Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 16 novembre 2010, n° 10/12413

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 16 nov. 2010, n° 10/12413
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 10/12413

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 1re section

N° RG : 10/12413

N° MINUTE :

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 16 Novembre 2010

DEMANDEUR

Monsieur X LE Y

[…]

[…]

représenté par Me D E – MASURE & E Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D50

DÉFENDEURS

S.A.R.L. AWYSE

[…]

[…]

représentée par Me Philippe MIRO – SCP VITOUX & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P273

Monsieur A Z

[…]

[…]

représenté par Me Xavier FILET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A.265

COMPOSITION DU TRIBUNAL, lors des débats

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

Marie SALORD, Vice Présidente

B C, Juge

assistées de Katia CARDINALE, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL, lors du prononcé

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

Marie SALORD, Vice Présidente

B C, Juge

assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS

A l’audience du 12 Octobre 2010

tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe

Contradictoirement

en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur X LE Y est graphiste et a créé en 2007 la représentation graphique d’un personnage intitulé “H”.

La société AWYSE a pour objet social la programmation informatique et commercialise des applications pour Iphone.

Monsieur A Z est développeur Iphone indépendant.

Par contrat du 17 septembre 2009, Monsieur X LE Y et la société AWYSE ont conclu un “contrat de commande et de cession de droits d’auteur relatif à une oeuvre multimédia de composition” portant sur le personnage H et une oeuvre multimédia de composition.

Par contrat du 18 septembre 2009, Monsieur A Z et la société AWYSE ont conclu un contrat de cession de droit d’auteur portant sur une “application multimédia (logiciel) dédiée à l’Iphone sur la base du scénario “H” (à l’exclusion des fonctionnalités marquées V2) daté du 01.09.09 (annexe 3) et des supports graphiques (annexe 2) fournis par AWYSE”.

L’application G H a été commercialisée à partir du 8 décembre 2009 sur Itunes et jusqu’au 30 avril 2010, a été téléchargée 598.150 fois, le prix de vente étant d’après le contrat du 17 septembre 2009 fixé à 0,99 dollars US.

Par courrier du 2 février 2010, le conseil de Monsieur X LE Y a demandé à la société AWYSE de cesser l’exploitation de l’application sur supports Ipod.

Monsieur X Le Y a déposé le 22 février 2010 la marque française nominative “G H” enregistrée en classes 9, 16 et 28 sous le numéro 3715252.

Par constat d’huissier du 28 mai 2010, Monsieur X le Y a fait constater que l’application G H était commercialisée par la société AWYSE via Itunes pour les supports Iphone et Ipad et a , par mail du 18 juin 2010, mis en demeure cette société de cesser d’utiliser cette application sur ces supports.

Dans ces circonstances, Monsieur X LE Y a fait assigner à jour fixe par exploits des 10 et 13 août 2010 la société AWYSE et Monsieur A Z.

Dans ses dernières écritures du 12 octobre 2010, Monsieur X LE Y demande au Tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— débouter la société AWYSE de l’intégralité de ses moyens, fins et prétentions,

— dire et juger que l’exploitation par la société AWYSE du personnage H, du scénario interactif et des éléments graphiques dont il est l’auteur sur supports Ipod et Ipad constitue une contrefaçon,

En conséquence :

— condamner la société AWYSE à lui verser la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

— ordonner à la société AWYSE de cesser toute exploitation du jeu vidéo G H sur supports Ipod et Ipad sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

A titre principal :

— dire et juger que le scénario interactif du jeu vidéo G Talkers exploité par AWYSE sur supports Ipod, Iphone et Ipad constitue une adaptation contrefaisante du scénario dont il est l’auteur,

— dire et juger que l’exploitation contrefaisante par la société AWYSE du jeu vidéo G Talkers constitue une atteinte à ses droits moraux et patrimoniaux,

A titre subsidiaire :

— dire et juger que le scénario interactif du jeu vidéo G Talkers exploité par AWYSE sur supports Ipod, Iphone et Ipad constitue un acte parasitaire à son préjudice,

En tout état de cause :

— condamner la société AWYSE à lui verser la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

— condamner la société AWYSE à lui verser la somme de 15.000 euros (à parfaire) de dommages et intérêts en réparation du préjudice patrimonial,

— ordonner à la société AWYSE de cesser toute exploitation du jeu vidéo G Talkers sur tous supports sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— dire et juger que la société AWYSE a violé les dispositions de l’article 11 du contrat en date du 17 septembre 2009 à son préjudice,

En conséquence :

— condamner la société AWYSE à lui verser la somme de 9.758,78 euros HT (à parfaire) à titre de rappel de droits d’auteur avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal,

— constater que la société AWYSE a manqué à ses obligations de bonne foi et de loyauté à son préjudice justifiant la résiliation du contrat du 17 septembre 2009,

En conséquence :

— prononcer la résiliation du contrat en date du 17 septembre 2009 aux torts exclusifs de la société AWYSE,

— ordonner à la société AWYSE de cesser toute exploitation directe ou indirecte des jeux vidéo G H et G Talkers sur tous supports sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— condamner la société AWYSE à lui verser la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat en date du 17 septembre 2009 aux torts exclusifs de la société AWYSE,

— condamner la société AWYSE à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société AWYSE en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître D E, Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir que le personnage H est original et ne constitue pas la contrefaçon du personnage de manga japonais Domo, compte tenu des différences.

Il soutient qu’il est l’auteur du scénario et que celui-ci est original en ce qu’il définit dix actions possibles du personnage et dix réactions mettant en scène le personnage H au caractère propre, peu commode, en permettant au joueur de l’agacer et le faire crier ; que les créations pour des applications commercialisées par APPLE pour des téléphones portables avec des contraintes techniques fortes ne peuvent dépasser un poids limité et consistent à décrire les actions possibles du joueur et le contenu de l’interaction. Il indique que les antériorités invoquées ne sont soit pas similaires, soit postérieures.

Il énonce que la contrefaçon est constituée dans la mesure où l’oeuvre a été reproduite sur Ipod et Ipad alors qu’il n’a cédé ses droits que pour une exploitation sur des smartphones.

Il prétend que la commercialisation de son oeuvre sur Ipod lui cause un préjudice moral en l’absence de micros permettant à l’utilisateur de profiter pleinement des fonctionnalités.

Il sollicite également la protection au titre du droit d’auteur d’un scénario interactif, formalisé dans un film intitulé “L H” dont les caractéristiques originales auraient été reprises dans le jeu “G Talkers” édité et commercialisé par la société AWYSE via Itunes depuis le 22 avril 2010.

Il fait valoir que la société AWYSE n’applique pas les conditions contractuelles de rémunération puisqu’elle lui verse 50% du chiffre d’affaires réalisé en déduisant le prix payé par la société APPLE au titre de sa commission.

Il soutient que l’ensemble des violations commises par la société AWYSE justifie la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la défenderesse.

Il indique que son refus de produire des images “haute résolution” constitue une exception d’inexécution et que la société AWYSE ne rapporte pas la preuve de l’existence de la mise en ligne d’une application “sleeping H”.

Il expose que les dépôts de la marque et du nom de domaine n’ont pas été réalisés de manière frauduleuse dans la mesure où il n’a, en vertu du contrat de cession, cédé que le titre du personnage H pour l’utilisation du logiciel sur un smartphone.

Il soutient enfin qu’il a assigné Monsieur Z en qualité de co-auteur, du fait de sa contribution à une oeuvre de collaboration afin que la procédure lui soit opposable.

Dans ses conclusions du 8 octobre 2010, la société AWYSE demande au Tribunal sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

— dire et juger que l’application dénommée G H est une œuvre collective,

— en conséquence, débouter Monsieur LE Y de ses demandes tendant à voir dire l’application G Talker contrefaisante ; le débouter de toutes ses demandes conséquentes,

— dire et juger qu’elle a respecté les termes du contrat signé le 18 septembre 2009 ; en conséquence, rejeter les demandes de Monsieur LE Y tendant à résilier ledit contrat et toutes les demandes conséquentes,

— subsidiairement ramener les dommages et intérêts demandés à une somme symbolique au regard de l’absence de tout préjudice prouvé,

Reconventionnellement,

— dire et juger que le personnage H dont l’exploitation des droits lui a été cédée n’est pas original ; qu’en conséquence, il ne saurait prétendre à la protection du droit d’auteur,

— en conséquence, dire et juger que la rémunération de Monsieur LE Y prévue au contrat est partiellement sans cause ; le condamner à lui payer la somme de 131.878 € en remboursement du trop perçu,

— fixer pour l’avenir la part Monsieur LE Y à 3,65 % de la recette brute générée par G H,

— condamner Monsieur LE Y à lui payer la somme de 7.000€ en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait du non respect du contrat par ce dernier,

— dire et juger que la propriété de la marque G H sera transférée à son profit sur présentation du jugement à intervenir devenu définitif aux “Offices de propriété industrielle”,

— faire injonction à Monsieur LE Y d’avoir à lui transférer la propriété de l’URL et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, 8 jours après la signification du jugement à intervenir,

— condamner Monsieur LE Y à lui payer la somme de 15.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que le personnage H n’est pas original en ce qu’il reprend les caractéristiques du personnage Domo.

Elle fait valoir que Monsieur LE Y ne peut revendiquer la paternité du scénario G H qui ne reprend pas les fonctions qu’il a créées et qu’une simple liste de fonctions ne peut être protégée au titre du droit d’auteur en l’absence d’originalité, les actions ne portant pas la marque de la personnalité.

Elle conteste aussi l’originalité du scénario interactif “L H” qui constitue une vidéo où H chante “bon anniversaire”et indique que le demandeur ne peut se prévaloir que de la création du personnage.

Elle soutient que l’Iphone et Ipad appartiennent à la catégorie des smartphones puisqu’ils possèdent une fonction wifi permettant, via un logiciel, une communication téléphonique, qu’il aurait été déraisonnable et un non sens économique d’exclure le support Ipod du champ contractuel, qu’il était impossible d’interdire l’utilisation téléchargée via Itunes sur tel ou tel support et que le demandeur avait connaissance du fait que H était conçu pour Ipod et Ipad.

Elle s’oppose à la demande en paiement au titre de la rémunération dans la mesure où les recettes ne lui sont pas versées par la société APPLE en devises mais en euros et que les taux de change s’imputent sur la recette.

Elle sollicite la condamnation du demandeur à lui rembourser les droits d’auteur compte tenu de l’absence d’originalité de son personnage “H”.

A titre reconventionnel, elle soutient que le demandeur a violé les dispositions contractuelles en refusant de produire des images hautes résolution et n’a pas respecté la clause d’exclusivité du fait de la mise en ligne d’une application “sleeping H”, et du fait du dépôt frauduleux la marque “G H”et de l’url .

Dans ses conclusions du 8 octobre 2010, Monsieur A Z demande au Tribunal de qualifier l’instance d’abusive, de condamner Monsieur LE Y à lui payer la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice subi et celle de 2.392 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître FILET conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l’assignation délivrée à son encontre est manifestement abusive puisqu’aucun grief n’est articulé à son encontre et aucune demande formulée et que le simple fait d’être attrait en justice est créateur d’inquiétude et de stress.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non recevoir

Sur la représentation graphique du personnage H

L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à

tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Le droit de l’article susmentionné est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

En l’espèce, la société AWYSE conteste “à titre reconventionnel” l’originalité du personnage H. Cette demande s’analyse comme une fin de non recevoir opposée à l’action en contrefaçon.

Monsieur X LE Y définit le personnage graphique H comme “rouge et lisse”, “sans jambe”, avec des “yeux globuleux au-dessus du crâne”, “sans dent, seulement une glotte au fond de la gorge” et par le fait que “tout le corps de H est occupé par sa bouche”.

La société AWYSE oppose à titre d’antériorité le personnage de manga Domo qui serait la mascotte de la société de télévision japonaise NHK et “étrangement semblable à H”.

Le personnage Domo est de forme rectangulaire, alors que celui de H est K. Il a des dents tandis que la bouche de H qui occupe une grande partie du personnage n’en contient pas et deux yeux noirs alors que ceux de H ressemblent à des billes blanches qui sont placées en partie à l’extérieur de son visage.

Ainsi, le graphisme ne reprend pas les caractéristiques de celui du personnage Domo et confère à H une originalité certaine, traduisant les choix personnels de l’auteur et démontrant l’empreinte de sa personnalité. Le personnage graphique H constitue donc une oeuvre de l’esprit protégeable par les dispositions des livres I et III du code de la propriété intellectuelle.

Sur le scénario “G H”

Le demandeur revendique également la protection d’un scénario interactif qui figure en annexe du contrat du 17 septembre 2009 définissant dix actions possibles du joueur et impliquant 10 réactions du personnage. Il convient de relever qu’il ne sollicite pas la protection de l’application commercialisée, si bien que le débat portant sur la nature de cette oeuvre, étranger au présent litige, est sans objet.

La société défenderesse conteste la paternité du demandeur sur ce scénario.

Cependant, le courriel du 15 juin 2009 de Monsieur X LE Y établit qu’il a crée 10 réactions de son personnage, à savoir : parle et répète, caresse et répète, poke le grognement, poke too

much/boude, souffle/enfle et se dégonfle comme un ballon péteur, secousse/rebondi dans tous les sens, rien/dodeline, rien longtemps/s’endort, renverse l’iphone/se met sur les mains en équilibre, penche l’iphone/se pête la gueule.

L’annexe trois du contrat de commande et de cession de droits n’a retenu que trois de ces actions, à savoir :

— H répète ce que dit l’utilisateur,

— H répète ce qu’il vient de dire après une caresse,

— l’utilisateur tapote l’écran- “poke”- et H grogne.

Outre ces actions, Monsieur Le Y soutient que l’originalité de l’oeuvre est constituée par le caractère propre de H, bougon et râleur, et la reprise de la voix et du rire de l’auteur lui donnant une personnalité propre.

L’action de répéter ce que dit l’utilisateur, dont le demandeur reconnaît dans ses écritures qu’il s’agit d’une fonctionnalité technique, pas plus que celle d’arriver à un grognement en tapotant l’écran ne portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Par ailleurs, aucune originalité ne peut être retenue pour un caractère bougon et râleur tant ce caractère constitue des caractéristiques communes. En outre, à défaut de création, la voix et le rire d’une personne ne sont pas protégeables par le droit d’auteur.

En conséquence, l’action en contrefaçon fondée sur ce scénario sera déclarée irrecevable.

Sur le scénario “L H”

Monsieur X LE Y sollicite enfin la protection au titre du droit d’auteur d’un scénario, qu’il a formalisé dans un film intitulé “L H”, qui consisterait dans la présentation d’un personnage animé réagissant à diverses actions du joueur qui :

— hurle quand on lui touche les yeux,

— répète avec une voix déformée lorsqu’on lui parle,

— rit quand on le chatouille,

— grogne quand on le pince,

— crie à l’ouverture et à la fermeture du jeu,

— dodeline quand il ne se passe rien puis interpelle le joueur en cas d’inactivité prolongée.

Il convient de relever que le “scénario” produit au débat, dont la preuve n’est pas rapportée qu’il est antérieur à l’exploitation de l’oeuvre arguée de contrefaisante, ne reproduit pas les caractéristiques décrites dans les écritures du demandeur, si bien que celui-ci échoue à démontrer sa paternité et qu’il convient de déclarer son action irrecevable.

Sur les actes de contrefaçon

L’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite.

Aux termes de l’article 6 du “contrat de commande et de cession de droits d’auteur relatif à une oeuvre multimédia de composition” conclu le 17 septembre 2009 entre la société AWYSE et Monsieur X LE Y, celui-ci a cédé ses droits patrimoniaux, de reproduction, de représentation, d’utilisation, de diffusion, de modification, de traduction et d’incorporation sur le personnage H et sur l’oeuvre multimédia “exclusivement et uniquement en vue de la création, de la commercialisation et de l’utilisation du logiciel sur les smartphones”.

Par ailleurs, l’annexe 3 du contrat “scénario et modalités d’application” représente un téléphone Iphone et décrit au vu du scénario ses fonctionnalités.

La société AWYSE soutient que l’Ipad et l’Iphone constituent des smartphones puisqu’ils peuvent grâce à la fonction wifi permettre de téléphoner et que la restriction au smartphone constitue une erreur du rédacteur du contrat.

Elle ne conteste pas la définition du smartphone donnée par le demandeur, à savoir un téléphone intelligent, ni le fait qu’un Ipod permette à son utilisateur d’écouter de la musique. Le seul fait qu’au vu de l’article du 18 août 2010, extrait du site , il existe un gadget chinois qui transforme l’Ipod en téléphone et dont 150 prototypes ont été utilisés ne suffit à établir qu’un Ipod, qui n’est pas un téléphone et a des fonctionnalités techniques différentes de celui-ci, constitue au sens du contrat un smartphone. En effet, en suivant le raisonnement de la société AWYSE, n’importe quel objet doté d’un gadget similaire deviendrait un téléphone alors qu’il convient d’interpréter strictement le contrat qui a force de loi entre les parties et de ne pas le dénaturer.

Par ailleurs, s’il résulte des pièces versées au débat que Monsieur LE Y avait connaissance du téléchargement de son application sur des Ipod, elle ne suffit pas à caractériser son consentement pour étendre le champ contractuel des droits cédés, d’autant qu’il se plaignait de l’inadaptation technique de ce support.

Il n’est pas contesté par la société défenderesse que la commercialisation de l’Ipad, ordinateur doté d’un écran tactile, a débuté le 28 mai 2010 si bien que le contrat du 17 septembre ne pouvait prévoir ce support.

La société défenderesse, qui s’abstient de produire au débat le contrat la liant à la société APPLE, ne rapporte pas la preuve de l’impossibilité d’interdire l’achat par le consommateur d’une application pour un support Ipod ou Ipad. En effet, les conditions générales de vente sur Itunes qu’elle produit, et qui indiquent que les produits peuvent être stockés sur différents appareils, s’adressent aux acheteurs potentiels.

En revanche, il résulte du “guide du développeur” d’Itunes (version de septembre 2009), versé au débat par le demandeur, que celui qui soumet une application a la possibilité de sélectionner le support et donc, partant, d’en exclure certains. Ce fait ne peut être contredit par la seule attestation de Monsieur A Z en date du 30 septembre 2010 qui se borne à indiquer qu'”il est d’ailleurs impossible d’empêcher à l’utilisateur de télécharger H sur un Ipod”, sans expliciter d’un point de vue technique son affirmation.

En conséquence, la reproduction de l’oeuvre graphique H sur des supports non autorisés par le contrat de cession constitue une contrefaçon dont s’est rendue coupable la société AWYSE au préjudice de Monsieur LE Y.

Sur les mesures réparatrices

Il résulte de l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.

Du fait de la contrefaçon résultant de la reproduction de l’oeuvre graphique H sur les supports Ipod et Ipad, le demandeur sollicite uniquement la réparation de son préjudice moral.

Au vu des échanges entre acheteurs de l’application versés aux débats, certains d’entre eux ont fait part de leur mécontentement du fait de son absence de compatibilité avec certains modèles d’Ipod. En raison de cette circonstance, l’ensemble du préjudice moral de Monsieur LE Y résultant de la contrefaçon sur supports Ipod et Ipad sera indemnisé à hauteur de 8.000 euros et par le biais des mesures d’interdiction figurant au dispositif du présent jugement.

Sur les actes de parasitisme

A titre subsidiaire, le demandeur sollicite la condamnation de la société défenderesse au titre du parasitisme du fait de la reprise du scénario “L H” dont il se prétend l’auteur.

Monsieur LE Y ne rapportant pas la preuve qu’il a créé ce scénario, sa demande de ce chef sera déclarée irrecevable.

Sur la rémunération au titre du droit d’auteur

Les décomptes adressés par la société AWYSE à Monsieur X LE Y portent sur les ventes d’application sur tous supports dans le monde entier et dans différentes devises, leur taux de change avec l’euro variant sur chacun des décomptes mensuels.

Le décompte établit par le demandeur dans ses conclusions ne mentionne pas le taux de change retenu pour chaque devise et chaque mois, la variabilité du taux de change étant susceptible d’expliquer la différence entre le montant auquel il aboutit et celui de la société défenderesse.

En l’absence de ce critère, indispensable au calcul, le Tribunal est dans l’impossibilité de vérifier le bien fondé des prétentions de Monsieur X Le Y qui sera débouté de sa demande en paiement.

Sur les demandes reconventionnelles de la société AWYSE

Sur la demande de remboursement des droits d’auteur de Monsieur LE Y

L’oeuvre graphique H ayant été déclarée originale et protégeable au titre du droit d’auteur, cette demande est sans objet.

Sur le refus par Monsieur LE Y de produire des images haute résolution

Par mail du 9 juin 2010, J K demandait à X LE Y de mettre à jour G H avec des images correspondant aux nouveaux écrans d’Iphone de lui faire parvenir un “jeux des frames” avec une nouvelle résolution.

En réponse, le demandeur indiquait qu’il soupçonnait que cette demande constitue un procédé déguisé pour obtenir des images pour une exploitation sur Ipad en haute définition, exploitation sur un support auquel il s’opposait.

Dès lors, l’inexécution contractuelle de Monsieur LE Y trouve sa source dans la contrefaçon dont s’est rendue coupable la société défenderesse et sa responsabilité n’est pas engagée.

Sur la mise en ligne d’une application “sleeping H”

La société défenderesse indique que le demandeur a mis en ligne sur “l’Apple store” une application “sleeping H” téléchargeable gratuitement.

Elle n’indique pas la date des faits reprochés, pas plus qu’elle ne rapporte pas la preuve de leur existence, si bien que sa demande de ce chef sera rejetée.

Sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque “G H”n°3715252

La société défenderesse vise l’article 1134 du code civil au soutien de sa demande tendant à voir juger frauduleux le dépôt de la marque.

Dans la mesure où sa demande tend à se voir transférer le dépôt de la marque, celle-ci est en réalité fondée sur l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

Monsieur X Le Y a déposé le 22 février 2010 la marque française nominative G H enregistrée en classes 9, 16 et 28 sous le numéro 3715252.

Aux termes de l’article 6 du contrat, Monsieur X LE Y cède ses droits patrimoniaux, de reproduction, de représentation, d’utilisation, de diffusion, de modification, de traduction et

d’incorporation sur le personnage H et sur l’oeuvre multimédia “exclusivement et uniquement en vue de la création, de la commercialisation et de l’utilisation du logiciel sur les smartphones” et ce même article stipule que “il est expressément précisé que les droits ainsi cédés portent également sur le titre du personnage H et sont strictement limités à l’utilisation du logiciel sur un smartphone”.

Cependant, l’annexe 3 du contrat de commande et de cession du 17 septembre 2009 et les écritures des parties établissent que la dénomination de l’application commercialisée est “G H”.

Un dépôt de marque est frauduleux s’il vise à s’approprier ou faire échec au droit d’un tiers et à lui nuire.

En enregistrant en classe 9 pour des logiciels de jeux et logiciels (programmes enregistrés) le signe désignant le nom d’une application pour Iphone commercialisée par la société AWYSE, Monsieur Le Y n’a fait que protéger ses droits pour une exploitation éventuelle de son personnage qui ne peut être que différente de celle effectuée sur les smartphones ; il n’est pas démontré qu’il vise à priver la société AWYSE d’un signe nécessaire à son activité.

Ainsi, à défaut d’établir le caractère frauduleux du dépôt de la marque et en l’absence de droit de la société AWYSE sur le signe “G H” qui n’est pas mentionné dans la cession des droits, celle-ci ne peut s’en voir transférer la propriété si bien que cette demande est mal fondée et sera rejetée

Sur le dépôt frauduleux de l’url

La société défenderesse ne produit aucune pièce portant sur le dépôt de cet URL par Monsieur X LE Y qui cependant ne le conteste pas.

La société AWYSE n’établit pas en quoi l’existence de ce nom de domaine, dont le Tribunal ignore s’il est exploité et ce qu’il contient, lui interdit de poursuivre la commercialisation de son application et sa demande sera rejetée.

Sur la demande de résiliation du contrat du 17 septembre 2009

Vu les circonstances de l’espèce, il convient de rouvrir les débats afin de recueillir les avis de Monsieur X Le Y et à la société AWYSE sur une médiation portant sur cette demande.

Sur la demande reconventionnelle de Monsieur A Z

Monsieur A Z sera débouté de sa demande au titre de la procédure abusive, faute pour lui de rapporter la preuve d’une quelconque intention de nuire ou de légèreté blâmable de la part de Monsieur X LE Y qui l’a assigné dans la présente procédure en sa qualité de co-auteur de l’application et afin que le présent jugement lui soit opposable.

Par ailleurs, Monsieur A Z n’établit pas l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense et qui seront indemnisés, à la charge de Monsieur LE Y à hauteur de 1.000 euros.

Sur les autres demandes

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de la présente décision et nécessaire et sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la représentation graphique “H” dont l’auteur est Monsieur X LE Y est une oeuvre accessible à la protection de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle,

Déclare Monsieur X LE Y irrecevable en sa demande en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur portant sur les scénarios “G H” et “L H”,

Dit qu’en reproduisant l’oeuvre graphique “H” sur support Ipod et Ipad sans son autorisation, la société AWYSE a commis des actes de contrefaçon au préjudice de son auteur, Monsieur X LE Y,

En conséquence, condamne la société AWYSE à payer à Monsieur X LE Y la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral,

Interdit à la société AWYSE d’exploiter l’oeuvre graphique “H” sur supports Ipod et Ipad sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, ladite astreinte prenant effet passé un délai d’un mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant un délai de trois mois,

Se réserve la liquidation de l’astreinte,

Déclare irrecevable la demande formulée par Monsieur X LE Y au titre du parasitisme,

Déboute Monsieur X LE Y de sa demande en paiement au titre du droit d’auteur,

Constate que la demande tendant au remboursement par Monsieur X LE Y de ses droits d’auteur est sans objet,

Dit que le refus par Monsieur LE Y de produire des images

haute résolution constitue une exception d’inexécution,

Déboute la société AWYSE de ses demandes tendant à voir prononcer le transfert de la marque française « G H » enregistrée le 22 février 2010 10 sous le N˚ 3715252 à la demande de Monsieur X LE Y et de l’URL ,

Déboute Monsieur A Z de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne Monsieur LE Y à payer à d’ores et déjà à Monsieur A Z la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Pour le surplus,

Rouvre les débats pour entendre Monsieur LE Y et la société AWYSE sur la médiation proposée par le Tribunal portant sur la demande de résiliation du contrat du 17 septembre 2009,

Renvoie les parties à l’audience du juge de la mise en état du 8 décembre 2010 à 14 H 30 pour recevoir la réponse de Monsieur LE Y et la société AWYSE sur la médiation proposée,

Réserve les demandes de Monsieur LE Y et la société AWYSE portant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Fait et jugé à Paris le 16 Novembre 2010

Le Greffier Le Président

FOOTNOTES

1:

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 16 novembre 2010, n° 10/12413