Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 5 septembre 2017, n° 17/57112

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 5 sept. 2017, n° 17/57112
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 17/57112

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

17/57112

N° : 1/FF

Assignation du :

13 Juillet 2017

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 05 septembre 2017

par G-H I, Vice Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de E F, Greffier.

DEMANDERESSES

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

[…]

Société GILEAD SCIENCES

[…]

[…]

représentées par Me Sabine AGE, avocat au barreau de PARIS – #P0024

DÉFENDERESSE

S.A.S. MYLAN

[…]

[…]

représentée par Me Denis SCHERTENLEIB, avocat au barreau de PARIS – #A0948

DÉBATS

A l’audience du 11 Août 2017, tenue publiquement, présidée par G-H I, Vice Présidente, assistée de E F, Greffier,

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

les parties

Les sociétés demanderesses

La société Gilead Sciences Inc. est une société pharmaceutique américaine, créée le 22 juin 1987, dont l’établissement principal est à Foster City, en Californie ; elle est à la tête du groupe Gilead qui emploie environ 9 000 personnes dans le monde.

Elle consacre une part importante de son budget à la recherche et au développement, soit en 2016 5.098.000.000 $ . Elle dit veiller à favoriser l’accès des pays en voie de développement aux médicaments qu’elle développe, notamment contre le VIH.

La société Gilead Biopharmaceutics Ireland UC, auparavant dénommée Gilead Biopharmaceutics Ireland Corp., est une société du groupe Gilead qui détient une licence exclusive d’exploitation des brevets appartenant à la société Gilead Sciences Inc.

La société Gilead Sciences de droit français est une société du groupe Gilead qui commercialise, en France, les spécialités pharmaceutiques de son groupe.

La société Gilead Sciences Inc., est titulaire du certificat complémentaire de protection n°05 C 0032 en vigueur jusqu’au 24 février 2020, délivré sur le fondement du brevet européen n° 0 915 894, expiré depuis le 25 juillet 2017. Elle est également titulaire de l’autorisation de mise sur le marché du TRUVADA ® en France.

La société défenderesse

La société MYLAN SAS, installée à Lyon, coordonne en Europe les activités du groupe pharmaceutique international spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de médicaments génériques.

les faits

Le brevet européen n° 0 915 894 a pour titre « analogues de nucléotides », et couvre des compositions utiles dans le traitement thérapeutique de plusieurs infections virales chez l’homme ou l’animal, notamment le VIH.

Il est issu d’une demande de brevet, déposée le 25 juillet 1997, sous priorité d’une demande de brevet américain n° 686 838, déposée le 26 juillet 1996, et a été délivrée le 14 mai 2003.

Les compositions couvertes par ce brevet contiennent notamment du ténofovir disoproxil, un principe actif développé par le groupe Gilead pour le traitement de virus tels que le VIH, et qui peut être utilisé seul ou, comme le prévoit la revendication n° 27,, dans une composition pharmaceutique en combinaison avec d’autres ingrédients thérapeutiques.

Le brevet européen n° 0 915 894 est expiré depuis le 25 juillet 2017.

Le groupe Gilead commercialise actuellement onze médicaments pour le traitement du VIH. Cinq de ces médicaments contiennent du ténofovir disoproxil sous la forme d’un sel d’acide fumarique, le fumarate de ténofovir disoproxil utilisé :

*soit seul, en tant que principe actif unique dans le médicament VIREAD ® ;

* soit combiné, en un seul comprimé, avec un ou plusieurs autres principes actifs, comme pour :

§ le TRUVADA ®, combinant du ténofovir disoproxil avec de l’emtricitabine ;

§ l’ATRIPLA ®, combinant du ténofovir disoproxil, de l’emtricitabine et de l’éfavirenz ;

§ le EVIPLERA ®, combinant du ténofovir disoproxil, de l’emtricitabine et de la rilpivirine ;

§ le STRIBILD ®, combinant du ténofovir disoproxil, de l’emtricitabine, de l’elvitegravir et du cobicistat.

L’autorisation de mise sur le marché communautaire n° EU 1/04/305001 concernant le TRUVADA ® a été délivrée à la société Gilead Sciences International B le 21 février 2005.

Sur la base de son brevet européen n° 0 915 894, la société Gilead a demandé, le 19 juillet 2005, en France, un CCP pour couvrir la combinaison suivante :

« ténofovir disoproxil et ses sels, hydrates, tautomères et solvates en combinaison avec d’autres composés thérapeutiques tels que l’emtricitabine ».

Le CCP n° 05 C 0032 a été délivré le 21 décembre 2006 sur le fondement de la partie française du brevet européen n° 0 915 894 de la société Gilead et est en vigueur jusqu’au 24 février 2020.

La société Gilead Sciences Inc. a également demandé et obtenu des certificats complémentaires de protection correspondants dans de nombreux autres pays européens : Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Danemark, Finlande, Luxembourg, Portugal, Suisse et Irlande.

En 2013, la société MYLAN a lancé en France deux médicaments génériques pour le traitement du VIH et du sida à base de lamivudine. Elle a par ailleurs sollicité l’octroi, courant 2015, dans le cadre d’une procédure européenne centralisée, de deux autorisations de mise sur le marché pour ses génériques du VIREAD ® (ténofovir disoproxil) et du TRUVADA ® (ténofovir disoproxil et emtricitabine).

Elle a ainsi obtenu :

*le 8 décembre 2016, une autorisation de mise sur le marché pour le médicament « Tenofovir disoproxil MYLAN», générique du VIREAD ® ;

* le 16 décembre 2016, une autorisation de mise sur le marché pour le médicament « Emtricitabine / Tenofovir disoproxil MYLAN», générique dont le produit de référence est le TRUVADA ® .

La société MYLAN n’avait pas respecté l’obligation résultant de l’article L. 5121-10 alinéa 1 du code de la santé publique, d’informer le titulaire des droits de propriété intellectuelle s’attachant aux spécialités de référence, du dépôt de ces deux demandes d’autorisation de mise sur le marché pour les spécialités génériques « Emtricitabine / Tenofovir disoproxil MYLAN» (générique du TRUVADA ® ) et « Tenofovir disoproxil MYLAN» (générique du VIREAD ® ).

Dès qu’elle en a été informée, la société Gilead a donc rappelé à la société Mylan, par lettre du 1er février 2017, l’existence de son brevet européen n° 0 915 894 ainsi que de son CCP n° 05 C 0032.

Cette lettre est restée sans réponse.

Puis, par lettre du 20 février 2017, le Comité économique des produits de santé (CEPS) a, conformément à l’article 3 de l’accord signé entre le CEPS et le LEEM, informé la société Gilead Sciences du dépôt par le laboratoire MYLAN d’une demande d’inscription pour sa spécialité « Emtricitabine / Tenofovir Disoproxil MYLAN».

Cette lettre indique notamment :

« Il [le laboratoire Mylan] a confirmé pouvoir commercialiser sa spécialité générique sans enfreindre les droits déclarés et ce dans les six mois suivant la parution au JORF. »

La société MYLAN a obtenu à la fois la fixation d’un prix, l’inscription sur la liste des médicaments remboursables et l’inscription sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités et divers services public, pour la spécialité « Emtricitabine / Tenofovir Disoproxil MYLAN» selon la publication au Journal Officiel du 23 mars 2017.

Ces décisions sont entrées en vigueur le 4e jour suivant leur publication au Journal Officiel, soit le 27 mars 2017.

Par lettre du 24 mars 2017, adressée par message électronique et confirmée par notification par huissier, la société française Gilead Sciences a une nouvelle fois attiré l’attention de la société MYLAN sur les droits de propriété intellectuelle du groupe Gilead, à savoir le brevet européen n° 0 915 894 et le CCP n° 05 C 0032 notamment mis en œuvre dans la spécialité de référence TRUVADA ® et lui a demandé de prendre l’engagement de ne pas mettre sur le marché sa spécialité « Emtricitabine / Tenofovir Disoproxil MYLAN» avant l’expiration des droits.

La société MYLAN A répondu par un message officiel de son conseil le 27 mars 2017 en indiquant qu’elle estimait que le CCP Gilead n° 05 C 0032 était nul et ne pouvait en conséquence être contrefait.

La société française Gilead Sciences a donc, par message officiel de son conseil, demandé à la société MYLAN de prendre clairement position, avant le 29 mars 2017, sur un éventuel lancement de son générique du TRUVADA ® avant l’expiration du brevet européen n° 0 915 894.

Par message officiel de son conseil daté du 29 mars 2017, la société MYLAN a indiqué à la société Gilead qu’elle « ne souhaite pas commercialiser un produit protégé par le brevet en cause tant qu’il est en vigueur, sa validité n’ayant pas été contestée à ce stade».

La société MYLAN a donc attendu l’expiration du brevet de base, le 25 juillet 2017, pour lancer son générique dès le 26 juillet 2017.

La situation dans les autres pays

En Espagne

L’Office espagnol des brevets a rejeté la demande de CCP espagnol correspondant de la société Gilead, mais cette décision a été infirmée en appel, le 9 septembre 2016, par la chambre administrative du tribunal supérieur de Madrid.

Par la suite deux interdictions provisoires ont été prononcées sur requête, sur le fondement d’un CCP équivalent au CCP français n° 05 C 0032, dont l’une concerne la société française Mylan.

Le 30 mai 2017, le tribunal de commerce de Barcelone a interdit, à titre provisoire, à la société Teva Pharma S.L.U. d’offrir en vente, d’introduire sur le marché, d’importer et de détenir les médicaments génériques des produits de référence Viread ® et Truvada ® en Espagne.

Le 26 juin 2017, le même tribunal a prononcé une interdiction dans les mêmes termes, relative à un médicament générique du produit de référence Truvada ® , à l’encontre des sociétés MYLAN et MYLAN Pharmaceuticals S.L.

Les sociétés Teva et MYLAN ont formé opposition à ces mesures et une audience contradictoire dans les deux procédures aura lieu les 5 et 6 septembre 2017.

En Suède,

La cour d’appel suédoise a rejeté le 21 janvier 2011le CCP équivalent deGILEAD au motif qu’on ne pouvait retrouver l’emtricitabine dans le brevet. Cette décision a été rendue après les décisions de la CJUE MEDEVA et suivantes mais avant la décision ELI LILLY et au motif que la société GILEAD n’avait diligenté aucune recherche dans le cadre du brevet sur un éventuel mélange de Tenofovir et d’emtricitabine (ou de tout autre composé).

Aux Pays Bas

L’Office de la propriété intellectuelle des Pays-Bas statuant en appel, a rejeté le 2 février 2016 le CCP des sociétés GILEAD en appliquant un test en 4 étapes ; il a considéré que rien n’indiquait que l’ingrédient thérapeutique visé à la revendication 27 du brevet de base de la société GILEAD devait même être un agent contre le VIH, et encore moins qu’il devait être de l’Emtricitabine.

En Grèce,

L’office des brevets grec a rejeté le CCP de la société GILEAD au motif que manifestement l’Emtricitabine n’était en aucune façon présent dans le brevet de base.

En Italie,

Par exploit du 20 septembre 2016, la société MYLANS.p.A a engagé une action en nullité du CCP italien de la société Gilead ; des actions en nullité parallèles ont également été engagées par les sociétés Teva Pharmaceutical Industries Ltd and Teva Italia SRL et EG SpA par exploits respectivement le 10 mai 2016 et le 30 novembre 2016 ; les sociétés italiennes DOC Generici et Dr Xs sont intervenues à la procédure engagée par la société EG.

En Angleterre,

La société Generics (UK) B, qui appartient au groupe Mylan, a engagé, le 13 juillet 2016, une action en nullité du CCP anglais de la société Gilead devant la High Court of Justice (Chancery Division, Patents Court) ; cette action a été entendue en même temps que celles déjà engagées aux mêmes fins par les sociétés Teva UK B, Accord Healthcare B et A B and A (Europe) B respectivement les 26 janvier, 20 avril et 8 juillet 2016.

Par décision du 13 janvier 2017, la juridiction anglaise a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne concernant l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 469/2009.

En Allemagne,

Le 11 août 2016, la société Generics (UK) B a également agi en nullité du CCP allemand de la société Gilead devant le « Bundespatentgericht » ; cette action a été jointe à celles, engagées aux mêmes fins, par les sociétés Teva GmbH (le 26 avril 2016), Hexal AG (le 29 avril 2016) et Hormosan Pharma GmbH (le 22 avril 2016); la procédure est toujours en cours.

Le Bundespatentgericht a émis le 9 août 2017, un avis préliminaire qui dit que le produit actif l’emtricibatine n’est pas suffisamment déterminé comme coeur de l’invention et part de la composition pharmaceutique tel que défini à la revendication 27 du brevet de base et partant ne peut être protégé comme produit actif par le brevet de base.

En Belgique,

La société Gilead Sciences, Inc. a obtenu, sur requête, qu’il soit fait interdiction à titre provisoire à la société MYLAN de vendre son médicament générique du TRUVADA ® ou de commettre tout autre acte de contrefaçon de l’équivalent belge du CCP Gilead n° 05 C 0032 dans l’attente de la décision qui sera rendue contradictoirement à l’issue d’une audience prévue le 23 août 2017 concernant la demande d’interdiction provisoire.

En effet, la société MYLAN avait fait savoir qu’elle commercialiserait en Belgique son médicament générique du TRUVADA ® dès le 1er août 2017, sans attendre la décision de la juridiction saisie de la demande d’interdiction provisoire qui avait fixé une audience au 23 août 2017. Le juge des requêtes a donc interdit provisoirement jusqu’à la décision contradictoire la commercialisation du médicament générique de la société MYLAN.

En Irlande,

Le 3 juillet 2017, les sociétés Gilead et Gilead Biopharmaceutics Ireland UC ont engagé, sur le fondement de l’équivalent irlandais du CCP Gilead, une procédure à l’encontre des sociétés MYLAN S.A.S, Generics [UK] B exerçant sous le nom de Mylan, et McDermott Laboratories B exerçant sous le nom de Gerard Laboratories ou encore de MYLAN Dublin, incluant une demande en interdiction provisoire.

Préalablement à l’audience préliminaire prévue le 10 juillet 2017, les défenderesses se sont engagées à ne pas lancer leur produit générique entrant dans le champ du CCP correspondant irlandais, tant qu’une audience sur la demande d’interdiction provisoire n’aura pas eu lieu ; cette audience a été programmée le 3 octobre 2017.

Cet engagement a été pris en tenant compte de ce que :

*les sociétés Gilead se sont engagées à indemniser tout dommage subi par les défenderesses au cas où la mesure d’interdiction provisoire ne serait finalement pas accordée ;

*les sociétés du groupe MYLAN ont 7 jours pour notifier le retrait de leur engagement dans l’hypothèse où les sociétés Gilead ou un tiers lanceraient un générique entrant dans le champ de leur CCP ;

*et les sociétés Gilead doivent informer les défenderesses, dans un délai de 7 jours, en cas de lancement par elles d’un médicament générique entrant dans le champ de protection du CCP.

À l’audience préliminaire du 10 juillet 2017, la cour est convenue avec les parties d’un calendrier.

Après avoir reçu, le 4 juillet 2017, une lettre du conseil de la société Actavis Group PTC, les sociétés Gilead se sont désistées de leurs demandes à l’encontre de cette société, cette dernière ayant transféré son autorisation de mise sur le marché à la société Accord Healthcare B et la société Accord Healthcare Ltd s’était engagée avant la tenue de l’audience, à ne pas lancer son produit générique entrant dans le champ du CCP correspondant irlandais, dans l’attente de l’issue de la procédure au fond concernant la contrefaçon, ou dans l’attente d’une nouvelle décision de la cour ; étant précisé que les sociétés Gilead se sont engagées à indemniser tout dommage subi par la société Accord Healthcare Ltd au cas où la mesure d’interdiction provisoire ne serait finalement pas accordée.

Les sociétés Gilead, au vu de ces engagements, n’ont donc pas maintenu leur demande d’interdiction provisoire contre la société Accord Healthcare Ltd.

La procédure au fond en France

En France, la société MYLAN A assigné en nullité du CCP français Gilead n° 05 C 0032 par acte du 20 septembre 2016.

Les sociétés GILEAD n’ayant pas constitué avocat dès la première audience de mise en état soit le 3 novembre 2016, le juge a renvoyé l’affaire au 19 janvier 2017.

Par conclusions du 9 mars 2017, la société Gilead Sciences Inc a sollicité un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la CJUE sur l’interprétation à donner de l’article 3a) du règlement (CE) n° 469/2009, sans développer même à titre subsidiaire de moyens sur la validité du titre.

Par conclusions du 26 avril 2017, la société Gilead Sciences, Inc., ainsi que les filiales irlandaise et française (Gilead Biopharmaceutics Ireland UC. et la société Gilead Sciences) intervenues volontairement à la procédure, ont demandé qu’il soit fait interdiction, à titre provisoire, à la société MYLAN d’importer, de détenir, d’offrir en vente et de vendre en France la spécialité générique dénommée « Emtricitabine / Tenofovir Disoproxil MYLAN» (générique du TRUVADA ® ) dans ses différents dosages, sur le fondement du CCP Gilead n° 05 C 0032, dans l’attente de la décision au fond sur la validité et la contrefaçon de ce titre.

La société MYLAN a répondu à ces deux demandes par conclusions des 23 mai et 12 juin 2017.

Les sociétés Gilead ont répondu par conclusions signifiées les 6 et 14 juin 2017.

L’incident a été plaidé le 15 juin 2017 et l’ordonnance a été rendue le 7 juillet 2017.

Le juge de la mise en état a débouté les sociétés Gilead de leurs demandes de sursis et d’interdiction provisoire.

le litige

C’est dans ces conditions que, autorisées par ordonnance présidentielle du 11 juillet 2017, les sociétés GILEAD ont fait assigner en référé d’heure à heure la société MYLAN, par acte du 13 juillet 2017, aux fins d’obtenir une mesure d’interdiction provisoire de l’exploitation du générique par la société MYLAN.

Dans leurs dernières conclusions soutenues oralement à l’audience, les sociétés GILEAD ont demandé au juge des référés de :

Vu l’article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle,

— Faire défense, à titre provisoire, à la société MYLAN d’importer, de détenir, d’offrir en vente et de vendre la spécialité générique « Emtricitabine / Ténofovir disoproxil MYLAN», quel que soit son dosage, ou toute autre spécialité pharmaceutique contenant du ténofovir disoproxil et de l’emtricitabine entrant dans le champ de protection du certificat complémentaire de protection Gilead n° 05 C 0032 sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par infraction constatée, dès la signification de l’ordonnance à intervenir, étant précisé que l’importation, la détention, l’offre et la vente d’une seule boîte (conditionnement délivré au patient) de ces spécialités génériques constituerait une infraction distincte ;

— Ordonner que les comprimés de la spécialité générique « Emtricitabine / Ténofovir disoproxil MYLAN», quel que soit leur dosage, ou de toute autre spécialité pharmaceutique contenant du ténofovir disoproxil et de l’emtricitabine entrant dans le champ de protection du certificat complémentaire de protection Gilead n° 05 C 0032, se trouvant en possession de la société MYLAN soient placés sous scellés et retenus dans leur lieu de stockage ou tout autre lieu sous son contrôle, et que ceux qui ne se trouvent pas en sa possession soient rappelés des circuits commerciaux, pour être écartés de ces circuits pendant la procédure au fond ou jusqu’à décision contraire, sous astreinte de 1 000 000 € par jour de retard dès la signification de l’ordonnance à intervenir, le tout sous contrôle de tous huissiers du choix des sociétés Gilead et aux frais de la société MYLAN ;

— Ordonner à la société MYLAN d’informer ses clients qui ont commandé ou acheté la spécialité générique « Emtricitabine / Ténofovir disoproxil MYLAN» ou toute autre spécialité pharmaceutique contenant du ténofovir disoproxil et de l’emtricitabine entrant dans le champ de protection du certificat complémentaire de protection Gilead n° 05 C 0032, de la teneur de la présente ordonnance dans les 15 jours de son prononcé, sous astreinte non comminatoire de 10 000 € par jour de retard, et en rendre compte aux sociétés Gilead à l’issue de ce délai ;

— Se réserver de liquider l’astreinte ordonnée conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution ;

— Condamner la société MYLAN à payer aux sociétés Gilead la somme de 100 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, sauf à parfaire ;

— Condamner la société MYLAN aux entiers dépens et dire qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses conclusions en réponse également soutenues oralement à l’audience, la société MYLAN a sollicité du juge des référés de :

• Débouter les sociétés GILEAD de leur demande d’interdiction provisoire.

• Débouter les sociétés GILEAD de toutes leurs demandes.

• Condamner les sociétés GILEAD in solidum à payer 150.000€à la société MYLAN au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

• Condamner les sociétés GILEAD in solidum aux entiers dépens. .

SUR CE

Sur les demandes des sociétés GILEAD formées devant le juge des référés.

La société MYLAN prétend que le CCP n° 05 C 0032 aurait pour objet une combinaison de deux principes actifs (ténofovir disoproxil et emtricitabine) qui ne serait pas protégée par le brevet de base EP n° 0 915 894) au sens de l’article 3 a).

Elle fait valoir que ce CCP est nul au regard de l’article 3 a) du règlement (CE) n° 469 / 2009 du 6 mai 2009 et de la jurisprudence de la CJUE qui a déjà statué sur l’interprétation à donner à cet article notamment en rejetant le test de la contrefaçon pour évaluer la validité du CCP.

Elle indique qu’elle n’a jamais contesté la validité du brevet en ce qu’il a enseigné l’usage du tenofovir DISOPROXIL pour soigner le VIH mais que cette molécule qui a été commercialisée sous le nom Viread par les sociétés GILEAD grâce à une AMM délivrée en février 2002 ne pouvait se voir délivrer un CCP car le médicament a été commercialisé pendant au moins 15 ans à compter de l’AMM et ce avant même l’échéance du brevet (juillet 2017) de sorte que les conditions pour obtenir un CCP ne pouvaient être remplies.

Elle conteste que la revendication 27 du brevet qui ne définit aucunement l’ingrédient thérapeutique pouvant être ajouté puisse servir de base à la délivrance d’un CCP. Elle conteste également que cette revendication puisse être qualifiée de revendication fonctionnelle.

Les sociétés GILEAD font valoir qu’il existe une contestation sur l’interprétation à donner à l’article 3 a) du règlement, la CJUE n’ayant jamais répondu précisément à la demande relative aux critères à prendre en compte pour déclarer un CCp valable, et que c’est la raison pour laquelle le juge anglais a saisi à nouveau la juridiction européenne de cette question ; que dans l’attente de cette réponse, foi doit être due au titre.

Elle répond que la revendication 27, si elle ne donne aucune précision relative à l’ingrédient thérapeutique, doit être lue au regard de la description et des connaissances générales de l’homme du métier qui aurait été amené nécessairement à choisir l’emtricitabine comme ingrédient thérapeutique à ajouter au tenofovir DISOPROXIL ; que de ce fait le CCP est valable.

sur ce

L’article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : “« Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun.

Pour déterminer les biens susceptibles de faire l’objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l’accès aux informations pertinentes.

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l’exécution des mesures qu’elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du défendeur si l’action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l’engagement d’une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés”.

Le juge des référés doit donc statuer sur les contestations qui sont élevées devant lui pour s’opposer aux mesures demandées et ces contestations peuvent porter sur la validité du titre lui-même ce qui est le cas en l’espèce ; il lui appartient alors d’apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et d’évaluer la proportion qui existe entre la contestation émise par les défendeurs à l’atteinte alléguée par les demandeurs et de prendre, au vu des risques encourus de part et d’autre, la décision ou non d’interdire la commercialisation du générique.

les textes relatifs au CCP

Le CCP est régi par le règlement (CE) n° 469 / 2009 du 6 mai 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, qui a abrogé et remplacé le règlement (CE) n° 1768 / 92 du 18 juin 1992.

Le CCP ne peut en effet être obtenu que pour un principe actif ou une composition de principes actifs (soit un produit au sens du règlement) protégé par un brevet de base et objet d’une autorisation de mise sur le marché.

D’une durée maximale de cinq ans à compter de l’expiration du brevet de base, le CCP a pour but de compenser en partie la durée des essais, notamment cliniques, nécessaires à l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché qui est indispensable pour commercialiser un nouveau médicament.

Il n’est délivré que si le produit n’ayant pas obtenu une AMM assez tôt, il n’a pas bénéficié d’un monopole de 15 années d’exploitation que lui aurait apporté le brevet.

Quatre conditions d’obtention d’un CCP pour un État membre sont fixées par l’article 3 , intitulé « Conditions d’obtention du certificat », rédigé comme suit :

« Le certificat est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande :

a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur ;

b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une autorisation de mise sur le marché en cours de validité conformément à la directive 2001 / 83/ CE ou à la directive 2001 / 82 / CE suivant les cas ;

c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat ;

d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première autorisation de mise sur le marché du produit, en tant que médicament. »

la jurisprudence de la CJUE

La CJUE a été saisie à de nombreuses reprises de question d’interprétation du règlement (CE) n° 469 / 2009 du 6 mai 2009.

Au terme des arrêts MEDEVA, Y, Z, Queensland rendus les 24 et 25 novembre 2011, elle a affirmé la nécessité d’une spécification explicite des combinaisons protégées parles CCP, dans le libellé des revendications du brevet de base.

Elle a ainsi précisé que l’article 3 a) signifie qu’un certificat complémentaire de protection ne peut être délivré pour des principes actifs que si ceux-ci sont « mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base », qu’il doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection portant sur des principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une telle demande. »

La jurisprudence française qui jugeait que le produit est protégé par le brevet de base au sens de l’article 3 a) du règlement (CE) n° 469/2009 s’il est revendiqué, était donc déjà conforme à l’interprétation qu’en a donné la CJUE.

Elle a rejeté dans ces décisions le critère de la contrefaçon, selon lequel le produit « protégé par le brevet de base » s’entendrait de tout produit pouvant être jugé comme constituant une contrefaçon du brevet de base.

Dans sa décision Eli Lilly du 12 décembre 2013, la CJUE a dit pour droit que :

« En jugeant que l’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009 s’oppose à la délivrance d’un CCP portant sur des principes actifs qui ne figurent pas dans les revendications d’un brevet de base (voir arrêt Medeva, précité, point 25; ordonnances du 25 novembre 2011, University of Queensland et CSL, C-630/10, Rec. p. I-12231, point 31, et Y D, C-6/11, Rec. p. I-12255, point 30), la Cour a souligné le rôle essentiel des revendications aux fins de déterminer si un produit est protégé par un brevet de base au sens de cette disposition. » (paragraphe 34 de l’arrêt) « pour pouvoir considérer qu’un principe actif est «protégé par un brevet de base en vigueur» au sens de cette disposition, il n’est pas nécessaire que le principe actif soit mentionné dans les revendications de ce brevet au moyen d’une formule structurelle.

Lorsque ce principe actif est couvert par une formule fonctionnelle figurant dans les revendications d’un brevet délivré par l’OEB, cet article 3, sous a), ne s’oppose pas en principe à la délivrance d’un CCP pour ce principe actif, à la condition toutefois que, sur la base de telles revendications, interprétées notamment à la lumière de la description de l’invention, ainsi que le prescrivent l’article 69 de la CBE et le protocole interprétatif de celui-ci, il est possible de conclure que ces revendications visaient, implicitement mais nécessairement, le principe actif en cause, et ce de manière spécifique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. » (paragraphe 44 de l’arrêt)

Si la CJUE n’a pas dit, comme le soulignent les sociétés GILEAD qu’ « une classe de produits revendiquée par une terminologie générale » était insuffisante à satisfaire le critère de l’article 3 a), question qui d’ailleurs ne lui était pas posée, elle a en revanche admis, que le principe actif peut être visé par les revendications de façon fonctionnelle et non structurelle si au regard de l’article 69 CBE, l’homme du métier aura compris, implicitement mais nécessairement et spécifiquement, que ce principe actif en pouvait être que celui visé ensuite dans le CCP.

Dans la décision Sanofi C432-12, la CJUE a répondu à la question posée sur l’interprétation de l’article 3c) qui prévoit le cas où le produit a déjà fait l’objet d’un certificat et constaté l’octroi d’un premier CCP portant sur l’irbesartan, en ajoutant que seul ce principe actif était protégé par le brevet.

Elle a pourtant retenu et précisé dans son considérant 30 que le second principe actif, l’HCTZ, n’était pas en tant que tel protégé par le brevet, ce qui constitue une référence implicite à l’article 3 a) et dans son considérant 32, elle a visé explicitement l’article 3 a).

Elle a poursuivi son analyse du produit protégé par le brevet de base au considérant 41, en énonçant que le terme diurétique était trop générique pour faire référence à l’HCTZ et pour identifier ce dernier.

La décision SANOFI a ainsi clairement posé comme principe que les produits que le brevet protège en tant que tels sont nécessairement des produits qui constituent “l’activité inventive centrale” du brevet.

Dans la décision Actavis / Boehringer rendue le 12 mars 2015, la CJUE a dit pour droit au visa des articles 3a) et 3c) du règlement que le titulaire du brevet qui avait déjà obtenu un CCP pour un composé seul de la combinaison, n’était pas autorisé à requérir un second CCP, sur la base du même brevet, pour un produit couvrant la combinaison; que seul un CCP pouvait être accordé pour le telmisartan et non pour le telmisartan associé à l’HCTZ, car cette combinaison n’était pas l’objet de l’invention.

Ainsi, un CCP n’est valide que s’il est délivré pour un produit protégé par le brevet de base et si ce produit a été identifié explicitement dans une des revendications.

S’agissant d’une combinaison de produits, il faut qu’aucun des produits n’ait fait l’objet d’un premier CCP, que la combinaison soit elle-même identifiée dans une revendication, et le produit adjoint à une première molécule doit être défini soit explicitement soit implicitement mais nécessairement et de façon spécifique au regard des dispositions de l’article 69 CBE ; de plus, cette combinaison doit être le centre de l’invention.

Le second produit actif ne doit pas être défini par des termes génériques.

S’il s’agit d’une revendication fonctionnelle, la revendication n’a pas besoin de rependre la structure du produit combiné mais le produit ainsi revendiqué doit être nécessairement et spécifiquement identifié par l’homme du métier.

en l’espèce

Le CCP Gilead n° 05 C 0032 a été déposé le 19 juillet 2005, sur le fondement :

*du brevet européen n° 0 915 894 et notamment sa revendication 27 ainsi rédigée :

« Composition pharmaceutique comprenant un composé conforme à l’une des revendications 1 à 25, conjointement avec un véhicule admissible en pharmacie, et le cas échéant, d’autres ingrédients thérapeutiques. »

*de l’autorisation de mise sur le marché n°EU/1/04/305/001 délivrée le 21 février 2005 pour le Truvada ® , médicament combinant le ténofovir disoproxil (sous la forme d’un sel d’acide fumarique, le fumarate de ténofovir disoproxil) avec l’emtricitabine.

Le produit objet du CCP Gilead n° 05 C 0032 est le suivant :

« Ténofovir disoproxil et ses sels, hydrates, tautomères et solvates en combinaison avec d’autres composés thérapeutiques tels que l’emtricitabine. »

Si la locution “conjointement…, et le cas échéant, d’autres ingrédients thérapeutiques” est mentionnée dans la revendication 27, il ne peut être soutenu qu’elle définit nécessairement et spécifiquement un principe actif ou une classe de produits car cette terminologie est particulièrement vague voire générique comme l’a dit pour droit la CJUE dans l’arrêt SANOFI et inclut de nombreuses catégories dont aucune définition même lapidaire n’est donnée dans la description.

En effet, le brevet ne fait référence ni dans les revendications ni dans la description à l’emtricitabine.

En appliquant les principes dégagés par la CJUE, et les dispositions de l’article 69 CBE qui dispose que :

« L’étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications. »

complété par le protocole interprétatif rédigé comme suit :

« L’article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient receler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. »

il apparaît que la revendication 27 est rédigée de façon tellement large qu’elle ne décrit aucunement un produit actif spécifique qui devrait être combiné avec le tenofovir disproxil ; elle ne protège donc pas une combinaison susceptible d’ouvrir droit à la délivrance d’un brevet.

Bien plus, la combinaison revendiquée comme produit actif “ tenofovir disoproxyl + l’emtricibatine ” n’est pas implicitement mais nécessairement et spécifiquement enseignée dans la description, aucune indication ne permet à l’homme du métier de choisir l’emtricibatine et elle ne constitue à l’évidence pas le coeur de l’invention.

Si le tenofovir disoproxil constitue bien l’objet du brevet de base, la combinaison du tenofovir disoproxil avec n’importe quel autre ingrédient thérapeutique ne peut constituer une invention séparée.

D’une part cette combinaison telle que revendiquée à la revendication 27 n’est pas une revendication fonctionnelle car elle ne décrit pas la structure qui devrait être réalisée et la fonction que le second produit devrait remplir pour construire cette structure.

D’autre part, à supposer cette revendication fonctionnelle, les étapes définies par l’office hollandais du brevet pour apprécier si l’emtricibatine était suffisamment enseignée par le brevet comme étant l’ingrédient thérapeutique nécessaire de la revendication 27 sont pertinentes :

1-est ce que l’homme du métier lisant les termes de la locution dans le contexte du brevet et compte tenu de ses connaissances générales pensera à des ingrédients thérapeutiques (biologiques) actifs?

2-est ce que l’homme du métier pensera immédiatement à des agents antiviraux?

3-est ce que l’homme du métier déduira immédiatement que ces agents antiviraux désigner des agents anti HIV?

4-a la date de priorité, est ce que l’homme du métier aurait immédiatement pensé à l’emtricitabine comme agent anti HIV.

Au terme de la description et comme l’a parfaitement souligné l’Office hollandais de la propriété industrielle, aucune combinaison spécifique n’est revendiquée, aucun élément n’est rapporté pour inciter l’homme du métier à choisir l’emtricitabine d’autant qu’il n’existe aucune indication pour choisir une deuxième antiviral comme “autre ingrédient thérapeutique” et encore moins un agent antiviral agent anti HIV.

En conséquence, la contestation sur la validité du CCP n° 05 C 0032 de la société Gilead Sciences Inc est sérieuse au regard de l’article 3a) du règlement et permet de dire que le CCP est vraisemblablement nul et qu’en conséquence, la contrefaçon n’est à l’évidence pas vraisemblable de sorte que les sociétés GILEAD seront déboutées de l’intégralité de leurs demandes.

Sur les autres demandes

Les conditions sont réunies pour allouer à la société MYLAN la somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par remise au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort

Déboutons les sociétés GILEAD de l’ensemble de leurs demandes.

Condamnons les sociétés GILEAD à payer à la société MYLAN la somme de 100.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

Condamnons les sociétés GILEAD aux dépens.

Fait à Paris le 05 septembre 2017

Le Greffier, Le Président,

E F G-H I

1:

Copies exécutoires

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Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 5 septembre 2017, n° 17/57112