Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 16 décembre 2003

  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Concurrence déloyale et parasitaire·
  • Pratique de merchandising courante·
  • Proximité des produits concurrents·
  • Design propre du conditionnement·
  • Revêtement du conditionnement·
  • Imitation du conditionnement·
  • Positionnement dans rayon·
  • Forme du conditionnement·
  • Marque tridimensionnelle

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 16 déc. 2003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Publication : PIBD 2004, 785, IIIM-270
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 14 mai 2004
  • 2004/02201 Cour de cassation, 10 mai 2006
  • C/2004/15612
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3171590
Classification internationale des marques : CL32
Référence INPI : M20030728
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Texte intégral

La société BRASSERIE FISCHER a pour activité la fabrication et la commercialisation de bières et est notamment connue sur les dernières années pour ses bières « tendance » DESPERADOS, bière aromatisée à la téquila , KRISKA, bière aromatisée à la vodka et ADELSCOTT, bière aromatisée au malt à whisky. La société BRASSERIE FISCHER est titulaire d’une marque française tridimentionnelle en couleurs représentant une bouteille se caractérisant « par la combinaison de la forme et du revêtement donnant une impression de givre », marque déposée le 28 juin 2002 et enregistrée sous le n° 02 3171590 pour désigner les « bières ». La société BRASSERIE FISCHER exploite cette marque comme bouteille de sa bière KRISKA. Ayant constaté que la société INTERBREW France, filiale française de la société de droit belge INTERBREW SA commercialisait en France depuis mars 2003 un produit dénommé BOOMERANG « boisson alcoolisée à base de malt et d’arôme naturels de citron » et avait déposé une marque tridimentionnelle auprès de l’INPI le 25 mars 2003, la société BRASSERIE FISCHER l’assignait selon la procédure à jour fixe le 14 août 2003 pour voir au visa des article L 711-1 , L 713-2, L 716-3, L 717-5 du Code de la Propriété Intellectuelle et de l’article 1382 du Code civil :

- dire que la société défenderesse s’est rendue coupable de contrefaçon de la marque précitée à son détriment,
- ordonner la cessation par celle-ci de la commercialisation de sa boisson BOOMERANG sous une forme identique à la bouteille en verre dépoli qu’elle utilise et qu’elle a déposée comme marque,
- condamner la société INTERBREWS à lui payer une somme de 150.000 Euros en réparation du préjudice subi du fait de cette contrefaçon,
- dire qu’elle s’est en outre rendu coupable de concurrence déloyale et parasitaire à son détriment et la condamner à lui payer un indemnité de 150.000 Euros de ce chef,
- condamner la société défenderesse à lui payer une somme de 10.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile , et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de l’autorisation de publication de la décision à intervenir. La société BRASSERIE FISCHER exposait que:

- par le dépôt de sa marque tridimentionnelle , la combinaison de la forme de la bouteille KRISKA et de son aspect dépoli était protégée; or cette forme et ce revêtement étaient reproduits dans la bouteille BOOMERANG ainsi que dans la marque déposée par son adversaire;

- la société INTERBREWS pour la commercialisation de son produit BOOMERANG s’était sciemment mise dans son sillage pour profiter de la notoriété de ses produits:

- dans sa campagne de lancement, la société INTERBREWS présentait son produit comme une « maltemative » et donc se plaçait dans le sillage des bières;

- elle adoptait un nouveau conditionnement reproduisant la bouteille KRISKA et recommandait aux distributeurs de placer sa bouteille entre les bouteilles KRISKA et DESPERADOS ainsi que cela ressort de la plaquette remise aux grands distributeurs ; par cette stratégie, elle profitait sans bourse délier des investissements et de la réussite de la BRASSERIE FISCHER
- son préjudice était constitué par la dévalorisation de sa marque et la perte des investissements de recherche et de développement exposés pour celle-ci ainsi que des frais publicitaires exposés pour la commercialisation de sa bière KRISKA.

La société INTERBREW France et la société INTERBREW SA, société intervenante en défense concluaient au débouté des prétentions de la société BRASSERIE FISCHER et soutenaient : sur les faits que:

- elles fabriquent et commercialisent depuis de nombreuses années des bières de renommée;

- en 2002, la société INTERBREW a eu l’idée de lancer sur le marché français une boisson alcoolisée à base de malt et d’arômes naturels de citron, boisson entrant dans le domaine des « malternatives » qui connaissent outre Atlantique un grand succès depuis 1996;

- au départ afin de tester le succès du produit sur le marché français, cette boisson a été lancée avec le conditionnement qui était utilisé au Canada depuis 1998;

- toutefois, face à la demande de la DGCCRF qui opposait que ce conditionnement ne correspondait pas aux volumes nets prévus par l’arrêté du 29 février 1984, une nouvelle bouteille a été recherchée et le choix s’est porté sur un modèle « Euréka » déposé par une filiale du groupe Interbrew en 1990 , modèle qui a été amélioré pour convenir à la clientèle recherchée c’est-à-dire celle des jeunes noctambules;

- au moment du lancement, la bouteille BOOMERANG a été placée au milieu de celles des concurrents comme il est d’usage courant; sur le fond que:

- la marque tridimentionnelle de la société BRASSERIE FISCHER est nulle en application de l’article L 711-2 b) du Code de la Propriété Intellectuelle pour défaut de distinctivité:

- le modèle « long neck » est dans le domaine public des bières depuis au moins 1990
- l’ « impression de givre » donnée par son aspect désigne une caractéristique essentielle des bières à savoir leur fraîcheur.

- enfin, il est de l’intérêt général de laisser à la disposition de tous des caractéristiques aussi banales;

- en tout état de cause, la contrefaçon n’est pas constituée en raison de la faible distinctivité de la marque opposée et des différences notables existant entre les bouteilles en cause;

- les griefs de concurrence déloyale ne sont pas non plus fondés:

- le modèle de bouteille KRISKA n’est ni appropriable ni reproduit;

- la bouteille BOOMERANG a été adoptée suite à la mise en demeure de la DGCCRF, le modèle choisi qui est utilisé par INTERBREWS 1990 a été adapté pour plaire à la clientèle et présente une identité propre à le distinguer des autres;

- l’utilisation de ce modèle est exclusif de tout risque de confusion compte-tenu des différences affectant tant les bouteilles que leur pack ou leur contenu, BOOMERANG ne contenant pas de vodka contrairement à KRISKA;

- compte-tenu de la difficulté sur le marché français à définir le type de boisson dans lequel se range BOOMERANG, il a été décidé d’employer le concept de « malternative » qui est couramment utilisé dans les pays anglo-saxons et de rapprocher cette boisson des bières , celles-ci étant composées des mêmes constituants mais dans une autre proportion;

- la presse ne s’est pas trompée sur cette dénomination et a bien compris que BOOMERANG était une boisson hybride;

- pour la commercialisation, BOOMERANG a été mise dans la catégorie des boissons les

plus proches en terme de clientèle et de contenu à savoir les « bières tendances » et de simples préconisations ont été données aux distributeurs qui restent libres de positionner le produit BOOMERANG comme ils le souhaitent;

- il n’y a pas eu volonté de s’approprier la notoriété des BRASSERIE FISCHER dans les « bières tendance » étant relevé que celle-ci est seulement attachée aux succès de la bière DESPERADOS alors qu’aucune caractéristique de cette boisson tant dans le contenu que dans le contenant n’a été reprise ;

- le préjudice allégué n’est pas démontré , les documents produits montrant au contraire que la société BRASSERIE FISCHER avait augmenté ses ventes fin juin 2003 par rapport à l’année précédente et en conséquence que l’arrivée de BOOMERANG ne les avait nullement affectées. Estimant la procédure introduite abusive, les société INTERBREWS réclament outre la nullité de la marque n° 3 171 590 de la BRASSERIE FISCHER l’allocation d’une somme de 150.000 Euros pour procédure abusive et celle de 120.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile . La société BRASSERIE FISCHER réplique que:

- sa marque est distinctive du fait de la combinaison originale de sa forme et de son aspect,
- les griefs de concurrence déloyale et parasitaire sont fondés ,toute la campagne de lancement étant fondée sur le rapprochement de BOOMERANG avec les bières de spécialités en insistant sur les défauts de celle-ci que le nouveau produit corrige et en recommandant aux distributeurs de placer cette bouteille entre KRISKA et DESPERADOS, ce qui a été fait ainsi que cela est démontré et qui a conduit ces derniers à accoler le produit BOOMERANG dans les catalogues et les sites internet à côté de ces deux bières;

- le préjudice subi tient à l’utilisation par les défenderesses des investissements publicitaires développés sur les bières KRISKA et DESPERADOS au profit de leur nouveau produit. Aussi, la BRASSERIE FISCHER maintient ses prétentions et porte sa demande au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à la somme de 20.000 Euros.

I – sur la validité de la marque tridimentionnelle des BRASSERIES FISHER: L’article L 711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose
- que le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés;

- que sont dépourvus de caractère distinctif : a) les signes ou dénominations qui dans le langage courant ou professionnel sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service b) les signes ou les dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de production du bien ou de la prestation de services,

c) les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. En l’espèce, la marque en cause est une marque tridimentionnelle déposée en couleurs et constituée d’une bouteille caractérisée par la combinaison de sa forme et de son revêtement donnant une impression de givre; cette marque désigne les bières. Compte-tenu de leur nature les bières ne peuvent être offertes à la vente telles quelles mais dans des emballages solides lesquels sont le plus souvent des bouteilles. Dès lors ce sont les caractéristiques de la bouteille déposée qui doivent conférer à la marque sa distinctivité; ces caractéristiques doivent permettre au consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé d’identifier facilement l’origine commerciale de la bouteille de bière en cause; aussi celle-ci doit-elle présenter un design remarquable et facilement mémorisable s’appuyant sur des caractéristiques non nécessaires à l’exploitation de la forme protégée pour les produits visés.. En l’espèce, la bouteille présente une caractéristique de forme et une caractéristique de revêtement. 1) S’agissant de la caractéristique de forme « long neck », il y a lieu de relever :

- que cette forme de bouteille est couramment utilisée par les brasseurs depuis de nombreuses années ainsi que cela ressort des nombreux extraits du magazine « boissons de France » datés de 1995 à 1998 produits en défense;

- qu’il s’agit d’ailleurs aujourd’hui d’un genre , les journalistes employant la formule « long neck » pour définir la forme des bouteilles de certaines bières de spécialité (cf article « emballages magazines janvier-février 2002 »:d’où l’émergence de bouteilles en verre « long neck »de contenance variées (sic)" en parlant des tendances du marché des bières; article « marketing distribution » du 24 octobre 2001 « On est loin de l’univers traditionnel de la bière. Les deux références s’emballent en cannettes ou en bouteilles »long neck« de 50 cl » article LSA du 1er octobre 2000 « tandis que des chaînes accentuent à la limite de la caricature, le profil élancé de la Long Neck, bouteille haut de gamme au long col à destination du marché des hôtelsrestaurants (CHR) »articles d’octobre novembre 1998 et octobre 1999 faisant état du lancement de nouveaux produits « en bouteille de verre incolore de type long neck ». « en bouteille incolore long neck sérigrahié » « conditionné en bouteille long neck »:

- que la société INTERBREW justifie elle-même avoir commercialisé depuis 1989 des millions de bouteilles de bières STELLA A et LOBURG d’un modèle "long neck’ fabriqué par Saint-Gobain.; 2) S’agissement de l’aspect givré il est établi :

- que cette caractéristique est très utilisée pour le revêtement de bouteilles (cf photographie versée aux débats par la demanderesse montrant des bouteilles en verre dépoli);

- que le verre dépoli est exploité le plus souvent pour les boissons devant se consommer à des températures fraiches (bouteilles GET depuis 1989, Smirnoff depuis 2002 etc…). Les articles de communication de presse produits en défense démontrent d’ailleurs que cette caractéristique est associée par les journalistes au froid (« sous la glace… la douceur » ; "un peu froide? C’est bon signe« , »servi dans un verre givré au charme fou « , »la bouteille qui venait du froid")

Aussi, le tribunal considère que cet élément pour le revêtement d’une bouteille ne peut à lui seul faire l’objet d’une protection sauf à priver la concurrence d’un élément permettant de désigner une caractéristique de la boisson contenue (la fraîcheur). Si une combinaison d’éléments dépourvus chacun de caractère distinctif peut posséder ce caractère c’est à la condition que l’agencement de la combinaison représente davantage que la somme pure et simple des éléments qui la compose. En l’espèce, la simple combinaison pour une bouteille de bière d’une forme « long neck » familière depuis les années 1990 dans ce domaine de boissons et d’un aspect givré caractérisant la température idéale pour la consommation de la bière contenue et cela sans aucun autre élément décoratif est insuffisante pour permettre au consommateur de bières d’identifier l’origine commerciale de la bière contenue ; ces caractéristiques banales ne sont pas facilement mémorisables étant précisé que ce consommateur est habitué depuis toujours à identifier l’origine commerciale d’une bière par sa dénomination et non par la forme de son contenu, les mêmes bières pouvant être indifféremment vendues dans des cannettes, des bouteilles ou à la pression. Dans ces conditions, la marque tridimentionnelle des BRASSERIE FISCHER n’est pas distinctive et doit être annulée en application des articles L 711-2 et L 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle. II – sur la demande en contrefaçon: La marque opposée par la société BRASSERIES FISHER ayant été annulée, le grief de contrefaçon n’est pas fondée. III – sur les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire: La société BRASSERIE FISCHER reproche à la société INTERBREW d’avoir à travers les conditions de la commercialisation de sa boisson BOOMERANG cherché à se placer dans son sillage afin de tirer profit de sa renommée dans le domaine des bières « tendance » (KRISKA et DESPERADOS). La demanderesse formule à cet égard plusieurs griefs à savoir:

- la modification du conditionnement de cette boisson: le conditionnement au Canada étant une « bouteille opaque, trapue avec un étiquette verte apposée sur la bouteille » a été abandonné au profit d’une bouteille reprenant les caractéristiques de la bouteille KRISKA (forme long neck et aspect givré);

- l’adoption d’une dénomination ambigüe « les malternatives » lui permettant de se placer dans le domaine des bières tout en critiquant le goût de celles-ci alors que sa boisson BOOMERANG n’est pas une bière;

- des instructions données aux distributeurs leur préconisant de positionner BOOMERANG à côté des bières « tendance », DESPERADOS et KRISKA, préconisation ayant eu pour effet d’associer ces trois produits dans les publicités des grands distributeurs. 1) Sur le premier grief tenant au conditionnement, il y a lieu de relever :

- que celui-ci ne peut à lui seul être considéré comme un acte de concurrence déloyale dès lors qu’il a été démontré précédemment que les caractéristiques reproduites par la bouteille BOOMERANG et présentement incriminées (forme « long neck » et aspect givré) ne sont pas appropriables;

— que par ailleurs, la société INTERBREW justifie avoir expérimenté en France en 2002 la commercialisation de BOOMERANG dans le contenant exploité au Canada depuis 1998; que ce contenant ne répondant pas aux impératifs de l’arrêté du 29 février 1984 sur les « volumes nets de bières et autres boissons à base de céréales conditionnées en préemballages » et pour répondre à l’injonction de la Direction Générale de la Concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes (lettre du 10 février 2003), elle a choisi un autre contenant en adaptant le modèle « long neck » utilisé par elle depuis 1990; que dans la publicité vantant sa bouteille « originale et unique », elle fait état de 4 caractéristiques de celle-ci: une bouteille sérigraphiée et dépolie, une icône forte et mémorisable (un boomerang)des couleurs noire et argent jouant sur « les codes nuit tendance » et la transparence de la bouteille mettant en valeur la couleur unique (verte) de la boisson; que le verre dépoli a été adopté parce que la boisson BOOMERANG doit être consommée fraîche (cf copie d’écrans du site « labatt.com » démontrant que cette boisson doit être consommée à 2°C). Dans ces conditions, le tribunal considère:

- que la société BRASSERIE FISCHER ne justifie pas que le changement de conditionnement BOOMERANG a été effectué dans le but de se mettre dans le sillage de la renommée de ses bières KRISKA et DESPARADOS étant précisé que s’il est justifié que la bière KRISKA a fait une percée notable sur le marché des bières « tendance », la renommée dont FISHER fait état est attachée à la bière DESPERADOS, 9e marque préférée des français, dont les bouteilles ne présentent aucun point commun avec celle incriminée;

- qu’au surplus la bouteille BOOMERANG présente un identité propre à travers son code couleur (noire et argent), la couleur verte de son contenu et son iconographie écartant tout risque de confusion avec la bouteille KRISKA des défendeurs; que d’ailleurs c’est sur cette identité particulière qu’elle a fondée son lancement publicitaire (cf article de « Boissons de France » du 18 août 2003) identité que la presse spécialisée a retenue: « on ne peut pas louper la bouteille: un petit et un gros boomerang noirs se détachent sur un verre translucide » (article de l’Hôtellerie du 5 juin 2003) 2) Sur le second grief tenant à l’emploi de la dénomination « malternatives » :: La boisson Boomerang n’est pas une bière dès lors que sa composition ne répond pas aux spécifications du Décret n° 92-207 du 31 mars 1992;il s’agit en effet d’une boisson peu amère à base de malt contenant des extraits naturels de citron. Il est justifié que ce type de boisson bien que très commercialisée outre-atlantique n’avait pas encore été offert à la vente sur le marché français avant l’arrivée de BOOMERANG et que bien que n’étant pas une bière au sens de la réglementation précitée, l’administration des Douanes a décidé de classer BOOMERANG dans ce domaine de boissons. Si dans le dossier de presse relatif au lancement de BOOMERANG, la société INTERBREW a défini dans sa phrase d’annonce sa boisson comme appartenant au domaine des bières ("attention… vous allez découvrir une nouvelle génération de bière!« ), elle a précisé immédiatement après que »boomerang est une malternative, boisson alcoolisée à base de malt et arômatisée aux citrons". Il est justifié par de nombreux articles de presse produits en défense (les Echos, France soir, LSA,)que les journalistes ont bien compris qu’il s’agissait d’un produit d’un nouveau

genre (« la bière mutante » « la bière d’un nouveau genre » « boomerang, la bière qui n’en est pas une » « cette nouvelle boisson hybride). Dans ces conditions, le tribunal considère que la société INTERBREW n’a pas commis de faute en comparant son produit, premier du genre sur le marché français à ceux qui s’en rapprochent le plus, les bières, tout en précisant par l’emploi d’un nouveau terme »malternative« que ce produit n’est pas une bière bien qu’apparenté à celles-ci ( cf publicité de Boomerang précisant »malternative« : produit brassé comme la bière avec moins de malt et plus de sucre »). 3) Sur le troisième grief tenant aux préconisations sur le positionnement: Il n’est pas contesté que la société INTERBREW a préconisé aux distributeurs de positionner sa boisson BOOMERANG à côtés des bières « tendance » (KRISKA et DESPERADOS ) et a fait figurer sur sa publicité destinée à ces professionnels une photographies montrant les bouteilles de son produits entre les bières KRISKA et DESPARADOS. Relevant:

- qu’il est établi que la pratique de « merchandising » tenant à la préconisation par le fournisseur de l’endroit du linéaire et de la famille dans laquelle doit être vendu le produit est courante ( cf attestation et courriel de l’acheteur national du Groupe LECLERC, de l’acheteur national d’AUCHAN; publicités FOSTER , KRONENBOURG, COOL UP; préconisation pour la boisson malternative « STAMPER »);

- que cette démarche est souvent utilisée pour inciter le client à découvrir des produits voisins de ceux qu’ils achète habituellement; par exemple des bières de spécialité ou étrangères pour des consommateur de bières bon marché (cf déclaration du responsable merchandising SOFT et BIERES de la société CASINO);

- que la société-mère de la demanderesse à savoir la société HENNEKEN a d’ailleurs reçu elle-même en 2001 le prix de « merchandising » démontrant ainsi qu’elle préconise également cette pratique;

- tqu’en 2002, lors du lancement de BOOMERANG dans son ancien conditionnement, la préconisation reprochée avait également été faite sans soulever à l’époque de contestation de la demanderesse,
- que les photographies produites par cette dernière démontrent que les boissons BOOMERANG peuvent être positionnées par les distributeurs à côtés de packs de DESPERADOS ou de KRISKA mais également aux côtés de packs de produits concurrents (CORONA, KRONENBOURG etc..);

- que quelque soit l’endroit où sont positionnés les packs BOOMERANG, le design de ceux-ci les distinguent de ceux des bières voisines; qu’en effet, ils sont composés de 4 bouteilles, attachées entre elles grâce à un seul élément en carton noir portant en caractères jaunes la dénomination « BOOMERANG », élément positionné uniquement sur le partie haute des bouteilles de façon à laisser voir la couleur verte de la boisson à travers le verre dépoli transclucide, considère que la société INTERBREW n’a commis aucune faute en préconisant le positionnement de sa boisson à base de malt à côté des bières, préconisation s’inscrivant dans une démarche de merchandising courante auprès des grands distributeurs et ce ,alors que son nouveau produit était présenté dans un packaging spécifique évitant tout risque de confusion avec ceux des bières voisines.

Dans ces conditions, les demandes de la BRASSERIE FISCHER sur le fondement de la concurrence déloyale sont rejetées, aucun des griefs qu’elle formule n’étant fondé. IV – sur les autres demandes: Dès lors que la société BRASSERIE FISCHER était titulaire d’une marque , son action en justice n’apparaît pas abusive. En revanche, l’équité commande d’allouer à la société INTERBREW une somme de 60.000 Euros au titre des frais exposés dans la présente procédure et dont elle justifie par le versement aux débats des notes d’honoraires et de l’estimation du temps passé par ses salariés au traitement du présent dossier. PAR CES MOTIFS,le Tribunal statuant publiquement,contradictoirement et en premier ressort, Donne acte à la société INTERBREW SA de son intervention volontaire, Prononce la nullité de la marque n° 02 3171590 déposée par la société BRASSERIE FISCHER le 28 juin 2002 pour défaut de distinctivité, Déboute la société BRASSERIE FISCHER de ses demandes au titre de la contrefaçon de marque et de la concurrence déloyale, Déboute les sociétés INTERBREW de leur demande au titre de la procédure abusive, Dit que le présent jugement devenu définitif sera transmis à l’INPI pour inscription sur le registre des marques , par le présent greffier préalablement requis par la partie la plus diligente, Condamne la société BRASSERIE FISCHER à payer à la société INTERBREW FRANCE la somme de 60.000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens, Fait application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Grégoire T ,avocat,pour la part des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.

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