Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 19 juin 2014, n° 12/14425

  • Action en concurrence déloyale·
  • Renonciation au droit d'agir·
  • Autorité de la chose jugée·
  • Interprétation du contrat·
  • Action en contrefaçon·
  • Existence du contrat·
  • Exigence d'un écrit·
  • Identité de parties·
  • Validité du contrat·
  • Portée du contrat

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les sociétés demanderesses sont irrecevables en leurs demandes en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale. La société qui est titulaire des marques a auparavant participé – après avoir découvert la commercialisation du produit litigieux en Allemagne – à une transaction conclue avec le groupe dont fait partie la société défenderesse qui a fabriqué le produit. Il importe peu, s’agissant d’un accord entre sociétés, que celui-ci ait été conclu verbalement. Un accord verbal est valable, mais il appartient ensuite aux parties de démontrer quel est son objet et son périmètre. Aucun élément ne permet de penser que l’accord était limité à l’Allemagne. Le produit concerné étant vendu sous une marque de distributeur, l’accord couvrait nécessairement tout lieu de vente en Europe.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 19 juin 2014, n° 12/14425
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/14425
Publication : PIBD 2014, 1015, IIIM-825
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SAINT ALBRAY
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 96641319 ; 3232930 ; 3215814
Classification internationale des marques : CL29
Référence INPI : M20140390
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 19 Juin 2014

3e chambre 1re section N°RG: 12/14425

DEMANDERESSES Société FROMAGERIES DES CHAUMES […] 78220 VIROFLAY

Société BONGRAIN SA 42RUERIEUSSEC 78220 VIROKLAY représentées par Me Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0451

DEFENDERESSE Société FROMAGERIE HENRI HUTIN DIEUE-SUR-MEUSE 55320 DIEUE-SUR-MEUSE représentée par Maître Alexandre NERI de la SDE HERBERT SMITH LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire //J0025

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice Présidente Thérèse A, Vice Présidente Camille LIGNIERES, Vice Présidente assistées de Léoncia B. Greffier

DEBATS A l’audience du 08 Avril 2014 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PRÉTENTIONS La société FROMAGERIES DES CHAUMES, qui fait partie du groupe BONGRAIN SA, fabrique et commercialise depuis 1976, sous la marque SAINT ALBRAY, un fromage de vache à pâte molle reconnaissable par sa forme, à savoir son pourtour irrégulier en forme de vagues, qui évoque les pétales d’une fleur, el par sa croûte striée aux reflets blancs et orangés. Il est offert à la vente sous unités de 200 grammes dans un emballage constitué par :

- la partie inférieure d’une boîte en carton épousant la forme du fromage, sur la tranche de laquelle figurent en alternance la marque SAINT ALBRAY avec un soulignement ondulé, et la mention «CRÉMEUX ET GOURMAND ».

— et une étiquette reposant sur le dessus du fromage, dont les contours reprennent la forme du fromage, et sur laquelle est apposée la marque semi-figurative SAINT ALBRAY. La boîte et l’étiquette sont colorées en un dégradé de beige et de marron. Une version allégée du fromage SAINT-ALBRAY a par ailleurs été lancée sur le marché en 2003 sous !a dénomination LIGNE & PLAISIR. Il se différencie de la version classique en ce qu’il comporte des touches de couleur bleue tant sur l’étiquette que sur l’emballage, rajout de la dénomination LIGNE & PLAISIR, et le remplacement de la mention « CREMEUX ET GOURMAND » par la mention « LÉGER ET GOURMAND». La société BONGRAIN SA, maison-mère de la société FROMAGERIES DES CHAUMES, est titulaire de trois marques françaises figuratives l’une constituée de la ferme seule sans son emballage enregistrée le 10 septembre 1996, sous le n° 96 641 319, et renouvelée le 15 mai 2006 et la deuxième constituée de la forme avec son emballage et son étiquette sous sa version classique le 20 juin 2003, sous le n° 03 323 2930, la troisième constituée de la forme avec son emballage et son étiquette sous sa version allégée le 12 mars 2003, sous le n° 033215814.

Les trois marques désignent les produits de la classe 29, dont notamment le fromage. La société FROMAGERIE HENRI HUTIN, qui a été reprise, en 1978, par le groupe HOCHLAND, exploite une unité industriel le de fabrication de fromages destinés à la grande distribution. La société FROMAGERIE HENRI HUTIN consacre, depuis les années 1980, la quasi-totalité de sa production aux produits vendus sous marques distributeurs et hard discount et exporte la quasi-totalité de sa production, notamment sur le territoire allemand. Il est venu à la connaissance des sociétés FROMAGERIES DES CHAUMES et BONGRAIN SA que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN avait lancé sur le marché français, sous la marque PÈRE MICHEL, un fromage à pâte molle similaire au SAINT ALBRAY, dans un emballage reprenant ses principales caractéristiques. Elle a fait constater ce fait selon constat d’huissier dressé le 4 juin 2012 à la sortie du magasin à l’enseigne ALDI situe à Montgeron dans l’Essonne. Selon elles, la société FROMAGERIE HENRI HUTIN fabriquerait ce fromage en France et l’exporterait sous la marque PERE MICHEL ou sous !a marque ROI DE TRÈFLE ; elle produirait également une version allégée des fromages reprenant les caractéristiques essentielles du fromage SAINT ALBRAY version allégée. Par acte introductif d’instance en date du 19 octobre 2012, les sociétés FROMAGERIES DES CHAUMES et BONGRAIN SA ont assigné la société FROMAGERIES HENRI HUTIN en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale et parasitaire devant le tribunal de grande instance de Paris.

Les sociétés FROMAGERIES DES CHAUMES et BONGRAIN SA ont par ailleurs déposé une plainte pénale à l’encontre de la société FROMAGERIE HENRI HUTIN sur le fondement des délits de divulgation de secret de fabrication, de contrefaçon et de complicité et recel de ces délits, dont elles ont été déboutée par une arrêt de la cour d’appel de Nancy du 5 décembre 2013. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 10 février 2014, la société FROMAGERIE DES CHAUMES et la société BONGRAIN SA ont demandé au tribunal, de : Dire et juger que le fromage P MICHEL objet du procès-verbal de constat d’huissier du 4 juin 2012, et le fromage ROI DE TRÈFLE version classique constituent des contrefaçons par imitation des marques n° 96 641 31 9 et n° 03 323 2930 dont la société Bongrain SA est titulaire et propriétaire. Dire et juger que le fromage ROI DE TREFLE version allégée constitue une contrefaçon par imitation des marques n° 96 641 319 et n°03 3 215 814 dont la société Bongrain SA est titulaire et propriétaire. Dire et juger qu’en ayant fabriqué en France et commercialisé à destination d’autres pays que l’Allemagne son fromage P MICHEL ou ROI DE TRÈFLE, ou toute autre dénomination que ce soit, sous une forme et dans un emballage reprenant les caractéristiques essentielles de celui du fromage SAINT ALBRAY, la société Fromagerie Henri Hutin a commis des actes de contrefaçon de marques au préjudice de la société Bongrain SA, et des actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire à l’encontre de la société Fromageries des Chaumes, Faire interdiction à la société Fromagerie Henri Hutin de poursuivre la fabrication, la commercialisation ou l’exportation vers tout territoire autre que l’Allemagne, de son fromage P MICHEL ou ROI DE TRÈFLE, ou sous toute autre dénomination que ce soit, sous une astreinte définitive et non comminatoire de 200 par infraction constatée ou 15.000 € par jour de retard, à compter du jour de la signification du jugement à intervenir. Ordonner à la société Fromagerie Henri Hutin de procéder au rappel des produits litigieux de telle manière qu’ils ne soient plus offerts en vente dans les magasins situés en dehors de l’Allemagne, dans un délai de 8 jours à compter du jour de la signification du jugement à intervenir, sous une astreinte définitive et non comminatoire de 200 € par infraction constatée ou 15.000 € par jour de retard. Condamner la société Fromagerie Henri Hutin à payer à la société Bongrain SA une somme de 500.000 € à titre de dommages intérêts pour les actes de contrefaçon de marques commis à son préjudice. Condamner la société Fromageries Henri Hutin à payer à la société Fromageries des Chaumes une somme de 650.000 € à titre de dommages intérêts pour les actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire commis à son préjudice. Autoriser la société Fromageries des Chaumes et la société Bongrain SA à faire publier le jugement à intervenir, par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société Fromageries Henri Hutin, sur présentation de simples devis, pour un montant total pouvant atteindre la somme de 40.000 € hors taxes. Condamner la société Fromagerie Henri Mutin à publier à ses frais le dispositif du jugement à intervenir, dans son intégralité, sur la partie supérieure de la page d’accueil de son site internet à l’adresse www.fromagerie-hulin.com, de façon visible et en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police Arial de taille 14, droit, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadré, en- dehors de tout encan publicitaire, le texte devant être précédé du titre « communiqué

judiciaire » en noir sur fond blanc, en lettres capitales et en police de caractère Arial de taille 16, pendant une période de deux mois, dans un délai maximum de quatre mois à compter de la signification de la décision à venir, sous astreinte de 1.500 Euros par jour de retard passé ce délai. Débouter la société Fromagerie Henri Hutin de toutes ses demandes, fins et conclusions. Condamner la société Fromagerie Henri Mutin à payer à la société Fromageries des Chaumes et à la société Bongrain SA, ensemble, la somme de 25.900 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile; Code de Procédure Civile. Condamner la société Fromagerie Henri Hulin en tous les dépens de l’instance, et dire que ceux-ci pourront être directement recouvrés par Maître D Régnier, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel el sans caution.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 mars 2014, la société FROMAGERIE HENRI HUT1N a demandé au tribunal de : A titre liminaire. Constater les parties sont convenues d’une transaction en relation avec les faits objets de la présente instance; Déclarer en conséquence les sociétés BONGRAIN et FROMAGERIE DES CHAUMES irrecevables en leurs demandes, fins et conclusions: A titre subsidiaire. Constater que les marques N°96641319, N°3232930 et N°3215814 appartenant à la société BONGRAIN sont nulles en ce qu’elles n’ont pas de caractère distinctif, qu’elles ne divergent pas de manière significatives des normes du secteur et qu’elles sont fonctionnels, nécessaires et imposés par la nature et la fonction du produit; Prononcer la nullité des marques N°96641319. N°3232 930 et N°3215814 appartenant à la société BONGRAIN; Ordonner en conséquence la transmission de la décision prononçant la nullité des marques susvisées à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle pour radiation des marques susvisées; A titre subsidiaire, Prononcer la déchéance de la marque N°96641319 pour l’ensemble des produits visés, à défaut d’avoir été exploitée telle que déposée durant les cinq années ayant suivi la publication de son enregistrement et ce, avec effet au 10 septembre 2001 ; Prononcer la déchéance de la marque N°3232930 pour défaut d’usage de la marque pour le « lait » en classe 29, et ce, avec effet au 20 juin 2008; Prononcer la déchéance de la marque N°3215814 pour défaut d’usage de la marque pour le « lait » en classe 29, et ce, avec effet au 12 mars 2008; A titre très subsidiaire. Sur la contrefaçon. Dire et juger que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN n’a fait aucun usage à titre de marque des marques N°966413I9. N°3232930 et N°32 I5814 relatives au fromage Saint- Albray; Dire et juger que le fromage P Michel /Roi de Trèfle de la société FROMAGERIE HENRI HUTIN ne constitue pas une imitation des marques N°96641319, N°3232930 et N°3215814 relatives au fromage Saint-Albray;

Dire et juger qu’il n’existe aucun risque de confusion entre que le fromage P Michel / Roi de Trèfle de la société FROMAGERIE HENRIHUTIN et les marques No96641319, No3232930 et No3215814 relatives au fromage Saint-Albray; Dire et juger en conséquence que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN n’a commis aucun acte de contrefaçon des marques susvisées au détriment de la société BONGRAIN; Sur la concurrence déloyale et/ou parasitaire. Dire et juger que la société FROMAGERIE DES CHAUMES ne démontre aucun risque de confusion susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement des consommateurs, étant relevé que les fromages Saint-Albray et P Michel ne sont jamais commercialisés dans les mêmes enseignes et qu’ils ne sont jamais vendus à la coupe mais seulement dans leur emballage comportant leur dénomination verbale; Dire et juger en tout étal de cause que la société FROMAGERIE DES CHAUMES ne démontre aucune faute de la part de la société FROMAGERIE HENRI HUTIN susceptible de caractériser un acte de concurrence déloyale et/ou parasitaire; Dire et juger en tout état de cause que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN ne commercialise pas le fromage P Michel / Roi de Trèfle en France; Dire et juger en conséquence que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN n’a commis aucun acte de concurrence déloyale et/ou parasitaire au détriment de la société FROMAGERIE DES CHAUMES; En tout état de cause, Dire et juger que les sociétés BONGRAIN et FROMAGERIE DES CHAUMES n’individualisent ni ne démontrent leur préjudice de sorte que les mesures d’indemnisation sont injustifiées; Dire et juger que les mesures d’interdiction et de rappel des produits sollicitées par les demanderesses sont injustifiées et disproportionnées; Dire et juger que les mesures de publication sollicitées par elles sont également injustifiées et disproportionnées; En conséquence, Débouter les sociétés BONGRAIN et FROMAGERIE DES CHAUMES de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions. Condamner les sociétés BONGRAIN etl FROMAGERIE DES CHAUMES à verser à la société FROMAGERIE HENRI HUTIN la somme de 100.000 € et ce compris la somme de 10.500 euros au titre de l’élude réalisée par l’institut de sondage VIAVOICE au titre de l’article 700 du code de procédure civile; Les Condamner aux entiers dépens. La clôture a été prononcée le I avril 2014. MOTIFS Sur la fin de non recevoir opposée par la société FROMAGERIE HENRI HUTIN aux demandes de la société BONGRAIN SA et de la société FROMAGERIE DES CHAUMES La société FROMAGERIE HENRI HUTIN fait valoir que les demandes formées par les sociétés BONGRAIN et FROMAGERIE DES CHAUMES sont irrecevables en ce qu’elles se heurtent à l’autorité de la chose jugée tirée de la transaction intervenue entre le groupe BONGRAIN, dont font partie les sociétés BONGRAIN SA et

FROMAGERIE DES CHAUMES, et le Groupe HOCHLAND. dont fait partie la société FROMAGERIE HENRI HUTIN, portant précisément sur les fromages SAINT ALBRAY et P MICHEL. Les sociétés demanderesses répondent qu’il n’existe aucun accord qui aurait été conclu entre la société BONGRAIN SA et le groupe allemand HOCHLAND. société- mère de la société Henri Hutin, relativement à la diffusion des fromages litigieux en Allemagne, qu’il n’v a eu aucune transaction par écrit, que la société FROMAGERIE HENRI HUTIN ne verse au débat aucun commencement de preuve par écrit de la transaction alléguée ; que si les sociétés BONGRAIN SA et BONGRAIN Deutschland GmbH ont finalement renoncé à porter l’affaire en justice en Allemagne en 2010, cela n’implique nullement qu’elles aient irrévocablement renoncé à leur droit d’agir, surtout pour des faits commis sur le territoire français.

Elles contestent que la société BONGRAIN SA ait participe à cet accord, que seule la société Bongrain Deutschland GmbH a toléré la fabrication et la diffusion sur le seul territoire allemand des fromages litigieux après les modifications mineures intervenues sur remballage et la forme du fromage. Elles ajoutent que lorsque la société Bongrain SA, maison mère de la société FROMAGERIE DES CHAUMES, a appris que celle-ci avait accepté, à la demande de Bongrain Deutschland GmbH, de fabriquer les fromages P MICHEL pour Aldi en Allemagne, elle lui a immédiatement intimé de mettre un terme à cet accord commercial. Elles précisent qu’en tout état de cause cet accord serait inopposable à la société FROMAGERIE DES CHAUMES de sorte que les conditions de l’autorité de la chose jugée ne sont pas remplies. Sur ce Aux termes de l’article 122 du Code de Procédure Civile, « constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». L’autorité de la chose jugée telle que la définit l’article 480 du code de procédure civile s’entend pour un même litige. L’article 1351 du code civil précise que "l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même : que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". La société FROMAGERIE HENRI HUTIN verse au débat deux attestions de Monsieur Manfred H, Directeur Général de la société BONIFAZ KOHLER GmbH, société du Groupe HOCHLAND chargée de la distribution des produits fabriqués par les diverses unités industrielles intégrées au Groupe HOCHLAND et de Monsieur Siegfried J, avocat en Allemagne du Groupe HOCHLAND, Au terme de ces attestations et des propres écritures des demanderesses, il apparaît qu’en juin 2009. les sociétés Bongrain Deutschland GmbH mais également la société Bongrain SA qui est titulaire des marques qui ont pour but de protéger la forme du

fromage nu ou emballé, se sont rendu compte qu’une copie du fromage SAINT ALBRAY était commercialisée en Allemagne par l’enseigne ALDI sous la marque verbale PÈRE MICHEL, qu’à la suite des modifications proposées par la société BONIFAZ KOHLER GmbH aux sociétés BONGRAIN, aucun litige n’a été porté devant les tribunaux en Allemagne et la société FROMAGERIES DES CHAUMES a produit elle-même à la demande de la société BONGRAIN GmbH du fromage P MICHEL, qui est la marque de distributeur des sociétés ALDI. Ainsi il convient de dire que la société BONGRAIN SA qui est la maison mère des sociétés BONGRAIN, qui est titulaire des droits de la marque française et qui s’est inquiétée de la commercialisation en Allemagne d’un fromage sous la marque LE PÈRE MICHEL des sociétés ALDI qui reprenaient les caractéristiques de la forme de son fromage nu et emballé, n’a pu se désintéresser de l’issue de ce litige et a participé à la transaction intervenue. Il importe peu s’agissant d’accords conclus entre sociétés que ceux-ci soient conclus par écrit ; des accord verbaux sont valables mais il appartient ensuite aux parties de démontrer quel est l’objet de l’accord et son périmètre. Un tel accord sera qualifié de transactionnel au sens de l’article 2044 du code civil en ce qu’il tend à terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître, et que des concessions réciproques ont été consenties par chacune des parties. En l’espèce, la participation de la société BONGRAIN SA aux négociations et à l’accord transactionnel ressort des écritures mêmes des sociétés demanderesses. Il est admis également que la société BONIFAZ KOHLER GmbH a accepté de modifier l’apparence du fromage que produisait la société FROMAGERIE HENRI HUTIN comme suit :

- Le matériau utilisé pour l’étiquette sera modifié.

- La forme de l’étiquette sera modifiée. La nouvelle étiquette ne présentera plus de forme incurvée avec des renfoncements, mais sera carrée avec des coins arrondis.

- Il sera renoncé à l’épais liseré brun foncé qui agrémentait les contours de l’étiquette,
- Les termes « crémeux-épicé », figurant jusqu’ici sur l’étiquette, seront remplacés par « épicé-crémeux ».

- La quantité « 200 g » sera indiquée dans une autre couleur.

- L’image apparaissant sur l’étiquette sera remplacée par l’image d’un homme coiffé d’un béret et tenant du fromage, du pain et une bouteille de vin rouge à la main.

- Le code couleur va subir une légère modification, mais la teinte rougeâtre typique de la catégorie « rouge épicé » sera conservée. La société BONGRAIN SA considère que ces modifications sont mineures et ne peuvent avoir entraîner son accord à la commercialisation du fromage P MICHEL produit par la société FROMAGERIE HENRI HUTIN aux sociétés ALDI. Au vu des photographies montrant l’impact des modifications sur remballage, il ne peut être soutenu que celles-ci étaient mineures d’autant qu’il ne s’agit que d’emballages qui sont de formes assez communes s’agissant de fromages.

Enfin, le tribunal constate que la société BONGRAIN SA n’a pas entendu porter le litige devant les tribunaux à la suite de ces modifications mais de plus fort, que la société BONGRAIN GmbH a accepté de fournir la société ALDI en fromage P MICHEL et que la société BONIFAZ KOHLER GmbH a autorisé la reprise de son emballage MDD par la société FROMAGERIES DES CHAUMES qui a fabriqué ce fromage de 2010 à 2012.

La société BONGRAIN SA ne peut se contenter de prétendre qu’elle a découvert que le produit PERE MICI1EL était fabriqué au sein de ses propres filiales. Elle ne verse d’ailleurs aucun document établissant qu’elle a demandé à la société FROMAGERIES DES CHAUMES de cesser de fabriquer du P MICHEL. L’attestation de M. BROOKMAN, président de la société BONGRAIN GmbH qui précise qu’il n’a négocié que pour le compte de la société allemande, est produite tardivement et ne peut faire échec au fait que c’est bien la société FROMAGERIES DES CHAUMES qui ne dépend pas de la société allemande et qui est elle aussi située en France qui a aussi fabriqué le fromage P MICHEL pour la société BONGRAIN GmbH. Aucun élément ne permet de penser que l’accord intervenu pour différencier le fromage MDD de ALDI reprenant les caractéristiques du fromage de marque était limité à l’Allemagne. En effet s’agissant d’un produit MDD de la société ALDI, il convenait que celui-ci comme tous les produits MDD ressemblent aux produits de la marque nationale tout en s’en différenciant pour que le consommateur comprenne qu’il s’agit du même fromage que celui de la marque nationale mais produit sous une marque distributeur. Le principe de la MDD consiste, pour le distributeur, à faire fabriquer, sous sa marque de distributeur, un produit similaire à celui vendu sous une marque nationale, mais à un prix particulièrement attractif Ces spécifications devaient être définies de façon pérenne pour permettre aux produits MDD de trouver sa part de marché. Ainsi l’accord donné par la société BONGRAIN SA valait nécessairement pour les fromages P MICHEL quelque soit l’endroit en Europe où ils seraient vendus. Enfin, la présence de la société FROMAGERIES DES CHAUMES au présent litige est sans incidence sur la recevabilité des demandes en matière de contrefaçon de marque, puisqu’elle n’est pas titulaire des marques et que les actes de concurrence déloyale qu’elle invoque sont les faits de contrefaçon dans leurs effets à son encontre. Son intervention au présent litige ne permet pas de dire que les parties à l’accord transactionnel ne sont pas les mêmes que celles du présent litige. Les parties ont donc déjà transite el renoncé à agir en justice sur la contestation objet du présent litige. En conséquence, la fin de non recevoir soulevée par la société FROMAGERIE HENRI HUTIN est fondée et la société FROMAGERIES DES CHAUMES et la

société BONGRAIN SA seront déclarées irrecevables dans l’ensemble de leurs demandes. Il n’est donc pas nécessaire de statuer sur les autres moyens de défense de la société FROMAGERIE HENRI HUTIN : la nullité des marques el la déchéance des droits de la société BONGRAIN SA sur celles-ci.

Sur les autres demandes Les conditions sont réunies pour allouer à la société FROMAGERIE IIENR1 MUTIN la somme de 30.000 euros, en ce compris lia somme de 10.500 euros au titre de l’étude réalisée par l’institut de sondage VIAVOICE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire n’est pas nécessaire et ne sera pas ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par remise au greffe le jour du délibéré, par jugement contradictoire et en premier ressort. Déclare la société BONGRAIN SA et la société FROMAGERIES DES CHAUMES irrecevables en leurs demandes. Condamne solidairement la société FROMAGERIES DES CHAUMES et la société BONGRAIN SA à payer à la société FROMAGERIE HENRI HUTIN la somme de 30.000 euros en ce compris la somme de 10.500 euros au titre de l’étude réalisée par l’institut de sondage VIAVOICE, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision Condamne in solidum la société FROMAGERIES DES CHAUMES et la société BONGRAIN SA aux dépens.

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