Tribunal de grande instance de Nanterre, 2e chambre, 22 octobre 2015, n° 12/07723

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Chronologie de l’affaire

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www.jonesday.com · 25 février 2016

Le 28 janvier dernier[1], le Président du Tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en référé, a accordé des dommages et intérêts au titre du préjudice d'anxiété à certaines victimes du Mediator dans trois jugements. Si le préjudice d'anxiété a déjà été reconnu par les juridictions françaises dans d'autres affaires, notamment pour les victimes de l'amiante, c'est la première fois qu'il est reconnu dans l'affaire du Mediator. Le scandale du Mediator Le scandale sanitaire lié au Mediator est apparu en France en 2007, suite à la révélation par le Docteur Irène Frachon de …

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 2e ch., 22 oct. 2015, n° 12/07723
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 12/07723

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE NANTERRE

[…]

2e Chambre

[…]

22 Octobre 2015

N° R.G. : 12/07723

N° Minute :

AFFAIRE

H Y, X

AB-AC épouse Y,

I Y,

J Y épouse Z,

K Y, L Y

C/

LES

LABORATOIRES SERVIER,

CPAM DE SEINE ET MARNE

Copies délivrées le :

DEMANDEURS

Monsieur H Y

[…]

[…]

Madame X AB-AC épouse Y

[…]

[…]

Monsieur I Y

[…]

[…]

Madame J Y épouse Z

[…]

[…]

Madame K Y

[…]

[…]

Monsieur L Y

[…]

[…]

représentés par Maître Charles T-U de la SELARL DANTE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0115

DEFENDERESSES

LES LABORATOIRES SERVIER SAS

[…]

[…]

représentée par Maître Nathalie CARRÈRE de l’Association PONS & CARRERE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : A0193

CPAM DE SEINE ET MARNE

[…]

[…]

représentée par Maître Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R295

L’affaire a été débattue le 10 Septembre 2015 en audience publique devant le tribunal composé de :

[…], Vice-présidente

Agnès COCHET-MARCADE, Vice-Présidente

M N, Juge

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Fabienne MOTTAIS, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision Contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mr H Y s’est vu prescrire du médiator® pendant plusieurs années.

En janvier 2009, souffrant de dyspnée, il a consulté son cardiologue qui a mis en évidence une insuffisance mitrale.

Suite à l’aggravation de sa symptomatologie, Mr Y a été opéré le 24 février 2011, l’intervention ayant consisté au remplacement valvulaire mitral à l’aide d’une prothèse mécanique.

Par ordonnance de référé rendue le 9 février 2011 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, une expertise judiciaire a été confiée au docteurs O C, P Q et R D, et le 8 mai 2012, les experts ont remis leur rapport définitif.

Par actes des 3 et 5 juillet 2012, Mr H Y et ses proches, Mme X AB-AC épouse Y, Mr I Y, Mme J Y épouse Z, Mme K Y et Mr L Y ont fait assigner les Laboratoires Servier et la Caisse primaire d’assurances maladie, ci-après CPAM, de Seine et Marne en responsabilité pour faute des laboratoires Servier et en indemnisation de leurs préjudices.

Dans leurs conclusions signifiées par voie électronique le 8 mars 2013, les consorts Y ont modifié le fondement juridique de leurs demandes, recherchant la responsabilité des Laboratoires Servier non plus sur le fondement de l’article 1382 du code civil, mais des articles 1386-1 et suivants du même code.

Le juge de la mise en état, par ordonnance rendue le 23 avril 2013, a rejeté la demande de sursis à statuer de la société les laboratoires Servier et a condamné celle-ci à payer aux demandeurs une provision pour le procès de 27.285 euros ainsi qu’une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures récapitulatives signifiées par RPVA le 29 juin, puis le 7 juillet 2015, Mr H Y et ses proches demandent au tribunal, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, de juger que le médiator® est un produit défectueux engageant la responsabilité des laboratoires Servier et que la pathologie cardiaque de Mr H Y est en lien de causalité avec son exposition au médiator® .

Ils demandent que le préjudice de Mr H Y soit fixé comme suit:

Total du préjudice

Indemnité à la charge du tiers

Créance victime

Créance tiers payeur

[…]

Dépenses de santé actuelles

34.418 euros

34.418 euros

— 

34.418 euros

Tierce personne

7.314 euros

7.314 euros

7.314 euros

— 

[…]

Dépenses de santé futures

17.026 euros

17.026 euros

9.120 euros

7.906 euros

Tierce personne future

55.704 euros

55.704 euros

55.704 euros

— 

[…]

DFT

12.850 euros

12.850 euros

12.850 euros

— 

Souffrances

40.000 euros

40.000 euros

40.000 euros

— 

Préjudice esthétique

25.000 euros

25.000 euros

25.000 euros

— 

[…]

DFP

300.000 euros

300.000 euros

300.000 euros

— 

Préj.esthétique permanent

30.000 euros

30.000 euros

30.000 euros

— 

Préj. d’agrément

80.000 euros

80.000 euros

80.000 euros

— 

Préj. sexuel

8.000 euros

8.000 euros

8.000 euros

— 

Préj. établissement

35.000 euros

35.000 euros

35.000 euros

— 

Préj. spécifique

200.000 euros

200.000 euros

200.000 euros

— 

TOTAL

845.312 euros

845.312 euros

802.988 euros

42.324 euros

Ils sollicitent par conséquent la condamnation des Laboratoires Servier à verser, à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes assorties des intérêts de droit par année entière à compter de l’assignation en référé:

—  802.988 euros à Mr H Y

—  25.000 euros à son épouse, Mme X Y

—  20.000 euros, chacun, à Mr I Y, Mme J Y épouse Z, Mr L Y

—  28.600 euros à Mme S Y

Ils demandent, en outre, que le jugement à intervenir soit déclaré opposable à la CPAM de Seine et Marne et sollicitent la condamnation des Laboratoires Servier à payer à Mr H Y la somme de 32.740 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris ceux de la procédure de référé et les frais d’expertise, avec distraction au profit de Me T U. Ils demandent enfin que la décision à intervenir soit assortie en totalité de l’exécution provisoire.

Au soutien de leurs demandes, ils exposent que depuis une étude réalisée par son laboratoire anglais en date du 8 septembre 1993, les Laboratoires Servier savent que le Médiator se métabolise en norfenfluramine, ce qui a été confirmé par une étude italienne en mai 1999, et que plusieurs études ont montré que malgré des posologies différentes, les effets cardio-toxiques liés à la présence de norfenfluramine étaient les mêmes pour le benfluorex et les autres fenfluramines commercialisées par les Laboratoires Servier, en l’occurence l’ Isoméride et le Pondéral.

Ils affirment qu’ aujourd’hui établie, la cardiotoxicité de la norfenfluramine a été suspectée dès 1995, cette suspiscion ayant justifié le retrait de l’Isoméride et du Pondéral du marché mondial le 15 septembre 1997, et a été confirmée dans la littérature médicale en 2000 (Fitzgerald LW et al. Mol Pharmacol 2000), puis en 2005 et 2007 (Setola et al, Mol Pharmacol 2005; Roth BL, N Engl J Med 2007). Ils indiquent que c’est la présence de norfenfluramine qui a justifié la mise sous surveillance du Médiator par l’AFSSAPS et par plusieurs autorités de santé européennes; qu’à partir de 1998, le Médiator a été retiré du marché dans plusieurs pays européens (Suisse, Espagne en 2003), mais que ce n’est qu’en 2009 qu’il a été retiré du marché français suite à la décision de l’AFSSAPS de suspendre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des spécialités contenant du benfluorex et à ordonner leur retrait à compter du 30 novembre 2009, cette décision de l’AFSSAPS étant suivie de celle prise le 14 juin 2010 par la commission de l’Union européenne. Ils affirment que le caractère défectueux du Médiator a, depuis, été acté par le législateur français qui a institué le fonds d’indemnisation des victimes du benfluorex et que les Laboratoires Servier, en acceptant de payer les indemnités fixées par le collège de l’Oniam, ont reconnu leur responsabilité.

Soutenant qu’il n’est pas dans l’intérêt d’une bonne justice de retarder la solution du litige, les consorts Y s’opposent, tout d’abord, à la demande de sursis à statuer et ils soutiennent, ensuite, que les conditions de la responsabilité des Laboratoires Servier sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil sont réunies, à savoir l’existence d’un produit défectueux, d’un dommage et du lien de causalité entre la prise du produit et le dommage. En effet, ils font valoir que malgré la connaissance par les Laboratoires Servier du risque d’effets indésirables graves et identifiés depuis 1999, Mr Y n’a pas été informé de l’existence du risque de valvulopathie qui ne figurait pas sur la notice d’utilisation du Médiator pendant tout le temps où il a pris ce médicament, soit du 23 juin 2003 jusqu’en novembre 2009 et que les Laboratoires Servier ne peuvent prétendre avoir ignoré l’existence de ce risque compte-tenu de l’état des connaissances scientifiques de l’époque . Ils indiquent que le lien de causalité entre le défaut du Médiator et le dommage de Mr Y est établi dès lors que les experts judiciaires, tout en excluant l’existence d’un état antérieur, ont conclu que la pathologie de Mr Y était pour moitié imputable à la prise de benfluorex et pour moitié à la pré-existence d’une valvulopathie rhumatismale asymptomatique et ils considèrent que contrairement aux conclusions des mêmes experts, il doit être retenu que le Médiator est la seule cause de la valvulopathie de Mr Y et de l’intervention de remplacement valvulaire. Ils demandent donc que leurs préjudices soient intégralement indemnisés et que les indemnisations soient fixées en considération du comportement fautif des Laboratoires Servier et de leurs importants moyens financiers.

Dans ses dernières écritures signifiées par RPVA le 6 juillet 2015, la société Les Laboratoires Servier conclut in limine litis aux fins de voir, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’issue des procédures pénales.

Subsidiairement au fond, elle demande au tribunal de juger que les consorts Y ne rapportent pas la preuve que la valvulopathie mitrale présentée par Mr Y est exclusivement imputable au Médiator, que la preuve du caractère défectueux du produit n’est pas rapportée et que, faisant application des dispositions de l’article 1386-1-4° du code civil, l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit n’a pas permis de déceler l’existence d’un défaut.

Les conditions de mise en jeu de sa responsabilité n’étant pas réunies, elle conclut au débouté des consorts Y de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et à la condamnation de ceux-ci-ci aux entiers dépens. Subsidiairement, Mr Y ne rapportant pas la preuve que le traitement incriminé a été la cause exclusive de son dommage que les experts ne lui imputent que pour moitié, elle sollicite que les préjudices soient évalués conformément aux évaluations du collège d’experts.

Enfin, elle sollicite que les consorts Y soient déboutés de leurs demandes plus amples ou contraires, que la CPAM soit déboutée de l’ensemble de ses demandes ou que ces demandes soient réduites de moitié, et qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.

En défense, la société Les Laboratoires Servier expose que l’appréciation du caractère défectueux du Médiator procède d’un débat complexe qui fait actuellement l’objet de multiples investigations dans le cadre de procédures pénales en cours ce qui justifie que le tribunal ordonne un sursis à statuer tant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que pour permettre un débat contradictoire sur l’ensemble des éléments qui sont couverts par le secret de l’instruction.

Au fond, elle soutient qu’aucun argument pertinent ne pouvant être opposé aux conclusions des experts judiciaires, il doit être retenu que la pathologie mitrale de Mr Y ayant conduit au remplacement valvulaire est imputable pour moitié à son état antérieur et, pour moitié seulement, au Médiator.

Par ailleurs, elle fait valoir que la défectuosité du Médiator pendant la période du traitement de Mr Y n’est pas démontrée. Rappelant que pour caractériser l’existence d’un défaut, il doit être tenu compte de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation, la société Les Laboratoires Servier affirme que même dans l’hypothèse d’un lien de causalité démontré entre la prise d’un médicament et la survenance d’un effet indésirable, le producteur doit être mis hors de cause dès lors qu’à la date de la prise du médicament, l’information fournie sur le risque reflétait de manière suffisante les données acquises de la science; qu’en l’espèce, les autorités de santé ont considéré jusqu’à fin 2009 que les connaissances scientifiques ne permettaient pas de considérer que le rapport bénéfice-risque était défavorable tandis que le faible nombre de cas rapportés n’a pas permis la mise en évidence d’un signal significatif justifiant le retrait du Médiator, ou la modification des informations à destination des professionnels de santé ou du public, avant les données receuillies dans le courant de l’année 2009. Contestant l’argumentaire inspiré du rapport de l’IGAS, dont elle critique le caractère non contradictoire et manifestement orienté, la société Les Laboratoires Servier indique que si le benfluorex (Médiator®) et la dexfenfluramine (Isoméride®) présentent une parenté chimique et un métabolite commun qu’est la norfenfluramine, leurs effets sont différents ainsi que le démontrent les travaux de différents experts dont ceux du professeur Tassin. Affirmant que la présence de norfenfluramine en tant que métabolite du benfluorex était connue avant la demande d’AMM du Médiator et n’a jamais été dissimulée, elle indique que le rôle de la norfenfluramine dans la survenue des valvulopathies n’a pas été identifié dès 1995, mais beaucoup plus tard, d’abord comme une hypothèse, au début des années 2000. Elle précise avoir cessé la commercialisation du médicament dans d’autres pays européens pour des raisons économiques et non en raison de l’implication possible de la norfenfluramine dans les valvulopathies.

Elle affirme donc qu’avant 2009, compte-tenu du faible nombre de cas rapportés de valvulopathies et d’HTAP sous benfluorex ainsi que de la position des autorités de santé et de la communauté scientifique, le Médiator ne peut être considéré comme un produit défectueux au sens de l’article 1386-1 du code civil et qu’en tout état de cause, elle doit être exonérée de sa responsabilité dans la mesure où l’éventuel défaut du Médiator n’a pu être identifié que postérieurement à sa mise en circulation et concommittament à son retrait par les autorités de santé.

Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 5 juin 2015, la CPAM de Seine et Marne demande au tribunal, sur le fondement de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale, de condamner la société Les Laboratoires Servier à lui verser:

. la somme de 34.417,43 euros au titre des débours déjà versés par la Caisse, toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement,

. la somme de 7.906,97 euros au titre des frais futurs, avec intérêt de droit à compter de leur engagement ou du jugement à intervenir si le tiers opte pour un versement en capital,

. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de prcédure civile,

. la somme de 1.037 euros au titre de l’indemnité forfaitaire prévue à l’alinéa 9 de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

Outre le prononcé de l’exécution provisoire de la décision à intervenir, elle demande la condamnation des Laboratoires Servier en tous les dépens dont distraction au profit de la Selarl Bossu et associés, avocats, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la caisse fait valoir qu’étant soumise aux règles de la comptabilité publique sous contrôle de la Cour des comptes, l’attestation établie par son agent comptable ne peut être contestée, de même que ne peut être contestée l’attestation d’imputabilité établie par le médecin conseil, celui-ci n’étant pas salarié de la caisse.

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera expressément renvoyé aux conclusions des parties en date du 29 juin 2015, du 6 juillet 2015 et du 5 juin 2015 pour plus ample exposé des motifs.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 juillet 2015.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

Il résulte de l’article 4 du Code de procédure pénale que si la règle selon laquelle 'le criminel tient le civil en l’état" s’impose lorsque l’action civile est exercée en réparation du dommage causé par une infraction pénale, en revanche la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, l’action engagée contre les Laboratoires Servier par les consorts Y sur le fondement des articles 1386-1 du Code civil et suivants n’est pas exercée en réparation du dommage causé par une ou des infractions faisant l’objet des instances pénales en cours de sorte qu’un sursis à statuer ne s’impose pas.

Par ailleurs, la responsabilité du fait du défaut des produits est une responsabilité objective qui n’impose pas de démontrer l’existence d’une faute, le producteur pouvant toutefois s’exonérer dans des conditions limitativement énumérées par l’article 1386-1 du code civil, et notamment dans le cas prévu au 4°, s’il prouve “que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut”.

Or, il apparaît qu’en l’espèce, une expertise judiciaire civile a été réalisée de façon contradictoire, les questions posées à l’expert portant notamment sur les rapprochements signalés dans la littérature médicale et les éléments contenus dans la notice d’utilisation du médicament ; que les parties ont, tant pendant les opérations d’expertise que durant la procédure, échangé de nombreux documents scientifiques et médicaux, qui ont fait l’objet d’une discussion contradictoire, portant précisément sur l’état des connaissances quant aux effets secondaires du médicament et sur la question de la défectuosité du Médiator.

Par ailleurs, la société Les Laboratoires Servier ne peut soutenir qu’elle est privée d’un procès équitable au motif général de son empêchement à produire les éléments couverts par le secret de l’instruction sans préciser quels sont, parmi ces éléments, ceux qu’elle entend invoquer pour sa défense dans le cadre de l’instance civile laquelle est distincte, par son fondement et son objet, des procédures pénales en cours. Au vu des explications fournies et des pièces communiquées par la société défenderesse tout au long de la procédure, tant qu’auprès des experts qu’auprès du tribunal, notamment pour contester le défaut de l’information ou pour invoquer les causes d’exonération, il convient de constater que la société Les Laboratoires Servier, laquelle n’a jamais fait état de son impossibilité à produire un élément en particulier, a été en mesure de faire valoir les moyens qui étaient nécessaires à sa défense dans le cadre de la procédure civile.

Dès lors qu’il n’apparaît pas établi que les éléments dont dispose le tribunal seraient insuffisants pour statuer au fond, ni que la société Les Laboratoires Servier aurait été privée d’un procès équitable, il n’est pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l’attente des décisions pénales ou de la levée du secret de l’instruction et la demande de la société défenderesse sera rejetée sur ce chef.

Sur la responsabilité

Pour mettre en jeu la responsabilité du producteur d’un médicament sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut du médicament et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, ce qui implique de démontrer au préalable l’administration du médicament et la participation du médicament dans la survenance du dommage.

Eu égard à la difficulté d’établir scientifiquement un lien de causalité, il est admis que la preuve de cette causalité peut être administrée par la réunion de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes à condition d’une part, que le fait invoqué puisse au regard des données acquises de la science être matériellement une cause génératrice du dommage, d’autre part qu’il soit hautement probable que ce facteur a été à l’origine du dommage et enfin, que les autres causes possibles du dommage aient pu être circonscrites et exclues.

En l’espèce, la réalité du traitement par Médiator n’est pas contestée, les experts indiquant que Mr Y a été traité par Médiator 150 mg à raison de 3 comprimés par jour du 23 juin 2003 au 30 novembre 2009, ce qui est attesté par la liste de délivrance de la pharmacie.

Il ressort du rapport du docteur C et des professeurs Q et D, qui ont pu consulter l’entier dossier médical du demandeur, que l’insuffisance mitrale de Mr Y a été découverte par son cardiologue en janvier 2009, alors qu’il ne souffrait auparavant d’ucune pathologie cardiaque; que l’échographie cardiaque transthoracique et transoesophagienne réalisée lors de son hospitalisation du 26 au 29 janvier 2009 au centre cardiologique du Nord de Saint-Denis a notamment objectivé une insuffisance mitrale moyenne de grade 3/4 et un rétrécissement mitral; que suite à l’aggravation de sa symptomatologie, Mr Y a été opéré le 24 février 2011, l’intervention consistant au remplacement valvulaire mitral à l’aide d’une prothèse mécanique et à la résection de l’aorte descendante.

Les experts concluent que la pathologie dont se plaint aujourd’hui Mr Y est l’apparition d’une insuffisance mitrale avec insuffisance cardiaque ayant nécessité une intervention chirurgicale; que compte-tenu de l’analyse anathomopathologique de la valve mitrale qui a été prélevée et récupérée lors de l’intervention du 24 février 2011, ces troubles sont pour moitié d’origine médicamenteuse toxique et pour l’autre moitié, imputables à la pré-existence d’une valvulopathie rhumatismale asymptomatique, c’est à dire d’une réaction immunologique atteignant la valve mitrale dans les suites d’une scarlatine et/ou d’une autre infection streptococcique (angine notamment) ancienne.

En réponse aux dires des parties, les experts indiquent que la dilatation aortique dégénérative et la bicuspidie aortique n’ont pas de lien avec la maladie mitrale et ils confirment que Mr Y présentait une maladie mitrale, d’une part d’origine rhumatismale et d’autre part en rapport avec la prise prolongée de benfluorex, précisant que l’absence de dilatation de l’oreillette gauche suggère une aggravation rapide liée au Médiator plutôt qu’à l’évolution naturelle d’une valvulopathie mitrale rhumatismale.

Ils concluent néanmoins que la maladie mitrale de Mr Y ayant conduit au remplacement valvulaire est en partie imputable, de façon certaine et directe, à la prise de Médiator mais aussi à la préexistence d’une valvulopathie rhumatismale et, malgré la contestation de Mr Y sur le partage de responsabilité, retiennent que le lien de causalité doit être partagé à parts égales entre d’une part l’exposition au benfluorex et d’autre part la valvulopathie rhumatismale.

Compte-tenu des constatations anatomopathologiques précises et caractérisées et l’avis du docteur D ainsi que des conclusions des trois experts fondées à la fois sur la relation établie dans la littérature médicale entre le benfluorex et les valvulopathies d’origine toxique et sur l’analyse du cas particulier de Mr Y, il existe des présomptions précises, graves et concordantes de la présence d’un lien direct et certain, bien que partiel, entre la prise de Médiator pendant plusieurs années par Mr Y et sa pathologie mitrale ayant nécessité un remplacement valvulaire.

Dans la mesure où les experts ont mis en évidence l’existence de lésions plus anciennes d’origine rhumatismale auxquelles ils attribuent pour moitié la survenance de la pathologie mitrale et que leurs conclusions sont étayées par une analyse complète et détaillée qui n’est pas contrariée de façon solide par les arguments en faveur d’une imputabilité exclusive au Médiator, il est justifié de retenir que l’exposition de Mr Y au benfluorex est, pour moitié, à l’origine de son dommage.

Sur le défaut du médicament

Selon l’article 1386-4 du Code civil, un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte-tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Il revient donc à Mr Y d’établir qu’au moment où il lui a été administré, le Médiator présentait un défaut de nature à présenter un danger pour les personnes et de démontrer, qu’au regard des données scientifiques de l’époque et du rapport bénéfice-risque qui en était attendu, ce médicament n’offrait pas la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s’attendre compte-tenu notamment de l’information figurant sur la notice d’accompagnement.

Le Médiator, qui a été commercialisé en France par les Laboratoires Servier à partir de 1976, a fait l’objet d’une décision de suspension d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en novembre 2009, puis de retrait en juin 2010 en raison de sa toxicité cardio-vasculaire caractérisée par un risque d’hypertension artério-pulmonaire (HTAP) et de valvulopathies, la démonstration étant aujourd’hui faite que cette toxicité est liée à la présence de norfenfluramine qui l’un des principaux métabolites du benfluorex.

Dans leur rapport, les experts judiciaires indiquent que le principe actif du Médiator est le benfluorex , le suffixe « orex » étant le segment-clé retenu par l’Organisation mondiale de la Santé pour désigner les agents anorexigènes. Ils précisent que le benfluorex appartient à la famille des fenfluramines et que comme la dl fenfluramine (Pondéral) et la d-fenfluramine (Isoméride), il est un précurseur de DL-norfenfluramine et ils indiquent que les études de pharmacocinétique ont bien démontré, qu’à l’état d’équilibre et aux doses thérapeutiques, les trois molécules exposaient le patient de manière similaire au métabolite actif, le DL norfenfluramine. Ils précisent que la littérature médicale est assez riche en ce qui concerne le rapprochement entre les effets des dérivés dl fenfluramine et d-fenfluramine et l’apparition d’une HTAP.

Il ressort en effet des pièces versées au débat que le benfluorex est pharmacologiquement associé à la famille des fenfluramines et que malgré les propriétés anorexigènes des fenfluramines, seules les propriétés sur les métabolismes glucidiques et lipidiques ont fait l’objet de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du Médiator. Les laboratoires Servier ont par ailleurs commercialisé en France comme anorexigènes deux autres médicaments de la famille des fenfluramines, le Pondéral (fenfluramine) en 1966 et l’Isoméride (dexfenfluramine) en 1985.

A partir des années 1980, les fenfluramines ont été progressivement suspectées dans l’apparition de cas d’HTAP et de valvulopathies cardiaques et en 1995, l’étude pharmaco-épidémiologique internationale IPPHS a conclu à l’existence d’un risque d’HTAP lié à l’usage des anorexigènes en général et des fenfluramines en particulier, ce qui a amené la Direction générale de la santé à interdire l’ensemble des anorexigènes, y compris le benfluorex, dans l’exécution et la délivrance des préparations magistrales, étant précisé que le benfluorex n’a pas été concerné par les restrictions d’indications émises en 1994 et 1995 par la Commission nationale de pharmacovigilance.

La mise en évidence des effets indésirables graves à type d’HTAP puis de valvulopathies a conduit l’Agence du médicament à suspendre, le 15 septembre 1997, l’AMM de la dexfenfluramine (Isoméride) et de la fenfluramine (Pondéral).

S’agissant du benfluorex, une étude interne des laboratoires Servier portant sur l’analyse des différents métabolites du Médiator (Pharmacokinetics of the metabolites of benfluorex- 8 septembre 1993 ) a mis en évidence la présence de norfenfluramine, ce qui, selon les Laboratoires Servier, était une information disponible et connue antérieurement à la demande d’AMM du Médiator.

Or la cardiotoxicité de la norfenfluramine était fortement suspectée dès 1995 sans que les mécanismes de la norfenfluramine sur les valves cardiaques ne soient explicités. L’étude publiée par V W et coll. en 2000 a démontré le mécanisme d’implication de la fenfluramine et de son principal métabolite, la norfenfluramine, dans l’apparition de valvulopathies cardiaques.

Il ressort des éléments produits au débat que c’est en raison de sa parenté chimique avec les fenfluramines et de la présence de norfenfluramine, métabolite commun aux fenfluramines, que dès 1995, puis officiellement en 1997 , le benfluorex a fait l’objet d’une enquête de pharmacovigilance confiée au CRPV de Besançon. S’il est exact que jusqu’à la réévaluation du benfluorex par l’AFFSAPS , la Commission nationale de pharmacovigilance (CNPV) a estimé que le nombre de cas d’HTAP et de valvulopathies rapportés par cette enquête de pharmacovigilance n’était pas suffisant pour constituer un signal significatif de toxicité du Médiator, néanmoins le rapport de l’IGAS, qui pointe les graves défaillances du système de pharmacovigilance, conclut que les éléments recueillis par les autorités de santé entre 1995 et 2005 auraient dû conduire à une évaluation défavorable de la balance bénéfice-risque du Médiator, notamment les rapports italiens très documentés sur la toxicité de la norfenfluramine, le signalement le 3 octobre 2003 d’un cas de valvulopathie cardiaque par l’agence du médicament espagnole, et les cas signalés en France: alerte de trois médecins conseil nationaux de l’assurance maladie entre 1997 et 1998, la notification au CRPV de Marseille le 10 février 1999 d’un cas de valvulopathie aortique et un cas d’HTAP notifié en juin 1999.

Il ressort du compte-rendu établi en octobre 2009 qu’après examen des résultats réactualisés de l’enquête du CRPV de Besançon, la CNPV a maintenu sa position et que finalement, après avoir procédé à l’examen de nouvelles données, notamment les résultats de l’étude du CHU de Brest et de l’étude Regulate réalisée par les Laboratoires Servier, ces résultats étant confirmés par une troisième étude menée par la CNAMTS, et avoir réévalué défavorablement la balance bénéfice-risque, l’AFSSAPS a décidé de suspendre l’AMM des spécialités contenant du benfluorex, visant ainsi explicitement le Médiator, et à les retirer du marché à compter du 30 novembre 2009.

Au vu de l’ensemble des éléments, il est établi que le benfluorex fait partie de la famille des fenfluramines et que comme les autres fenfluramines ou dérivés de fenfluramine commercialisés par les Laboratoires Servier (Isoméride, Pondéral), il se métabolise en norfenfluramine. Par ailleurs, il ressort des études et publications scientifiques qu’au moins depuis 1995, la norfenfluramine est suspectée d’être responsable des risques cardio-vasculaires liés à l’usage des fenfluramines, ce qui a été confirmé par l’étude W de 2000 qui a démontré le mécanisme d’implication de la fenfluramine et de son principal métabolite, la norfenfluramine, dans l’apparition de valvulopathies cardiaques.

S’il est exact que jusqu’à la veille du retrait du Médiator, les autorités de santé ont considéré que le benfluorex ne présentait pas de risque cardiotoxique compte-tenu du faible nombre de cas d’HTAP et de valvulopathies associés à l’usage de benfluorex, néanmoins la parenté chimique du benfluorex avec les autres fenfluramines commercialisées par les Laboratoires Servier, les publications scientifiques sur la toxicité de la norfenfluramine, dont la présence en tant que métabolite du benfluorex était connue au moins depuis 1993, le signalement des cas d’HTAP et de valvulopathie associés au benfluorex, même s’ils étaient peu nombreux, auraient du conduire ces autorités de santé à reconsidérer la balance bénéfice-risque du benfluorex dans un sens défavorable ou au moins, à s’assurer que les risques cardiotoxiques liés à la norfenfluramine étaient mentionnés dans l’information destinée aux professionnels de la santé et aux patients, en particulier qu’il figuraient sur la notice d’utilisation du Médiator. Or jusqu’en 2009, date du retrait tardif du Médiator , les informations sur les effets indésirables et les précautions d’emploi du Médiator ne faisaient pas mention des risques d’apparition d’une HTAP et d’une valvulopathie.

Il est donc démontré qu’entre 2003 et 2009, période pendant laquelle il a été administré à Mr Y, le Médiator présentait un défaut en ce que ses effets cardio-toxiques liés à la présence de norfenfluramine étaient avérés et en ce que, au regard des données scientifiques de l’époque et du rapport bénéfice-risque qui en était attendu, ce médicament n’offrait pas la sécurité à laquelle il pouvait légitimement s’attendre compte-tenu notamment de l’absence d’information figurant sur la notice d’utilisation quant au risque d’HTAP et de valvulopathie. En effet, les experts jufidiciaires ont conclu que durant la période d’exposition de Mr Y au Médiator, les informations n’étaient ni complètes, ni précises, ni circonstanciées en ce qui concerne le risque d’apparition d’une HTAP ou d’une valvulopathie.

La pathologie mitrale ayant nécessité un remplacement valvulaire étant, en partie, en lien direct et certain avec les effets cardio-toxiques du Médiator, il s’ensuit que le rapport de causalité entre le dommage de Mr Y et le défaut du médicament est établi, ce défaut étant responsable de 50% du dommage.

Compte-tenu des développements précédents, il apparait que les Laboratoires Servier ne peuvent invoquer un risque de développement pour s’exonérer de leur responsabilité; qu’en effet, malgré les divergences au sein de la communauté scientifique et la discordance des résultats de certaines études, notamment celles diligentées à la demande des Laboratoires Servier, il apparait que la publication des études internationales qui ont progressivement mis en évidence les effets toxiques du benfluorex et la confirmation de ces études par le signalement de cas d’HTAP et de valvulopathies associés à l’usage du benfluorex , initialement peu nombreux mais en constante augmentation ensuite, permettent de considérer qu’entre 2003 et 2009, période pendant laquelle le Médiator a été administré à Mr Y, l’état des connaissances scientifiques ne permettait pas d’ignorer les risques d’HTAP et de valvulopathies induits par le benfluorex et qu’en tout état de cause, dans la mesure où elle était sérieusement documentée, la seule suspicion de ces risques obligeait le laboratoire producteur à en informer les patients et les professionnels de santé, notamment en les mentionnant dans la notice d’utilisation du médicament.

Par conséquent, la responsabilité de la société Les laboratoires Servier est engagée vis à vis de Mr Y et de ses proches, victimes par ricochet, en application des articles 1386-1 et suivants du code civil et elle sera tenue à les indemniser en proportion du lien de causalité établi avec le Médiator, soit à hauteur de 50% des préjudices subis.

Sur les préjudices de Mr H Y

Les conclusions du collège d’experts sur l’évaluation du dommage de Mr Y résultant de sa pathologie mitrale ayant nécessité un remplacement valvulaire sont les suivantes :

— Déficit fonctionnel temporaire total du 26 au 29 janvier 2009, du 24 février au 8 mars 2011 et du 8 au 26 mars 2011.

— Déficit fonctionnel partiel de 50% du 26 mars au 30 août 2011

— Déficit fonctionnel partiel de 10% du 1er septembre 2011 à la consolidation.

— Date de consolidation fixée au 11 janvier 2012, jour du second accédit.

— Souffrances endurées : 3/7

— Troubles sexuels invoqués par le patient.

— Préjudice d’agrément pour les activités de vélo et de football.

— Frais futurs : un examen cardiologique annuel par échographie, dosage biologique de la coagulation bimensuel, prise d’anticoagulants, prise d’antibiotiques à la moindre infection.

— Les experts indiquent que Mr Y ne présente pas de séquelle cardiologique à l’exception d’une valve mécanique mitrale fonctionnant correctement et l’assujettissement aux anti-coagulants ; qu’il présente par contre un stress post-traumatique évalué à 10%.

Au vu de ces conclusions et de l’ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Mr H Y, âgé de 68 ans et retraité au moment de la consolidation de son état, sera fixé ainsi que suit étant rappelé que la société les Laboratoires Servier sera tenue à réparation de la moitié de ce préjudice.

Il est fait observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d’application immédiate le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

[…]

Dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation exposés jusqu’à la consolidation tant par les organismes sociaux que par la victime.

Au vu du décompte définitif actualisé au 13 septembre 2012, la créance de la CPAM de Seine au titre et Marne au titre des débours déjà versés s’élève à la somme totale de 34.417,43 euros se décomposant en:

— Frais d’hospitalisation:

—  1.516,80 euros (du 26 au 29 janvier 2009)

—  16.550,17 euros (du 22 février au 8 mars 2011)

—  2.796,93 euros (du 8 au 18 mars 2011)

—  1.489,62 euros (du 20 au 25 mars 2011)

— Frais médicaux et pharmaceutiques : 10.383,04 euros

— Frais de transport: 289,11 euros

— Divers: 1.391,77 euros

Il est versé une attestation d’imputabilité rédigée par le docteur E, médecin conseil indépendant de la caisse, qui certifie avoir vérifié que l’ensemble de ces prestations étaient imputables au traitement de la pathologie mitrale et au remplacement valvulaire ainsi qu’aux suites de l’intervention.

Compte-tenu du décompte détaillé qui est fourni par la caisse et de l’attestation d’imputabilité précise et motivée du médecin conseil, il est justifié que la créance de l’organisme social au titre des dépenses de santé actuelles s’élève à la somme de 34.417,43 euros et en application du partage de responsabilité, la société Les Laboratoires Servier devra donc rembourser à la CPAM de Seine et Marne la somme arrondie à 17.209 euros, sous réserve des prestations non connues à ce jour et de celles qui pourraient être versées ultérieurement.

La société Les Laboratoires Servier devra également verser à la CPAM de Seine et Marne la somme de 518,50 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion en application de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale.

Mr Y ne réclame aucune somme à ce titre de préjudice.

Tierce personne temporaire

Mr Y expose qu’en raison d’un essoufflement très important lié à sa pathologie, il a du se faire aider pour les actes de la vie courante et en l’absence d’évaluation de ses besoins en tierce personne dans l’expertise judiciaire, il demande à être indemnisé de ce poste de préjudice sur la base de l’expertise réalisée à sa demande par le docteur F, à raison de 318 heures au coût horaire de 23,03 euros.

Dans la mesure où l’expertise du docteur F est unilatérale et qu’elle ne s’est pas déroulée de façon contradictoire, elle ne constitue pas un élément suffisant pour justifier des besoins en tierce personne qui n’ont pas été retenus par les experts judiciaires.

Toutefois, eu égard aux éléments relatés dans l’expertise judiciaire sur l’évolution de la pathologie et des troubles de Mr Y, il est incontestable que durant certaines périodes Mr Y a dû se faire aider pour accomplir certains actes de la vie courante comme faire les courses, les tâches d’entretien de la maison, le jardinage, le fait qu’il ait eu recours à des personnes de son entourage familial étant sans incidence sur la prise en compte de ses besoins en tierce personne.

Compte-tenu des éléments produits au débats, il convient d’évaluer les besoins d’aide de Mr Y à raison d’une heure par jour à compter du 30 janvier 2009, fin de la première hospitalisation, jusqu’au 1er septembre 2011, date à laquelle le taux de déficit fonctionnel a été réduit à 10%, déduction faite des périodes d’hospitalisation et de la rééducation en centre.

Par conséquent, en considération des besoins de la victime jusqu’à la date de consolidation ainsi évalués à 919 heures et du coût horaire pour une aide non spécialisée, soit 15 euros, la tierce personne temporaire représente une somme totale de 13.785 euros.

Compte-tenu du partage de responsabilité, la société Les Laboratoires Servier sera donc condamnée à verser à Mr Y au titre de la tierce personne temporaire une somme arrondie à 6.893 euros.

Dépenses de santé futures

Il ressort du décompte définitif actualisé au 13 septembre 2012 que la créance de la CPAM de Seine au titre et Marne au titre des frais futurs s’élève à une somme de 7.906,97 euros, représentant les dépenses de santé annuelles capitalisées par l’euro de rente viager, soit 11,632 pour un homme âgé de 68 ans lors de la consolidation acquise le 11 janvier 2012.

Au vu des décomptes détaillés de la caisse et de l’attestation d’imputabilité du médecin-conseil, il apparaît que cette créance est justifiée et par conséquent la société Les Laboratoires Servier sera condamnée à verser à la CPAM de Seine et Marne la somme arrondie à 3.953 euros au titre des frais futurs, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de leur engagement ou du jugement à intervenir s’il est opté pour un versement en capital.

Mr Y expose que des frais liés à la surveillance de son traitement anti-coagulant resteront à sa charge, à savoir l’achat d’un lecteur IRN pour un montant de 1 200 euros et l’achat de bandelettes à raison de 360 euros par an.

Cependant à défaut de justifier du montant de ces frais et de l’absence d’une prise en charge, même partielle, par l’organisme de sécurité sociale ou une mutuelle, Mr Y sera débouté de sa demande.

Tierce personne permanente

Dans la mesure où les experts judiciaires ne font pas état d’un besoin en tierce personne pour l’avenir et qu’une tierce personne ne paraît pas justifiée eu égard aux séquelles constatées par les mêmes experts, il y a lieu de rejeter la demande de Mr Y de ce chef.

[…]

Déficit fonctionnel temporaire

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément,

éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

Ainsi qu’il a été exposé précédemment, compte-tenu du caractère unilatéral et non contradictoire de l’expertise produite par le demandeur, les conclusions du docteur G ne constituent pas un élément suffisant à contrarier les conclusions de l’expertise judiciaire.

Il résulte de leur rapport que les experts judiciaires ont retenu :

— un DFT à 100% pendant 35 jours,

— un DFT à 50% pendant 157 jours

— un DFT à 10% pendant 132 jours.

Les troubles dans les conditions d’existence subis par Mr Y jusqu’à la consolidation justifiant l’octroi d’une somme de 23 euros par jour, le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à une somme totale arrondie de 2.914 euros (35 x 23 + 157 x 23 x 50% + 132 x 23 x 10%).

Par conséquent, la société Les Laboratoires Servier devra verser à Mr Y au titre du déficit fonctionnel temporaire la somme de 1.457 euros.

Souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait

des atteintes à son intégrité, dignité et intimité présentées et des traitements, interventions,

hospitalisations qu’elle a subis depuis la survenue du dommage jusqu’à la consolidation.

Les experts ont évalué les souffrances subies par Mr Y à 3 sur une échelle de 7 en tenant compte de l’annonce de la maladie, d’un bilan préopératoire, d’une intervention de chirurgie cardiaque et de ses suites.

Compte-tenu de cette cotation et de la prise en compte des souffrances tant morales que physiques subies par Mr Y du fait de sa maladie, des hospitalisations, de la rééducation, de la lourdeur de ses traitements et la pénibilité des pansements, de l’anxiété générée par la perspective d’une transfusion sanguine et par le report de son intervention, il est justifié d’allouer une somme de 10.000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Par conséquent, la société Les Laboratoires Servier devra verser à Mr Y la somme de 5.000 euros en réparation des souffrances endurées.

Préjudice esthétique temporaire

Bien qu’un tel préjudice esthétique n’ait pas été retenu par les experts, il apparaît néanmoins que Mr Y a subi une altération temporaire de son apparence physique du fait de sa cicatrice ; qu’eu égard à la durée de la période retenue, il est justifié d’allouer la somme de 1.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et la société Les Laboratoires Servier devra verser à Mr Y la somme de 500 euros en réparation de ce préjudice.

Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les

douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles

définitifs apportés à ces conditions d’existence.

Les experts ont conclu que Mr Y ne présentait pas de séquelle cardiologique à l’exception d’une valve mécanique mitrale fonctionnant correctement et l’assujettissement aux anti-coagulants, mais qu’il présentait par contre un stress post-traumatique évalué à 10%.

Bien que la formulation soit ambiguë, il se déduit de ces conclusions que les experts ont retenu un déficit fonctionnel permanent qu’ils ont côté à 10% en tenant compte du stress post-traumatique.

Mr Y considère que le taux retenu par les experts est insuffisant compte-tenu de ses séquelles cardiaques, notamment la dyspnée d’effort, et de la gravité de son état anxio-dépressif et sollicite que ce taux soit réévalué à 25%.

Toutefois, alors que les experts n’ont constaté aucun essoufflement à l’effort lors de l’examen clinique, il n’est pas démontré que la dyspnée d’effort dont souffre aujourd’hui Mr Y résulte de sa maladie mitrale et du remplacement de sa valve, étant fait observer que Mr Y présente d’autres pathologies cardiaques et que les experts ont conclu à l’absence de séquelles cardiologiques du fait de la pathologie mitrale compte-tenu du bon fonctionnement de la valve mécanique.

Par ailleurs, bien qu’il considère que son angoisse et l’état anxio-dépressif qui en résulte pour lui ont été sous-évalués par les experts, il ne justifie d’aucun élément objectif, tels par exemple qu’un suivi psychologique ou la prescription d’un traitement anti-dépresseur, au soutien de sa demande.

Compte-tenu de ces éléments, il convient de retenir le déficit fonctionnel permanent au taux de 10% évalué par les experts mais de majorer la valeur du point pour tenir compte de l’anxiété ressentie légitimement par Mr Y quant aux risques d’évolution de la pathologie résultant de son exposition au Médiator, ainsi qu’aux risques majorés d’infection et d’apparition d’une HTAP, et de la nécessité , soulignée par les experts, d’un traitement anticoagulant à vie ainsi que d’une surveillance régulière, ce qui est nécessairement une source d’angoisse pour Mr Y.

Eu égard à l’âge de Mr Y au moment de la consolidation, en l’occurrence 68 ans, il est justifié de retenir une valeur de point de 2.000 euros et d’évaluer ce poste de préjudice à la somme totale de 20.000 euros.

La société Les Laboratoires Servier devra donc verser à Mr Y la somme de 10.000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent.

Préjudice esthétique permanent

Bien que les experts n’ait pas retenu l’existence d’un tel préjudice, l’altération de son apparence physique que subit de façon permanente Mr Y en raison de sa cicatrice justifie d’allouer une somme de 2.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

La société Les Laboratoires Servier devra donc verser à Mr Y la somme de 1.000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Préjudice d’agrément

Les experts ont mentionné ce préjudice en indiquant que Mr Y, qui était sous traitement anticoagulant, ne pratiquait plus de football et de vélo en raison de sa peur de chuter et de provoquer un hématome.

Dans la mesure où l’attestation de Mr I Y et les photos qui sont produites permettent de constater que Mr H Y pratiquait régulièrement des activités sportives, notamment le vélo et le football, qu’il ne peut plus pratiquer compte-tenu des risques de chute formellement contre-indiquées avec son traitement anti-coagulant, il est justifié d’allouer la somme de 3.000 euros au titre du préjudice d’agrément et la société Les Laboratoires Servier devra verser à Mr Y la somme de 1.500 euros en réparation de ce préjudice.

[…]

Mentionnées par les experts, les doléances de Mr Y sur les perturbations ressenties dans sa vie intime et sexuelle sont cohérentes avec la maladie mitrale et l’inconfort de la valve mécanique. Il convient donc d’évaluer ce préjudice à la somme de 2.000 euros.

La société Les Laboratoires Servier devra donc verser à Mr Y la somme de 1.000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Préjudice d’établissement

Il sera rappelé que ce préjudice est constitué par la perte d’espoir et de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison d’un grave handicap dont reste atteinte la personne.

La demande de Mr Y, qui a pu pleinement réaliser son projet de vie familiale puisqu’il est aujourd’hui grand-père, doit donc être rejetée sur ce chef.

Préjudice spécifique de contamination par le Médiator

Dans la mesure où les préjudices de Mr Y sont considérés comme consolidés, qu’il n’existe pas pour lui de risque vital et imminent et où le préjudice lié à l’angoisse du fait des risques d’évolution future a déjà été indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel permanent, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Sur le préjudice des victimes indirectes

Préjudice moral de Mme X Y

Eu égard aux souffrances morales de l’épouse de Mr Y qui a soutenu son mari tout au long de la maladie et durant les hospitalisations et doit assister à ses souffrances et son affaiblissement avec la crainte de voir son état de santé s’aggraver, il convient d’évaluer le préjudice moral de Mme Y à une somme de 10.000 euros et de condamner la société Les Laboratoires Servier à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice d’affection.

Préjudices moraux des enfants de Mr Y

Chacun des enfants ont également subi un préjudice d’affection en raison de leur souffrance à voir décliner la santé et la qualité de vie de leur père qui ne peut plus s’occuper de ses petits-enfants comme il le faisait auparavant. Néanmoins s’agissant d’enfants majeurs qui avaient leurs vies et ne vivaient plus avec leur père, leur préjudice sera fixé à la somme de 4.000 euros.

La société Les Laboratoires Servier devra donc leur verser, chacun, la somme de 2.000 euros au titre du préjudice d’affection.

Perte de gains professionnels de Mme AA Y

A défaut de démontrer que sa décision de réduire son temps de travail ne résulte pas d’un choix personnel , mais exclusivement de la necessité de s’occuper personnellement de ses parents pendant la maladie de son père, la demande de Mme AA Y au titre des pertes de gains professionnels sera rejetée.

Sur le point de départ des intérêts

Compte-tenu du caractère indemnitaire des sommes allouées aux consorts Y, il convient de rejeter la demande tendant à faire partir le point de départ des intérêts à la date de l’assignation en référé. Par conséquent, en application de l’article 1153-1 du code civil, les sommes allouées au titre des indemnités seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Les Laboratoires Servier succombant à l’instance, elle sera condamnée aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise et qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée à verser à Mr Y, au titre des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer dans la présente instance, une somme que l’équité justifie de fixer à 12.000 euros et à verser la somme de 1.000 euros à la CPAM de Seine et Marne sur le même fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Eu égard à l’ancienneté du litige, l’exécution provisoire qui est compatible avec la nature de l’affaire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

Dit que la responsabilité de la société Les Laboratoires Servier est engagée du fait de la défectuosité du Médiator® pendant la période d’administration du médicament à Mr H Y et qu’elle est tenue à réparer les conséquences dommageables à hauteur de 50% des préjudices subis,

Condamne la société Les Laboratoires Servier à verser à Mr H Y en réparation de ses préjudices corporels, provisions non déduites, les sommes suivantes:

—  6.893 euros au titre de la tierce personne temporaire

—  1.457 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  5.000 euros au titre des souffrances endurées

—  500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

—  10.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

—  1.000 euros au titre du préjudice esthétique définitif

—  1.500 euros au titre du péjudice d’agrément

—  1.000 euros au titre du préjudice sexuel

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour :

Condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à la CPAM de Seine et Marne :

— la somme de 17.209 euros au titre des débours déjà engagés, sous réserve des prestations non connues à ce jour et de celles qui pourraient être versées ultérieurement,

— la somme de 3.953 euros au titre des frais futurs, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de leur engagement ou du jugement à intervenir s’il est opté pour un versement en capital,

— la somme de 518,50 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion en application de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

Condamne la société Les Laboratoires Servier à verser à Mme X Y, en réparation de son préjudice d’affection, la somme de 5.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Condamne la société Les Laboratoires Servier à verser à Mr I Y, Mme J Y épouse Z, Mr L Y et Mme AA Y, la somme de 2.000 euros, chacun, au titre de leur préjudice d’affection, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Déboute les consorts Y du surplus de leurs demandes indemnitaires,

Condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à Mr H Y la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Les Laboratoires Servier à payer à la CPAM de Seine et Marne la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Les Laboratoires Servier aux entiers dépens, comprenant ceux du référé et les frais d’expertise, et dit qu’ils pourront être recouvrés par les avocats de la cause en ayant fait la demande selon les modalités de l’article 699 du Code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

signé par […], Vice-présidente et par Fabienne MOTTAIS, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Tribunal de grande instance de Nanterre, 2e chambre, 22 octobre 2015, n° 12/07723