Tribunal Judiciaire de Paris, 3 mars 2022, n° 21/05433

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 3 mars 2022, n° 21/05433
Numéro(s) : 21/05433

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS 1

1/1/2 resp profess du drt

N° RG 21/05433 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUHQX

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT N° MINUTE : rendue le 03 Mars 2022

Assignations des : 1 Avril 2021er 07 Avril 2021

DEMANDERESSE

S.ES. CLOVER 22 rue Fernand Morneau 59990 SAULTAIN

représentée par Maître Romuald COHANA de la SELARL SHARP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0089

DEFENDEURS

AARPI BIRD & BIRD […]

Maître X Y domicilié : chez AARPI BIRD & […]

Maître Z A domicilié : chez AARPI BIRD & […]

représentés par Maître Philippe BERN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0984

Copies exécutoires délivrées le :

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Décision du 03 Mars 2022 1/1/2 resp profess du drt N° RG 21/05433 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUHQX

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Anne F, Première Vice-Présidente adjointe

assistée de Samir D, Greffier

DEBATS

A l’audience du 27 Janvier 2022, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 03 Mars 2022.

ORDONNANCE

- Contradictoire

- En premier ressort

- Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

- Signée par Madame Anne F, Présidente, et par Monsieur Samir D, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Courant 2019, la société Initiative & Finance a mandaté Maître X Y et Maître Z A, avocats au barreau de Paris exerçant dans le cadre d’une association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle (AARPI) dénommée Bird & Bird, en vue de l’assister en matière juridique et fiscale dans le projet d’acquisition, avec divers partenaires, des titres composant le capital de la société Apollonia.

Dans ce cadre, a été constituée la société Clover, détenue par la société Initiative & Finance et ses partenaires, à travers laquelle a été acquise la totalité des actions de la société cible.

Le contrat de cession d’actions a été signé le 19 mars 2019 et l’acquisition a été réalisée le 30 avril 2019.

Par actes en date des 1er et 7 avril 2021, la société Clover a fait assigner l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A devant le tribunal judiciaire de Paris, afin de mettre en jeu leur responsabilité civile professionnelle, leur reprochant une absence d’information quant à certaines conséquences fiscales de l’opération.

Par conclusions d’incident notifiées le 25 janvier 2022, l’AARPI Bird

& Bird, Maître X Y et Maître Z A demandent au juge de la mise en état, au visa des articles 122, 700 et 789 du code de procédure civile et des articles 2220, 2224 et 2254 du code civil, de déclarer prescrite, et subsidiairement forclose, l’action introduite par la société Clover « et la débouter de tous ses chefs de demandes », de la condamner à verser la somme de 5 000,00 € à Maître X Y et la somme de 5 000,00 € à Maître Z A sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.

Ils font valoir que l’action est prescrite dès lors que les conditions générales d’intervention liant les parties prévoient que toute réclamation est prescrite dans un délai de douze mois à compter de

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l’achèvement des prestations concernées et que plus d’un an s’est écoulé entre la fin de leurs prestations, facturées le 26 avril 2019, et l’assignation délivrée le 7 avril 2021.

Ils précisent que l’acceptation de ces conditions résulte de la réception d’un courriel contenant leur proposition de service et du paiement de la facture correspondant, reconnus dans l’assignation ; que la société demanderesse n’a pas demandé à négocier la clause litigieuse alors qu’elle aurait pu le faire, ne s’agissant pas d’un contrat d’adhésion ; et que l’arrêté de compte sur la base duquel est intervenue la déclaration fiscale litigieuse pouvait être fait moins d’un an après l’achèvement des prestations, de sorte que la demanderesse n’était pas privée de tout droit d’agir.

Ils ajoutent que la jurisprudence estime que lorsque les parties fixent conventionnellement un délai pour engager une procédure, ce délai ne correspond pas à un délai de prescription mais à un délai de forclusion de sorte que les dispositions de l’article 2254 du code civil sont inapplicables.

Par conclusions d’incident notifiées le 24 janvier 2021, la société Clover demande au juge de la mise en état de :

- déclarer non prescrite et recevable l’action de la société Clover à l’encontre de l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A ;

- déclarer non forclose et recevable l’action de la société Clover à l’encontre de l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A ;

- débouter l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A de leur « exception d’irrecevabilité » ;

- enjoindre l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A de conclure au fond dans un délai d’un mois à compter de l’ordonnance ;

- condamner solidairement l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A à lui verser une somme de 7 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Elle soutient, en substance, au visa des articles 1119, 1171, 2224 et 2254 du code civil, que son action a été intentée moins d’un an après l’imposition supplémentaire au titre de l’impôt sur les sociétés, que les défendeurs ne démontrent pas que les conditions générales d’interventions dont ils se prévalent ont été expressément acceptées par la société Clover, que le point de départ du délai de prescription ne peut pas valablement être aménagé, seule sa durée pouvant être abrégée, alors que le terme d’ « achèvement des Prestations concernées » n’est pas défini par les conditions générales invoquées par les défendeurs, que le préjudice n’était pas matérialisé dans le délai d’un an à compter de la réalisation de l’opération et que la clause litigieuse ne porte pas sur un délai de forclusion mais un délai de prescription.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions signifiées par les parties pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Les parties ont été convoquées pour plaider sur cet incident par bulletin du greffe à l’audience du 27 janvier 2022.

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A cette audience, les parties ont repris les termes de leurs conclusions d’incident.

L’affaire a été mise en délibéré au 3 mars 2022.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La prescription d’une action en responsabilité ne court ainsi qu’à compter de la manifestation du dommage et non du jour où apparaît la simple éventualité de cette réalisation (1ère Civ., 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-26.390 ; 3e Civ., 27 février 2020, pourvoi n° 18-24.008).

Par ailleurs, aux termes de l’article 2254 alinéa 1er du code civil, la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties ; elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.

Enfin, l’article 1110 du même code définit le contrat d’adhésion comme celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties.

En l’espèce, les défendeurs se prévalent des stipulations de l’article 8 des conditions générales d’intervention annexées à la « proposition de service » de l’AARPI Bird & Bird pour les besoins de l’opération

Finance en date du 22 janvier 2019 à 16 heures 38, selon lesquelles « Toute réclamation est prescrite dans un délai de douze mois à compter de l’achèvement des Prestations concernées. ».

Il ressort des pièces produites qu’à la suite de cet envoi les avocats ont réalisé les prestations décrites dans cette proposition et que la société Clover s’est acquittée des factures y afférentes, ce dont il résulte que la société Clover, qui ne justifie d’aucune protestation, ni réserve, a accepté ces conditions générales de service et que celles-ci lui sont opposables.

Par ailleurs, si ces conditions générales ont été rédigées par l’AARPI Bird & Bird, il ne ressort pas des échanges, ni des circonstances d’entrée en relation que ces clauses n’étaient pas négociables entre les parties, respectivement société de capital investissement et avocats. Dès lors, la relation contractuelle ne répondant pas à la définition d’un contrat d’adhésion ne lui sont pas applicables les dispositions de l’article 1171 du code civil réputant non écrite toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Toutefois, si les dispositions précitées de l’article 2254 alinéa 1er du code civil permettent d’abréger conventionnellement la durée de la prescription, la clause litigieuse vise également à modifier le point de départ du délai conventionnel d’un an, pour le fixer à « l’achèvement des Prestations concernées ».

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Décision du 03 Mars 2022 1/1/2 resp profess du drt N° RG 21/05433 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUHQX

Or, dès lors qu’il n’est pas justifié de quelconques prestations réalisées après le 30 avril 2019, la clause litigieuse a pour effet en l’espèce de réduire le délai de prescription à une période inférieure au délai minimum légal résultant des dispositions précitées des articles 2224 et 2254 du code civil, à savoir un an à compter de la manifestation du dommage allégué, intervenue en l’espèce lors de l’établissement des comptes de la société Clover clos au 31 décembre 2020.

La clause litigieuse doit donc être réputée non écrite.

Enfin, il résulte de ses termes mêmes que, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, cette clause ne porte pas sur un délai de forclusion, mais sur un délai de prescription.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A.

Sur les perspectives d’avancement de l’affaire :

Eu égard à l’état d’avancement de l’affaire et à la durée de la procédure, il convient d’inviter les parties à accomplir les diligences prescrites au dispositif avant rappel à l’audience pour envisager la clôture de son instruction.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de réserver les demandes afférentes aux frais et dépens, au fond.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état,

- Bird, Maître X Y et Maître Z A ; et disons recevable l’action de la société Clover ;

- Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état du 23 juin 2022 à 9 heures 30 (salle indiquée sur les panneaux d’affichage) pour être clôturée et fixée pour plaidoiries ;

- Disons que l’AARPI Bird & Bird, Maître X Y et Maître Z A devront conclure avant le 21 avril 2022, et la société Clover, en réponse, avant le 9 juin 2022 ;

- Réservons les frais et dépens ;

- Rejetons toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Faite et rendue à Paris le 03 Mars 2022

Le Greffier Le Juge de la mise en état

S. D A. F

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