Tribunal de grande instance de Rennes, 2e chambre, 4 janvier 2005

  • Similarité des produits ou services·
  • Réservation d'un nom de domaine·
  • Détournement de clientèle·
  • Situation de concurrence·
  • Contrefaçon de marque·
  • Similitude phonétique·
  • Concurrence déloyale·
  • Droit communautaire·
  • Diffusion limitée·
  • Lettre d'attaque

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Rennes, 2e ch., 4 janv. 2005
Juridiction : Tribunal de grande instance de Rennes
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Rennes, 10 octobre 2006, 2005/04972
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : @CREAT
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3063676
Classification internationale des marques : CL35; CL38; CL42
Liste des produits ou services désignés : Conseils ; informations ou renseignements d'affaires ; gestion de fichiers informatiques ; communications par terminaux d'ordinateurs ; conception de logiciels ; location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données ; activités de recherche scientifique et industrielle / conception, réalisation, suivi et hébergement de sites web ; enregistrement de noms de domaine
Référence INPI : M20050758
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

Le 17 octobre 2000, Régis H a créé la SARL ACREAT, dont il est le gérant. Le 6 novembre 2000 il a déposé à l’TNPI, sous le numéro 00 3 063 676, la marque “@CREAT”: “Translittération “acreat”. Produits ou services désignés: conseils; informations ou renseignements d’affaires; gestion de fichiers informatiques; communications par terminaux d’ordinateurs; conception de logiciels; location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données; activités de recherche scientifique et industrielle. Classes de produits ou service: 35, 38et42”. Régis H a ouvert un domaine internet “acreat.com” et la SARL ACREAT un autre domaine “acreat.net”. La SARL ICODIA a ouvert 18 mai 2004 un domaine “acreat.fr”. Autorisés le 3 septembre 2004 par ordonnance du président du tribunal de grande instance de RENNES, la SARL ACREAT et Régis HAUTIERE ont assigné par acte du 4 septembre 2004 et pour l’audience du 8 novembre 2004 la SARL ICODIA devant le tribunal. La SARL ACREAT et Régis HAUTIERE exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2004. Ils demandent au tribunal de condamner la SARL ICODIA à payer à Régis H la somme de 20 000,00 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de la marque “@ACREAT”, de la condamner à cesser de faire usage de la marque sous astreinte de 500,00 euros par infraction constatée, de la condamner aux frais de publication de la décision dans deux journaux d’annonces légales pour un montant maximum de 3 000,00 euros, de la condamner à leur payer chacun la somme de 23 000,00 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil et du fait d’actes de concurrence déloyale, outre la somme de 5 000,00 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La SARL ICODIA expose ses moyens dans ses dernières conclusions notifiées le 8 novembre 2004. Elle conclut au débouté de la SARL ACREAT et à titre subsidiaire demande que le montant de la condamnation soit ramené à un niveau symbolique.

I – Sur la contrefaçon L’article 713-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés.

Régis H et la SARL ACREAT fondent leur action sur les dispositions des articles L 713- 2 et suivants du code de la propriété intellectuelle et non uniquement sur celles de l’article L 713-2 comme le soutient la SARL ICODIA. Les demandeurs invoquent d’ailleurs le risque de confusion mentionné dans le seul article L 713-3. L’article 713-3-a) du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. L’article 716-1 précise que l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur et que constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du code de la propriété intellectuelle. Le mot “acreat” est la reproduction quasi servile du mot “@CREAT”, dont la translittération est “acreat”, le signe @ n’existant pas dans l’alphabet latin. Le nom des domaines créés par les demandeurs est d’ailleurs constitué de ce mot, “a” remplaçant””. Dans le nom de domaine “acreat.fr” se trouve donc bien reproduite la marque enregistrée par Régis H. Entre les mots “@CREAT” et “acreat”, il y a bien similitude et risque de confusion, au sens du paragraphe 10 de la directive CE n°89/104 du 21 décembre 1988 visée par la défenderesse, les deux mots ayant la même prononciation et le mot @CREAT pouvant être saisi sur internet de la même façon que le mot “acreat”. L’internaute qui fait une recherche par le mot “acreat” peut aboutir au site de la SARL ICODIA au lieu du site de la SARL ACREAT. Il existe donc bien un risque de confusion dans l’esprit du public entre les différents noms de domaine et entre les services proposés par les sociétés qui ont ouvert ces domaines. La SARL ICODIA soutient qu’il n’y a pas eu usage de la marque. Mais la seule reproduction de la marque est suffisante pour constituer la contrefaçon. Et de plus, il y a bien usage de la marque quand celle-ci est utilisée pour former un nom de domaine internet et que la connexion à celui-ci permet le renvoi à un autre domaine (en l’espèce, le domaine de la SARL ICODIA), ce qui a été le cas le 27 août 2004, ainsi qu’en atteste le procès-verbal dressé le même jour par Maître E, huissier. La SARL ICODIA soutient également qu’elle ne propose pas les mêmes services que ceux visés dans l’enregistrement. Il ressort d’un document internet de présentation des activités de la SARL ICODIA qu’elle conçoit des sites Web, les réalise, en assure le suivi et les héberge. Elle enregistre également des noms de domaine.

La classification internationale des produits et des services (Arrangement de Nice) à laquelle se réfère la SARL ICODIA n’a qu’une valeur administrative et n’a pas de portée dans l’appréciation de la similarité ou de la complémentarité des produits ou services désignés dans l’enregistrement. Il n’y a donc pas lieu d’apprécier stricto sensu les activités énumérées dans l’enregistrement de la marque, mais de vérifier si elles présentent des caractères similaires avec les activités de la société défenderesse. La conception, le suivi et l’hébergement de sites Web sont bien de la même nature que les services suivants visés dans l’enregistrement de la marque CREAT: communications par terminaux d’ordinateurs et location de temps d’accès à un centre serveur de bases de données. Le fait que la SARL ICODIA dispose de ses propres serveurs alors que la SARL ACREAT sous-traite l’hébergement des sites de ses clients à une autre société est sans incidence, dès lors que c’est bien la même prestation qui est proposée aux clients. Le fait que l’hébergement de sites Web n’est pas la principale activité de la SARL ACREAT n’a pas non plus d’incidence dès lors qu’il y a bien similitude entre les activités de la SARL ICODIA et les activités déclarées dans l’enregistrement de la marque. Enfin, la SARL ICODIA soutient qu’elle a obtenu l’autorisation de Régis H pour ouvrir le domaine “acreat.fr”. Elle produit la copie d’un courrier qu’elle aurait adressé le 21 mai 2004 à “supportacreat.com” informant son interlocuteur qu’elle avait réservé le nom de domaine “acreat.fr” et qu’elle le supprimerait de la zone “fr” sur sa demande. Le seul défaut de réponse à ce courrier ne prouve pas que Régis H était d’accord pour que sa marque soit reproduite et utilisée par la SARL ICODIA. Les conditions de l’article L 7 13-3 a) sont remplies et il y a lieu de juger qu’il y a bien contrefaçon et que la responsabilité” de la SARL ICODIA est engagée à ce titre. Même si la société ACREAT existe sur RENNES depuis plusieurs années, il n’est pas établi que la marque @CREAT dont elle fait usage est une marque notoire et que la réservation suivie de l’ouverture d’un domaine “acreat.fr” a eu une incidence sur la valeur de la marque elle-même. D’autant que Régis H et la SARL ACREAT avaient déjà ouvert leurs propres domaines “acreat.com” et “acreat.net” quand la SARL ICODIA a réservé le nom de domaine “acreat.fr” et ouvert celui-ci en août 2004. Régis H, titulaire de la marque, ne démontre pas qu’il a subi un préjudice pour avoir manqué des gains ou avoir subi une perte et sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon.

Comme la marque a été transférée en cours de procédure à la SARL ACREAT, avec l’accord de Régis H, la demande tendant à ce qu’il soit mis fin à l’usage de la marque n’est plus fondée et sera rejetée. La publication de la présente décision ne sera pas ordonnée, à défaut de préjudice. II – Sur la demande au titre de la concurrence déloyale La SARL ACREAT soutient que la SARL ICODIA a commis une double faute en ouvrant un site “acreat.fr” et en tentant volontairement de lui porter préjudice, par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. La SARL ACREAT exerce, entre autres, une activité de création et d’hébergement de sites Web. L’activité principale de la SARL ICODIA est la création et l’hébergement de sites Web. Les deux sociétés ont bien des activités concurrentes. Le fait que, d’après la SARL ICODIA, il existe dans la région rennaise où sont implantées les deux sociétés, de nombreuses autres sociétés qui proposent la création et l’hébergement de sites internet n’annule pas la concurrence entre les deux sociétés et ne peut avoir d’incidence que sur l’évaluation du préjudice. En utilisant la marque protégée aux fins d’identifier et de localiser, par le nom de domaine, son propre site, la SARL ICODIA a bien commis une faute et créé un risque de confusion certain dans l’esprit des internautes. Mais le nom de domaine “acreat.fr” n’a été réservé que le 18 mai 2004 et le 19 août 2004, date d’un premier constat d’huissier, le site était encore vide. Le 27 août 2004, l’huissier à nouveau mandaté par les demanderesses a vérifié que le site affichait la page ‘Domaine réservé” et qu’un lien menait au site de la SARL ICODIA. Puis le nom de domaine a été transféré à la SARL ACREAT en cours de procédure, entre le 14 septembre et le 8 novembre 2004. Par ailleurs, la SARL ICODIA justifie que son site “acreat.fr” a reçu 12 connexions entre le 27 septembre et le 15 octobre 2004, dont 10 connexions provenant de la même adresse. Il peut en être conclut que le site litigieux n’a pas suscité beaucoup d’intérêt de la part des internautes. Le site n’a donc été actif que quelques semaines et très peu consulté. La SARL ACREAT affirme que le site a été consulté par 16 utilisateurs entre le 18 mai et la 15 octobre 2004 et qu’elle a perdu des clients. Mais elle ne verse aucune pièce au dossier établissant le nombre de connexions au site et la simple consultation d’un site n’est pas suivie automatiquement de la conclusion d’un contrat alors que le marché de la création et de l’hébergement de sites Web apparaît comme un marché largement ouvert. Et il existait déjà deux noms de domaine sur le réseau comprenant le terme “acreat” permettant les contacts avec la SARL ACREAT.

Celle-ci et Régis H ne démontrent pas que l’ouverture fautive du site “acreat.fr” leur a causé un préjudice sous la forme d’un détournement de clientèle ou sous toute autre forme et ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil. La SARL ICODIA, qui perd le procès, sera condamnée aux dépens. Il y lieu de relever que, dès le 21 mai 2004, après avoir réservé le nom de domaine “acreat.fr”, la SARL ICODIA s’est connectée au site internet de Régis H pour l’informer de la réservation et également qu’une procédure spécifique existe (UDRP) pour le règlement des litiges opposant les réservataires de noms de domaine et les titulaires de marques. Dans ces conditions, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des demandeurs, les frais qu’ils ont engagés en choisissant la voie judiciaire, y compris le coût des deux constats d’huissier, et qui ne sont pas compris dans les dépens. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, Dit que la SARL ICODIA a contrefait la marque @CREAT dont Régis H est propriétaire, Déboute Régis H et la SARL ACREAT de toutes leurs autres demandes, Condamne la SARL ICODIA aux dépens.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Rennes, 2e chambre, 4 janvier 2005