Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 26 novembre 2010, n° 09/17678

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 26 nov. 2010, n° 09/17678
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/17678
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20100302
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 26 Novembre 2010

3e chambre 3e section N°RG: 09/17678

DEMANDERESSE Société ESCANDELLE, SARL […] 75011 PARIS représentée par Me Stéphane BOKOBZA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C2416

DEFENDERESSE Société MISS SISSI, SARL Centre Popincourt […] – […] 93300 AUBERVILLIERS représentée par Me André VIEU, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, vestiaire BOB099

COMPOSITION DU TRIBUNAL Agnès T, Vice-Président, signataire de la décision Anne C. Juge Mélanie BESSAUD, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 12 Octobre 2010 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS La société ESCANDELLE, qui a pour activité la fabrication, la vente et la commercialisation de textiles et vêtements, commercialise un modèle de veste à col de fourrure amovible référencé Hl 020, déposé à l’INPI le 3 juillet 2009. Elle a découvert que la société MISS SISSI, située à Aubervilliers (93), proposait à la vente des modèles de vestes constituant la copie servile du modèle référencé H1020 et a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, autorisées par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Bobigny, le 21 octobre 2009 dans les locaux de la société MISS SISSI. Par acte du 13 novembre 2009, elle a fait assigner la société MISS SISSI en contrefaçon de ses droits d’auteur sur le modèle H 1020 et concurrence déloyale. Elle demande au tribunal de :

vu le procès-verbal de saisie-contrefaçon versé aux débats, vu les articles L.321-1 et suivants, L.511-1 et suivants et L.521-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, vu les articles 1382 et 1383 du code civil,
- valider les opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 21 octobre 2009 par l’étude SCP BOUAZIZ SAYAG BOUAZIZ Huissiers de Justice, au siège de la société MISS SISSI.

- dire et faire juger que la société MISS SISSI a commis des actes de contrefaçon en commercialisant un modèle reprenant l’ensemble des caractéristiques du modèle H 1020 propriété de la société ESCANDELLE.

En conséquence,
- interdire à la société MISS SISSI de reproduire le modèle H1020 et ce sous astreinte définitive de 150 € par infraction constatée et par jour, à compter de la publication du jugement à intervenir, le tribunal se réservant la faculté de liquider l’astreinte directement.

- ordonner la confiscation de l’ensemble des modèles contrefaisants et ce, tant au siège de la société MISS SISSI qu’à l’ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes et détaillants.

- ordonner la destruction des modèles en cause par un huissier au choix de la société ESCANDELLE, à ses frais avancés, qui lui seront remboursés par la société MISS SISSI sur simple présentation des factures justificatives.

- condamner la société MISS SISSI à verser à la société ESCANDELLE la somme globale et provisionnelle de 75.000 €, en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, sous réserve des éléments qui seront fournis en cours de procédure.

- faire sommation à la société MISS SISSI de communiquer un état des stocks, des achats et des ventes certifiés conformes concernant le modèle de veste contrefait.

- dire et faire juger que la société MISS SISSI a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en commercialisant un modèle reprenant l’ensemble des caractéristiques du modèle référencé H1010, propriété de la société ESCANDELLE.

- condamner la société MISS SISSI à verser à la société ESCANDELLE la somme de 75.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

en tout état de cause,
- condamner la société MISS SISSI à verser à la société ESCANDELLE la somme de 5.000 € HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société MISS SISSI aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon. En réplique, par conclusions du 21 septembre 2010, la société MISS SISSI demande au tribunal de :

- donner acte à la défenderesse de ce qu’elle s’en rapporte à la justice quant à l’appréciation de l’existence d’actes de contrefaçon,
- limiter à de plus justes proportions la réparation du préjudice de la demanderesse,
- débouter la société ESCANDELLE de ses demandes relatives aux actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- débouter la société ESCANDELLE de sa demande de publication de jugement,

— limiter à de plus justes proportions la somme qui pourrait lui être accordée en application de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2010.

MOTIFS Sur la demande de valider les opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 21 octobre 2009. Dès lors que la validité des opérations de saisie-contrefaçon ne fait l’objet d’aucune contestation de la part de la défenderesse, il n’y a pas lieu de les valider. Sur la titularité des droits sur le modèle revendiqué L’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous et l’article Ll 13-1 du même code dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée". La société ESCANDELLE soutient qu’elle bénéfice de la protection par le droit d’auteur sur le modèle revendiqué au motif qu’elle l’a décliné, fabriqué et commercialisé depuis le mois de juillet 2009. De son côté, la société MISS SISSI ne conteste pas la titularité des droits de la société ESCANDELLE, elle se contente de remettre en cause dans le cadre de l’évaluation de son préjudice le fait que la société ESCANDELLE ait pu créer elle-même ce modèle, sans tirer d’autres conséquences. En tout état de cause, la société ESCANDELLE bénéficie de la présomption de titularité des droits sur le modèle opposé dès lors qu’elle justifie l’avoir déposé à l’INPI le 3 juillet 2009 et commercialisé sous son nom avec la référence H 1020 dès juillet 2009, ce qui n’est pas contesté par la défenderesse. L’originalité du modèle opposé revendiquée par la demanderesse n’est pas davantage contestée par la société MISS SISSI.

Sur les faits de contrefaçon allégués La société ESCANDELLE revendique un modèle de veste dont elle décrit les caractéristiques en ces termes : veste cintrée col fourrure amovible manches longues sur le devant, un col tailleur en fourrure lapin amovible une fermeture centrale composée de trois boutons les poches de chaque côté de la fermeture centrale sont munies de rabats et d’un bouton une ceinture tenue par deux passants au dos, quatre découpes verticales cousues par de triples surpiqûres découpe au niveau de la colonne vertébrale, la deuxième perpendiculaire court d’une épaule à l’autre les deux autres de chaque côté de la première la ceinture faisant le tour du corps est tenue au dos par deux passants la doublure est sérigraphiée

le tout de couleur unie : noir, bleu marine ou chocolat. La société ESCANDELLE reproche à la société MISS SISSI d’avoir contrefait ce modèle. La société MISS SISSI s’en rapporte à justice. C’est au regard de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque que doit être examiné le grief de contrefaçon. II est constant que la contrefaçon s’apprécie selon les ressemblances et non d’après les différences. La société ESCANDELLE produit un procès-verbal d’opérations de saisie- contrefaçon du 21 octobre 2009 au cours desquelles l’huissier a saisi deux exemplaires de la veste arguée de contrefaçon, l’une de couleur noire et l’autre marron. L’examen de ces vestes par le tribunal a permis de constater que la société MISS SISSI offrait à la vente des vestes reprenant les caractéristiques revendiquées du modèle de la demanderesse donnant une impression d’ensemble identique entre les deux modèles en cause. En conséquence, en reproduisant et en commercialisant sans autorisation le modèle sur lesquelles la société MISS SISSI détient les droits patrimoniaux d’auteur, cette société a commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur telle qu’elle est définie par le texte précité. Sur la concurrence déloyale La société ESCANDELLE reproche également des actes de concurrence déloyale à la société MISS SISSI constitués par la copie servile qui crée un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit et la volonté de profiter des investissements de la demanderesse, et ce d’autant plus que le prix de commercialisation de la veste contrefaisante est, selon la demanderesse, très inférieur aux prix de la demanderesse.

Cependant, pour retenir des actes de concurrence déloyale, il faut établir l’existence de faits distincts de ceux constitutifs de contrefaçon, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la reproduction servile étant constitutive de contrefaçon et la pratique de prix inférieurs n’étant pas en soi suffisante pour caractériser des actes de concurrence déloyale. En conséquence, la société ESCANDELLE sera déboutée de sa demande à ce titre. Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon La société ESC ANDELLE demande réparation pour l’atteinte à l’image de marque, l’avilissement de son modèle et atteinte à ses investissements, préjudice d’autant plus important selon elle que les produits contrefaisants ont été commercialisés dès octobre 2009.

La société MISS SISSI conteste le montant sollicité au titre du préjudice, faisant valoir que la société ESCANDELLE est une société de vente en gros qui n’a commercialisé que 260 vestes du modèle revendiqué entre juillet et août 2009 et qui ne justifie ni d’investissements importants ni d’une quelconque notoriété. Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2009 que la société MISS SISSI a en effet commercialisé le modèle contrefaisant dès octobre 2009, que la défenderesse n’a communiqué aucune pièce comptable à l’huissier et que celui-ci a pu dénombrer 3 rangées de 23 cartons contenant 32 pièces portant la référence de la veste litiRieuse, tout en précisant qu’il y avait au moins 60 autres ballots portant entre autres cette référence, sans que les cartons aient pu être inspectés. Dans ces conditions, il demeure difficile d’établir l’étendue exacte de la masse contrefaisante, laquelle est cependant d’au moins deux mille pièces. La société ESCANDELLE a subi un manque à gagner du fait des ventes manquées ainsi qu’une atteinte à son image et à ses modèles sur lesquels elle détient des droits d’auteur. Compte-tenu de ces éléments, le tribunal est en mesure de fixer à la somme de 20.000 € le montant de la provision due sur la réparation du préjudice subi par la société ESCANDELLE du fait de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux d’auteur. Il convient d’interdire à la société défenderesse de reproduire le modèle H1020 et ce sous astreinte de 150 € par infraction constatée passé un délai d’un mois suivant la signification du jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée. La durée de l’astreinte est limitée à trois mois. Il sera en outre fait droit à la demande de confiscation de l’ensemble des modèles contrefaisants et ce, tant au siège de la société MISS SISSI qu’à l’ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes et détaillants et de destruction des modèles en cause par un huissier au choix de la société ESCANDELLE, à ses frais avancés, qui lui seront remboursés par la société MISS SISSI sur simple présentation des factures justificatives.

Enfin, il convient d’ordonner à la société MISS SISSI de communiquer un état des stocks, des achats et des ventes certifiés conformes concernant le modèle de veste contrefait, conformément à la demande de la société ESCANDELLE sous astreinte de 150 € par jour passé un délai d’un mois suivant la signification du jugement, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée. La durée de l’astreinte est limitée à trois mois. Sur les autres demandes II est nécessaire en l’espèce et compatible avec la nature de l’affaire d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision à l’exception de la mesure de destruction. Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société ESCANDELLE les frais irrépétibles et non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 5.000 €.

Il y a lieu de condamner la défenderesse aux dépens, en ce compris le coût du procès-verbal saisie-contrefaçon.

PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par jugement mis à disposition au greffe ;

- Dit que la société MISS SISSI en offrant à la vente des modèles de vestes reproduisant servilement les caractéristiques du modèle H 1020 de la société ESCANDELLE sans son autorisation, a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur à rencontre de cette dernière;

- Condamne la société MISS SISSI à lui payer à titre de provision à valoir sur ses dommages-intérêts la somme de 20.000 € ;

- Ordonne à la société MISS SISSI de communiquer à la société ESCANDELLE un état des stocks, des achats et des ventes certifiés conformes concernant le modèle de veste contrefaisant et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du délai d’un mois suivant la signification du présent jugement;

- Interdit à la société MISS SISSI de reproduire le modèle H1020 et ce sous astreinte de 150 € par infraction constatée, à compter du délai d’un mois suivant la signification du jugement;

- Se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées ;

- Dit que la durée des astreintes sera limitée à TROIS MOIS,
- Ordonne la confiscation de l’ensemble des modèles contrefaisants et ce, tant au siège de la société MISS SISSI qu’à l’ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes et détaillants;

- Ordonne la destruction des modèles jugés contrefaisants par un huissier au choix de la société ESCANDELLE, à ses frais avancés, qui lui seront remboursés par la société MISS SISSI sur simple présentation des factures justificatives.

— Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Ordonne l’exécution provisoire de la décision à l’exception de la mesure de destruction ;

- Condamne la société défenderesse à verser à la société ESCANDELLE la somme totale de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société MISS SISSI aux entiers dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 21 octobre 2009.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 26 novembre 2010, n° 09/17678