Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 juin 2016, n° 14/04352

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 24 juin 2016, n° 14/04352
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/04352
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 28 janvier 2014, N° 12/2162

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 24 JUIN 2016

N°2016/449

Rôle N° 14/04352

SA SOGIMA

C/

K Y

Grosse délivrée le :

à :

Me Martine PANOSSIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section AD – en date du 29 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2162.

APPELANTE

SA SOGIMA, demeurant 39 Rue Montgrand – 13006 MARSEILLE

représentée par Me Martine PANOSSIAN de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Avelina GROUT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur K Y, XXX

comparant en personne, assisté de Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme I J.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2016

Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme I J, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS , PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur K Y a été engagé par la société SOGIMA, par contrat de travail à durée indéterminée du 29 octobre 2007, en qualité de gardien d’immeuble, coefficient 255, niveau 2 de la convention collective nationale des gardiens, concierges et employés d’immeuble. Il a été affecté à compter du 2 novembre 2007 à la XXX, où il a bénéficié d’un logement de fonction.

Monsieur Y s’est plaint de nuisances sonores notamment intrinsèques au logement et liées à un voisinage bruyant.

Son contrat de travail a été suspendu à l’occasion de plusieurs arrêts de travail pour cause de maladie.

Lors de la visite du 9 février 2011, il a été déclaré « apte à son poste de gardien sans manipulation de containers dans les conditions actuelles, en attendant la nouvelle organisation envisagée par la réunion sur place le 3 février 2011 ».

Lors de la visite périodique du 13 février 2012, Monsieur Y a été déclaré « apte à son poste en excluant la manutention des containers ».

Critiquant l’inertie de la société SOGIMA et réclamant notamment des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, Monsieur Y a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille le 26 juillet 2012.

Le 19 juin 2013, le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste sur le Groupe Michelet du fait de l’impossibilité de résoudre le problème de voisinage, apte à un emploi de gardien sur un autre groupe, l’inaptitude aux containers était liée à l’organisation du groupe Michelet, donc sera à revoir selon organisation sur un autre groupe – à revoir dans 15 jours-.

La société SOGIMA a formulé deux propositions de reclassement sur les groupes FOCH et ST X.

Sur recours du salarié, l’Inspection du travail a censuré la décision du médecin du travail et a déclaré, le 14 octobre 2013, Monsieur Y 'apte à son poste à la Résidence Michelet, sauf en ce qui concerne la manipulation des containers en l’état actuel de l’organisation de la collecte des ordures dans cette résidence. […]Un autre logement de fonctions doit être proposé à Monsieur Y éloigné de celui des locataires voisins actuels".

Le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé le 27 décembre 2013 cette décision, considérant le salarié inapte ' à son poste de gardien d’immeuble au sein de la résidence Michelet", et apte ' à un poste de gardien d’immeubles au sein d’une autre résidence de la société SOGIMA, sous réserve de ne pas manipuler de containers poubelles'.

Le conseil de prud’hommes de Marseille, par jugement du 29 janvier 2014, a:

— condamné la société SOGIMA à lui payer

*25 000 € pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,

*5 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

*700 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté de toutes les autres demandes,

— ordonné à la SOGIMA de mettre à disposition de Monsieur Y un logement sur son lieu de travail répondant aux conditions de sécurité, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 45e jour du prononcé,

— condamné le défendeur aux dépens.

Le 20 février 2014, la société SOGIMA a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 4 février précédent.

K Y a été convoqué le 17 octobre 2014 à un entretien préalable et licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2014. Malgré la fin de la relation contractuelle, à l’issue du préavis, le salarié continue d’occuper le logement de fonction.

Le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du ministre relatif à l’aptitude de K Y, par jugement du 15 décembre 2015.

Dans ses conclusions reprises lors de l’audience, la société SOGIMA, appelante, demande à la Cour de:

— réformer le jugement déféré,

— constater l’absence de harcèlement moral de Monsieur Y,

— constater l’absence de manquement de la société SOGIMA à son obligation de sécurité de moyens,

— constater l’absence de manquement de la société SOGIMA à ses obligations contractuelles,

— dire l’absence de nullité du licenciement prononcé,

— dire et juger que le licenciement de Monsieur Y repose sur une cause réelle et sérieuse,

— débouter Monsieur Y de la totalité de ses demandes,

— condamner l’intimé à lui verser 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens.

Aux termes de ses écritures reprises oralement, K Y, intimé, conclut:

— à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la société SOGIMA à lui verser 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et fait injonction à cette dernière de lui procurer un logement conforme à ses obligations en matière de santé et sécurité sur son site actuel,

— à son infirmation pour le surplus.

Il demande à la cour, statuant à nouveau,

à titre principal,

— de dire le licenciement nul et de nul effet,

— d’ordonner la réintégration de Monsieur Y sur son emploi de gardien d’immeuble de la résidence Michelet avec toute conséquence de droits attachées et notamment,

— de condamner la société SOGIMA à lui verser ses salaires courant de la rupture au jour de la réintégration à hauteur de 27'132 € bruts,

— de remettre les bulletins de salaire afférents,

— de condamner la société SOGIMA à lui verser la somme de 25'000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

à titre subsidiaire,

— de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société SOGIMA à lui verser 75'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société SOGIMA à lui verser 2000 € sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile,

— de la condamner aux dépens de l’instance.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées à l’audience.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur le harcèlement moral:

Selon l’article L 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

L’article L1154-1 du code du travail prévoit que " lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L 1153-1à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles'.

Pour établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, K Y invoque avoir subi depuis plusieurs années des agressions physiques, verbales, des injures de la part d’une locataire, Madame A, tiers ayant autorité de fait sur lui qui était à son service en sa qualité de concierge, faits dont il est résulté une dégradation de son état de santé physique et morale d’autant plus grande qu’il souffre d’une affection de longue durée le faisant bénéficier d’un statut de travailleur handicapé. Il se plaint aussi des nuisances sonores affectant son logement et ayant eu des conséquences sur son état de santé.

La société SOGIMA fait valoir que l’employeur ne peut être reconnu responsable d’un harcèlement moral commis par un tiers à l’entreprise, qui n’exerce de fait aucune autorité sur ce salarié et n’ a pas été désigné par l’employeur pour effectuer une mission dans l’entreprise. Elle fait valoir qu’aucun autre locataire n’avait émis de plainte à l’encontre de Madame A , la locataire voisine de K Y et souligne l’incohérence du salarié qui refuse de quitter son logement de fonction depuis la rupture du lien contractuel.

Pour étayer ses affirmations, K Y produit notamment:

— la décision de reconnaissance de travailleur handicapé qui lui a été notifiée le 3 avril 2012,

— différentes fiches de visites médicales dont certaines constatent son aptitude à son poste en excluant les manutentions de containers (avis du 13 février 2012),

— la copie de son dossier médical transmise le 31 octobre 2012 par la médecine du travail,

— un avis d’arrêt de travail du 1er février 2013 et un certificat du docteur C D, psychiatre,

— un avis d’arrêt de travail du 29 mars 2012, prolongé le 7 avril 2012, un avis d’arrêt de travail du 26 septembre 2012, un avis d’arrêt de travail du 31 octobre 2012 faisant tous mention d’un syndrome anxieux ou d’un état anxio- dépressif et les avis de prolongations des 9 novembre et 14 décembre 2012, un avis d’arrêt de travail en date du 18 juillet 2013, ainsi qu’un certificat du Dr B, médecin traitant,

— une déclaration de main courante en date du 31 mai 2012 dans laquelle le salarié se plaint d’une altercation verbale avec sa voisine, de ses insultes et de ses gestes menaçants,

— une déclaration de main courante en date du 25 juin 2012 indiquant les hurlements, claquements de porte de sa voisine qui l’empêche de dormir, ses provocations…

— une déclaration de main courante pour tapages nocturnes en date du 16 juillet 2013, et l’audition de K Y le 3 septembre suivant par la police,

— le certificat du docteur C F en date du 1er février 2013 rappelant les doléances subjectives de son patient, K Y, imputant sa souffrance morale aux troubles sonores de son voisinage,

— le courrier adressé par lui au CHSCT de la société SOGIMA sollicitant une enquête pour mettre en évidence les manquements de l’employeur à ses obligations et le contraindre à remédier à la situation,

— un courrier de son conseil en date du 5 juillet 1012 rappelant les travaux sur les ascenseurs et la porte d’entrée que l’employeur avait promis et décrivant les troubles psychologiques résultant de la situation pour son client,

— un courrier du conseil général en date du 3 septembre 2012 rappelant les doléances de K Y et questionnant sur la possibilité de l’affecter dans un autre logement pour qu’il retrouve la quiétude et la santé,

— un courrier du médecin du travail en date du 4 septembre 2012 à la société SOGIMA, témoignant des conséquences de la situation sur la santé du salarié et évoquant le ' problème lié directement à ses conditions de travail',

— deux courriers du ministère délégué chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion en date 19 septembre 2012 et du 19 février 2013, un courrier du préfet de police des Bouches-du-Rhône en date du 29 novembre 2012 rappelant qu’un fonctionnaire de police s’est rendu au domicile de K Y constatant que la situation était redevenue normale en l’absence de sa voisine mais l’invitant néanmoins à contacter les policiers en cas de nouvelles nuisances,

— un courrier du salarié à son employeur se plaignant de la fin de la subrogation de ses droits de la sécurité sociale et questionnant sur son traitement inégalitaire, la réponse de l’employeur en date du 6 février 2013 indiquant la transmission de la demande à la direction des ressources humaines pour qu’elle lui apporte des explications nécessaires,

— deux courriers du salarié datés du 29 janvier et 11 mars 2013 questionnant le directeur des ressources humaines et réclamant la régularisation de la situation à ce sujet,

— plusieurs courriels de K Y à G H, directeur de la SOGIMA, sur la période comprise entre septembre 2011 et juin 2013, traitant des doléances du salarié, des troubles du voisinage, de ses conditions de vie dans le logement de fonction, de sa grève de la faim, des travaux à intervenir…

— un courriel de doléances en date du 28 janvier 2013 relatives à la subrogation,

— le compte-rendu de la réunion du CHSCT du 19 septembre 2012.

En ce qui concerne les troubles du voisinage, en l’absence de toute autorité de fait de la locataire sur K Y, il y a lieu de constater qu’aucun harcèlement moral ne saurait être imputé à l’employeur, de ce chef.

Relativement au manque d’insonorisation du logement, aux vibrations du transformateur en sous-sol et à la proximité des deux ascenseurs, il ne s’agit pas, de la part de l’employeur ou d’un de ses préposés, d’agissements répétés de harcèlement moral.

Sans faire de commentaires sur ses droits à prévoyance, K Y n’établit donc pas l’existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

La demande de réparation afférente à un harcèlement moral doit donc être rejetée , ainsi que celle tendant à la nullité du licenciement et à la réintégration du salarié avec paiement des salaires

( et remise des bulletins de paie) depuis le licenciement.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité:

K Y reproche à la société SOGIMA deux manquements à l’obligation de sécurité:

— il fait grief, en premier lieu, à l’employeur d’avoir mis à sa disposition un logement vétuste et de n’avoir rien fait pour éviter ou faire cesser les troubles du voisinage et les nuisances sonores subies par lui et dénoncées pendant plusieurs années. Alors que la société SOGIMA pouvait effectuer son relogement en étage, il estime que les travaux effectués postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes n’ont pas suffi, son dossier médical attestant de la dégradation de son état de santé.

— il se plaint, en outre, du non-respect des réserves émises par le médecin du travail préconisant un changement de logement de fonction.

Outre les pièces visées dans l’analyse du harcèlement moral, K Y produit ses courriels de réclamation relativement à son logement.

La société SOGIMA fait valoir qu’elle n’avait été informée que très tardivement du statut de travailleur handicapé de K Y, que ce dernier ne s’est pas plaint avant le 12 mars 2012 et que dès le 19 mars une réunion était organisée pour trouver des solutions à la difficulté rencontrée par le salarié qui s’est opposé ensuite à la réalisation d’un doublage du mur mitoyen de sa chambre. Elle soutient avoir organisé dès le 1er juin 2012 une mesure de gestion des conflits pour permettre à l’intéressé d’apprendre à réagir et à gérer les situations délicates, et lui avoir proposé deux mutations qui ont été refusées. Elle indique n’avoir eu que très peu de latitude pour agir contre le compagnon d’une locataire dont le nom ne figure pas sur le bail, qu’entre le 9 novembre 2012 et le 5 juin 2013, aucune revendication n’avait été émise par le salarié qu’elle a aidé à se défendre ( en finançant des frais d’avocats) à l’occasion de la plainte déposée à son encontre par Mme A. Apprenant par ailleurs la relaxe de la locataire poursuivie devant la juridiction de proximité pour tapages nocturnes, elle relève la mauvaise foi du salarié dont la revendication première était, et ce depuis septembre 2011, l’attribution d’un logement plus grand en étage.

Elle souligne que de façon très paradoxale et étonnante, depuis son licenciement le 8 novembre 2014, M. Y refuse de quitter son logement, nonobstant le même voisinage.

L’appelante produit notamment son courriel du 19 mars 2012 en réponse à K Y et organisant dans l’après-midi même une réunion, le courriel de G H en date du 21 mars 2012 listant les solutions apportées aux problèmes, différents messages relatifs à l’organisation et au démarrage des travaux, le message de M G O, responsable technique, en date du 14 mai 2012 indiquant que l’intéressé ne souhaite pas la réalisation d’un doublage du mur mitoyen de sa chambre, ainsi que le courriel du salarié confirmant le même jour que des personnes qualifiées ont estimé ces travaux inutiles ou peu efficaces, la lettre en date du 30 août 2013 confiant à un avocat la défense des intérêts de la société et de son préposé, la proposition de reclassement du 30 juillet 2013, le recours de K Y à l’encontre de l’avis du médecin du travail en date du 19 juin 2013 le déclarant ' inapte à son poste sur le groupe Michelet (du fait de l’impossibilité de résoudre le problème de voisinage), apte à un emploi de gardien sur un autre groupe', la décision en date du 14 octobre 2013 de l’ inspecteur du travail déclarant le salarié ' apte à son poste de travail de gardien à la résidence de Michelet’ et indiquant qu’un autre logement de fonction doit lui être proposé, éloigné de celui des locataires voisins actuels', la décision du ministre du travail, de l’emploi, la formation professionnelle et du dialogue social en date du 27 décembre 1013 décidant de 'l’inaptitude de M. Y à son poste de gardien d’immeuble au sein de la résidence Michelet', et de son aptitude à un poste de gardien d’immeubles au sein d’une autre résidence de la société SOGIMA, sous réserve de ne pas manipuler de containers poubelles'.

Il n’est pas contesté que la société SOGIMA a respecté les préconisations de la médecine du travail relatif à la manipulation des containers, dont l’intéressé a été déchargé.

L’article L4121-1 du code du travail prévoit que ' l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.'

L’obligation de sécurité pesant sur l’employeur vis-à-vis de son salarié est générale et emporte obligation de prévenir toute pression ressentie par le salarié. Elle suppose que l’employeur s’assure que son salarié n’est pas exposé à un risque, ou si tel est le cas, de mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour le prévenir.

Il n’est pas contestable, au vu des pièces produites, que si la société SOGIMA a effectué quelques travaux au sein du logement de fonction – en vue de son insonorisation et non pour lutter contre une vétusté qui n’est qu’alléguée et non démontrée – et des parties communes de l’immeuble, a organisé une formation du salarié, lui a proposé deux postes de mutation, elle ne démontre pas avoir mis en demeure sa co-contractante de cesser les tapages – comme elle s’y était engagée dans ses courriels des 5 et 13 juin 2012-, ni étudié toutes possibilités de changement de logement, d’autant qu’elle a admis qu’une domiciliation en étage pouvait exceptionnellement exister en cas d’appartement vacant et qu’une deuxième concierge, embauchée en doublon, a été logée au XXX, dans un immeuble adjacent, à compter de l’automne 2013.

La société SOGIMA ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en invoquant les mesures prises, qui se sont avérées insuffisantes au vu des éléments médicaux versés au débat, ni en faisant le constat du maintien volontaire du salarié dans son logement après la rupture du lien contractuel, ni en arguant de l’absence de doléances des autres résidents.

Ce manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, alors qu’il avait connaissance du statut de travailleur handicapé du salarié au moins depuis mars 2013, selon ses propres écritures, doit donc être réparé, au vu des éléments produits, à hauteur de 10 000 €.

Le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille doit donc être infirmé quant au montant de l’indemnisation.

Sur le licenciement:

Selon l’article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Monsieur K Y soutient avoir été licencié de façon discriminatoire et en violation des dispositions légales en matière d’inaptitude puisque la rupture du contrat est intervenue après une seule visite médicale de reprise émettant un avis d’aptitude avec réserve, à savoir l’avis de l’Inspecteur du travail en date du 14 octobre 2013, puisque la décision du 27 décembre 1013 du ministre du travail, de l’emploi, la formation professionnelle et du dialogue social a été annulée par le Tribunal administratif de Marseille en date du 15 décembre 2015.

La société SOGIMA soutient que le licenciement est fondé sur le refus fautif du salarié de changer de lieu de travail, décision prise pour respecter les préconisations médicales.

Il convient de relever que seule la lettre de licenciement, et non la lettre de convocation à l’entretien préalable, fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement adressée à K Y indique:

'Nous faisons suite à l’entretien que vous avez eu le 29 octobre 2014 avec Monsieur Z au cours duquel vous n’étiez pas assisté.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à envisager votre licenciement.

Par courrier du 6 septembre 2013, vous contestiez la mutation que nous vous proposions afin de répondre à l’avis de la Médecine du travail. Plusieurs avis sont intervenus depuis vous permettant d’exercer vos missions dans le cadre actuel. Vous nous avez informés attendre les issues des recours engagés devant les juridictions administrative et civile pour cela.

Nous vous avons renouvelé la proposition de mutation sur le groupe Saint X et mis en 'uvre les moyens d’une visite rapide pour que vous puissiez nous répondre dans le délai raisonnable d’une semaine. Au terme de cette réflexion, votre refus implicite, ne peut rester sans réponse.

A ce jour, vous continuez à percevoir une rémunération pour un travail que vous ne réalisez pas et que vous n’avez pas l’intention de faire. Vous comprendrez aisément que vis-à-vis de nos locataires comme de vos collègues cette situation ne peut perdurer.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible.

Votre préavis d’une durée de 3 mois, débutera à la date de présentation de cette lettre.'

Les parties s’accordent sur le fait que la visite médicale de reprise a eu lieu le 19 juin 2013, laquelle a été examinée à l’occasion de divers recours.

Par conséquent, il a été mis fin à la période de suspension du contrat de travail par cette visite de reprise.

Par ailleurs, il est constant que, par son courrier du 6 septembre 2013, le salarié a refusé les propositions de mutation qui lui ont été faites. Il ne conteste pas, en outre, ne pas avoir repris le travail.

Selon l’article L1226-2 du code du travail , ' lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.'

L’article R4624-31 du code du travail prévoit que 'le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen'.

En l’espèce, le licenciement pour manquement à son obligation de fournir une prestation de travail en contrepartie du salaire perçu, comportement fautif qui s’est poursuivi jusqu’à la rupture, intervenu sans que l’employeur ait demandé l’organisation d’une seconde visite médicale de reprise après les recours exercés et sans qu’il ait procédé aux recherches de reclassement conformément à l’article L1226-2 et R4624-31du code du travail, doit être dit dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Tenant compte de l’âge du salarié (50 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté (7 ans ), de son salaire moyen mensuel brut ( 1 695,75 €), de la perte du logement dépendant de son emploi, il y a lieu de lui allouer une indemnisation à hauteur de 25 000 €.

Les autres demandes (nullité du licenciement, réintégration, paiement des salaires et remise des bulletins de paie) de K Y doivent être rejetées.

Sur la demande de logement conforme:

K Y réclame qu’il soit fait injonction à la société SOGIMA de mettre à sa disposition un logement conforme à ses obligations en matière de santé et de sécurité sur son site actuel.

Cependant, outre la question de sa pertinence devant la juridiction prud’homale, cette demande, en l’état du lien contractuel rompu, ne saurait être accueillie.

Dès lors que le litige a évolué depuis le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille, celui-ci sera donc infirmé de ce chef.

Sur l’exécution fautive du contrat de travail:

La société SOGIMA note que l’intimé n’a pas repris, en cause d’appel, son argumentation relative à l’exécution fautive du contrat de travail; elle demande que l’absence de manquement à ses obligations contractuelles soit constatée.

Il est constant de K Y demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la SOGIMA à lui verser la somme de 25'000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et fait injonction à cette dernière de lui procurer un logement conforme à ses obligations en matière de santé et sécurité sur son site actuel ainsi que l’infirmation du jugement pour le surplus.

Il ne reprend pas ses demandes d’indemnisation du préjudice résultant de l’exécution fautive du contrat de travail par l’employeur.

En ce qui concerne la subrogation des indemnités de prévoyance, la société SOGIMA soutient avoir appliqué la loi.

Il résulte de l’article 30 de la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles, qu''en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, dûment constatée par certificat médical et contre-visite de la sécurité sociale s’il y a lieu, et à condition :

— d’avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité ;

— d’être pris en charge par la sécurité sociale ;

— d’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des pays de l’Union européenne ou dans l’un des pays ayant passé une convention de réciprocité.

Les salariés recevront 90 % de leur rémunération globale brute mensuelle contractuelle pendant :

-30 jours après 1 an de présence dans l’entreprise sous réserve du caractère plus favorable des dispositions de l’article L. 1226-1 du code du travail.

-90 jours après 3 ans de présence dans l’entreprise ;

-110 jours après 8 ans de présence dans l’entreprise ;

-120 jours après 13 ans de présence dans l’entreprise ;

-130 jours après 18 ans de présence dans l’entreprise ;

-170 jours après 23 ans de présence dans l’entreprise ;

-190 jours après 33 ans de présence dans l’entreprise.

Lors de chaque arrêt de travail, les délais d’indemnisation commenceront à courir à compter du premier jour d’absence. Dans tous les cas de figure, une fiche de paie devra être établie.

Pour le calcul des indemnités dues au titre d’une période de paie, il sera tenu compte des indemnités déjà perçues par l’intéressé durant les 12 mois antérieurs, de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces 12 mois, la durée totale d’indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas précédents'.

Compte tenu de l’état des absences de K Y produit sur la période du 25 septembre 2011 au 31 décembre 2015 et du décompte des jours de subrogation, aucun manquement de la société SOGIMA n’est démontré.

Quant aux tâches et attributions dont K Y aurait été privé du jour au lendemain par son employeur, en l’absence de toute preuve rapportée, aucun manquement de la société SOGIMA de ce chef ne saurait être constaté.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L’équité commande de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille relatif aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 1000 € à K Y.

La société SOGIMA, qui succombe, doit être tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au rejet de la demande d’indemnisation pour harcèlement moral, aux frais irrépétibles et aux dépens,

Statuant à nouveau sur les points infirmés,

Condamne la société SOGIMA à payer à K Y la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

Dit que la société SOGIMA n’a pas manqué à ses obligations contractuelles en matière de prévoyance et de prestation de travail confiée au salarié,

Y ajoutant,

Dit que le licenciement de K Y par la société SOGIMA est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SOGIMA à payer à K Y les sommes suivantes :

—  25 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1 500 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société SOGIMA aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Pascale MARTIN faisant fonction

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 juin 2016, n° 14/04352