Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-2, 21 mai 2021, n° 18/06046

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-2, 21 mai 2021, n° 18/06046
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/06046
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Martigues, 5 mars 2018, N° 16/00756
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2021

N° 2021/ 196

Rôle N° RG 18/06046 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCHX3

SAS MARCEL & FILS

C/

B D

Copie exécutoire délivrée

le : 21 mai 2021

à :

Me Jean Christophe STRATIGEAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 43)

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 157)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 06 Mars 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00756.

APPELANTE

SAS MARCEL & FILS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant […]

représentée par Me Jean Christophe STRATIGEAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Germain LICCIONI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur B D, demeurant […]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2021

Signé par Madame Rose-Marie PLAKSINE, Président de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS MARCEL ET FILS exerce une activité de commerce de détail de produits biologiques, elle dispose de 29 points de vente et de trois restaurants.

M. B D soutient avoir été engagé sans contrat et sans être rémunéré par la SAS MARCEL ET FILS en qualité d’employé polyvalent à compter du 4 novembre 2013, ce que conteste cette dernière.

Les parties sont communes par contre pour indiquer que la SAS MARCEL ET FILS a embauché M. B D suivant contrat de travail à durée déterminée du 13 janvier 2014 afin d’assurer le remplacement de Mme X en qualité d’employé polyvalent au magasin de Saint-Mitre-les-Remparts qui comptait alors 10 salariés.

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective des commerces de détail, fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.

Les relations contractuelles ont pris fin au retour de Mme X le 22 août 2014, les documents de fin de contrat étant remis au salarié les 22 et 25 août 2014.

Le salarié s’adressait à l’employeur par lettre du 12 septembre 2014 ainsi rédigée :

« Suite à notre entretien du 10 septembre 2014, je viens par la présente vous faire un récapitulatif sur les points que nous avons abordés avec M. Y : ' la rupture soudaine de mon contrat de travail en date du 22 août dernier. Je vous ai adressé un mail en date du 2 septembre 2014 afin d’éclaircir les modalités de cette décision que je ne comprenais pas. En effet, j’ai signé un contrat de remplacement concernant la salariée E X absente pour maladie. La durée était du 13 janvier au 28 février 2014. Depuis cette date j’ai travaillé sans contrat de travail dans l’unité de Saint Mitre jusqu’au 22 août. Cette date m’a interpellé et j’ai cherché à comprendre, c’est pourquoi je vous ai sollicité. Nous avons eu deux échanges téléphoniques le 8 septembre à votre initiative et je n’ai fait que vous réclamer la copie du contrat que j’aurais dû signer attestant la fin de mon activité au 22 août 2014. Vous avez délégué à votre directeur de réseaux, M. Y, le soin d’éclaircir ensemble la situation, à Istres en présence de Mlle Z. La question du contrat de travail a été évoquée et j’apprends que malencontreusement celui-ci vous aurez été retourné pour adresse inexacte. Or il s’avère que mon adresse n’a pas changé. M. Y me propose ce jour un exemplaire à signer (7 mois plus tard). Comme il est stipulé dans le code du travail mon contrat devient de fait, un contrat de travail à durée indéterminée. Je vous demande donc de respecter les textes en vigueurs et de me rémunérer les salaires du 22 août jusqu’à ce que vous trouviez une solution. Comme je l’ai précisé lors de l’entretien, ma volonté est de rester dans l’entreprise et pouvoir évoluer dans de bonnes conditions. Votre directeur de réseau m’a fait des propositions qui s’avèrent impossible sous la responsabilité de Mlle Z. J’ai soumis mes observations concernant le mal-être des salariés dans ces deux entreprises. Loin de tout conflit, je ne souhaite qu’une meilleure direction des magasins de St Mitre et d’Istres. J’ai apprécié la réponse de M. Y qui n’est pas resté indifférent à mes dires puisqu’il s’est engagé à regarder cette situation de mal-être de plus près. Je pense que les axes utilisés aujourd’hui restent trop flous, pesant pour les salariés, et donc improductifs. Me concernant, je n’aurais fait que maintenir ma volonté de travailler au sein du groupe Marcel et Fils, dans les meilleures conditions. Lors de ma promotion à la responsabilité du rayon fruits et légumes, une incompréhension a vu le jour concernant l’ancienne responsable Mlle A. J’ai échangé à de nombreuses reprises avec Mlle Z, ma responsable, concernant ce malentendu qui prenait énormément d’ampleur, détruisant ainsi l’esprit d’équipe. Aucune action ne fut engagée de sa part me laissant subir les conséquences négatives, malgré mes nombreuses propositions. Je ne souhaitais qu’une chose, une équipe soudée et dirigée correctement. Ce ne fut pas le cas. Dans le cadre de mon travail au sein de la société Marcel et fils, je n’ai jamais été soumis à la visite médicale, pourtant indispensable dans le cadre professionnel. Enfin, il a été énoncé récemment devant témoin par Mlle Z qu’en cas de retour de ma part, elle me ferait subir du harcèlement quotidien pour me pousser vers la porte de sortie. Cela a fort surpris votre directeur de réseau. Comme je l’ai écrit précédemment, je ne souhaite que travailler, mais dans de bonnes conditions. En conséquence, les faits et propos cités précédemment me sont impossibles à surmonter, notamment un retour au travail dans ce contexte difficile. Je tiens à ce que cet entretien soit constructif et sans dommages collatéraux pour l’équipe comme je l’ai clairement demandé a votre directeur de réseau. »

Sollicitant le paiement du salaire concernant la période du 4 novembre 2013 au 12 janvier 2014, et se plaignant de travail dissimulé, M. B D a saisi le 27 septembre 2016 le conseil de prud’hommes de Martigues, section commerce, lequel, par jugement rendu le 6 mars 2018, a :

• joint les incidents au fond ;

• rejeté le sursis à statuer ;

• dit que la requête introductive d’instance n’est pas nulle ;

• dit que la prescription n’est pas applicable en la présente situation ;

• dit le salarié bien fondé en son action ;

• dit que l’employeur a eu recours au travail dissimulé, en violation des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail ;

• ordonné la remise d’un bulletin de paie comportant le rappel de salaire, ainsi que le certificat de travail comportant la période du 4 novembre 2013 au 22 août 2014 ;

• dit que ces montants sont assortis de l’exécution provisoire de plein droit au visa des

• dispositions des articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail ; fixé la moyenne à la somme de 1 446 € ;

• condamné l’employeur au paiement des sommes suivantes :

'3 396,95 € à titre de rappel de salaire ;

' 339,69 € au titre des congés payés y afférents ;

'8 676,00 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

'1 500,00 € au titre des frais irrépétibles ;

• ordonné l’exécution provisoire de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile ;

• débouté l’employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

• dit que les intérêts légaux courent de plein droit à compter de la saisine soit le 27 septembre 2016 au visa des dispositions de l’article 1231-7 du code civil, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées ;

• mis les dépens à la charge de l’employeur.

Cette décision a été notifiée le 9 mars 2018 à la SAS MARCEL ET FILS qui en a interjeté appel suivant déclaration du 6 avril 2018.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 juin 2019 aux termes desquelles la SAS MARCEL ET FILS demande à la cour de :

in limine litis

• dire que la demande de paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulée est prescrite ;

• infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la prescription n’était pas applicable ;

à titre principal,

• dire que la relation contractuelle a débuté le 13 janvier 2014 ;

• constater l’absence d’heures de travail réalisées pour le compte de la société antérieurement au 13 janvier 2014 ;

• constater l’absence de travail dissimulé ;

• infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le salarié était bien fondé dans son action et que l’employeur avait eu recours au travail dissimulé sur la période du 4 novembre 2013 au 12 janvier 2014, condamné l’employeur à verser au salarié la somme de 3 396,95 € bruts à titre de rappels de salaire sur la période du 4 novembre 2013 au 12 janvier 2014 outre celle de 339,69 € bruts au titre des congés payés y afférents et la somme de 8 676 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé, mis à la charge de l’employeur les dépens et la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles ;

• condamner le salarié à une amende civile de 3 000 € pour procédure abusive ;

• condamner le salarié à des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 € pour procédure abusive ;

• condamner le salarié au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 3 août 2018 aux termes desquelles M. B

D demande à la cour de :

• confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

• dire que les sommes allouées à titre de rappel de salaire et d’incidence congés payés produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil ;

• enjoindre l’employeur, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt d’avoir à lui établir et délivrer les documents suivants :

'bulletin de salaire mentionnant le rappel de rémunération judiciairement fixé ;

'certificat de travail mentionnant une période d’emploi du 4 novembre 2013 au 22 août 2014 ;

• lui enjoindre, sous astreinte identique, d’avoir à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux ;

• condamner l’employeur au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel, la somme allouée en première instance étant maintenue ;

• condamner l’employeur aux dépens.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 10 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la demande de rappel de salaire

M. B D soutient avoir été engagé sans contrat par la SAS MARCEL ET FILS en qualité d’employé polyvalent à compter du 4 novembre 2013 et n’avoir pas été rémunéré jusqu’au contrat de travail à durée déterminée du 13 janvier 2014. Il produit en ce sens 8 attestations de témoin.

La SAS MARCEL ET FILS conteste les attestations produites par le salarié près de trois ans après les faits au motif qu’elles sont imprécises. Elle fait valoir notamment que Mme C est une parente de M. B D et qu’elle déclare « avoir travaillé avec M. D du départ en arrêt maladie de l’employée Mlle E X durant le mois de novembre 2013 jusqu’en août 2014 » alors que le départ en arrêt maladie de Mlle E X date du 14 décembre 2013 et non du mois de novembre.

L’employeur indique encore avoir déposé plainte le 3 avril 2017 contre M. F D et autres pour fausses attestations concernant les 8 attestations produites. Il relève que les personnes ayant attesté résident à Istres, comme l’intimé, alors que la société dispose d’un magasin à Istres et qu’elles n’expliquent pas pourquoi elles venaient se servir au magasin de Saint-Mitre-les-Remparts où elles auraient rencontré M. B D. L’employeur explique encore être en litige prud’homal avec une des personnes qui attestent, Mme Z.

L’employeur produit l’attestation de Mme A, salariée, qui affirme que M. B D a été embauché en janvier 2014.

La cour retient que le salarié, qui par lettre du 12 septembre 2014 formait un certain nombre de grief à l’encontre de son ancien employeur avec précision et une certaine liberté de plume, allant jusqu’à le conseiller sur ses méthodes de management, n’explique nullement pour quelle raison il ne s’est alors pas plaint de l’absence de rémunération du 4 novembre 2013 au 13 janvier 2014 alors même qu’il articulait des reproches aujourd’hui abandonnés.

Les témoignages produits par le salarié restent vagues et se trouvent contredits par l’attestation

précise produite par l’employeur.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le salarié ne rapporte pas la preuve de la relation de travail dont il se prévaut concernant la période du 4 novembre 2013 au 13 janvier 2014 et il sera dès lors débouté de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés y afférents et d’injonctions, étant relevé surabondamment qu’il n’explique pas pourquoi il ne se prévaut pas d’un engagement à durée indéterminée à compter du 4 novembre 2013 et partant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 22 août 2014.

2/ Sur le travail dissimulé

Le salarié n’ayant pas travaillé durant la période incriminée, la demande d’indemnité pour travail dissimulé se trouve privée d’objet sans qu’il soit besoin d’examiner son éventuelle prescription.

3/ Sur la demande d’amende civile et de dommages et intérêts pour tentative d’escroquerie au jugement et procédure abusive

L’employeur reproche au salarié d’avoir produit des attestations de témoin insincères et d’avoir ainsi tenté de tromper le tribunal et la cour. Il sollicite en conséquence le prononcé d’une amende civile ainsi que des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Mais la cour retient que si elle a pu déterminer par la contradiction des attestations produites et d’autres éléments de l’espèce que le salarié ne rapportait pas preuve d’une relation de travail durant la période litigieuse, elle ne dispose pas d’éléments de faits suffisants pour qualifier cette simple insuffisance probatoire de tentative d’escroquerie au jugement ou d’abus du droit d’ester en justice.

En conséquence, il n’y a pas lieu de prononcer une amende civile et l’employeur sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

4/ Sur les autres demandes

Il convient d’allouer à l’employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

• joint les incidents au fond ;

• rejeté le sursis à statuer ;

• dit que la requête introductive d’instance n’est pas nulle.

L’infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute M. B D de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents ainsi que de ses demandes d’injonction.

Dit que la demande d’indemnité pour travail dissimulé se trouve privée d’objet.

Déboute la SAS MARCEL ET FILS de ses demandes de prononcé d’une amende civile et d’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne M. B D à payer à la SAS MARCEL ET FILS la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Condamne M. B D aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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