Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 23 septembre 2003

  • Demande en nullité pour dépôt frauduleux·
  • Exploitation sur le territoire national·
  • Marque la casa del habano 620823·
  • Marque casa del habano 94537978·
  • Forclusion par tolérance·
  • Connaissance de l'usage·
  • Accords de coopération·
  • Appellation d'origine·
  • Clause compromissoire·
  • Compétence matérielle

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 23 sept. 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CASA DEL HABANO ; CLUB DEL HABANO ; LA CASA DEL HABANO ; EL CLUB DEL HABANO ; C.D.H.
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1708693 ; 1708694 ; 1708695 ; 1708696 ; 94537978 ; 94537979 ; 620823
Classification internationale des marques : CL21; CL32; CL33; CL34; CL42
Référence INPI : M20030414
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Texte intégral

Par acte des 1er et 6 septembre 1999, les société de droit cubain EMPRESA CUBANA DEL TABACO dite CUBATABACO et HABANOS SA ont assigné la SNC CASA DEL TABACO, la SA CLUB DEL HABANO,la SNC CLUB DEL HABANO , la SA LE CLUB DEL HABANO et les Etablissements BIRET et Cie (ci-après B & Cie) aux fins de voir à titre principal:

- prononcer lanullité des marques CASA DEL HABANO n° 1 708 693 , CLUB DEL HABANO n° 1 708 694, LA CASA DEL HABANO n° 1 708 695 et LE CLUB DEL HABANO n° 1 708696 en application de l’article L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle , de l’article 2 du décret du 30 janvier 1992 et de l’article 1384 du code civil, à titre subsidiaire:

- prononcer la déchéance desdites marques en application de l’article L 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle , en tout état de cause:

- ordonner à B & Cie de procéder à la radiation des dites marques ou l’autoriser à procéder à cette formalité au lieu et place de cette dernière en cas de défaillance de celle- ci dans le délai prescrit,
- dire que le contrat de franchise entre CUBATABACO et B & Cie est caduc; que c’est en violation des droits concédés selon acte du 29 septembre 1994 que cette société a déposé auprès de l’INPI la marque LA CASA DEL HABANO le 29 septembre 1994 , marque enregistrée sous le n° 94 537 978; que cet enregistrement doit être annulé,
- condamner la société les Etablissements BIRET&Cie à payer à la société CUBATABACO la somme de 25 000 France en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire. Le 5 mai 2000, la SNC CASA DEL HABANO, la SA CLUB DEL HABANO, les Etablissements BIRET&Cie appelaient en intervention forcée la SARL COPRAVA et la SA OCTUBRE HOLDING, la première détenant 40% du capital social de la société CLUB DEL HABANO , le solde appartenant aux Etablissements BIRET&Cie et la seconde , société de droit suisse étant la société mère de la société COPRAVA afin que ces deux sociétés les garantissent de toute condamnation qui pourraient être prononcées à leur encontre et ce, en exécution du contrat de coopération signé le 31 juillet 1992. Le 9 mai 2000, MM. B, propriétaire de 95% des parts de la SNC CASA DEL HABANO, M. L, propriétaire des 5% restant et M. GARCIA F, ancien gérant de la société COPROVA intervenaient volontairement à l’instance aux côtés des sociétés défenderesses. Le 26 juin 2000, M. B GARCIA FERNANDEZ, ancien gérant de la société COPROVA déclarait se désister de son instance et de son action et notamment à l’égard de la société COPROVA et OCTUBRE HOLDING. Aux termes de leurs dernières écritures en date du 19 décembre 2002, les société CUBATABACO, HABANOS , COPROVA et OCTUBRE HOLDING demandent au tribunal de à titre principal:

- rejeter l’exception d’incompétence soulevée par les défenderesses, les contrat de franchise autrefois consentis à M. B n’ayant pas de lien avec le présent litige,
- prononcer la mise hors de cause des sociétés COPROVA et OCTUBRE HOLDING,

— constater que la société CUBATABACO a , dès la fin des années 1980 développé le concept d’une franchise mondiale dénommée la CASA DEL HABANO dont le premier établissement a été ouvert en 1990 au Mexique,
- constater le caractère frauduleux des dépôts de marques « CASA DEL HABANO » et « CLUB DEL HABANO » effectués par le Groupe BIRET sous les n° 1708693, 1708694, 1708695,1708696 et le 24 septembre 1994 sous les n° 94/537978 et 94/537979,
- ordonner le transfert de ces enregistrements au profit de la société HABANOS SA par application de l’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle et ce, sous astreinte ; à défaut prononcer la nullité des dits enregistrements,
- interdire aux sociétés du Groupe BIRET de poursuivre l’usage de ces marques , à titre subsidiaire: dire que l’utilisation de l’appellation « HABANO » porte atteinte aux appellations d’origines protégées « HABANA » et « HABANOS » et dès lors prononcer la nullité des marques précitées et en interdire l’utilisation aux défenderesses, à titre infiniment subsidiaire: prononcer la nullité des dits enregistrements pour défaut de pouvoir et étendre cette condamnations aux Etablissements BIRET&Cie, en tout état de cause: condamner solidairement les défendeurs à payer aux sociétés CUBATABACO et HABANOS SA une indemnité de 150.000 Euros à titre de dommages et intérêts et celle de 50.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu’une indemnité de 15000 Euros sur le même fondement aux sociétés COPRAVA et OCTUBRE HOLDING. Les défenderesses disent Sur les faits que :

- le litige porte sur l’exploitation de marques qui constituent la dénomination sociale et le nom commercial des sociétés CASA DEL HABANO et CLUB DEL HABANO , sociétés dont la création a été décidée par les Etablissements BIRET&Cie avec les sociétés cubaines demanderesses via leur filiale française, la société COPROVA dès 1986 et ce, pour permettre l’ouverture et l’exploitation de boutiques de luxe « LA CASA DEL HABANO » commercialisant des cigares de la Havane, la première étant celle sise […] ;

- le 14 juin 1991, les établissements BIRET&Cie agissant en qualité de mandataire de la société CASA DEL HABANO en cours de formation et avec l’autorisation expresse de la société COPRAVA a déposé les marques « CASA DEL HABANO » et « LA CASA DEL HABANO » pour désigner différents produits relevant des classes 32,33 et 34 de la classification internationale;

- aux termes des protocoles d’accord des 5 septembre 1986 et 13 juin 1989 et de l’accord de coopération du 31 juillet 1992, la SNC CASA DEL HABANO, société de personnes seule autorisée par la législation française à exploiter un débit de tabac et la SA CLUB DEL HABANOS dont le capital social était partagé entre la société COPROVA et les Etablissements BIRET&Cie devaient voir leurs comptes consolidés;

- parallèlement un contrat de franchise a été conclu entre la société des Etablissements BIRET&Cie d’abord avec la société CUBATACO le 17 juillet 1991, puis le 20 septembre 1994 avec la société HABANOS qui est intervenue au capital social de la société CLUB DEL HABANO à hauteur de 15% de son capital qui est ainsi partagé entre cette-société, la société COPROVA et les Etablissements BIRET&Cie;

— dès lors , les sociétés demanderesses ne peuvent invoquer « leur propre turpitude » puisqu’elles ont autorisé les dépôts de marque en cause; elles ne peuvent interdire l’usage de ces dénominations que si elles établissent une faute contractuelle grave dans le contrat de franchise de 1994 ou une inexécution des contrats conclus en 1986 et 1989 entre COPROVA et les établissements BIRET&Cie, la résiliation du contrat de franchise de 1994 n’ayant pas affecté l’accord de coopération . Sur le fond que:

- le tribunal de grande instance de Paris doit se déclarer incompétent au profit de la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) en exécution de la clause compromissoire figurant dans les contrats du 17 juillet 1990 et du 20 septembre 1994 dont la violation alléguée fonde les présentes demandes;

- l’action en nullité sur le fondement de l’article L 711-1 du Code de la Propriété Intellectuelle est prescrite en application de l’article L 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle car introduite plus de 5 ans après l’enregistrement des marques dont s’agit; en tout état de cause, le mandat dont bénéficiait les Etablissements BIRET&Cie pour déposer au nom de sociétés en voie de constitution est régulier car donné par la société COPROVA ainsi que cela résulte du PV de réunion du 20 septembre 1991; enfin, l’éventuelle vice de forme a été régularisé par l’immatriculation des sociétés déposantes;

- les droits de marque ainsi que les droits portant sur la dénomination sociale et le nom commercial de la société CASA DEL HABANO s’opposent aux droits de la société CUBATACCO sur une marque internationale « CASA DEL HABANO », certes déposée en 1991 mais dont l’extension à la France et à Monaco n’a été pratiquée qu’en 1994; cette extension constitue donc la contrefaçon des marques attaquées et l’usurpation du nom commercial et de la dénomination sociale de la société CASA DEL HABANO; cette absence de droits antérieurs prive les demanderesses de leur intérêt à agir en déchéance des marques attaquées; au surplus ces dernières sont exploitées ainsi que cela ressort des pièces produites;

- s’agissant des marques n° 94/537 978 et 94/537 979 qui désignent de la vaisselle et des services de restauration, celles-ci ont été déposées pendant le cours de l’exécution des contrats de franchise , conformément à la charte de dépôt annexée à ces conventions et au su des sociétés demanderesses; en tout état de cause, la demande de nullité est prescrite;

- les demandes de nullité au titre de l’atteinte aux appellations d’origine HABANA, HABANOS et HABANEROS sont irrecevables faute de production aux débats des appellations en cause; en tout état ce cause , l’exploitation de ces appellations a été autorisée par les demanderesses et s’effectuent conformément aux clauses contractuelles . Tout en sollicitant le débouté des prétentions principales les défenderesses demandent à titre reconventionnel:

-l’annulation de la partie française de la marque internationale 630 823 de la société CUBATABACO soit annulée car son dépôt a été effectué postérieurement à l’enregistrement des marques attaquées ou à tout le moins à ce que cette société soit déchue de ses droits pour inexploitation sur le territoire français,
- la condamnation des sociétés CUBATABACO et HABANOS à leur payer une somme de 76000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à celle de 7600 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

I – sur les marques en cause: Le différend porte sur les marques suivantes:

- une marque semi-figurative « CASA DEL HABANO » enregistrée sous le n° 1 708 693 pour désigner les produits suivants: « tabac bénéficiant d’une appellation d’origine cubaine, articles pour fumeurs, allumettes, bières, eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques, boissons de fuits et jus de fruits. Boisson alcoolique » ;

- une marque semi-figurative « LA CASA DEL HABANO » enregistrée sous le n° 1 708 695 pour désigner les mêmes produits que précédemment;

- une marque semi-figurative « CLUB DEL HABANO » enregistrée sous le n° 1 708 694 pour désigner les produits suivants: « tabac bénéficiant d’une appellation d’origine cubaine, articles pour fumeurs, allumettes »;

- une marque semi-figurative « LE CLUB DEL HABANO » enregistrée sous le n° 1 708 695 pour désigner les mêmes produits que précédemment; Ces quatre marques ont été déposées le 14 juin 1991 par les Etablissements BIRET&Cie au nom de la SNC CASA DEL HABANO pour les deux premières et au nom de la SA CLUB DEL HABANO pour les deux autres, ces deux sociétés étant alors en cours de constitution et étant aujourd’hui titulaires de ces titres.

- une marque internationale visant la France semi-figurative « LA CASA DEL HABANO » déposée par la société CUBATABACO le 22 avril 1994 et enregistrée sous le n° 620 823 pour désigner les produits suivants: "tabac brut, tabac haché, tabac rapé, tabac manufacturé de toutes sortes, cigares, cigarettes; allumettes, boîte d’allumettes, pipes, rateliers à pipes, cendriers,boîtes et coffrets à cigares, boîtes à cigares avec humidificateur incorporé et tous articles pour fumeurs"; cette marque a pour origine un dépôt à Cuba en date du 5 août 1991 ;

- une marque semi-figurative « LA CASA DEL HABANO PARIS » enregistrée sous le n° 94 537 978 pour désigner les produits de "service de restauration; Vaisselle en porcelaine" ;

- une marque semi-figurative « C.D.H » enregistrée sous le n° 94 537 979 pour désigner ces mêmes produits. Ces deux dernières marques ont été déposées le 29 septembre 1994 par les Etablissements BIRET&Cie. II – sur la compétence: Le présent Tribunal est saisi:

- à titre principal d’une demande de nullité des 4 marques déposées le 14 juin 1991 et des 2 marques déposées le 29 septembre 1994. Cette demande est fondée soit sur la fraude qui résulterait de la notoriété de l’appellation « CASA DEL HABANO » et du défaut d’autorisation donnée aux Etablissements BIRET&CIE pour le dépôt de cette dénomination notoire comme marque , soit sur l’existence de droits antérieurs ,soit sur le défaut de qualité du déposant;

- à titre reconventionnel d’une demande de nullité de la partie française de la marque internationale du 22 avril 1994 par la société CUBATABACO du fait de l’atteinte aux

droits antérieurs des défenderesses sur les marques de 1991 ou à titre subsidiaire d’une demande en déchéance des droits de cette société sur ces deux marques du fait de leur non-exploitation sur le territoire français. Le sociétés défenderesses soulèvent l’incompétence du présent tribunal en application de la clause compromissoire figurant dans les deux contrats de franchise signés par les Etablissements BIRET&Cie d’une part le 17 décembre 1991 avec la société CUBATABACO et d’autre part le 20 septembre 1994 avec la société HABANOS SA . Ces clauses, identiques dans leur libellé, stipulent: « les parties s’engagent à exécuter le présent contrat de bonne foi et à régler à l’amiable dans la mesure du possible tout différend susceptible d’apparaître entre elles. Faute pour les parties de trouver un terrain d’entente, le litige sera définitivement tranché par la Cour d’Arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce de Paris, conformément au Règlement de cette dernière ». Le tribunal considère que cette clause est inapplicable au présent litige dès lors que la nullité ou la déchéance d’une marque française ou d’une marque internationale visant la France ne peut être prononcée que par un tribunal de grande instance en application de l’article L 716-2 du Code de la Propriété Intellectuelle . Cette compétence exclusive ne permet pas le recours à une Cour d’arbitrage. Si l’appréciation de l’étendue de l’autorisation d’exploitation des marques des demanderesses qui figurerait prétendûment dans les contrats de franchise entre dans le champ d’application de la clause compromissoire , il y a lieu de relever que:

- le dépôt des 4 marques de 1991 critiqué est antérieur à la conclusion du premier contrat de franchise du 17 décembre 1991 ; il en est de même du dépôt à Cuba de la marque attaquée en défense;

- si le dépôt critiqué des deux marques de 1994 est postérieur au contrat de franchise conclu avec la société HABANOS SA, les droits antérieurs opposés (appellation d’origine, marque cubaine) appartiennent à la société CUBATABACO qui n’est pas partie au dit contrat et dont l’éventuelle autorisation ne peut relever de l’application de cette convention. L’exception d’incompétence est en conséquence rejetée . III – sur les demandes principales: 1) sur la fraude: L’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. Il est constant que la bonne foi est présumée. Il appartient dès lors aux sociétés CUBATABACO et HABANOS d’établir la mauvaise foi des sociétés SNC CASA DEL HABANO, SA CLUB DEL HABANO et des Etablissements BIRET&CIE dans le dépôt des marques en cause, le délai de trois ans depuis la publication des marques litigieuses s’étant écoulé au jour de la présente saisine (septembre 1999). Les sociétés CUBATABACO et HABANOS n’articulent aucun élément pour établir la

mauvaise foi des sociétés déposantes. A contrario inverse et à l’appui de l’argumentation des défenderesses sur l’acceptation par les demanderesses des dépôts de 1991, le tribunal relève que:

- le dépôt de la marque « CASA DEL HABANO » à Cuba a été réalisé postérieurement aux dépôts des premières marques françaises ( 5 août 1991 pour la première et 14 juin 1991 pour les secondes);

- il est versé aux débats un procès-verbal de réunion en date du 20 septembre 1991 à laquelle participaient des représentants des sociétés Etablissements BIRET&Cie, de la société COPROVA, et de la société CUBATABACO dans laquelle était évoquée la structure des sociétés à mettre en place pour la création et l’exploitation du magasin « CASA DEL HABANO » à Paris ; dans ce document est mentionné « la semaine prochaine, la société BIRET mettra à jour avec 1 »IMPI« la situation concernant »la casa et le club del Habano"";

- en exécution des accords entre ces parties :

- une SA CLUB DEL HABANO a été créée le 28 mai 1993 à laquelle participe à hauteur de 40% la société COPROVA qui est ainsi que les demanderesses l’admettent dans leurs écritures devant le tribunal de commerce, dans un litige actuellement pendant, la société chargée par elle à titre exclusif de l’importation de leurs produits sur le territoire français; cette SA CLUB DEL HABANO est propriétaire de deux des enregistrements attaqués;

- une SNC CASA DEL HABANO a été créée le 2 mars 1992 et est titulaire des deux autres enregistrements de 1991; société de personnes composée de M. BIRET et M. L, cette SNC est titulaire de la licence d’exploitant d’un débit de tabac qui ne peut pas être accordée à des sociétés commerciales et qui permet à la SNC d’exploiter le fonds de commerce à l’enseigne « CASA DEL HABANO » sis […]. Les parties s’étaient d’ailleurs accordées pour permettre la cession de parts de cette SNC à la SA CLUB DEL HABANO et aux Etablissements BIRET et Cie dès la libéralisation en France de la distribution du tabac. Le rappel de ces éléments établit sans nul doute que le dépôt des marques françaises a été réalisé pour les marques de 1991 dans le cadre de l’exécution des accords de coopération passés avec les demanderesses pour l’exploitation de la boutique « CASA DEL HABANO » à Paris. Dans ces conditions, les demandes en nullité pour fraude sont rejetées comme prescrites. 2) sur l’atteinte aux droits antérieurs: Seule la société CUBATABACO , titulaire des appellations d’origine HABANOS , HABANA et HABANEROS est recevable à opposer ses droits aux sociétés titulaires des marques attaquées. Si l’article L 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment à une appellation d’origine protégée, l’article L 714-3 du même code dit que l’action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. En l’espèce, pour les mêmes motifs que précédemment, la demande de la société CUBATABACO est prescrite s’agissant des marques déposées en 1991, sa première demande en nullité datant de septembre 1999 et sa parfaite connaissance de l’exploitation des dites marques résultant des éléments précités ainsi que du contrat de franchise qu’elle

avait elle-même signé le 14 juillet 1991 avec les Etablissements BIRET&Cie. En revanche, sa demande est recevable au titre des marques déposées le 29 septembre 1994 par les Etablissements BIRET&Cie, le délai de cinq ans ne s’étant pas écoulé à la date de délivrance de l’acte introductif de la présente instance qui a interrompu la prescription. Le tribunal relevant que:

- les appellations d’origine dont justifie bénéficier la société CUBATABACO suivant publication au Journal Officiel de septembre 1968 versé aux débats et en vertu de l’Arrangement de Lisbonne du 31 octobre 1958 ,désignent les produits de « tabac en branche ou manufacturé, ainsi que les produits élaborés pour le tabac, les cigares » et protègent les produits de cette nature cultivés et fabriqués dans l’aire géographique de production délimitée sur la Province de la Havane à CUBA;

- ces produits et notamment les cigares jouissent d’une notoriété mondiale et sont associés ainsi que l’expriment les demanderesses « à une image porteuse de senteur, de luxe et de rêve », considère que le dépôt de la marque « CASA DEL HABANO » n° 94 537 978 en 1994, pour désigner des services de restauration et de la vaisselle en porcelaine, à une période où déjà ce signe était associé à un ensemble de boutiques de par le monde commercialisant les produits de tabac de la Havane, est de nature à affaiblir la notoriété des appellations d’origine précitées, d’autant que les produits visés à son enregistrement ne sont pas définis comme ceux édités par les boutiques « CASA DEL HABANO » spécialisés dans la vente de produits de tabac de la Havane. Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler en application de l’article L 711-4 précité l’enregistrement précité, les Etablissements BIRET&Cie ne justifiant pas de l’autorisation de la société CUBATABACO pour le dépôt de la marque « CASA DEL HABANO » pour désigner d’autres produits que ceux relatifs au tabac. En revanche, la marque n° 94 537 979 étant constituée des initiales « C.D.H. » qui ne sont pas immédiatement perceptibles par le public comme les initiales de « CASA DEL HABANO » ne porte pas atteinte aux appellations d’origine précitées. La demande de nullité la concernant est dès lors rejetée. 3) sur le défaut de qualité du déposant des marques de 1991: Le tribunal relève qu’aucune disposition du Code de la Propriété Intellectuelle ne permet à un tiers d’engager une action en nullité de la marque pour défaut de mandat du déposant; que seule la personne qui estime avoir un droit sur la marque est habilitée par l’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle à opposer le défaut de mandat; que pour les mêmes motifs que précédemment l’action des demanderesses sur ce fondement est prescrite étant relevé au surplus que les dépôts en cause ont été publiés , que les demanderesses n’ont formé aucune opposition de ce chef dans le délai ,que par ailleurs, les sociétés dont il était indiqué dans le dépôt qu’elles étaient en voie de constitution ont été créées et sont actuellement bénéficiaires des marques en cause (la SNC CASA DEL HABANO et la SA CLUB DEL HABANO). Les demandes de nullité sur ce fondement sont rejetées. IV – sur les demandes reconventionnelles:

- sur la nullité de la partie française de la marque internationale n° 620 823:

L’article L 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à un droit antérieur et notamment à une marque antérieure enregistrée. Le tribunal relève que la marque internationale LA CASA DEL HABANO déposée le 22 avril 1994 s’agissant de sa partie française et enregistrée sous le numéro 620 823 est quasiment identique à la marque « CASA DEL HABANO » antérieure dont la société SNC CASA DEL HABANO est titulaire; les signes ne diffèrent que par l’adjonction de l’article LA ; les produits visés par les deux enregistrements sont identiques. Dès lors que le risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne est certain eu égard à l’identité des produits et à la quasi-identité des signes, il y a lieu en application de l’article L 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle d’annuler la partie française de cette marque internationale, la demande n’étant pas prescrite en raison de l’absence de justification par la société CUBATABACO de son exploitation sur le territoire français. , V – sur les autres demandes: Compte-tenu des relations d’affaires ayant existé entre les parties pendant de longues années , le tribunal considère que le dépôt des marques dont la nullité de l’enregistrement est prononcé n’a causé aucun préjudice aux sociétés titulaires des droits antérieurs reconnus. Eu égard au caractère partiellement fondé des demandes tant principales que reconventionnelles, la présente procédure n’a aucun caractère abusif. Aucune considération d’équité ne commande de faire application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en l’espèce. L’exécution provisoire de la présente décision n’est commandée par aucune considération. PAR CES MOTIFS,le Tribunal statuant publiquement,contradictoirement et en premier ressort, Donne acte à M. GARCIA F de son désistement d’instance, Rejette l’exception d’incompétence, Dit que le dépôt par la société Etablissements BIRET&Cie le 29 septembre 1994 de la marque "CASA DEL HABANO PARIS’ pour désigner des services de restauration et de la vaisselle en porcelaine porte atteinte aux appellations d’origine dont la société CASATABACO est titulaire; en conséquence prononce la nullité de l’enregistrement de cette marque; Dit que le dépôt par la société CASATABACO de la partie française de la marque internationale « LA CASA DEL HABANO » le 22 avril 1994 porte atteinte aux droits antérieurs de la SNC CASA DEL HABANO sur la marque française n° 1 708 693 « CASA DEL HABANO » et en conséquence prononce la nullité de cet enregistrement; Déboute les parties de leurs autres demandes, Dit que le présent jugement devenu définitif sera tranmis par les soins du greffier préalablement requis par la partie la plus diligente à l’INPI pour transcription sur les registres des marques; Fait masse des dépens qui seront supportés pour moitié par les sociétés CASATABACO et HABANOS SA tenus in solidum et pour moitié par les Etablissements BIRET&Cie, Dit n’y avoir lieu à application des article 699 et 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

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