Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8 octobre 2015, n° 12/09898

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 8 oct. 2015, n° 12/09898
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/09898
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 9 mai 2012, N° 08/10851

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 08 OCTOBRE 2015

N° 2015/416

Rôle N° 12/09898

SA LA CLINIQUE MONTICELLI

SCA DALKIA FRANCE

SCP E F ET CHRISTIAN Z

C/

A Y

I, J X

SA AXA FRANCE IARD EN QUALITE D’ASSUREUR DE LA CLINIQUE MONTICELLI JUSQU’AU 31.12.1996

CAISSE AUTOMNOME DE RETRAITE DES MEDECINS FRANCAIS CARMF

SA SOCOTEC

SA ACTE IARD

XXX

SA AXA FRANCE IARD

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Ermeneux

Me Boulan

Me Magnan

Me Cohen

Me Badie

Me Rousseau

Me Habart-Melki

Me Libéras

Me Bourglan

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 10 Mai 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 08/10851.

APPELANTES

SA LA CLINIQUE MONTICELLI agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice XXX – XXX

représentée par Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE,

SCA DALKIA FRANCE (venant aux droits de la COMPAGNIE D’EXPLOITATION THERMIQUE COMETHERM SA), immatriculée au RCS de LILLE sous le N° 456 500 537, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis

XXX

représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Gilles GASSENBACH, avocat au barreau de PARIS

SCP E F ET CHRISTIAN Z agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cett qualité en son siège social Les Collines de Marseillveyre – XXX

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Laure CAPINERO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jacques PERRIMOND, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Maître A Y pris en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SOCIETE ACE 1, XXX

hors de cause par arrêt du 18/12/2014

Monsieur I, J X

né le XXX à XXX

représenté par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Florent HERNECQ, avocat au barreau de MARSEILLE

SA AXA FRANCE IARD EN QUALITE D’ASSUREUR DE LA CLINIQUE MONTICELLI JUSQU’AU 31.12.1996, XXX

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE AUTOMNOME DE RETRAITE DES MEDECINS FRANCAIS CARMF, XXX – XXX

représentée par Me Chantal BOURGLAN de la SCP SCP BOURGLAN-DAMAMME-LEONHARDT, avocat au barreau de MARSEILLE

SA SOCOTEC, XXX – XXX

représentée par Me Pierre LIBERAS, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée de Me Ahmed-Cherif HAMDI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

hors de cause par arrêt du 18/12/2014

SA ACTE IARD au capital de 11.433.676 euros, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège., XXX – XXX

représentée par Me Myriam HABART-MELKI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Peggy RICHTER-IKRELEF, avocat au barreau de MARSEILLE

hors de cause par arrêt du 18/12/2014

XXX (en qualité d’assureur de la Clinique MONTICELLI à compter du 01.01.1997 ), S.A. à Di rectoire et Conseil de Surveillance, inscrite au RCS de PARI S sous le N° B 542 063 797, prise en la personne de son repr ésentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au si ège social sis, XXX – XXX

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jacques GOBERT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

hors de cause par arrêt du 18/12/2014

AXA FRANCE IARD SA au capital de 214 799 030 euros immatriculée au RCSde PARIS sous le numéro B 722 057 460 es qualité d’assureurde la société GENERALE FIRGORIPHIQUE PROVENCALE prise enla personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP ROUSSEAU & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

hors de cause par arrêt du 18/12/2014

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE prise en la personne de son représentant légal en exercice XXX – XXX

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 Juin 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

Madame Rachel ISABEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Septembre 2015. Le 24 Septembre 2015 le délibéré a été prorogé au 08 Octobre 2015.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Octobre 2015,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 1er août 2008, M. X, médecin anesthésiste, a assigné la Clinique Monticelli (la clinique), au sein de laquelle il travaillait, en réparation des préjudices causés par des dysfonctionnements du système d’extraction des gaz de la salle d’anesthésie dans laquelle il exerçait depuis le mois de septembre 1996.

Par plusieurs actes d’octobre 2009, la clinique a appelé en garantie la société Gan Incendie accident (le GAN), son assureur responsabilité civile à compter du 1er janvier 1997, la SCP d’architectes F-Z (la SCP), maître d’oeuvre des travaux d’agrandissement réalisés dans la clinique, la société Dalkia, venant aux droits de la société Cometherm, chargée de la maintenance du système de ventilation et la société Axa France Iard (Axa), assureur de la société GFP, installatrice du système de ventilation et la société SOCOTEC, qu’elle avait chargée d’une mission de contrôle. Par acte du 1er avril 2010, la société Axa France Iard, a appelé dans la cause Me Y, mandataire liquidateur de la société ACE, bureau d’étude chargé des fluides médicaux et son assureur la société ACTE Iard. La société Axa France Iard (Axa) est également présente aux débats en qualité d’assureur de la clinique jusqu’au 31 décembre 1996.

Par jugement du 10 mai 2012, le tribunal de grande instance de Marseille a, en substance,

— déclaré la clinique tenue de réparer les conséquences de l’hépatite contractée par M. X alors qu’il exerçait au sein de l’établissement,

— fixé le préjudice subi par M. X aux sommes de :

* 221, 28 € au titre des dépenses de santé actuelles,

* 209 523 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,

* 3 521 586,45 € au titre des pertes de gains professionnels futurs,

* 373 561,12 € au titre des points de retraite,

* 26 464 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

— condamné la clinique à verser à la CPAM des Bouches-du-Rhône la somme de 221,28€ au titre de ses débours,

— condamné la clinique à verser à M. X la somme de 4 131 134,57 € au titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et à lui verser celle de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Gan assurances à garantir la clinique de l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre,

— condamné in solidum la société d’architecte F-Z et la société Dalkia à garantir la clinique et la société Gan assurances de l’intégralité des condamnations prononcées à leur encontre,

— mis l’intégralité des dépens à la charge de la clinique.

Statuant sur les trois appels principaux formés par la société Dalkia, le 1er juin 2012, la clinique, le 4 juin 2012, et la SCP F-Z, le 27 juin 2012, la présente cour d’appel, par arrêt du 18 décembre 2014, a:

— Infirmé le jugement,

— Dit que la clinique Monticelli était responsable à hauteur de 50% des préjudices subis par M. X,

— Condamné la société Axa France Iard à garantir le sinistre en qualité d’assureur de la clinique Monticelli,

— Condamné, in solidum, la SCP F et Z et la société Dalkia à garantir la clinique Monticelli de toutes les condamnations prononcées contre elle,

— Fixé le préjudice de M. X au titre du déficit fonctionnel temporaire et des souffrances endurées à la somme de 15 700 euros,

— Condamné la clinique à lui verser au titre de ces deux postes, la somme de 7 850 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2012,

— Sursis à statuer sur tous les autres postes et enjoint à M. X :

* de mettre en cause la Caisse autonome de retraite des médecins de France et de produire l’état des sommes perçues ou à percevoir de cet organisme au titre des dépenses de santé, actuelles et futures, des indemnités journalières et de la pension d’invalidité (arrérages perçus et capital représentatif), avant le 16 février 2015,

* de produire ses avis d’imposition au titre des années 1995, 1996, 1997 et 1998, avant le XXX,

* de s’expliquer sur les mentions du protocole d’accord signé avec ses associés le 29 juin 1999 concernant le maintien de ses revenus et de la distribution de sa part dans les résultats de la société civile professionnelle entre le 7 novembre 1997 et le 12 octobre 1998, avant le XXX,

— Mis hors de cause les sociétés Gan Assurances, ACTE iard, Socotec et Axa France iard en sa qualité d’assureur de la société Générale Frigorifique de Provence ainsi que Me Y représentant la société ACE,

— Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de ces parties,

— Sursis à statuer sur toute autre demande et renvoyé à la mise en état sur ces points,

— Réservé les dépens.

A la suite de cet arrêt, la Carmf a été assignée par M. X et les parties ont reconclu ainsi qu’il suit :

La Clinique le 11 juin 2015,

La société Dalkia le 11 juin 2015,

La SCP F, le 8 juin 2015,

XXX, le XXX,

M. X, le XXX.

La clôture a été prononcée le 15 juin 2015.

Le 23 juin 2015, M. X a conclu à nouveau et communiqué de nouvelles pièces (n° 125 à 132)

Le 24 juin 2015, la Clinique a conclu à l’irrecevabilité de ces dernières conclusions et pièces.

A l’audience, a été mise dans le débat l’irrecevabilité de la demande de la clinique tendant à voir juger que M. X ne rapportait pas la preuve de la causalité entre l’affection hépatique alléguée et l’exposition à l’halothane au sein de la clinique et les parties ont été invitées à conclure sur ce point dans le cours du délibéré si elles le souhaitaient. Le représentant de la clinique a indiqué oralement que la formulation de cette demande résultait d’une erreur matérielle. Aucune partie n’a formulé d’observation en délibéré sur ce point.

Prétentions et moyens des parties :

M. X sollicite la réparation de son déficit fonctionnel permanent et de son préjudice économique en invoquant des pertes de gains professionnels futurs (incluant des pertes de gains professionnels actuels) et des pertes de droit à la retraite et l’actualisation des sommes au regard de l’érosion monétaire.

Il précise que la Clinique versait les honoraires des médecins sur le compte de la SCP et qu’elle ne lui a jamais rien versé directement.

Concernant les pertes de gains professionnels futurs, il sépare deux périodes, celle comprise entre 1999 et 2000 et celle s’étendant de 2000 à 2018. Il précise qu’il a été placé en invalidité à compter du 20 juillet 1999 et jusqu’au 30 juin 2008 et à la retraite au 1er juillet 2008, qu’il est resté associé au sein de la société civile dans laquelle il exerçait jusqu’au 29 juin 1999, et que ses revenus ont partiellement été maintenus, ainsi que sa rémunération de gérant pour l’année 1999 (36 587 euros), qu’il a cédé ses parts pour la somme de 81 471,80 euros. Selon lui, l’estimation des parts se fait généralement entre 30 et 50% des honoraire moyens des trois dernières années, et ses parts auraient dû être vendues entre 112 400 et 187 300 euros.

Pour la période de 1997 à 1999 : Invoquant un revenu annuel moyen de XXX,97 euros antérieurement à sa maladie, il sollicite la somme totale de 237 163 euros au titre de la période selon le calcul suivant, en se fondant sur le rapport unilatéral de son expert comptable, la société C D :

Année

salaire de référence

honoraires perçus

perçu de la CARMF €

Reste dû

1997

XXX

XXX

0

XXX

1998

XXX

XXX

XXX

XXX

1999

XXX

XXX

XXX

XXX

Pour la période de 2000 à 2018 : M. X fait valoir qu’il n’a perçu aucun revenu de son activité à compter de l’année 2000 alors qu’il aurait pu encore travailler 15 ans et même continuer à le faire jusqu’à l’âge de 70 ans, puisqu’il était autorisé à travailler 5 ans à compter de ses 65 ans, dans la limite de 49 450 euros par an. Tenant compte du revenu de référence jusqu’en 2013, année de ses 65 ans, puis des sommes qu’il aurait pu percevoir en continuant à travailler (49 500€ par an), et des versements perçus ou à percevoir de la CARMF, il évalue sa perte de revenus, hors perte des droits à la retraite, à la somme totale de 3 290 994 euros.

S’agissant des droits à la retraite, M. X estime qu’il lui manque 64 trimestres et qu’il a perdu 432 points du fait de la maladie qui l’a contraint à cesser son activité et évalue à 16 ans la durée prévisible de sa période de retraite. Il calcule son préjudice sur la base d’une perte de 23 347,57 euros, multipliée par ce nombre d’années, et sollicite la somme totale de 373 561,12 euros.

Au total il sollicite de la cour de :

— Condamner la Clinique à lui verser la somme totale de 4 623 345,74 euros, soit :

* 237 163 € au titre des pertes de revenus de 1997 à 1999,

* 3 528 157 € pour la période 2000 à 2018,

* 373 561,12 € au titre des pertes de droits à la retraite,

* 455 864,62 € au titre de la dépréciation monétaire,

* 28 600 € au titre de son déficit fonctionnel permanent.

— Fixer les dépenses de santé à la somme de 221,28 euros selon le décompte de la CPAM,

— Condamner la Clinique à lui verser la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la débouter de toutes ses demandes,

— Débouter la Clinique et les autres parties de toutes leurs demandes.

La Clinique a conclu en ces termes :

A titre principal,

— Juger que M. X ne rapporte pas la preuve de la causalité entre l’affection hépatique alléguée et l’exposition à l’halotane au sein de la Clinique,

— juger qu’il ne rapporte pas la preuve de l’impossibilité de poursuivre son activité professionnelle et du lien entre cette impossibilité et les manquements qui lui sont reprochés,

En conséquence,

— Le débouter de ses demandes,

— Déduire les prestations de la CARMF et la provision qu’il a reçue d’un montant de 122 015,01 euros,

En toute hypothèse,

— Condamner la SCP F et la société Dalkia à la garantir indemne de toute condamnation vis à vis du Dr X et de la CARMF, dont les demandes devront être réduites,

— Débouter M. X et tout contestant de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le salaire de référence doit être déterminé en prenant en compte les avis d’imposition et que sa perte au titre de la période avant consolidation s’élève à la somme de 141 860,42 euros, qu’il faut réduire de moitié compte tenu du taux fixé par l’arrêt avant dire droit. S’agissant de la demande postérieure à l’année 2008, elle estime que le préjudice doit s’analyser en une perte de chance de parvenir à conserver le même niveau de revenus.

La société Dalkia demande à la cour de :

— juger que le Dr X devra fournir tous documents demandés soit, les revenus qu’il a déclarés au titre des BNC de l’année 1994 ainsi que l’avis d’imposition correspondant, la valeur du point de retraite utilisé dans les calculs, les points attribués pendant la période d’invalidité ainsi que des explications sur les points acquis dans le régime de base, les demandes étant les mêmes pour ce qui concerne le régime de retraite complémentaire et le régime d’allocation vieillesse,

— dire que le préjudice devra être supporté par le Dr X à concurrence de 50% du montant qui sera estimé et après déduction du montant des sommes revenant à la CARMF,

— condamner la SCP F à la garantir de toutes les condamnations susceptibles d’être mises à sa charge à la suite de l’appel en garantie diligentée à son encontre par la clinique Monticelli,

— juger irrecevable et mal fondée la SPC F en son appel en garantie dirigé contre elle et l’en débouter,

— débouter le Dr X de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’elle doit bénéficier de la garantie de la SCP d’architectes dans la mesure où elle n’a pas été avertie des difficultés existant au sein de la clinique et n’a donc pu remédier aux désordres dénoncés par les médecins et éviter la réalisation du dommage.

Elle estime le revenu moyen annuel antérieur du Dr X à 217 200,21 euros et sa perte à 141 860,42 euros pour les années avant 2000. Elle considère que les pertes de gains professionnels futurs doivent être calculées jusqu’en 2008, au titre d’une perte de chance. S’agissant des pertes de droits à la retraite, elle fait valoir qu’il n’est pas exposé les règles de la CARMF permettant d’aboutir aux sommes réclamées et soutient que M. X a dû bénéficier de points gratuits durant son invalidité. Elle propose de considérer qu’il a subi une perte annuelle de 13 663,81 euros soit la somme de 195 023,56 euros après capitalisation.

La SCP F a conclu en ces termes :

— Réduire dans de notables proportions le montant des dommages et intérêts alloués, le chiffre d’affaires ne pouvant être assimilé à un résultat,

— Ordonner en tant que de besoin une mesure d’instruction pour déterminer l’éventuel préjudice économique,

— Constater que la demande présentée par la société Dalkia est une demande nouvelle irrecevable en cause d’appel,

— Condamner la société Dalkia à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle,

— Condamner tout succombant à lui payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros au titre de la procédure de première instance et 4 000 euros au titre de cette d’appel.

La SCP estime que le revenu annuel moyen de M. X était de 210 075,74 euros et soutient qu’il n’est pas justifié qu’il aurait pu continuer à travailler jusqu’à 70 ans.

XXX a conclu à la condamnation de la Clinique à lui verser la somme de 252 503,91 euros, outre celle de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle détaille ses débours ainsi qu’il suit :

— Indemnités journalières :

du 5 févier 1998 au 30 novembre 1998 : 21 136,51 €

du 1er décembre 1998 au 19 juillet 1999 : 16 443,34 €

— Pension d’invalidité : du 20 juillet 1999 au 30 juin 2008 : 159 834,50 €

— Retraite pour inaptitude du 1er juillet 2008 au 30 avril 2015 : 55 089,56 €

Motifs de la décision :

Sur la procédure :

Les dernières conclusions de M. X ayant été déposées le 23 juin 2015 soit après la clôture, elles seront écartées des débats ainsi que les pièces qui ont été communiquées après clôture (pièces 125 à 132), étant observé que ces conclusions ne sollicitent pas le rabat de l’ordonnance de clôture.

Sur le fond :

A titre préalable, il convient de rappeler les conclusions des experts, qui ont décrit ainsi le préjudice lié à l’atteinte hépatique dont a souffert le Dr X, né le XXX :

— incapacité temporaire totale : 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998, date de consolidation,

— pas de souffrances endurées ou de préjudice esthétique,

— pas d’altération du fonctionnement physiologique du foie, sans évolution à prévoir, mais syndrome dépressif modéré avec épisodes hypocondriaques intermittents entraînant un déficit pouvant être quantifié de 15 à 20%.

— compte tenu de l’état anxio-dépressif, de l’âge et des avis multiples concordants et répétés des diverses autorités médicales, il ne paraît pas envisageable que M. X reprenne son activité dans les conditions antérieures ou dans d’autres conditions.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que la question du lien de causalité entre l’affection hépatique et l’exposition à l’halotane a été définitivement tranchée par l’arrêt avant dire droit. La demande de la clinique, tendant à voir juger que M. X ne rapporte pas la preuve de la causalité entre l’affection hépatique et l’exposition à ce produit au sein de la clinique est donc irrecevable, en application des articles 125 du code de procédure civile et 1351 du code civil, comme s’opposant à l’autorité de la chose jugée.

Malgré les termes de la demande de M. X, la cour ne peut procéder au calcul de son préjudice économique en considérant les deux périodes qu’il a identifiées et jusqu’en 2018. En effet, conformément aux principes de liquidation du préjudice corporel, il y a lieu de distinguer les préjudices économiques avant consolidation, soit avant le 12 octobre 1998 (pertes de gains professionnels actuels) et les préjudices économiques après consolidation (pertes de gains professionnels futurs, lesquels doivent distinguer la période avant liquidation et celle située après l’arrêt, cette dernière période devant donner lieu à un calcul par capitalisation). L’indemnisation des préjudices économiques futurs sera faite jusqu’en 2013, année des 65 ans de M. X, l’indemnisation de la perte de droits à la retraite se faisant de façon séparée, ainsi que sollicité. S’il ne peut être considéré comme certain que M. X aurait continué à travailler jusqu’à 70 ans, il est établi qu’il a perdu l’opportunité favorable de travailler jusqu’à cet âge comme tout médecin et justifie donc d’une perte de chance. Compte tenu de l’impossibilité de savoir si, à 65 ans, M. X aurait souhaité continuer à travailler ou se serait trouvé en état psychique et physique de le faire, étant observé qu’il a été exposé à des gaz toxiques toute sa vie, et dans l’ignorance du montant qu’il aurait pu effectivement tirer de cette activité maintenue, cette perte de chance sera évaluée à 25%.

Il sera par ailleurs rappelé que l’indemnisation des pertes de gains se fait sans avoir égard à la fiscalité qui aurait été appliquée à ceux-ci.

La capitalisation des préjudices futurs se fera selon le barème de capitalisation apparaissant le plus approprié à une réparation intégrale du préjudice, soit celui publié par la Gazette du Palais en 2013 (taux 1,2%), aucune partie ne revendiquant un autre barème. En effet, si la société Dalkia mentionne avoir fait procéder à une évaluation du préjudice de retraite de M. X en utilisant le barème BICV 2015 au taux de 1,97%, cette partie ne conclut pas à l’application de ce barème pour la liquidation des pertes de gains professionnels futurs de M. X. La cour fera donc application du barème publié à la Gazette du Palais sus mentionné.

M. X sollicite une indemnité au titre de la revalorisation de sa perte de gains annuelle. Aucune partie n’a conclu sur cette demande. Compte tenu de la nécessité de procéder à l’indemnisation du préjudice au jour de l’arrêt, elle sera accueillie en son principe.

En revanche, la méthode de calcul suivie par M. X consistant à revaloriser, en considération du coefficient d’érosion monétaire, la perte de gains qu’il estime avoir été la sienne année après année depuis 1997 jusqu’en 2018 et à solliciter la somme représentant la dépréciation monétaire ne peut être suivie. En effet, la cour n’évalue pas la perte de gains ainsi que le fait M. X, puisqu’il ne tient pas compte des sommes qui lui ont été maintenues provisoirement par la SCP de laquelle il était membre et de ceux versés par la Carmf.

Il sera procédé à la revalorisation, au jour de l’arrêt, de l’indemnité allouée au titre des pertes de gains professionnels actuels et des pertes de gains futurs ainsi qu’il sera indiqué lors de l’examen de ces postes.

Par ailleurs, la rente invalidité servie à M. X par la Carmf, organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, qui indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’invalidité, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent, doit s’imputer, en application des articles 29 1° et 31 de la loi du 5 juillet 1985, prioritairement sur les deux postes de préjudices patrimoniaux et, le cas échéant, sur le poste de déficit fonctionnel permanent.

Enfin, il sera tenu compte du principe selon lequel la victime dispose d’un droit de priorité sur l’organisme social, qui s’exerce poste par poste, en cas de limitation de son droit à indemnisation. En effet, selon le 2e alinéa de l’article 31 de la loi du 5 juillet 1985, conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été indemnisée qu’en partie. En ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence aux tiers payeurs, dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle.

. Dépenses de santé actuelles : 221,28 €

L’arrêt avant dire droit avait sursis à statuer sur ce poste en indiquant que la Carmf aurait peut-être des débours à faire valoir à ce titre. Le décompte produit par cet organisme n’en comporte pas, de sorte que ces dépenses sont représentées par les seuls frais supportés par la CPAM des Alpes maritimes d’un montant de 221, 28 euros, M. X n’invoquant aucune dépense restée à sa charge. Compte tenu de la limitation du droit à indemnisation de la victime, seul 50% de cette somme est à la charge du tiers responsable, soit 110,60 euros.

. Pertes de gains professionnels actuels : 53 466,15 €

Ce poste de préjudice indemnise la perte ou de la réduction de revenus au cours de l’arrêt temporaire des activités professionnelles en lien direct et certain avec la maladie, soit du 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998. En effet, la période à prendre en considération n’est pas constituée de l’ensemble des années 1997 et 1998, ainsi que le fait M. X, mais de la seule période d’incapacité de travail médicalement justifiée, qui, selon l’expert dont les conclusions ne sont pas critiquées sur ce point, s’est étendue du 7 novembre 1997 au 12 octobre 1998. La perte s’évalue en tenant compte du salaire qu’aurait dû percevoir M. X s’il n’avait pas arrêté de travailler.

M. X estime son salaire annuel antérieur à XXX,97 euros, alors que la clinique et le société Dalkia l’évaluent à la somme de 217 200,21 euros.

Selon le rapport établi par l’expert comptable de M. X,C D (pièce 121), celui-ci a eu des revenus nets (quote-part d’honoraires dans la SCP) de 1 603 320 francs en 1994, 1 743 580 francs en 1995 et de 1 734 053 francs en 1996, et 1 464 627 francs en 1997, soit un revenu annuel moyen sur les trois dernières années de XXX,56 euros (1 647 420 francs). Cependant, la cour prendra en compte les seuls revenus fiscalement déclarés par M. X. Il résulte des pièces produites que ses revenus déclarés en 1995 et 1996 se sont élevés à une moyenne annuelle de 1 404 796,50 euros, soit 214 159,58 euros (1 743 580 francs en 1995 et 1 066 013 francs en 1996 – pièces 122). La clinique et la société Dalkia proposant de prendre en compte un revenu moyen de référence supérieur, qu’ils fixent à 217 200,21 euros par an, la cour prendra en compte ce montant comme étant le revenu annuel moyen de M. X.

La durée des pertes de gains professionnels actuels étant de 11 mois et 5 jours, ces pertes se sont élevées à 199 703,44 euros.

Il convient d’ôter de ce montant, les revenus maintenus à M. X par la SCP, qu’il évalue à 223 738 euros pour 1997 et XXX euros pour 1998. Au prorata de la période avant consolidation, ces revenus peuvent être évalués à 33 559,68 pour 1997 et 124 324,32 euros pour 1998, soit un total pour la période de 157 884 euros. Si M. X soutient que les sommes perçues en 1997 et 1998 de la SCP correspondent à des actes réalisés antérieurement à son arrêt de travail en raison d’un décalage de perception des honoraires, il ne fournit aucun élément qui permette de l’établir et de vérifier dans quelle mesure cela aurait pu être le cas, étant au demeurant observé que le protocole d’accord signé le 29 juin 1999 indique que pendant ses absences ses revenus ont été maintenus 'par dérogation aux statuts’ et 'pour préserver M. X'.

La perte de gains nette, avant imputation des sommes perçues de la Carmf, s’élève donc à la somme de 41 819,44 euros (199 703,44 € – 157 884€).

Compte tenu de l’érosion monétaire due à l’inflation, cette somme, qui correspond à un montant en 1998, sera actualisée au jour le plus proche de l’arrêt, comme demandé. Le préjudice s’établit ainsi à la somme de 53 466,15 euros (sur la base du 'convertisseur prenant en compte l’érosion monétaire’ publié par l’Insee en 2015,indice 100 en 1998 et 127,8500 en 2014).

Seulement 50% de cette somme est à la charge du tiers responsable, soit 26 733,07 euros.

Durant la période comprise entre le 5 février et le 30 novembre 1998 (292 jours), M. X a perçu des indemnités journalières de la Carmf pour un montant total de 21 136,51 euros (soit 72,38 euros nets par jour) qui doivent venir, au prorata de la période concernée, en déduction de la perte de revenus qu’elles sont destinées à compenser. La perte nette pour M. X a donc été de 41 819,44 € – 19 833,67 € (21 136,51€ – 1302,84 €, cette dernière somme représentant les indemnités perçues du 13 au 30 novembre 1998, période après la date de consolidation, les sommes perçues après cette date ne pouvant s’imputer sur les pertes de gains professionnels actuels). La perte non compensée de revenus s’élève donc à 21 985,77 euros.

Comme demandé, cette somme doit être revalorisée selon la même méthode qu’exposée précédemment. L’indemnité due s’établit ainsi à la somme de 28 108,81 euros.

Compte tenu du droit de priorité conféré à la victime, M. X a droit à l’intégralité de la somme mise à la charge du tiers responsable, soit 26 733,07 euros, et il ne revient rien à la Carmf au titre des indemnités journalières qu’elle a versées avant consolidation.

. dépenses de santé futures :

Ce poste sur lequel l’arrêt avant dire droit avait sursis à statuer ne fait l’objet d’aucune demande et il n’est justifié d’aucun débours supporté par un organisme social à ce titre.

. pertes de gains professionnels futurs : 4 298 773,40 €

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, ce poste doit distinguer la période comprise entre la date de consolidation et le jour de l’arrêt et la période postérieure à celui-ci, étant précisé que M. X a été placé en invalidité le 20 juillet 1999 jusqu’au 30 juin 2008 et mis à la retraite anticipée le 1er juillet 2008 à l’âge de 60 ans, alors que l’âge théorique de prise de la retraite dans sa profession est 65 ans. Ce poste se compose également de la perte de chance de pouvoir travailler jusqu’à 70 ans ainsi que des pertes, mathématiquement calculables, de droits à la retraite.

* Sur l’impossibilité de travailler de M. X

Ainsi que rappelé, les experts ont considéré que M. X était inapte à reprendre une activité dans le domaine médical en raison de la très grande spécialisation de son secteur d’activité et de la dépression dont il souffre. Cet avis est confirmé, notamment, par l’attestation du président du conseil départemental de l’ordre des médecins des Bouches du Rhône (pièce 52) et celle du professeur Marin, chef de service d’anesthésie réanimation au CH Hôpital Nord à Marseille (pièce 116). Toute reconversion dans le domaine médical était donc impossible. S’il peut être considéré, in abstracto, que M. X aurait pu exercer une autre profession, une telle reconversion apparaît totalement théorique, compte tenu de l’état dépressif dont il était affecté et de son âge au moment de la consolidation. Ainsi, il y a lieu de considérer que M. X est effectivement dans l’incapacité de retrouver un emploi rémunéré et de l’indemniser l’intégralité de ce préjudice, qui ne peut s’analyser en une simple perte de chance.

Par ailleurs, aucun élément ne permet de penser qu’en l’absence de maladie, il n’aurait pu continuer à percevoir les revenus qui étaient les siens avant celle-ci, étant observé qu’il n’est pas justifié que le secteur de l’anesthésie serait en crise et qu’il est établi que la SCP au sein de laquelle il exerçait a continué son activité dans les mêmes conditions. Il doit donc être retenu que M. X a perdu l’ensemble des revenus qu’il aurait perçus en l’absence de maladie et non la simple perte de chance de maintenir ces revenus.

* Sur le montant de la perte de gains indemnisable jusqu’ au 1er mai 2013 :

Le préjudice de M. X pour les années à compter du 12 octobre 1998 et jusqu’à la date théorique de sa prise de retraite (le 1er mai 2013) s’établit donc ainsi qu’il suit :

Revenu net annuel en 1998 : 217 200,21 euros.

De la consolidation au 1er mai 2013 (14 ans , 6 mois et 18 jours) :

(217 200,01€ x 14ans) + (18 100,01 x 6) + 10 860 € = 3 160 260,20 euros

* Sur la perte de chance de travailler jusqu’à 70 ans :

M. X justifiant qu’il aurait pu cumuler la somme de 49 450 euros par an, la perte de chance de revenus s’évalue à la somme de

49 450€ x 5 ans x 25% = 61 812,50 euros

* Sur les pertes de droits à la retraite.

M. X n’a pas produit de document émanant de la Carmf indiquant ce qu’aurait pu être le montant de sa retraite s’il avait continué à travailler sans subir d’incapacité.

La cour ne dispose donc que :

— des relevés de Carmf, indiquant verser une retraite pour inaptitude du 1er juillet 2008 au 30 avril 2015 (document établi en mai 2015) faisant figurer pour chaque trimeste une partie de 'retraite pour convenance personnel', notion qu’aucune partie n’explicite ,

— du relevé de points de retraite adressé par cet organisme à M. X le 28 aout 2008 (pièce 110),

— de l’attestation de la Carmf du 28 août 2008 (pièce 108);

— de la lettre adressée par la Carmf à M. X le 11 septembre 2008 (pièce 109).

La cour dispose également du rapport qu’a fait établir dans un cadre non contradictoire la société Dalkia par la société Equad.

Au regard des pièces produites et des principes régissant les régimes de retraite, il sera considéré que l’âge théorique de départ en retraite de M. X était 65 ans, qu’il aurait dû cotiser 160 trimestres et qu’il bénéficie d’un régime de base, d’un régime complémentaire vieillesse et d’une allocation supplémentaire vieillesse.Selon l’attestation de la Carmf (pièce 109), M. X a perçu en 2008 une pension trimestrielle de 8 717,17 euros se composant du régime de base pour 1466,74 euros, d’une retraite complémentaire de 3 673,93 euros et d’une allocation supplémentaire de vieillesse de 3 576,50 euros.

. au titre du régime de base :

M. X soutient n’avoir acquis que 72 trimestres au lieu des 136 trimestres qu’il aurait acquis s’il avait travaillé jusqu’à ses 65 ans. Il invoque donc avoir perdu 64 trimestres de cotisations, soit 64 points de majoration du régime de base.

Cependant, il doit être noté tout d’abord que la période d’invalidité a permis à M. X d’accumuler le même nombre de trimestres que s’il avait été en activité, et de bénéficier d’une retraite à taux plein conformément au droit commun (régime général), comme le confirme le relevé de la Carmf, mentionnant une affiliation de 117 trimestres et non de 72 comme invoqué par M. X. Le nombre trimestres pris en compte, 117, correspond approximativement aux années comprises entre son début d’activité médicale (1979) et son placement à la retraite anticipée en 2008. Cependant, il apparaît que M. X a, en réalité, accumulé 142 trimestres (soit 11300 points), si l’on prend en compte des trimestres acquis au titre d’activités antérieures à 1979 (pièce110). Il ne lui manque donc que 18 trimestres pour atteinde les 160 trimestres et 19 trimestres, si l’on considère que M. X aurait travaillé jusqu’à ses 65 ans (31 mai 2013), hypothèse qui sera retenue en l’absence d’élément permettant de considérer que M. X se serait arrêté avant cet âge. Un trimestre équivalent à 100 points (pièce 110) il sera retenu qu’il a perdu 1900 points du régime de base. M. X aurait donc dû bénéficier de 13 100 oints (11 300 points acquis en 2008 selon la pièce 110 + 1 900 points).

Compte tenu du taux moyen du point, en vigueur en 2008 (M. X ne justifiant pas de la valeur du point en 2013), fixé à 0,5193 selon le document établi par la Carmf le 28 août 2008 (pièce 110), M. X aurait dû bénéficier d’une retraite annuelle au titre du régime de base de 6 802,83 euros alors qu’il n’a perçu que 5 866,96 euros (1466,50€ x 4).

Sa perte à ce titre est donc de 935,87 euros par an.

. au titre du régime complémentaire :

A compter du placement de M. X en invalidité, ses droits au regard du régime complémentaire ont plafonné et le nombre de points est resté fixé à 4, alors qu’il était à 10 l’année précédente. Aucune critique argumentée n’est formulée par les autres parties contre l’affirmation de M. X selon laquelle il aurait dû continuer à acquérir 10 points pas an. Il sera donc retenu que tel aurait été le cas s’il avait continué à travailler. A sa prise de retraite, il aurait donc dû accumuler 63 points supplémentaires, soit un total de 247,27 points au lieu de 184,27 points, ce que confirme l’étude réalisée par le cabinet Equad. Par ailleurs, il n’a pas acquis de points du 1er juillet 2008 au 31 mai 2013, date à laquelle il aurait pris sa retraite sans invalidité. Il a donc perdu à ce titre 49 points. Il a donc perdu au total 112 points. Il aurait donc dû accumuler 296,27 points. Selon la pièce 110, le point était fixé à 72,50 €, sans qu’une actualisation de ce montant ne soit revendiquée ni produite par M. X. Sa retratie complémentaire aurait dû s’élever à 21 479,57 euros, or, elle s’est élevée à 14 695,72 euros (3673,93 x 4).

Sa perte annuelle a été de 6 783,85 euros (21 479,57€ – 14 695,72€).

. au titre de l’allocation supplémentaire vieillesse :

M. X soutient qu’il a perdu à ce titre 432 points. Cependant, ainsi qu’il l’indique dans ses conclusions, c’est à compter de 1994 que le nombre annuel de ces points a été fixé à 27 par an, sans qu’aucune variation n’apparaisse à la suite de son placement en invalidité ou à la retraite anticipée. Il ne rapporte donc pas la preuve que la pathologie dont il a été atteint ait affecté le nombre annuel de points. En revanche, son placement en retraite anticipée l’a privé de l’accumulation de ces points pendant 4 ans et 11 mois (entre le 1er juillet 2008 et le 31 mai 2013), soit 132,73 points. Il dû aurait donc accumuler 969,09 points au lieu de 836,36 (cf. Pièce 110).

Le montant du point était de 15,55 euros en 2008, sans que M. X justifie ou sollicite une actualisation en 2013. Son allocation supplémentaire aurait donc dû être de 15 069,34 euros alors qu’elle a été de 14 306 euros (3576,5 x 4 – pièce 109).

Sa perte à ce titre est donc de 763,34 euros (15 069,34€ – 14 306€).

Au total la perte annuelle de retraite pour M. X, a été de 8 483,06 euros par an (935,87€ + 6 783,85€ + 763,34€).

Son préjudice économique à ce titre sera donc ainsi évalué :

— du 1er juillet 2013 au jour de la liquidation (2 ans et 3 mois) : 19 086,88€ (16 966,12€ +2120,76€)

— A compter de la liquidation :

8483,06 € x 14,287 = 121 197,47€

Total : 140 284,35 €

Le préjudice total de M. X au titre de la perte de droits à la retraite sera donc évalué à 140 284,35 euros.

Les pertes de gains professionnels futurs totales de M. X s’élèvent donc à 3 362 357 euros (3 160 260,20€ + 61 812,50 € + 140 284,35€).

Comme sollicité, il sera procédé à l’actualisation de cette somme selon la même méthode que pour les pertes de gains professionnels actuels, de sorte que son préjudice global est de 4 298 773,40 euros évalué en 2015 (indice 100 en 1998 et 127,8500 en 2014).

Le tiers responsable n’est tenu que de 50% de cette somme soit 2 149 386,70 euros.

Sur les pertes de gains professionnels futurs s’imputent les indemnités journalières perçues par M. X après consolidation, ainsi que la pension d’invalidité qui lui a été servie du 20 juillet 1999 au 30 juin 2008. En effet, contrairement à ce qu’il soutient, ces sommes doivent s’imputer sur le montant du préjudice qu’elles tendent à réparer. Les montants sollicités à ce titre par la Carmf ne sont pas discutés par les parties :

Indemnités journalières du 12 octobre 1998 au 19 juillet 1999 :

1302,84€ + 16 443,34 € = 17 746,18 euros.

Pension d’invalidité versée du 20 juillet 1999 au 30 juin 2008 : 159 834,50 euros.

Par ailleurs, M. X a perçu à compter du 1er juillet 2008, date de son placement en retraite anticipée pour inaptitude, une pension de retraite dont les montants sont indiqués dans le relevé de la Carmf et qui se sont élevés jusqu’au 1er mai 2013, date normale de départ en retraite,à la somme de 158998,87 euros (8098,24+32661,54+32798,78+33014,57+33215,85+19209,89). Ces versements, liés à l’incapacité de travail et effectués par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, ouvrent droit à un recours de celui-ci.

Total à déduire : 336 579,55 euros (159 834,50€ + 17 746,18€ + 158 998,87€).

Le préjudice net de M. X s’élève donc à la somme de 3 025 777,50 euros (3 362 357 €, préjudice avant revalorisation – 336 579,55€).

Comme sollicité, il sera procédé à l’actualisation de cette somme selon la même méthode que précédemment, soit 3 868 456,50 euros (indice 100 en 1998 et 127,8500 en 2014).

Compte tenu du droit de priorité bénéficiant à la victime, l’intégralité de la somme mise à la charge du tiers responsable revient à la victime, soit 2 149 386,70 euros et il ne revient aucune somme au tiers payeur.

. Déficit fonctionnel permanent : 28 600 €

Selon les experts, M. X reste atteint d’un syndrome dépressif modéré avec épisodes hypocondriaques intermittents entraînant un déficit pouvant être quantifié de 15 à 20%.

Compte tenu de l’âge de M. X au jour de la consolidation, il y a lieu d’accueillir en sa totalité la demande formée par M. X à ce titre et de fixer son préjudice à la somme de 28 600 euros, dont la moitié lui reviendra après application de la limitation de son droit à indemnisation, soit 14 300 euros.

Il y a donc lieu de condamner la Clinique à verser à M. X la somme de 14 300 euros.

***

Le préjudice corporel global de M. X, hors les postes déjà indemnisés par l’arrêt avant dire droit (déficit fonctionnel temporaire et douffrances endurées) s’établit ainsi à la somme de 4 381 060,80 euros, dont 2 190 530,37 euros à la charge du responsable et 2 190 419,70 euros revenant à cette victime après imputation de la créance des organismes sociaux.

La clinique sera ainsi condamnée à payer à M. X la somme de 2 190 419,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, en application de l’article 1153-1 du code civil, alinéa 2 in fine.

. Sur la contribution à la dette.

L’arrêt du 18 décembre 2014 a condamné la clinique, sous la garantie de la société Axa france Iard à payement vis-à-vis de M. X et a condamné in solidum la SCP F et Z et la société Dalkia à garantir la clinique de toutes les condamnations prononcées contre elle.

Cet arrêt n’a pas réparti la charge définitive de la dette entre ces deux dernières sociétés et chacune d’entre elle conclut, après sursis à statuer, que l’autre doit la supporter. Ces demandes aujourd’hui faites par les parties concernées ne sont pas nouvelles, au regard des articles 564 à 566 du code de procédure civile, dès lors qu’elles tendent à voir la responsabilité finale de ces sociétés écartée et constituent le complément et la conséquence des demandes qui avaient été faites devant le premier juge.

Entre les coobligés, la contribution à la dette se fait, sur le fondement des articles 1251 et 1382 du code civil, à proportion de leurs fautes respectives.

S’agissant de la SCP d’architectes, l’arrêt avant dire droit a retenu que, tenue d’une obligation de conseil vis à vis du maître de l’ouvrage, elle n’avait pas rempli correctement cette mission en prévoyant l’installation d’un système de ventilation n’assurant pas une évacuation des gaz d’anesthésie conforme aux normes généralement admises dans la profession.

S’agissant de la société Dalkia, l’arrêt avant dire droit a retenu que cette société était liée par un contrat de maintenance des systèmes de ventilation de la clinique à effet au 1er novembre 1996, prévoyant des visites d’entretien préventif, qu’il était établi que l’équipement n’avait pas eu un débit conforme aux capacités de l’installation et que cette société n’avait pas produit de compte rendu d’intervention antérieur au mois de novembre 1997. S’il est établi que la société Dalkia n’a pas été appelée par la clinique à participer aux réflexions sur les dysfonctionnements des systèmes de ventilation, cela ne dispensait pas cette société d’assurer un entretien de ceux-ci, conformément au contrat, de nature à permettre un fonctionnement correct des installations.

Les fautes de ces deux professionnels sont d’égale gravité et chacune des parties assumera 50% de la charge finale de la dette.

Sur les demandes annexes :

La clinique, et son assureur, sous la garantie de la SCP d’architectes et de la société Dalkia, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et à verser à M. X la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes formées sur le même fondement par toute autre partie seront rejetées.

Par ces motifs :

La cour,

Vu l’arrêt partiellement avant dire droit du 18 décembre 2014,

— Déclare irrecevables les conclusions et pièces déposées par M. X après l’ordonnance de clôture ;

— Fixe le préjudice corporel global de M. X, hors déficit fonctionnel temporaire et souffrances endurées, à la somme de 4 381 060,80 euros ;

— Dit qu’il est indemnisable par le tiers responsable à hauteur de 2 190 530,37 € ;

— Dit qu’il revient à la victime après déduction de la créance de la Caisse autonome de retraite des médecins de France et de la Caisse primaire d’assurances maladie des Alpes Maritimes et après application de la limitation de son droit à indemnisation et de son droit de priorité la somme de 2 190 419,70 euros ;

— Condamne in solidum la Clinique Monticelli et la société Axa France Iard, à verser à M. X la somme de 2 190 419,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2012;

— Dit qu’il ne revient aucune somme à la Caisse autonome de retraite des médecins de France et rejette les demandes de celle-ci ;

— Condamne la Clinique Monticelli et la société Axa France Iard à verser à M. X la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Rejette toute autre demande formée sur le même fondement ;

— Condamne la Clinique Monticelli et la société Axa France Iard aux dépens de première instance et d’appel et dit qu’ils pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

— Dit que la SCP F et Z et la société Dalkia devront garantir la Clinique de ces condamnations, en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens de première instance et d’appel;

— Dit que dans leurs rapports entre eux, la charge finale de la dette se répartira par parts égales entre la SCP F et Z et la société Dalkia.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8 octobre 2015, n° 12/09898