Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 8 février 2021, n° 19/00324

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. civ., 8 févr. 2021, n° 19/00324
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 19/00324
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Auch, 19 février 2019, N° 18/00048
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

08 Février 2021

VS / NC


N° RG 19/00324

N° Portalis DBVO-V-B7D -CVLV


A X

B C épouse X

C/

F E Z


GROSSES le

à

ARRÊT n° 83-2021

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur A X

né le […] à […]

de nationalité française, retraité

Madame B C épouse X

née le […] à […]

de nationalité française, artiste peintre

domiciliés ensemble : Plaisance

[…]

représentés par Me Gilles LAMARQUETTE, avocat au barreau du GERS

APPELANTS d’un jugement du tribunal de grande instance d’AUCH en date du 20 février 2019, RG 18/00048

D’une part,

ET :

Monsieur F E Z

né le […] à […]

de nationalité française

domicilié : Lieu dit Plaisance

[…]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/002212 du 28/06/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AGEN)

représenté par Me Mathieu GENY, SELARL PGTA, avocat au barreau du GERS

INTIMÉ

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 23 novembre 2020, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Jean-Paul LACROIX-ANDRIVET, Conseiller

Valérie SCHMIDT, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :

Xavier GADRAT, Conseiller

en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Sandra DEBUYSER, adjointe administrative placée faisant fonction de greffière,

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

' '

'

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme B C épouse X et M. A X ont acquis suivant acte notarié du 25 mars 2005 une maison de campagne, comprenant parc et chemin d’accès, au lieu dit Plaisance, sur la commune de La Sauvetat.

Ils ont pour voisin immédiat M. E Z, propriétaire des parcelles contiguës, lequel a installé après l’emménagement des époux X, un garage automobile situé dans une ancienne grange attenante, sous forme d’EURL immatriculée le 1er avril 2005 et dénommée EURL Plaisance.

Par suite de la saisine du juge des référés d’Auch par les époux X aux motifs d’une installation non conforme et dangereuse, une expertise judiciaire a été ordonnée le 02 avril 2008.

Le rapport d’expertise a été déposé le 31 juillet 2008 et a mis en évidence notamment des défectuosités touchant à la toiture de la construction.

Par acte d’huissier du 23 octobre 2008, les époux X ont fait assigner M. Z à titre personnel et es qualité de représentant de l’EURL Plaisance devant le tribunal de grande instance d’Auch.

Suivant ordonnance du juge de la mise en état du 09 juillet 2009, la réalisation de travaux de toiture préconisés par l’expert a été mise à la charge de M. Z sous astreinte de 30 euros par jour de retard.

Par jugement du 14 avril 2010, le tribunal de grande instance d’Auch a débouté les époux X de leurs demandes de dommages et intérêts en constatant qu’il n’y avait pas de préjudice effectif lié à une pollution avérée du site et que les travaux de toiture avaient été réalisés.

Par assignation du 20 mai 2011, les époux X ont saisi de nouveau le juge des référés aux motifs de nuisances visuelles liées à la présence d’épaves, de véhicules et de ferrailles, sur la propriété de M. Z qui est à l’origine d’un trouble anormal de voisinage et d’un retard dans la vente de leur maison.

Suivant ordonnance du 09 août 2011, le juge des référés a admis le trouble anormal de voisinage du fait de la pollution visuelle mais a considéré que son intensité ne justifiait pas un enlèvement sous astreinte et a invité les époux X à saisir le juge du fond.

Par ailleurs, l’EURL Plaisance a été placée en liquidation judiciaire le 06 février 2009 et faute d’actifs suffisants pour poursuivre son activité a été radiée le 08 Juin 2012.

Par acte d’huissier du 08 janvier 2018, les époux X ont fait attraire devant le tribunal de grande instance d’Auch M. Z aux fins de :

— dire que M. Z est auteur d’un trouble anormal de voisinage,

— de le voir condamner à remédier à ces inconvénients sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement,

— de le voir condamner au paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de l’altération du cadre de vie et des difficultés à vendre leur bien,

— de le voir condamner au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral subi,

— de le voir condamner au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du

code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement du 20 février 2019, le tribunal de grande instance d’Auch a :

— déclaré prescrite et donc irrecevable l’action engagée par les époux X à l’encontre de M. Z,

— débouté M. Z de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— condamné in solidum les époux X à verser à M. Z la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné in solidum les époux X aux entiers dépens avec distraction

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Les époux X ont interjeté appel le 02 avril 2019 de ce jugement en ce qu’il a déclaré prescrite et donc irrecevable leur action à l’encontre de M. Z, les a condamnés in solidum à verser à M. Z la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

Par uniques conclusions du 1er juillet 2019, les époux X demandent à la cour de :

— constater l’existence d’un trouble anormal de voisinage imputable à M. Z,

— condamner M. Z à remédier à ces inconvénients en débarrassant les lieux des épaves, ferrailles et détritus et objets divers sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

— condamner M. Z à payer la somme de 6 000 euros pour les préjudices subis du fait de l’altération du cadre de vie entraînant notamment des difficultés extrêmes à vendre leur bien,

— condamner M. Z à payer la somme de 2 500 euros au titre du préjudice moral,

— condamner M. Z à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le même à tous les dépens.

A l’appui de leurs prétentions, les époux X font valoir que des nuisances visuelles constituées par l’amoncellement de ferrailles sur la propriété voisine étaient en effet présentes dès 2011 mais qu’il a été procédé à leur retrait avant l’audience de référé du 05 juillet 2011.

Poursuivant, ils soutiennent que les lieux ont ainsi été quasiment libérés jusqu’en fin 2013 pour ensuite faire l’objet d’un nouvel encombrement qui crée un trouble anormal de voisinage. Ils avancent que la prescription ne peut dès lors être acquise, eu égard à l’interruption des troubles visuels entre 2011 et début 2014 et soutiennent que leur reprise est importante et actuelle. Enfin, ils déplorent les intentions malveillantes de M. Z qui agit volontairement et fait un chantage à la nuisance pour les conduire à acheter son bien à un prix qu’il renchérit au fil du temps.

Par premières conclusions du 26 septembre 2019 et dernières conclusions du 27 octobre 2020, M. Z sollicite de la cour de :

— dire que les demandes des époux X sont irrecevables, sinon infondées,

— les débouter de l’intégralité de leurs demandes, fins, prétentions,

à titre reconventionnel :

— condamner les époux X au paiement in solidum d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner in solidum les époux X à verser à M. Z la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi

que les entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl PGTA, avocats aux offres de droit.

A l’appui de ses prétentions, M. Z fait valoir que l’autorité de la chose jugée s’attache au jugement du tribunal de grande instance d’Auch du 14 juillet 2010 et à l’ordonnance de référé du 09 août 2011 qui ont déjà tranché et rejeté les prétentions aux mêmes fins des époux X opposant les mêmes parties avec les mêmes fondements et le même objet. Par ailleurs, il rappelle que la demande des époux X se heurte au principe de la concentration des moyens qui suppose de soulever en temps utile dès la première instance l’ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci. En tout état de cause, il soulève que l’action engagée sur le fondement des troubles anormaux du voisinage est une action personnelle qui se prescrit par 5 ans à compter du jour de l’apparition du dommage ou de son aggravation soit le 1er avril 2005, date de commencement de son activité de garagiste depuis lors liquidée. Surtout, il indique que l’essentiel des pièces versées sont les mêmes que celles produites lors de la précédente instance et ne peuvent aucunement témoigner d’une situation actuelle. Par conséquent, il affirme que les époux X sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne justifient d’aucune évolution dans les conditions d’exercice de son activité et que le trouble anormal du voisinage n’est pas caractérisé faute de préjudice. Enfin, il allègue subir un harcèlement permanent de la part des époux X qu’il qualifie d’abus de droit.

La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2020.

L’affaire a été fixée à plaider le 23 novembre 2020.

MOTIFS

Sur l’autorité de la chose jugée

L’article 1355 du code civil dispose que 'l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande sot entre le mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité.'

M. Z invoque deux décisions déjà rendues pour se prévaloir de l’autorité de la chose jugée et faire échec aux prétentions des époux X.

Cependant, le jugement du 14 avril 2010 n’a tranché qu’un litige portant sur un risque de contamination des sols pour non respect des normes environnementales et de désordres en lien avec l’insécurité d’une installation et non sur une pollution visuelle. L’objet du jugement n’est donc pas identique.

Par ailleurs, l’ordonnance de référé rendue le 09 août 2011ne peut avoir l’autorité de la chose jugée,

le juge des référés n’étant que celui de l’évidence et de l’urgence et n’a pas vocation à trancher le fond.

En l’espèce, si le fondement est le même, celui du trouble anormal de voisinage, les conséquences déplorées par les époux X ne sont pas les mêmes. Ainsi, il ne peut leur être fait grief de ne pas avoir soulevé, motif pris du principe de la concentration des moyens, lors de l’instance précédente, l’ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, faute d’identité du litige.

En conséquence, l’autorité de la chose jugée n’est pas acquise et ne peut être opposée aux époux X.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la prescription

Aux termes de l’article 2224 du code civil, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 05 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.'

Le point de départ du délai de prescription se situe à la date à laquelle le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits constitutifs du trouble anormal allégué ou à la date d’aggravation d’un trouble préexistant.

Les époux X ont engagé le 20 mai 2011 contre M. Z une action en référé pour trouble anormal de voisinage en lien avec des nuisances visuelles du fait de l’entreposage de carcasses automobiles et de diverses ferrailles à proximité directe de leur propriété.

Ce trouble a été reconnu par le juge des référés, par ordonnance du 09 août 2011 comme anormal, lequel précise 'l’activité de réparation de véhicules usagés ne s’inscrit pas dans le cadre d’une activité normale en milieu rural'(…) 'On relève que M. Z n’a pris aucune mesure pour tenter d’atténuer le trouble visuel qu’il provoque. On peut donc considérer que M. Z provoque des inconvénients anormaux de voisinage.'

Cependant, le juge des référés a considéré que 'la pollution visuelle ne revêtait pas un caractère suffisamment illicite' et a invité les époux X à saisir le juge du fond.

Or les époux X n’ont diligenté leur action sur le fond contre M. Z que le 08 janvier 2018 soit passé le délai quinquennal à compter de la constatation du trouble.

Ils allèguent qu’en réalité, le trouble a cessé en 2012 et 2013 en lien avec la précédente instance diligentée et a repris de 2014 à 2017 et est toujours actuel de sorte que la prescription n’est pas acquise.

En premier lieu, il convient de s’interroger sur l’inertie des époux X qui, si les troubles avaient repris dès 2014, avaient toute latitude d’en faire cesser les effets néfastes dès leur nouvelle apparition, ce qu’ils se sont abstenus de faire sans motifs fournis.

En second lieu, les attestations versées à l’appui d’un arrêt des nuisances pendant environ deux ans sont toutes établies en mars 2019 et sont donc postérieures à l’assignation et au jugement attaqué. Leur production s’effectue alors que l’action est éteinte pour cause de prescription et pour en interrompre les effets. Or, cette production est manifestement un ajustement de cause en ce que dans leur assignation, les époux X ne font nullement état d’une interruption des dépôts par M. Z durant les années 2012 et 2013 et à un enlèvement des déchets de sa propriété. Au contraire, ils indiquent que 'la demeure de M. Z a toujours eu un aspect de casse automobile ', raison pour laquelle ils ne sont pas parvenus à vendre leur maison. A cet égard, la période où ils prétendent que M. Z avait cessé ses agissements ne leur a pas plus permis d’y parvenir.

Par ailleurs, il est produit au débat une photographie que les époux X indiquent être de 2013 sur laquelle le terrain de M. Z apparaît débarrassé de toute ferraille. Mais force est de constater qu’aucune précision temporelle ne figure sur le cliché ou sur des pièces annexes permettant de lui donner date certaine. M. Z, qui indique que cette pièce a déjà été utilisée lors de la précédente procédure ce dont le jugement du 14 avril 2010 se fait l’écho, n’est pas utilement combattu.

Pour les mêmes motifs, il ne peut être caractérisé une aggravation s’agissant d’une situation qui a perduré dans le temps, les constatations d’huissier dressés les 26 avril 2011 et 29 novembre 2017 font état d’observations comparables avec la présence de diverses carcasses automobiles entreposées et d’animaux à proximité (chenils et poulailler).

De l’ensemble de ces observations, il s’évince que l’action des époux X est prescrite et donc irrecevable.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

M. Z sollicite la condamnation des époux X aux motifs que ceux-ci ont agi dans l’intention de lui nuire. Cependant, il ne démontre pas que l’exercice de leur droit par les époux X ait dégénéré en abus de droit alors qu’il ne peut pas être fait plus grief à ces derniers qu’à M. Z de l’absence de qualité relationnelle régnant entre eux.

Le premier juge sera encore confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et dépens

Les époux X, succombant à l’instance, seront condamnés in solidum à verser à M. Z la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de la SELARL PGTA, avocats aux offres de droit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE les époux X à verser à M. Z la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux X aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de la SELARL PGTA, avocats aux offres de droit.

Le présent arrêt a été signé par Xavier GADRAT, conseiller, et par Sandra DEBUYSER, adjointe administrative placée faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, La Présidente,

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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