Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 juin 2015, n° 13/13711

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 12 juin 2015, n° 13/13711
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/13711
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 4 juin 2013, N° 12/2534

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2015

N°2015/438

Rôle N° 13/13711

B G divorcée C

C/

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX -SPA-

Grosse délivrée le :

à :

Me Stéphane AUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Philippe D’HAUTHUILLE, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section AD – en date du 05 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2534.

APPELANTE

Madame B G divorcée C, XXX

comparante en personne, assistée de Me Stéphane AUBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX -SPA-, demeurant XXX – XXX

représentée par Me Philippe D’HAUTHUILLE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Anne PEURON, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 16 Avril 2015, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme H I.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015

Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme H I, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

B G divorcée C a été embauchée par la Société Protectrice des Animaux (SPA) suivant contrat 'initiative emploi’ à durée indéterminée à temps partiel, du 31 janvier 2005, à effet au 10 février 2005, en qualité d’agent d’accueil qualifié.

Elle était rémunérée 776,90 € brut par mois pour 86 heures par mois et elle travaillait du lundi au vendredi de 9 à 13 heures. Ses horaires pouvaient être modifiés avec un délai de prévenance de sept jours.

Par courrier du 28 septembre 2007, B G a été convoquée à un entretien préalable au licenciement reporté au 6 novembre 2007.

Elle a été licenciée par courrier du 21 novembre 2007 pour cause réelle et sérieuse.

Le 29 août 2012, B G a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et harcèlement moral.

Par jugement du 5 juin 2013 , le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement de B G était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamné la Société Protectrice des Animaux à lui payer les sommes suivantes :

—  5.000 € au titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— dit que le salaire moyen sur les 'trois-douze’ derniers mois s’élevait à 822,49 €,

— débouté B G du surplus de ses demandes.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 juin 2013.

B G divorcée C a relevé appel partiel du jugement par déclaration du 28 juin 2013 limité aux dispositions ayant rejeté sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

Aux termes de ses écritures développées oralement à l’audience, elle conclut à l’infirmation du jugement sur ce point et elle sollicite la condamnation de SPA à lui payer 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, outre 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

— Mme A, responsable de la SPA de Marseille, démise de ses fonctions par l’Etat en raison de suspicions de graves dysfonctionnements, est l’auteur de faits de harcèlement sur elle qui ont débuté le 27 février 2006 et qui se sont poursuivis ensuite,

— elle a été victime de dénonciation de faits inexacts la concernant pour lesquels elle a fait à tort l’objet d’un avertissement le 5 février 2007,

— elle a été en arrêt de travail pour maladie le 23 février 2007,

— l’inspection du travail a pu constater ses mauvaises conditions de travail,

— le comportement harcelant s’est poursuivi et la procédure de licenciement a été entreprise alors qu’elle était en arrêt pour cause de maladie.

Elle estime avoir rapporté la preuve de la matérialité de faits et d’agissements réitérés dont elle a été victime, qui ont dégradé sa santé, dont elle avait informé sa hiérarchie sans effet, et qu’en conséquence le harcèlement moral est avéré.

Dans ses écritures développées oralement lors des débats, la Société Protectrice des Animaux, fait appel incident et conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a jugé le licenciement de B G dénué de cause réelle et sérieuse. Elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et sollicite la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Contestant tout fait de harcèlement moral, la Société Protectrice des Animaux SPA explique que :

— à compter de mai 2006, B G s’est plainte de son travail et a refusé d’accomplir des tâches relevant de son emploi, tels que le ménage de la salle d’attente, du classement, des dépôts de fonds, ou la gestion des adoptions, et elle a été rappelée à l’ordre par courrier du 23 novembre 2006, puis par un avertissement le 5 février 2007,

— elle a persisté en désorganisant le dispensaire, en ne prévenant que tardivement de son absence, en refusant des modifications ponctuelles de ses horaires de travail, en faisant preuve d’un comportement inadapté dans ses fonctions d’accueil, en se plaignant sans cesse de son travail et des directives reçues de sa responsable, en établissant des rapports circonstanciés de ses tâches et en commettant des erreurs dans son travail,

— le licenciement est fondé sur un cause réelle et sérieuse.

— B G n’établit aucun fait laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, les décisions prises par sa supérieure hiérarchique étant justifiées par des éléments objectifs, à savoir le bon fonctionnement du site de Marseille.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l’audience.

DISCUSSION

— sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, B G invoque les faits suivants :

— le comportement de Mme A qui a remis en cause un arrêt maladie prescrit, lui a imposé de venir un dimanche suite à un dégât des eaux, lui a demandé d’effectuer des tâches de secrétariat alors qu’elle est agent d’accueil, a multiplié les instructions sur des 'post-it', a qualifié ses courriers de 'torchons', lui a demandé de faire le ménage et l’a l’humiliée lors de réunions de travail, a modifié son poste de travail puis lui a retiré tout travail, lui a imposé des conditions de travail dégradantes,

— la lettre d’observation puis l’avertissement infligé le 5 février 2007 fondés sur des faits inexacts,

— les alertes transmises à la direction qui n’ont pas été prises en compte,

— un licenciement prononcé comme une sanction de ce qu’elle s’était ouverte de ses difficultés à la direction de la SPA,

— la grave dépression découlant de cette période ayant duré de mars 2006 à novembre 2007.

Pour étayer ses affirmations, B G produit notamment :

— plusieurs courriers dactylographiés portant des annotations critiques de la main de Mme A,

— le compte-rendu d’une réunion de service du 13 avril 2006 décrivant des tâches à effectuer par 'B', par exemple, 'le ménage de la salle d’attente et le devant de la porte', travaux dont elle a été déchargée le 17 mai 2006,

— de nombreuses instructions manuscrites de Mme A, en relation avec son activité,

— des courriers qu’elle a adressés à la direction de la SPA,

— les arrêts maladie qui lui ont été délivrés,

— le courrier reçu de l’inspection du travail qui confirme les mauvaises conditions de travail et la demande faite à l’employeur d’y remédier, ainsi que les clichés de son poste de travail,

— une attestation de D Z qui a entendu une femme présentée comme la chef de B G lui dire ' vous êtes meilleure à discuter qu’à faire le ménage, vous êtes une incapable',

— une attestation de J X qui a entendu Mme A dire à B G divorcée C : 'aviez vous besoin de dire qu’elle avait été harcelée et de surcroît qu’elle avait été blessée, je vais vous faire voir ce que c’est le harcèlement moi’ et qui précise que 'Mme A était furieuse de savoir que B G-C ait écrit qu’une bénévole harcelait une employée et que cela expliquait sa menace envers B G'.

Il ressort de ces éléments, particulièrement des attestations provenant de personnes étrangères au fonctionnement de l’association, qu’à compter d’avril 2006, les relations avec la supérieure de B G se sont dégradées et que des demandes ont été formulées de manière répétées et diversifiées tendant à modifier les conditions de son travail et les tâches qui lui étaient assignées.

B G établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

La Société Protectrice des Animaux fait valoir que toutes les décisions prises par Mme A, supérieure hiérarchique, étaient justifiées par le bon fonctionnement du site de Marseille de la SPA et donc étrangères à tout harcèlement.

Elle produit :

— les avenants du contrat de travail modifiant les horaires de la salariée, qui n’ont pu être appliqués compte tenu de l’impossibilité médicalement constatée pour B G de travailler l’après midi,

— le compte rendu de la réunion du 16 avril 2006 et les nombreux écrits de la salariée et les réponses de la SPA, relatifs au ménage de la salle d’attente,

— le courrier de la SPA du 23 novembre 2006 répondant aux griefs de la salariée (gestion des adoptions, refus d’assurer les transports de fonds, réaffectation de certaines tâches pour pallier l’absence de travail évoquée par B G, changement de fauteuil) et rappelant qu’il appartient au supérieur hiérarchique, en l’espèce Mme Y, d’organiser les tâches de chacun,

— l’avertissement du 7 février 2007 fondé sur un dysfonctionnement constaté le 12 janvier 2007 où B G avait renvoyé une personne se présentant sans rendez vous pour faire castrer son chat bien que le vétérinaire ait été disponible à ce moment là, l’intervention de celui-ci ayant cependant permis la castration du chat, et la réponse de l’intéressée, contestant la mesure au motif qu’elle avait appliqué à la lettre les règles du dispensaire jusqu’à ce que le vétérinaire, avant qu’elle le sollicite, soit intervenu,

— la lettre de B G du 12 février 2007 adressée à la SPA dans laquelle elle stigmatise le comportement harcelant de Mme A à son encontre et demande notamment un entretien pour 'éclaircir ses rapports avec ses employeurs et repartir sur de bonnes bases et travailler en harmonie',

— la grille de classification des emplois issue de l’accord d’entreprise, décrivant les activités principales des agents,

— les documents établis par B G, nommés 'résumé du travail fait lors de l’absence de Mme A', qui reprend longuement, de manière analytique, les activités réalisées par la salariée,

— un exemple de courrier corrigé par Mme A.

S’il est exact que le contrat de travail de la salariée permettait de lui demander d’effectuer des tâches de ménage, et que celle-ci a pu, par un comportement parfois rigide, 'appliquer à la lettre le règlement', il n’en demeure pas moins qu’en raison de l’attitude de sa supérieure, établie par Mesdames Z et X, des exigences qu’elle a pu exprimer de manière renouvelée et lapidaire à la salariée d’effectuer des tâches ensuite critiquées, des conditions de travail illustrées par les clichés photographiques produits, l’employeur ne démontre pas que les faits matériellement établis par B G sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement moral est établi et le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, des conséquences dommageables qu’il a eu pour B G telles qu’elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment des certificats médicaux, mais aussi du délai de presque cinq ans mis à saisir la juridiction prud’homale, le préjudice subi pendant un peu plus d’une année par B G sera fixé à 5.000 €.

— sur le licenciement :

L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu’en l’absence d’énonciation des motifs, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; que l’énoncé d’un motif imprécis équivaut à une absence de motif.

L’article L 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié.

La cour n’est saisie sur ce point que de l’appel incident de la SPA qui estime que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Cependant, en application de l’article L.1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu dans le contexte évoqué ci-dessus, est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

— sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

B G demande la confirmation du jugement qui lui a accordé 5.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Les premiers juges ont justement apprécié le préjudice subi par la salariée du fait du licenciement et des répercutions sur sa santé ainsi que les difficultés qu’elle a pu rencontrer ensuite pour retrouver un emploi à raison de son âge.

La somme de 5.000 € sera confirmée.

— sur les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile :

La SPA qui succombe sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de B G et la SPA qui sera condamnée à lui payer une somme de 300 € de ce chef en plus de la somme accordée par le conseil de prud’hommes.

— sur les dépens :

La SPA qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en ses dispositions relatives au harcèlement moral,

STATUANT à nouveau,

DIT que B G divorcée C a été victime de harcèlement moral,

CONDAMNE la Société Protectrice des Animaux à payer à B G divorcée C la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts de ce chef,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la Société Protectrice des Animaux de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Société Protectrice des Animaux à payer à B G divorcée C la somme de 300 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en plus de la somme accordée par les premiers juges,

CONDAMNE la Société Protectrice des Animaux aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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  2. Code du travail
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