Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 14 novembre 2014, n° 13/01380

  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Appropriation de l'effort d'autrui·
  • Validité de la saisie-contrefaçon·
  • Clientèle identique ou similaire·
  • Fonction d'indication d'origine·
  • Usage à titre d'information·
  • Situation de concurrence·
  • Usage à titre de marque·
  • Fonctions de la marque·
  • Imitation de la marque

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La demande en nullité de la saisie-contrefaçon doit être rejetée. En effet, un délai de trois minutes pour lire une ordonnance de deux pages faisant suite à une requête à peine plus longue qui évoque en quelques lignes la contrefaçon alléguée de deux marques, ne paraît pas en l’espèce trop bref, étant précisé que la défenderesse et ses représentants, qui n’ignoraient pas qu’une mise en demeure avait été adressée à l’un des distributeurs, n’ont donc pas découvert en cet instant le grief qui leur était fait, la circonstance, mise en avant par la société poursuivie, selon laquelle seule une marque était alors évoquée, n’étant pas de nature à les empêcher de comprendre en quelques secondes ce qui était en train de se passer. Le grief de défaut de mentions des titres de propriété industrielle dans l’ordonnance, qui concerne non le déroulement des opérations mais la manière dont elles ont été autorisées, est du ressort de la procédure spécifique du référé-rétractation de sorte que le saisi ne saurait s’en prévaloir devant le juge du fond. Il résulte des constats versés aux débats que les mitigeurs, combinés et kits de douche proposés à la clientèle dans les grandes et moyennes surfaces consacrées au bricolage et fournis par la société poursuivie ne visent en rien à se réclamer des qualités de telle ou telle marque que ces magasins pourraient distribuer, mais ont seulement pour but, de permettre au consommateur de trouver, à un prix attractif, des produits génériques n’ayant d’autre ambition que de remplir leur fonction. Dès lors qu’il est indifférent pour ce consommateur que le produit en question soit revêtu notamment des dénominations, peu distinctives, de KONFORT ou OPUS, il est manifeste qu’en l’espèce celles-ci ont été apposées, non pour permettre au client de se reconnaître en elles ou de les identifier, mais pour faciliter leur classement, leur archivage, autrement dit leur référencement. En conséquence, ces dénominations ou signes ne remplissent en aucun cas une fonction de marque et les demandes présentées au titre de la contrefaçon des marques KONFORT, OPUS, OXFORD et HERA seront toutes rejetées.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 14 nov. 2014, n° 13/01380
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 13/01380
Publication : PIBD 2015, 1022, IIIM-206
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : OPUS ; KONFORT ; OXFORD ; HERA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3897059 ; 3896274 ; 3897038 ; 3897050
Classification internationale des marques : CL11 ; CL17 ; CL20
Référence INPI : M20140644
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARI S JUGEMENT rendu le 14 Novembre 2014

3e chambre 2e section N° RG : 13/01380 Assignation du 08 Janvier 201S

DEMANDERESSE SAS ETABLISSEMENTS EDOUARD R, ci-après dénommée la « Société ETABLISSEMENTS EDOUARD ROUSSEAU » […] 94100 SAINT MAUR DES^FOSSES

INTERVENANT VOLONTAIRE Société MANUPEX, ci-après dénommée la « Société MANUPEX » […], Zone d’Activités Nord 89510 ETIGNY représentées par Maître Juliette DISSER de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

DÉFENDERESSE Société ESSE BAGNO, […] 13015 MARSEILLE 15 représentée par Me Agnès TRICOIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1207 Me Franck B, avocat au Barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL Eric H. Vice-Président, signataire de la décision Arnaud DESGRANGES, Vice-Président François T . Vice-Président assistés de Jeanine R, FF Greffier, signataire de la décision

DÉBATS A l’audience du 20 Juin 2014 tenue en audience publique devant Eric H. Arnaud DESGRANGES, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé publiquement par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La SAS ETABLISSEMENTS EDOUARD R (ci-après société EDOUARD ROUSSEAU), qui a notamment pour activité la fabrication d’équipements sanitaires, indique être notamment titulaire des deux marques françaises suivantes :

- marque verbale OPUS, déposée le 14 février 2012 sous le n°3 897 059 pour désigner plusieurs produits des classes 11, 17 et 20 et notamment Robinetterie sanitaire, douche, douchettes, colonnes de douche, combi-douches, têtes de douche, flexibles de douche, barre de soutien de douchette, supports de douchette, receveurs de douche.
- marque verbale KONFORT, déposée le 10 février 2012 sous le n°3 896 274 pour désigner des produits de la classe 11 et notamment les mêmes que la marque précédente.

Ayant constaté que plusieurs distributeurs tels que BRICORAMA, M. BRICOLAGE ou CASTORAMA commercialisaient des combinés douche et mitigeurs « reproduisant les caractéristiques protégées de la marque OPUS apparemment fournis par la société ESSE BAGNO, laquelle commercialisait également des produits de robinetterie sous la marque KONFORT, et après des opérations de saisie- contrefaçon, autorisées par ordonnance présidentielle du 23 novembre 2012 et diligentées le 11 décembre suivant au siège de cette société elle a, par acte du 8 janvier 2013, fait assigner cette dernière en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire

La société MANUPEX qui fait partie du même croupe et a les mêmes clients, est intervenue volontairement le 20 mai 2014 aux côtés de la société EDOUARD ROUSSEAU. Dans leurs conclusions signifiées le 20 mai 2014, les sociétés EDOUARD ROUSSEAU et MANUPEX, après avoir réfuté les arguments présentés en défense et étendu leur action aux marques OXFORD et I IERA, demandent en ces termes au Tribunal de :

- les dire recevables et fondées en leurs demandes.

- dire et juger qu’en utilisant les signes OPUS, KONPORT, OXFORD et ERA pour désigner des produits de robinetterie, la société ESSE BAGNO s’est rendue coupable de contrefaçon des marques françaises OPUS n°3 897 059, KONFORT n°3 896 274, OXFORD n°3 897 038 et I IERA n°3 897 050,
- dire et juger que la société ESSE BAGNO s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale à leur encontre. En conséquence,
- interdire à la société ESSE BAGNO de reproduire, imiter et de faire usage sous quelque forme que ce soit et quelque titre que ce soit des marques OPUS, KONFORT, OXFORD et/ou HERA, et ce, sous astreinte définitive de 1.000 € par infraction commise à compter de la signification du jugement à intervenir,
- interdire à la société ESSE BAGNO de reproduire, imiter et de faire usage sous quelque forme que ce soit et quelque titre que ce soit la dénomination CAPRI pour désigner des produits de robinetterie, et ce, sous astreinte définitive de 1.000 € par infraction commise à compter de la signification du jugement à intervenir,
- ordonner sous le contrôle d’un huissier de justice désigné à cet effet aux frais de la défenderesse sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, la destruction de la totalité des stocks de tous documents, publicitaires ou non, revêtus des signes OPUS, KONFORT, OXFORD, ERA, et/ou CAPRI.

- La société ESSE BAGNO à payer à la société ETABLISSEMENTS EDOUARD R la somme provisionnelle de 727.475 € au titre de la contrefaçon de marques, quitte à parfaire à dire d’expert,
- condamner la société ESSE BAGNO à payer à la société ETABLISSEMENTS EDOUARD R la somme provisionnelle de 250.000 € au titre de la concurrence déloyale et parasitisme, quitte à parfaire à dire d’expert,
- condamner la société ESSE BAGNO à payer à la société MANUPEX la somme provisionnelle de 60.000 € au titre de la concurrence déloyale et parasitisme, quitte à parfaire à dire d’expert,
- faisant application de l’article L 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle, faire injonction à la société ESSE BAGNO de communiquer dans un délai de trente jours à compter de la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 1.000 € par jour de retard : *tous documents (et notamment bons de commandes, bons de livraison, factures, états des ventes, états des stocks) établissant le nombre de produits marqués OPUS, KONFORT, OXFORD et ERA, *la date de première commercialisation des produits OPUS, KONFORT. OXFORD et ERA. *l’identification complète des clients de la société ESSE BAGNO à qui ces produits ont été vendus,

*le chiffre d’affaires total généré par les ventes litigieuses depuis son lancement, certifié conforme par son commissaire aux comptes,
- le cas échéant, désigner tel expert qu’il plaira avec mission de se faire remettre tous les documents comptables, factures, bons de livraison, états des ventes et toutes les pièces utiles à la détermination de l’entier préjudice subi par les sociétés demanderesses du fait de la contrefaçon dont elle est victime.

- dire et juger que le Tribunal réservera la liquidation des astreintes qu’il aura pu prononcer,

— ordonner la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix de la société ETABLISSEMENTS EDOUARD R et aux frais de la défenderesse à raison de 3.000 € HT. par insertion, si besoin à titre de complément de dommages et intérêts,
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie,
- condamner la société ESSE BAGNO à leur payer la somme globale de 20.000 6 en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner enfin la défenderesse aux entiers dépens, qui seront recouvrés par leur conseil en application de l’article 699 du Code de procédure civile. Dans ses dernières écritures signifiées le 6 juin 2014, la société ESSE BAGNO, qui soulève la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 11 décembre 2012 et demande le rejet des pièces adverses 12 à 14 et 71, conclut au rejet des demandes en contrefaçon au motif qu’elle n’aurait pas fait usage à titre de marque de celles qui lui sont opposées, et conteste toute faute. Elle sollicite l’octroi de la somme de 5.000 euros par demanderesse au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2014

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur la validité de la saisie-contrefaçon La société ESSE BAGNO conteste la validité de la saisie-contrefaçon effectuée le I 1 décembre 2012 dans ses locaux en articulant quatre moyens qu’il convient d’examiner ci-après. *le délai La société défenderesse, se fondant sur les dispositions de l’article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile selon lesquelles « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est apposée », et de l’article R.716-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « A peine de nullité et de dommages-intérêts contre l’huissier, celui-ci doit, avant de procéder à la saisie, donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits de l’ordonnance », relève qu’en l’espèce la copie de la requête et de l’ordonnance a été remise à son représentant. Monsieur G, à 10h 12, soit seulement trois minutes avant le début des opérations, délai qu’elle estime insuffisant pour pouvoir lire l’acte et prendre la mesure des motifs et du cadre légal des opérations en cours. Cela étant, un tel délai de 3 minutes pour lire une ordonnance de deux pages faisant suite à une requête à peine plus longue qui évoque en quelques lignes la contrefaçon alléguée de deux marques, ne paraît pas en l’espèce trop bref, étant précisé que la défenderesse et ses représentants, qui n’ignoraient pas qu’une mise en demeure avait été adressée à la société CASTORAMA, n’ont donc pas découvert en cet instant le grief qui leur était fait, la circonstance, mise en avant par la société ESSE BAGNO, selon laquelle seule une marque était alors évoquée, n’étant pas de nature à les empêcher de comprendre en quelques secondes ce qui était en train de se passer. Le moyen ne sera donc pas retenu *le défaut de mention des litres de propriété dans l’ordonnance Il est également soutenu que, alors que les pouvoirs de l’huissier sont strictement encadrés par les termes de l’ordonnance, il résulte en l’espèce de celle qui a autorisé ladite saisie-contrefaçon qu’aucune marque de la requérante n’y était citée. Cependant ce grief, qui concerne non le déroulement des opérations mais la façon dont elles ont été autorisées, est du ressort de la procédure spécifique du référé-rétractation, de sorte que la société ESSE BAGNO ne saurait s’en prévaloir devant le juge du fond.

Le moyen sera rejeté. *les différences rédactionnelles entre le second original et la copie remise La société ESSE BAGNO relève que le nom de Marc G ne figure pas dans le second original du procès- verbal de saisie-contrefaçon produit par la demanderesse, alors qu’il est présent sur la copie qui lui a été remise, et que de même l’heure de début des opérations se trouve raturée sur la copie (12 heures corrigé en 10 heures), et non sur le second original. Cependant, même si ces deux différences sont regrettables, elles ne sont pas de nature à entraîner le moindre grief pour la société ESSE BAGNO, qui connaissait pertinemment le nom de son représentant qui avait été présent lors des opérations litigieuses, puisqu’il s’agit de son gérant, et qui savait également à quelle heure précise l’huissier s’était présenté dans ses locaux. Le moyen ne saurait donc davantage prospérer * l’imprécision du procès-verbal quant à la copie des données informatiques Enfin, la société ESSE BAGNO fait valoir que le procès-verbal est imprécis au sujet des fichiers informatiques enregistrés sur disque dur par l’huissier, qui a simplement noté qu’il s’agissait de la liste des bons de commande, les bons de livraison, ainsi qu’un échantillon de factures, de sorte qu’il lui serait impossible de s’assurer de l’authenticité et de l’exhaustivité des fichiers figurant sur le CD produit par la société EDOUARD ROUSSEAU. Cependant, aucune disposition n’impose à l’huissier de noter le nom exact et la taille des fichiers informatiques qu’il copie. De plus, alors que ledit CD, versé aux débats, a pu être consulté par la société ESSE BAGNO, force est de constater qu’elle n’a formulé aucune observation sur l’authenticité et la Habilité des fichiers qu’il contient. Dès lors, la demande tendant à la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon sera rejetée, de même que celle tendant au rejet de pièces correspondant à cette saisie.

- Sur la contrefaçon des marques OPUS n°3 897 059. KONFORT n°3 896 274, OXFORD n°3 897 038 et HERA n°3 897 050

La société EDOUARD ROUSSEAU, outre les deux marques OPUS n°3 897 059 et KONFORT n°3 896 274 déjà évoquées plus haut, soutient également que deux autres marques verbales désignant les mêmes produits en classe 11, à savoir la marque HERA déposée le 14 février 2012 sous le n°3 897 050 et la marque OXFORD déposée aussi le 14 février 2012 sous le n°3 897 038, ont été reproduites ou imitées de façon illicite par la société ESSE BAGNO Elle verse aux débats des catalogues BRICORAMA et M. BRICOLAGE sur lesquels figurent, pour le premier, daté du 29 août au 9 septembre 2012, un mitigeur de douche OPUS, et sur le second, pour la semaine du 3 au 7 octobre 2012, un combiné douche de tête OPUS Chrome.

Elle produit surtout des procès-verbaux de constat et de constat d’achat, qui montrent :

- pour le premier d’entre eux, dressé le 30 août 2012 sur le site Internet de CASTORAMA par Maître L. huissier de justice à PARIS, l’offre à la vente de kits de douche OPUS dans ce magasin,
- pour celui du 19 novembre 2012 dressé par Maître MOREL G, huissier de justice à VILLIERS SUR MARNE (94), la commercialisation dans un magasin BRICORAMA de cette ville de mitigeurs de douche et de mitigeurs de bains douche OPUS et de mitigeurs évier à douchette Chrome KONFORT,
- pour celui du 7 février 2013, dressé par Maître D, huissier de justice à MONTELIMAR. la commercialisation dans un magasin à l’enseigne ENTREPOT DU BRICOLAGE de mitigeurs évier sous la dénomination ERA, ainsi que d’autres avec le signe CAPRI,

— pour celui du 11 février 2013 dressé par Maître D, huissier de justice à CLAYE-SOUILLY (77), la vente d’un mitigeur évier à douchette Chrome KONFORT dans un magasin BRICOMAN situé à VILLEPAR1SIS,
- pour le constat Internet du même jour dressé par Maître L, l’offre à la vente sur le site www.briconam.fr de ce même mitigeur KONFORT ainsi que celle d’un mitigeur évier OXFORD.

— et pour celui dressé le 25 février 2013 par Maître T, huissier de justice à MELUN, la présence de plusieurs produits OXFORD dans le magasin BRICOMAN de PONTAULT-COMBAULT, l’ensemble de ces produits ayant été fournis par la société ESSE BAGNO Enfin, elle rappelle qu’il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé au siège de cette société défenderesse le 11 décembre 2012 par Maître G, huissier de justice à MARSEILLE, qu’étaient commercialisés par celle-ci des produits OPUS, à savoir une colonne de douche, un robinet mitigeur de douche et un robinet mitigeur bain douche, et un produit KONTORT, à savoir un robinet mitigeur évier. La société EDOUARD ROUSSEAU soutient que, sur le fondement des dispositions de l’article L.713- 2 a) du Code de la propriété intellectuel selon lesquelles « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque (…) ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour îles produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement », la société ESSA BAGNO a commis des actes de contrefaçon par reproduction de ses marques OPUS, KONFORT et OXPORD

Elle ajoute que, au regard de l’article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public (…) b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement », la même société a commis une contrefaçon par imitation de sa marque HERA. La société ESSE BAGNO, qui explique être spécialisée dans la conception et la vente de robinets de salle de bains et cuisines dans le réseau des moyennes et grandes surfaces de bricolage et qui précise prendre « une part active dans la conception des articles qu’elle commercialise », précise avoir, dès le premier courrier de la société EDOUARD ROUSSEAU, cessé d’utiliser le terme OPUS, qu’elle soutient avoir exploité antérieurement au dépôt de la marque éponyme de la demanderesse, pour le remplacer par les dénominations THEO et ONEO

Ne contestant, ni avoir fourni les produits litigieux, ni « l’existence d’une similitude entre les signes » en présence, elle fait valoir que le nom sous lequel les produits sont vendus en grandes surfaces n’a aucun caractère attractif de clientèle, et qu’il s’agit donc essentiellement de références servant à distinguer les produits les uns des autres, et non d’une marque censée en indiquer le producteur ou le fabricant. De fait, il est constant que la fonction d’une marque est d’indiquer l’origine ou la provenance d’un produit, de façon à le distinguer aux yeux du consommateur des produits offerts par la concurrence. Or, il résulte à l’évidence des constats versés aux débats par les demanderesses que les mitigeurs, combinés et kits de douche proposés à la clientèle dans les grandes et moyennes surfaces consacrées au bricolage et fournis par la société ESSE BAGNO ne visent en rien à se réclamer des qualités de telle ou telle marque que ces magasins pourraient distribuer, mais ont seulement pour but, au contraire, de permettre au consommateur de trouver, à un prix attractif, des produits génériques n’ayant d’autre ambition que de remplir leur fonction. Dès lors qu’il est indifférent pour ce consommateur que le produit en question soit affublé des dénominations, au demeurant fort peu distinctives, de KONFORT ou OPUS ou de leurs semblables, il est manifeste qu’en l’espèce celles-ci ont été apposées, non pour permettre au client de se reconnaître en elles ou de les identifier, mais pour faciliter leur classement, leur archivage, autrement dit leur référencement.

En conséquence, ces dénominations ou signes ne remplissent en aucun cas une fonction de marque, et les demandes présentées au titre de la contrefaçon seront toutes rejetées.

- Sur la concurrence déloyale

Les sociétés demanderesses soutiennent que la société ESSE BAGNO s’est rendue coupable à leur encontre d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La société EDOUARD ROUSSEAU expose qu’elle apposait les dénominations OPUS, KONFORT et OXFORD sur ses propres produits bien avant 2012, année où ses marques ont été déposées, soit depuis 1995, 1998 et 1999, tandis que la société MANUPEX exploite pour sa part le signe HERA depuis 2006. Elles estiment donc que les faits qu’elles incriminent sont constitutifs, pour la période antérieure à 2012, de faits de concurrence déloyale. Elles ajoutent que la société EDOUARD ROUSSEAU a également exploité la dénomination CAPRI pour désigner des produits de robinetterie dès 1998, de sorte qu’en l’apposant sur des mitigeurs de douche la société ESSE BAGNO a créé un risque de confusion avec eux, et d’une manière plus générale que cette société a tout mis en œuvre pour générer cette confusion, d’autant qu’elle a créé un effet de gamme en reprenant cinq dénominations identiques ou similaires. Enfin, elles soulignent que cette reprise n’est pas le fruit du hasard puisque Marc G, le gérant de la société ESSE BAGNO, a été précédemment salarié de la société EDOUARD ROUSSEAU, de mai 1987 à février 1991 et de mai à décembre 1996, et de la société MANUPEX, d’avril 1993 à mars 1997, étant précisé qu’il était également co-actionnaire, avec l’ancien propriétaire de la société EDOUARD ROUSSEAU, d’une autre société ayant pour activité la fabrication d’articles de robinetterie.

La société ESSE BAGNO soutient quant à elle n’être pas en situation de concurrence avec les demanderesses et qu’elles n’auraient pas le même positionnement, puisqu’elle serait une spécialiste réputée de la robinetterie design alors que la société EDOUARD ROUSSEAU ne serait qu’un fournisseur généraliste de produits « premier prix », de sorte qu’elle n’aurait aucun intérêt à rechercher une quelconque confusion avec leurs produits, lesquels seraient d’ailleurs différents et excluraient toute confusion. Elle ajoute commercialiser plus de 450 articles diffèrents, ce qui a pour conséquence que la simple reprise de cinq noms ne pourrait suffire à caractériser un comportement déloyal. Cependant, même si les appellations communes ne sont pas apposées de part et d’autre sur des produits exactement identiques, il n’en demeure pas moins que ces produits sont situés dans le même secteur de robinets et similaires pour les salles de bains et cuisines, circonstance qui n’est donc pas exclusive de confusion, et ce d’autant que la clientèle est la même, à savoir des grandes et des moyennes surfaces. En outre, les prix pratiqués ne sont pas très éloignés puisque les demanderesses prennent l’exemple des mitigeurs bain-douche OPUS, vendus à des prix très proches tournant autour de cent euros. Par ailleurs, il n’est pas contestable que la société ESSE BAGNO ne s’est pas contentée de reprendre une dénomination utilisée par les demanderesses, mais quatre signes de la société EDOUARD ROUSSEAU et un de la société MANUPEX, ce qui caractérise sans conteste un effet de gamme, effet que le nombre total de produits commercialisés par la défenderesse ne saurait altérer. A cet égard, le fait que cette reprise émane d’un ancien salarié a pour effet de manifester pleinement la volonté de profiter de l’activité d’autrui, en l’occurrence de son ancien employeur.

Dès lors, le comportement fautif allégué est bien constitué, et la concurrence déloyale établie.

- Sur les mesures réparatrices Il sera fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision.

Cette mesure étant suffisante pour éviter une poursuite des faits incriminés, il ne sera pas fait droit en outre à la destruction sollicitée. D’autre part, selon les élément saisis par l’huissier, le chiffre d’affaires réalisé par la société ESSE BAGNO durant l’année 2012 et en particulier à partir des 2 et 9 mars sur les produits marques KONFORT et OPUS, est de 818.636,70 euros, pour 14.455 articles litigieux, soit un préjudice de 358.317 euros pour une marge, habituellement pratiquée par la société EDOUARD ROUSSEAU, de 43,77%. Cela étant, il convient de rappeler que les faits de contrefaçon n’ont pas été retenus, et qu’une partie de la concurrence déloyale concerne la période antérieure au dépôt des marques en février 2012. En outre, il est demandé à ce titre de la concurrence déloyale les sommes de 250,000 euros au profit de la société EDOUARD ROUSSEAU et de 60.000 euros pour la société MAXIMEX, sans qu’on sache comment ont été calculés ces préjudices.

Au vu de ces éléments, il convient d’allouer la somme de 70.000 euros à la société EDOUARD ROUSSEAU et celle de 10.000 euros à la société MANUPEX, et ce sans qu’il soit nécessaire de recourir à la mesure d’information souhaitée par les demanderesses. Enfin, la mesure de publication sollicité n’apparaît pas opportune et sera rejetée.

- Sur les autres demandes Il y a lieu de condamner la société ESSE BAGNO, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. En outre, elle doit être condamnée à verser aux sociétés EDOUARD ROUSSEAU et MANUPEX, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme globale de 4.000 euros. Enfin, les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est de plus compatible avec la nature du litige. PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- DIT n’y avoir lieu à annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon ni à rejet de pièces ;

- REJETTE les demandes formées au titre de la contrefaçon ;

- DIT qu’en reprenant ou imitant les dénominations suivantes, OPUS, KONFORT, OXFORD, HERA/ERA et CAPRI, utilisées par les anciens employeurs de son gérant, créant un effet de gamme de nature à générer une confusion et à profiter de leur activité, la société ESSE BAGNO a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudices des sociétés ETABLISSEMENTS EDOUARD ROUSSEAU et MANUPEX ;

— INTERDIT la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 350 euros par infraction relevée passé un délai d’un mois après la signification du présent jugement ;

- CONDAMNE la société ESSE BAGNO à paver à la société ETABLISSEMENTS EDOUARD R la somme de 70.000 euros, et à la société MANUPEX celle de 10.000 euros, au titre de la concurrence déloyale ;

- REJETTE les demandes plus amples et contraires ;

- CONDAMNE la société ESSE BAGNO à payer à la société ETABLISSEMENTS EDOUARD R et à la société MANUPEX la somme globale de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la société ESSE BAGNO aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

- ORDONNE l’exécution provisoire.

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