceptation du contrat.

Sur la demande en dommages et intérêts au titre de la responsabilité contractuelle
Monsieur A X et Madame B C épouse X demandent la condamnation de la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE à leur payer la somme de 10 000€ en raison de ses manquements s’agissant de son obligation de loyauté, d’information et d’honnêteté à l’égard de ses clients.

Mais force est de constater qu’ils ne motivent pas précisément cette demande, étant observé que le préjudice consécutif à l’utilisation par la banque d’une méthode de calcul basée sur 360 jours a déjà été réparé du fait de l’annulation des intérêts conventionnels.

Ils seront donc déboutés de cette demande.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

La CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal, qui succombe, sera condamnée à régler Monsieur A X et Madame B C épouse X la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, il y a lieu de débouter la CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal sera condamnée aux dépens.

La nature du présent litige ne justifie pas le prononcé de l’exécution provisoire.

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PAR CES MOTIFS

Le Tribunal de grande instance, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

Déclare nulle et de nul effet la clause de stipulation des intérêts conventionnels du prêt immobilier PAS PRIMO OPTIONNEL n°8750771 octroyé par la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE à Monsieur A X et Madame B C épouse X d’un montant total de 141498,92€ ;

Ordonne en conséquence la substitution, au taux conventionnel de 3,410% du taux légal en vigueur au jour de l’acceptation du prêt soit 0,65% et ce, pour toute la durée du prêt sans révision en fonction de l’évolution du taux légal ;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal à régler à Monsieur A X et Madame B C épouse X la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon le taux conventionnel du prêt et les intérêts au taux de 0,65% et ce, depuis l’acceptation du contrat ;

DEBOUTE Monsieur A X et Madame B C épouse X de leur demande au titre des dommages et intérêts résultant du manquement de la banque à son obligation d’information;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal à régler à Monsieur A X et Madame B C épouse X la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SA CAISSE D’EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE ARDENNE prise en la personne de son représentant légal aux dépens ;

DIT n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 JUIN 2018 par Monsieur Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, assisté de Madame Caroline LOMONT, Greffier.

Le Greffier Le Président

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