Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 22 avril 2021, n° 19/07291

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 22 avr. 2021, n° 19/07291
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/07291
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 3 avril 2019, N° 18/00598
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 AVRIL 2021

N° 2021/152

Rôle N° RG 19/07291 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEGYS

D Y épouse E

C/

S.A.R.L. VAYSSE-VIC ET ASSOCIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me G

Me GUEDJ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/00598.

APPELANTE

Madame D Y épouse E

née le […] à […],

demeurant […]

représentée par : Me Rebecca VANDONI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituant Me F G de la SELARL LEXAVOUE G CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.R.L. VAYSSE-VIC ET ASSOCIES CABINET D’EXPERTISE COMPTABLE Représentée en la personne de ses représentants légaux,

Dont le siège est […]

[…]

représentée par Me Paul GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE et assitée de Me LE TOUARIN-LAILLET Patricia, avocat au barreau de Paris.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Mars 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame F FILLIOUX, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame F FILLIOUX, Conseiller-rapporteur

Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2021,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

La société civile de construction vente, ' Bonsaï’ a été immatriculée au RCS le 22 juillet 2002, Madame X, qui détient 99% des parts sociales, en est la représentante. Cette société a pour objet l’acquisition de terrains en vu de la construction et la vente, Elle a selon lettre de mission du 5 juin 2003 confié la tenue de sa comptabilité à la société CESA expertise, qui a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire du 13 décembre 2006 clôturé le 21 novembre 2012 et dont la clientèle a été reprise par la SARL Cabinet d’expertise Vaysse -Vic et associés en 2007, avec un mandat donné le 2 novembre 2009 de représentation dans le cadre d’éventuelles procédures de redressement fiscal.

Le 17 octobre 2006, la société Bonsaï a fait l’acquisition d’une propriété immobilière située à Saint Tropez, revendue le jour même avec une plus value de 800 000euros, l’acte de cession stipulant que la société cédante entendait bénéficier du régime fiscal spécial de l’article 239 ter du CGI afin d’être exonérée d’impôts sur les sociétés.

Le 16 juin 2009, la société Bonsaï a fait l’objet d’une vérification de comptabilité par l’administration fiscale portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007. Le 16 mai 2011, l’administration fiscale a estimé que l’opération sus visée relevait de l’impôt sur les sociétés et a mis en recouvrement la somme de 129 113euros à ce titre et 97 365euros au titre de la TVA, l’opération ne pouvait s’analyser en une opération de construction d’immeuble en vue de la revente.

La société Bonsaï a initié une procédure contentieuse devant les juridictions administratives et la cour administrative d’appel a, dans un arrêt du 4 février 2016, condamné Madame D Y, en sa qualité d’associé de la société Bonsaï, au paiement d’une somme de 209 600euros, tout en reconnaissant que les résultats de la société Bonsaï ne relevaient pas de l’impôt sur les sociétés, elle a considéré qu’ils constituaient en revanche des plus values des particuliers prévues à l’article 150 du CGI, la SCI étant une société fiscalement transparente, ses gains étant imposables entre les mains de ses associés. .

Le 3 janvier 2018, Madame D Y a assigné devant le tribunal de grande instance de Marseille la SARL Cabinet d’expertise Vaysse -Vic et associés en responsabilité civile, en soutenant que les fautes caractérisées de cette dernière étaient à l’origine de ce redressement fiscal et notamment que la disparition de la comptabilité dont s’est plainte l’administration fiscale devait lui être imputée.

Par jugement contradictoire du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Marseille a débouté Madame D Y de ses demandes et l’a condamnée aux entiers dépens.

La juridiction a estimé concernant la procédure de redressement que l’administration fiscale a exigé la production de la comptabilité des années 2003/2004/2005 afin de contrôler les déficits reportés et imputés à l’impôt sur le revenu au titre de l’exercice 2006, les pièces justificatives et les actes de ventes relatifs à cette période et les factures des travaux se rattachant à l’opération de Saint Tropez, que les parties n’ont pas été en mesure de fournir toutes les pièces réclamées, le cabinet d’expertise expliquant que les archives détenues par la société CEVA expertise ont été détruite en 2013 mais qu’il incombait selon la juridiction à l’assujetti de conserver les pièces reçues et conservées dans le cadre de son activité, notamment les livres et registre de comptes et les pièces justificatives, que l’expert comptable n’a pas conservé les documents que lui remet son client pour établir la comptabilité mais lui en fait retour après exécution de ses obligations, sauf à être expressément chargé d’une mission d’archivage qui est absente en l’espèce, que donc il incombait à Madame Y de justifier le report en compte courant de 83 545,37euros au 1er janvier 2006 et des déficits reportés sur les déclarations 2006 et 2007, mais que la juridiction a retenu que la destruction de la comptabilité en 2013 par le cabinet d’expertise comptable, alors que le contrôle fiscal, était en cours constitue une faute.

Elle a retenu sur le manquement au devoir de conseil reproché lors du choix de l’option fiscale suite à l’opération immobilière, que l’administration fiscale, qui dans un premier temps, a contesté le choix fiscal de la société Bonsaï, a abandonné cette base légale puisque dans une décision du 10 novembre 2014, elle a accordé un dégrèvement de 34 570euros reconnaissant ainsi que la société ne pouvait être soumise à l’impôt sur les sociétés conformément à la position de Madame X mais a imposé Madame Y à l’impôt sur le revenu pour les parts des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société selon le régime des plus values immobilières des particuliers, qu’aucun manquement à un devoir de conseil n’est caractérisé.

Elle a enfin retenu que le redressement était motivé par la carence dans la production de documents justifiant des écritures comptables que l’administration fiscale a refusé d’admettre faute de justificatif, qu’il appartenait à la société de conserver ces justificatifs que la destruction fautive des archives, si elle a fragilisé la position de la société, n’est pas à

l’origine du redressement et de ses conséquences financières dénoncées par la demanderesse.

Le 30 avril 2019, Madame Y a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 21 janvier 2020, elle demande à la cour de :

Vu l’article 564 du Code de procédure civile,

Vu l’article 1147 (1231-1 nouveaux) du Code civil,

Vu l’article 1710 du Code civil,

Vu le décret n°2012-432 du 30 mars 2012,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu les pièces jointes,

Dire et juger recevable l’appel interjeté par madame Y ;

Dire et juger irrecevable la demande formée par la société CEVA et tendant à l’octroi d’une somme à titre de dommages et intérêts (30.000 euros) car nouvelle en cause d’appel ;

Infirmer le jugement rendu le 4 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a :

— ' Débouté Madame D Y de l’ensemble de ses demandes,

- Condamné Madame D Y aux dépens,

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.'

En conséquence, et statuant à nouveau :

Condamner la société CEVA à payer à madame Y, les sommes suivantes :

—  209.600 euros à titre de dommages et intérêts dus en réparation du redressement fiscal

subi par madame Y,

—  31.105 euros au titre des frais de procédure,

—  89.231 euros à titre de dommages et intérêts dus en raison de la vente forcée du bien

immobilier familial,

—  12.510 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subis du fait de

la saisie des biens meubles,

—  300.000 euros en réparation de la perte de chance de n’avoir pu réaliser le projet Gareoult,

—  513.230 euros en réparation de la perte de chance de n’avoir pu réaliser la seconde tranche du projet Saint-Marcellin (vars),

—  1.747.621,46 euros en réparation de la perte de chance de n’avoir pu réaliser le projet Mazargues,

—  2.250.000 euros en réparation de la perte de chance de n’avoir pu réaliser le projet Marignane,

—  62.000 euros au titre de la perte de chance de n’avoir pu réaliser la maîtrise d''uvre sur les deux derniers projets.

Débouter la société CEVA expertise de l’intégralité de son appel incident et de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la société CAVA expertise au paiement de la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice moral subi par madame Y ;

Condamner la société CEVA expertise au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance dont distraction sera prononcée au profit maître F G dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Elle soutient qu’elle a toujours été assistée par la société CESA EXPERTISE devenue CEVA, que selon la lettre de mission du cabinet CESA EXPERTISE, repris par CEVA, en date du 5 juin 2003, le cabinet d’expertise comptable avait les pouvoirs les plus élargis pour se charger intégralement de toutes les procédures de redressement fiscal concernant la SCCV BONSAI, que cette obligation comprenait notamment la réponse aux administrations et la communication de toutes pièces sollicitées, que lors du contrôle fiscal de 2009,les services fiscaux ont remis en cause le régime de l’article 239 ter du Code général des impôts applicable sous certaines conditions aux sociétés civiles ayant pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente, considérant que la société relevait de plein droit de l’impôt sur les sociétés d’où un redressement pour un montant total de 226.478 euros, contesté par Madame Y et l’administration fiscale, en cours de procédure d’appel, a décidé de ne pas maintenir les impositions supplémentaires au titre de l’impôt sur les sociétés et de la TVA et un certificat de dégrèvement a été établi mais l’administration a alors soutenu que la qualification du profit était susceptible d’avoir une incidence sur l’imposition des associés, notamment la soumission à l’impôt sur le revenu de l’associée prépondérante Madame D X dés lors que ce profit tiré de l’achat-revente du terrain ne relevait pas non plus de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, que Madame X a dû payer un redressement fiscal de 209 600 euros.

Elle fait valoir que ses demandes sont formulées à l’encontre de la société CEVA, qui est l’acronyme de la société Cabinet d’expertise Vaysse Vic, l’adresse du siège social est bien celle de la société sus visée.

Elle soutient que la demande reconventionnelle de la société CEVA en dommages et intérêts est une demande nouvelle en cause d’appel.

Elle relève que la société BONSAI a considéré pouvoir bénéficier du régime fiscal de l’article 239 ter du CGI et être exonérée d’impôt sur les sociétés lors de l’opération de Saint Tropez, option refusée par l’administration fiscale qui a considéré que la SCCV n’exerçant pas l’activité de marchand de bien de manière habituelle et que dès lors, elle ne relevait de l’impôt des sociétés et donc de l’éventuel régime exonératoire qui pourrait en découler mais que les membres de la SCCV, principalement Madame Y devaient être personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société, que dès lors, il incombait à la société CESA EXPERTISE, devenue CEVA, de la dissuader de son choix erroné en matière fiscale ou à tout le moins, attirer leur attention sur les risques de redressement que ce choix pouvait impliquer, que la société CEVA a manifestement méconnu son obligation d’information et de conseil.

Elle indique sur l’archivage, qu’elle ne disposait d’aucune latitude quant à la tenue et la conservation de la comptabilité de sa société et que la société CEVA n’aurait jamais dû procéder à la destruction d’aucune des pièces comptables en 2014 puisque, le contrôle initié en 2009 était en cours.

Sur les préjudices , elle fait valoir que ce redressement est la source des abandons successifs de

projets immobiliers en cours de réalisation ou sur le point de l’être, qu’elle a dû engager la somme de 31.105 euros à titre de frais de procédure, que l’exigibilité immédiate des montants réclamés par l’administration fiscale l’a conduit à subir des mesures d’exécution.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 2 février 2021, la SARL Vaysse Vic et associés demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL :

— Dire et juger l’appel de Madame Y irrecevable.

— Dire et juger l’appel de Madame Y sans objet,

— Confirmer le jugement du 4 avril 2019

A TITRE SUBSIDIAIRE :

— Dire et juger Madame Y mal fondée

— La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

— Prononcer la mise hors de cause du Cabinet VAYSSE-VIC ET ASSOCIES en constatant qu’il n’a pas commis de faute.

— Confirmer le jugement du 4 avril 2019

Y AJOUTANT, et A TITRE RECONVENTIONNEL :

— Condamner Madame Y à payer au Cabinet VAYSSE-VIC ET ASSOCIES une indemnité de 30.000 Euros à titre de dommages intérêts et une indemnité de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— Condamner Madame Y aux entiers dépens d’instance et d’appel avec distraction au profit de Maître GUEDJ.

Elle fait valoir que les conclusions de l’appelante demande la condamnation de la société CEVA EXPERTISE à lui payer diverses sommes alors que l’intimée est la SARL VAYSSE-VIC et Associés et qu’aucune prétention (ni déterminée, ni chiffrée) n’est formulée à son encontre

devant la Cour.

Elle ajoute qu’elle ne se confond pas avec la société CEVA dont elle a uniquement racheté la clientèle lors de la cession d’un fonds de commerce par le Liquidateur de CESA, opération qui ne comporte pas de cession de dettes notamment de responsabilité et qu’il ne peut être reproché à la société VAYSSE-VIC ET ASSOCIES, un manquement à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde sur le choix d’un régime fiscal qui proviendrait d’opérations antérieures de la cliente auquel elle n’a pas participé.

Elle fait valoir que les pièces sont la propriété du commerçant ou de l’entreprise, qui doit les

conserver dans ses archives conformément aux dispositions de l’article L.123-22 du Code de Commerce, que l’observation du vérificateur démontre bien que la société détenait certaines factures pour les années 2004, 2005, et 2006 et que seuls les documents comptables sont en revanche ceux conservés par l’expert-comptable.

De surcroît, elle souligne que le Fisc, a procédé à une perquisition le 16 juin 2009 au sein du Cabinet d’expertise comptable et toute la comptabilité de la SCCV, qui était disponible sur informatique, a été éditée et saisie, le cabinet ne détenant aucune autre pièce, que la destruction opérée en octobre 2013 seulement, a été sans effet sur le contrôle fiscal et le redressement qui se sont déroulés en 2009.

Enfin elle souligne que le redressement finalement opéré par le juge de l’impôt est parfaitement indifférent à la production ou à la non-production des pièces comptables et de la comptabilité de la société BONSAI, puisque ce n’est pas la société BONZAI qui a été redressée mais Madame Y et l’imposition ne relève pas d’une comptabilité, mais d’une simple soustraction : Prix de vente ' prix d’achat= plus value imposable.

Sur l’obligation de conseil, elle soutient qu’en juillet 2006, le cabinet VAYSSE-VIC ET ASSOCIES n’avait pas encore racheté la clientèle de la SARL CESA EXPERTISE qui était encore pleine et entière propriétaire et responsable de sa clientèle.

Sur le préjudice, elle précise que la remise en cause de l’exonération espérée par la gérante de la SCCV est ainsi parfaitement étrangère à la production de la comptabilité ou aux justificatifs, puisqu’elle résulte d’une qualification purement juridique de l’opération d’achat/revente et d’un mode de calcul ne prenant en compte que le prix d’achat et le prix de revente et que la remise en cause des déficits antérieurs a, quant à elle, pour seuls motifs la non-production par la SCCV BONSAI des pièces justificatives des dits déficits.

Elle fait valoir que le principal du redressement ne peut constituer un préjudice de nature indemnisable puisqu’il n’est que le rétablissement de l’impôt que la contribuable Y aurait normalement dû payer au regard du droit fiscal et que Madame Y ne démontre pas le paiement effectif de l’impôt dont elle fait état, que les frais de défense fiscale devaient être facturés à la SCCV BONSAI de sorte que Madame Y est irrecevable à en revendiquer le remboursement à titre personnel et enfin que la perte de chance ne se confond pas avec la chance perdue et l’appelante ne rapportant pas la démonstration d’une chance réelle et sérieuse de réaliser les gains allégués.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties

L’ordonnance de clôture est intervenue 9 février 2021.

Par conclusions déposées et notifiées le 5 mars 2021, Madame Y sollicite le rejet des conclusions et pièces notifiées le 2 février 2021 par la SARL Cabinet d’expertise Vaysse Vic et associés au motif que communiquées le 2 février 2021 pour une clôture fixée le 9 février 2021, elles seraient tardives.

MOTIFS :

En application de l’article 15 du code de procédure civile les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait et de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.

Par ailleurs conformément aux dispositions de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il existe une cause grave depuis qu’elle a été rendue. Constitue une cause grave une circonstance indépendante de la volonté du demandeur qui s’est révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture et qui est de nature à avoir une incidence sur la solution du litige.

Il convient de rappeler que Madame Y a formé appel le 30 avril 2019 à l’encontre d’un jugement prononcé le 4 avril 2019 et a déposé des conclusions le 26 juillet 2019, auxquelles répondait le cabinet d’expertise le 21 octobre 2019, que le 18 décembre 2020, un avis de fixation étaient adressé aux parties annonçant la clôture le 9 février 2021.

Le 2 février 2021, la SARL cabinet d’expertise Vaysse Vic et associés déposait de nouvelles conclusions qui reprenaient à l’identique les moyens de fait et de droit et les prétentions émises le 21 octobre 2019 en n’ajoutant aucune pièce nouvelle, de sorte que telles conclusions ne nécessitent pas de nouvelle réponse de la part de Madame Y qui de surcroît disposait d’un délai raisonnable pour le faire si elle l’estimait opportun avant la clôture des débats.

La demande de révocation de l’ordonnance de clôture et de réouverture des débats est rejetée en l’absence de cause grave.

Sur la qualité de l’intimée

La SARL cabinet d’expertise Vaysse Vic et associé fait valoir que les conclusions déposées le 21 janvier 2020 par Madame Y tendent à la condamnation de la société CEVA qui n’est pas présente à la procédure et qui ne la concerne pas.

Toutefois, la simple lecture de la page de présentation du registre du commerce et des sociétés de la SARL VAYSSE-VIC et associés permet de retenir que la dite société se présente sous son acronyme 'CEVA’ correspondant à Cabinet d’expertise VAYSSE-VIC et associés, acronyme qu’elle revendique elle-même sur le site.

De surcroît, l’adresse sociale de la société CEVA reproduite dans les conclusions et la déclaration d’appel de Madame Y correspond à celle indiquée dans ses propres écritures par la SARL Vaysse Vic et Associés.

En conséquence un tel moyen ne peut prospérer.

Sur la responsabilité de la société CEVA dans son obligation de conseil :

Madame Y reproche à la SARL CEVA un manquement à son devoir de conseil dans la cadre de l’opération d’achat- vente réalisée le 16 juillet 2006 d’une propriété située à Saint Tropez et notamment une absence de contribution sincère et efficace lors de cette vente alors qu’aux termes de la lettre de mission du mois du 5 juin 2003, elle a confié au cabinet d’expertise CESA une mission globale d’établissement des comptes et présentation et d’établissement des déclarations fiscales et sociales afférentes.

Elle considère qu’il appartenait à la société CESA de la conseiller, notamment lors du choix erroné intervenu en juillet 2006, et de la dissuader d’opérer un tel choix, voir pour le moins, d’attirer son attention sur les risques encourus de redressement fiscal.

Elle ajoute que la société CESA, son cocontractant initial, est devenue la société CEVA 'SARL cabinet d’expertise Vaysse Vic et associé'.

L’expert comptable est lié avec son client par un lien contractuel et peut donc voir à ce titre sa

responsabilité engagée sur le fondement des dispositions de l’article 1231-1 du code civil relatives à la responsabilité contractuelle. L’étendue de son intervention est définie dans la lettre de mission qui fixe le contour de sa responsabilité contractuelle qui ne peut s’analyser qu’au regard de cette lettre de mission.

L’expert comptable n’est tenu que d’une obligation de moyen dans le cadre de l’exécution de la lettre de mission et ne peut voir sa responsabilité engagée que s’il commet un manquement à ses obligations en relation avec le préjudice subi. En effet, le débiteur d’une obligation de moyen n’étant pas tenu d’un résultat précis, c’est au créancier de prouver la faute dont il se prévaut. Le comportement reproché à un expert-comptable doit être apprécié par référence à celui d’un professionnel diligent et compétent et il lui appartient de démontrer qu’il a déployé toutes les diligences qui lui incombent et notamment qu’il a satisfait à son obligation de conseil.

Toutefois, il convient de relever que contrairement aux dires de Madame Y, la société CEVA n’est pas venue aux droits de la société CESA ce qui signifierait qu’elle bénéficie activement de ses droits mais qu’elle doit supporter passivement les engagements que cette dernière devait assurer elle-même, pas plus qu’il n’y a une opération de transmission universelle du patrimoine de la société CESA au profit de la société CEVA, qui pourrait alors être tenue des engagements et des obligations de celle là.

En effet, la société CESA expertise était une SARL crée le 20 juillet 1990 qui a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ouverte le 21 juin 2006 par le tribunal de commerce de Marseille convertie en liquidation judiciaire le 13 décembre 2006 avec une clôture pour insuffisance d’actifs prononcée le 21 novembre 2012.

Dans le cadre de cette procédure collective, la SARL CESA, représentée par son administrateur judiciaire, a le 5 mai 2007 procédé à la cession de sa clientèle, d’éléments corporels et des créances de la société au profit de la SARL CEVA, cet acte visant la clientèle, du matériel de bureaux et des fichiers informatiques ainsi que la reprise de trois contrats de travail, les créances clients se chiffrant à la somme de 38 000euros.

S’agissant d’une reprise partielle de l’actif, le repreneur rachète uniquement le fonds de commerce visé, le matériel et les créances mais il ne récupère pas les dettes fiscales et sociales ou les obligations en responsabilité de l’entreprise dissoute.

Cet acte ne comprend aucune clause de garantie mise à la charge de la société CEVA.

Ainsi, cette cession, qui permet au cessionnaire d’être subrogé dans les contrats passés avec les tiers dans le cadre de son activité d’expert comptable, ne permet pas de retenir sa garantie contractuelle pour une inexécution fautive antérieure à la cession, même si elle relève de l’exécution des contrats cédés.

L’acte souscrit le 3 mai 2007 n’emporte pas l’obligation contractée par la société CEVA d’assumer les conséquences dommageables de la responsabilité civile encourue par la société CESA dans l’exécution de ses prestations, d’autant moins que l’acte de cession ne fait nullement mention de difficultés en cours. La société CEVA n’est pas tenue de garantir la société CESA de condamnations en responsabilité contractuelles pouvant intervenir pour une inexécution contractuelle antérieure à la cession.

En effet, il ne résulte pas des termes de l’acte du 3 mai 2007 que la société CEVA ait entendu se substituer au cédant s’agissant des prestations déjà exécutées et ait accepté d’assumer les conséquences d’une éventuelle mauvaise exécution de la part de ce dernier. La société CEVA a entendu prendre la suite de la société CESA, mais non assumer les conséquences des éventuelles erreurs dans les contrats passés.

Dés lors, la responsabilité de la société CEVA, qui n’a repris les contrats que le 3 mai 2007, ne peut être retenue pour un défaut de conseil lors de la signature d’un acte intervenu le 17 octobre 2006.

Il convient de confirmer la décision de première instance à ce titre.

Sur l’archivage :

Madame Y reproche à la société CEVA de ne pas avoir conservé par-devers elle, la comptabilité de la société BONSAI et en ce y compris des pièces comptables dont la société CEVA ne lui aurait pas fait retour en temps utile.

La société BONSAI a fait l’objet d’une procédure de contrôle des déficits reportés et imputés à l’impôt sur le revenu au titre de l’exercice 2006 et de vérification pour se faire de la comptabilité des années 2003, 2004 et 2005, ainsi que l’administration fiscale l’en a avisée par lettre recommandée du 9 avril 2009 lui réclamant la remise des pièces comptables afférentes à ces années, les pièces justificatives et les actes de ventes relatifs à cette période et les factures de travaux se rattachant à l’opération de Saint Tropez.

Par courrier du 4 mai 2009, Madame A, chargée du suivi de ce dossier au sein de l’administration fiscale, a réitéré ces demandes en exposant qu’elle s’était rendue en vain le 27 avril 2009 et le 4 mai 2009 au siège la société BONSAI pour obtenir les dites pièces comptables.

Par courrier du 2 octobre 2009, elle a précisé s’être rendue une première fois au siège de la société BONSAI en présence de Madame Y le 13 février 2009.

Et enfin elle a déclaré s’être présentée le 2 novembre 2009 au siège social de la SCI BONSAI où elle n’a pu contrôler le bien fondé des déficits reportés sur les déclarations 2006 et 2007 remontant aux années 2003, 2004 et 2005 en mentionnant 'aucune pièce justificative ni la comptabilité de ces périodes', démontrant l’absence totale de pièces comptables.

La propositions de rectification établie le 1er décembre 2009 a confirmé qu’une première intervention de l’administration fiscale a bien eu lieu le 13 février 2009 en présence de Madame X au siège social de la SC BONSAI avec demande de présentation de la comptabilité des années 2003 à 2005 afin de contrôler les pertes subies en 2006 et 2007 et les pièces pour en justifier et les factures de travaux de l’opération de Saint Tropez, demande réitérée le 9 avril, le 27 avril et le 4 mai 2009.

Selon le même raisonnement que développé précédemment, il convient de souligner que la responsabilité de la société CEVA ne peut être retenue pour d’éventuelles inexécutions contractuelles antérieures à son intervention en mai 2007.

De surcroît et de façon surabondante, il convient de relever que conformément aux dispositions de l’article L 123-22 du code de commerce, contenu dans la sous section I relative aux obligations applicables à tous commerçant dans la section 2 relative à la comptabilité des commerçants, elle-même contenue dans le chapitre III relatifs aux obligations des commerçants, il incombe aux commerçants de conserver par-devers eux, et ce pendant 10 ans, les documents comptables et pièces justificatives, l’expert comptable ne conservant que les documents qu’il crée mais n’a pas vocation à archiver les pièces justificatives reçues de son client, sauf mission complémentaire en ce sens qui est absente de la lettre de mission examinée en l’espèce.

L’article L 102 du code des procédures fiscales stipule également que les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de 6 ans.

Les documents comptables visés par l’article L 123-22 du code sus visé représentent l’ensemble des documents mentionnant une transaction commerciale ou financière. Le Code Général des Impôts (CGI) oblige en effet toute entreprise à laisser une trace écrite de ses opérations, dans un souci de bon suivi de sa comptabilité et permettant la réalisation des comptes annuels.

Si pour mener à bien, sa mission l’expert comptable détient temporairement certains documents appartenant à son client, dont les factures, il doit obligatoirement les lui remettre sauf exercice de son droit de rétention.

Il convient de noter que l’administration fiscale, à raison et en application des textes sus visés, ne réclame pas les documents comptables à l’expert comptable mais s’adresse au contribuable soit la société SC BONSAI de qui elle sollicite la production des factures justifiant la comptabilité et qui est considérée comme étant l’unique propriétaire des dits documents.

La perquisition opérée le 16 juin 2009 a bien eu lieu au siège social de la société BONSAI qui est domiciliée dans les mêmes locaux que la SARL VAYSSE-VIC et associés et les services fiscaux ont saisi dans les locaux du cabinet d’expertise des factures fournisseurs afférentes à la société BONSAI, un CD Room et des 373 documents qui lui ont été restitués ultérieurement.

Enfin, l’administration fiscale, dans sa réponse aux observations préalables datée du 25 mai 2010 concernant les charges déduites du bénéfice net, note qu’il n’est pas possible de rapprocher les factures présentées de la comptabilité établie notamment en raison d’une absence de concordance entre les quantités et les matériaux figurant sur les factures et à ceux réellement utilisés pour les travaux et du fait que certaines facture datent de 2004, époque à laquelle la SC n’était pas propriétaire de la résidence acquise à Saint Tropez.

Il résulte de la lecture de ce document qu’une partie des pièces comptables au moins étaient bien détenus par la société BONSAI qui les a fournis à l’administration en temps utile, même si cette dernière ne les a pas jugées efficaces et convaincantes en raison d’incohérences factuelles.

Enfin, la lecture de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille rendu le 25 février 2016 ne stigmatise pas des erreurs de comptabilité relevant de la responsabilité de l’expert comptable mais que 'la société n’a pas permis au service (fiscaux) de vérifier dans le cadre du contrôle sur place la réalité et le montant des déficits' de la SCI BONSAI que Madame X a imputé sur son revenu global pour l’année 2006 à hauteur de 125 094euros.

Ainsi, il est acquis et certain que même si la société CEVA a, ainsi que cela résulte des différents courriers échangés entre les parties et des perquisitions menées, pu conserver différentes pièces comptables propriété de Madame X, il n’en reste pas moins vrai qu’il appartenait à cette dernière de les archiver et qu’elle ne peut reprocher au cabinet d’expert comptable une situation qui résulte de sa propre négligence et légèreté blâmable.

Il ne peut être reproché au cabinet d’expert comptable de ne plus détenir des pièces comptables, propriété de sa cliente, et qu’il avait l’obligation de lui restituer après avoir accompli sa mission consistant à établir une comptabilité.

Madame Y reproche également à la SARL VAYSSE-VIC et associé d’avoir courant 2013 détruit la comptabilité pour la période antérieure à l’année 2006 ainsi que cela résulte d’un courrier de Monsieur B, salarié du la dite SARL daté du 20 mai 2014 qui l’avise que 'l’ensemble des archives détenues par la CEVA a été détruit et ce en octobre dernier, je suis surpris que vous n’ayez pas été avisée par la CEVA pour que vous puissiez récupérer l’ensemble de vos documents'.

Toutefois ainsi que le retient Monsieur C, le nouvel expert comptable de Madame Y dans son courrier du 22 septembre 2014, la destruction est sans lien avec le redressement opéré en

2009 à une époque où aucune destruction n’était encore intervenue.

En effet, l’ensemble des investigations s’est déroulé durant l’année 2009, ainsi que le rappelle la proposition de rectification établie le 1er décembre 2009 et les documents saisis ont été restitués en 2009. De sorte que la destruction des archives intervenues en 2013 est sans conséquence sur le redressement fiscal et n’a aucunement 'fragilisé’ la position de Madame Y ainsi que cette dernière le soutient sans en justifier.

La cour d’appel administrative de Marseille dans son arrêt du 25 février 2016 reproche à Madame Y d’avoir abusivement imputé de son revenu global la somme de 125 094euros pour l’année 2006 correspondant à des déficits provenant de la SCI BONSAI au titre des exercices clos en 2004 et 2005, déficits dont l’administration a contesté la réalité, faute de documents probants produits. La cour d’appel a également relevé que la proposition de redressement datée du 4 décembre 2009 n’avait pas été infirmée lors de l’instruction. La réclamation présentée par Madame Y a fait l’objet d’une décision de rejet le 4 juin 2012 par l’administration fiscale.

Il est établi que la destruction de pièces comptables, propriété de Madame Y sans l’en aviser ainsi que le reconnaît le salarié du cabinet d’expert comptable lui-même, n’était ni opportune ni adéquate, mais n’a pas de lien direct et certain avec les préjudices dénoncés par Madame Y et dont elle demande indemnisation.

Il convient dés lors de confirmer la décision de première instance

Sur les dommages et intérêts :

En application des dispositions de l’article 566 du nouveau Code de procédure civile, en cause d’appel les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément .

La demande de dommages et intérêts formée en appel par le cabinet d’expertise comptable constitue la conséquence et le complément de la défense opposée à la demande principale devant les premiers juges et ne constituent pas une demande nouvelle prohibée par l’article 564 du code de procédure civile .

Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l’espèce, l’appréciation inexacte de ses droits par Madame Y n’est pas constitutive d’une faute et la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être

rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Madame Y qui succombe devra supporter la charge des dépens de l’instance, ainsi que l’octroi d’une somme de 1 500euros au bénéfice de la SARL Vaysse Vic et associés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant publiquement par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement déféré,

En y ajoutant :

Condamne Madame D Y à payer à la SARL Cabinet d’expertise VAYSSE-VIC et Associés la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Madame D Y aux dépens d’appel et de première instance avec distraction au profit de Maître GUEDJ.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-4, 22 avril 2021, n° 19/07291