Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 28 janvier 2022, n° 18/05490

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 28 janv. 2022, n° 18/05490
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/05490
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 26 février 2018, N° F15/01503
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 28 JANVIER 2022

N° 2022/ 35

RG 18/05490


N° Portalis DBVB-V-B7C-BCGDP

POLY-ENVIRONNEMENT, venant aux droits de la SA DERICHEBOURG


C/

Z X

SAS PAPREC CHANTIERS, venant aux droits de SAS SOPHED


Copie exécutoire délivrée le 28 janvier 2022 à :

-Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 27 Février 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 15/01503.

APPELANTE

SAS POLY-ENVIRONNEMENT, venant aux droits de la SA DERICHEBOURG – P O L Y U R B A I N E 1 3 , d e m e u r a n t 1 A v e n u e M a r c e l i n B e r t h e l o t – 9 2 3 9 0 VILLENEUVE-LA-GARENNE

représentée par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Cécile DEFAYE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur Z X, demeurant […]

représenté par Me Odile LENZIANI, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Gilles BOUKHALFA, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS PAPREC CHANTIERS venant aux droits de la SAS SOPHED (SOCIETE PHOCEENNE D’ENLEVEMENT DES DECHETS), demeurant […] représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Cécile ACQUAVIVA, Conseiller, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Estelle DE REVEL, Conseiller

Madame Cécile ACQUAVIVA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE


Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Janvier 2022


Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur Z X a été embauché par la société Derichebourg , société d’intérim. Il a été mis à disposition de la société Derichebourg-Polyurbaine 13, entreprise utilisatrice, suivant plusieurs contrats de mission temporaire conclus à compter du 15 décembre 2008 en qualité de conducteur poids lourd, le salarié travaillant dans le cadre de collecte de colonnes de la communauté urbaine de Marseille Provence. La relation a pris fin le 30 mai 2010 à l’échéance du dernier contrat.


Par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 2010, Monsieur X a été embauché par la société Sophed devenue ensuite Paprec Chantier, en qualité de chauffeur poids lourds, ouvrier niveau 2, échelon B, coefficient 175 de la convention collective des industries et commerce de la récupération.


Par courrier du 14 juin 2011, Monsieur X a reçu notification de son licenciement pour faute.


Par requête du 10 janvier 2013, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins notamment de voir condamner la société Derichebourg-Polyurbaine 13 et la société Sophed devenue Paprec Chantier, à lui verser diverses sommes au titre de la requalification de ses contrats de missions.


Par jugement du 27 février 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille a :
rejeté l’exception de forclusion soulevée par la société Derichebourg-Polyurbaine 13,

dit que l’action de Monsieur X est recevable,

requalifié les contrats à durée déterminée établis au profit de Monsieur X en un contrat à durée indéterminée,

fixé la moyenne des derniers mois travaillés à temps complet à 2.120,60 euros,

condamné la société Derichebourg Polyurbaine13 à payer à Monsieur X les sommes suivantes :


- 2 160,60 euros au titre de la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée,


- 12.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 1.300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouté toutes les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

ordonné l’exécution provisoire pour les sommes de droit,

condamné la société Dericherbourg Polyurbaine 13 aux entiers dépens.


La société Derichebourg-Polyurbaine 13 a interjeté appel de la décision le 27 mars 2018.


Par décision du 21 mai 2019, la société Polyurbaine 13 a été dissoute au profit de la société Poly Environnement, associé unique de la société Polyurbaine 13 venant aux droits de celle-ci.


Dans ses dernières écritures remises par voie électronique le 26 novembre 2021, la société Poly Environnement venant aux droits de la société Derichebourg Polyurbaine 13, demande à la cour:

de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées en cause d’appel par Monsieur X, à savoir :

' 2.230,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

' 223,04 euros à titre de congés payés afférents

' 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse


A titre principal :

de constater la prescription de l’action prud’hommale de Monsieur X,

de déclarer irrecevable l’action de Monsieur X à l’encontre de la société Polyurbaine 13 devenue Poly-Environnement,

de débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

de condamner Monsieur X à payer la somme de 2.500 euros à la société Polyurbaine 13 devenue Poly-Environnement au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


A titre subsidiaire :

de dire et juger qu’il n’y a pas lieu à requalification de la relation contractuelle,

de constater que Monsieur X n’a sollicité en première instance aucune demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

de débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

de condamner Monsieur X à payer 2.500 euros à la société Poly-Environnement au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse d’une requalification de la relation contractuelle:

de fixer la moyenne mensuelle des salaires à 1.626,03 euros bruts,

d’allouer à Monsieur X les sommes suivantes :

' 1.626,03 euros bruts (moyenne des salaires) ou 1.411,53 euros bruts (dernier salaire perçu) à titre de l’indemnité de requalification,

' 1.626,03 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

' 162,03 euros bruts à titre de congés payés afférents,

de débouter Monsieur X de ses demandes.


Dans ses dernières écritures remises par voie électronique le 14 janvier 2021, Monsieur X demande à la cour:

de confirmer le jugement entrepris en ce qu’i1 a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée et condamné la société Dericherbourg Polyurbaine 13 à payer une indemnité de requalification et condamné la societe Dericherbourg Polyurbaine 13 à verser à Monsieur X les sommes suivantes :


- 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 1.300 euros au titre de 1'artic1e 700 du code de procédure civile,

d’infirmer le jugement sur 1e quantum de l’indemnité de requalification du contrat de travail en contrat de travail à duree indeterminée fixée à 2 160,60 euros,


Et statuant à nouveau,

de prononcer la mise hors de cause de la société Paprec Chantiers,

de condamner la société Poly-Environnement, venant aux droits de la société Dericherbourg Polyurbaine 13, à verser à Monsieur X la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

de condamner la société Poly-Environnement à verser à Monsieur X la somme de 2 230,44 euros au titre de l’indemnité de requalification, de condamner la société Poly-Environnement à verser à Monsieur X la somme de 2 230,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 223,04 euros à titre d’incidence congés payés sur préavis,

de condamner la société Poly-Environnement à verser à Monsieur X la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité versée sur ce fondement en premiere instance,

de condamner la société Poly-Environnement aux entiers dépens.


Dans ses dernières écritures remises par voie électronique le 12 septembre 2018, la société Paprec Chantiers demande à la cour:

de constater qu’aucune demande n’est formée à l’encontre de la société Paprec Chantiers,

de prononcer la mise hors de cause de la société Paprec Chantiers,

de condamner tout succombant aux dépens, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix En Provence Avocats aux offres de droit.


Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION


A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les 'dire et juger’ et les 'constater’ ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

I. Sur la mise hors de cause de la société Paprec Chantiers

Monsieur X sollicite la mise hors de cause de la société Paprec Chantiers, contre laquelle il ne formule aucune demande.


La cour constatant qu’aucune des parties ne formule de demande à l’encotre de cette société, décide de la mettre hors de cause.

II. Sur la demande en requalification

A. Sur la recevabilité de la demande


Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, toute action portant l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.


L’article 2222 alinéa 2 du code civil prévoit qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.


La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, promulguée le 17 juin 2013, a réduit la prescription de l’action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail de 5 ans à 2 ans.


L’article 21 V de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 prévoit que ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, date de promulgation de la dite loi.


Le point de départ du délai de prescription de l’action en requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée fondé sur le motif du recours énoncé au contrat a pour point de départ le terme du dernier contrat en cas de succession de contrats.


En l’espèce, Monsieur X a introduit une action en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée sur ce fondement.


Le terme de sa relation contractuelle avec la société Derichebourg-Environnement 13 étant intervenu le 30 mai 2010, cette date constitue le point de départ du délai de prescription.


Le salarié pouvait donc saisir le conseil de prud’hommes jusqu’au 30 mai 2015 en application des dispositions transitoires de la loi susvisée.

Monsieur X ayant saisi le conseil de prud’hommes par requête du 10 janvier 2013, il a agi dans le délai de la prescription susvisé, de sorte que son action est recevable.

B. Sur le bien fondé de la demande


Aux termes des dispositions de l’article L.1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.


L’article L.1251-6 du code du travail dispose que sous réserve des dispositions de l’article L.1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié, en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l’article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4° Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;

5° Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint, mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise.


Enfin, aux termes de l’article L.1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.


En l’espèce, Monsieur X soutient que la société a eu recours à une succession de contrats de mission pour pourvoir le même poste de conducteur poids lourd pendant plus d’une année, emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il fait valoir que son employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité des motifs allégués à l’appui des contrats de mission, à savoir une absence de salarié puis un accroissement temporaire d’activité. Il ajoute qu’aucun délai de carence n’a été respecté entre les contrats de mission pour accroissement temporaire d’activité.


La société soutient qu’elle a respecté les obligations légales mises à sa charge en matière de recours aux contrats de mission temporaire et qu’elle justifie de l’absence du salarié remplacé et d’un surcroit temporaire d’activité.

Monsieur X verse aux débats:


- une attestation assedic sur la période du 15 décembre 2008 au 10 novembre 2009 récapitulant ses missions auprès de la société Derichebourg Polyurbaine 13 sur cette période,


- ses six contrats de mission temporaire entre le 15 juin 2009 et le 30 mai 2010.


L’employeur produit les arrêts de travail du salarié remplacé, absent du 12 juin 2009 au 20 novembre 2009.


Il en ressort que Monsieur X a été mis à disposition de la société Derichebourg Polyurbaine 13 dans le cadre de contrats de mission au cours desquelles il a occupé un poste de conducteur poids lourds de façon intermittente au sein de la société entre le 15 décembre 2008 et le 15 juin 2009. Durant cette période, seuls quelques jours ont séparé ses contrats en janvier 2009, mars 2009, et mai 2009.


A compter du 15 juin 2009 et jusqu’au 30 mai 2010, le salarié a ensuite été missionné au moyen de six contrats successifs au cours desquels il a occupé le même poste de conducteur poids lourds de façon ininterrompue. Les caractéristiques du poste mentionnées sur les contrats de mission sont d’ailleurs toujours les mêmes.


Les deux premiers contrats de mission visent le motif du 'remplacement en cas d’absence de salarié; remplacement partiel de B B.' puis un accroissement temporaire d’activité.


Cependant, il n’existe pas de concordance entre les dates d’arrêts de travail de Monsieur B. et celles des contrats de mission temporaire du salarié, Monsieur X ayant au départ été missionné pour le remplacer jusqu’au 30 septembre inclus, et ayant dès le 14 septembre 2009 signé un autre contrat de mission temporaire désormais au motif d’un accroissement temporaire d’activité.


L’accroissement temporaire d’activité, qui va fonder l’ensemble des contrats de mission postérieurs au 14 septembre 2009 n’est étayé par aucun élément versé aux débats par l’employeur.


Dès lors, en ayant recours à des contrats de mission quasi successifs sur une période de 17 mois avec le même salarié intérimaire, qui ne sont pas justifiés par les motifs évoqués dans les contrats, la société Derichebourg Polyurbaine13, entreprise utilisatrice, a en réalité fait face à un besoin structurel de main-d''uvre et a pourvu de façon durable un poste lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.


En conséquence, il convient de requalifier les contrats de mission de Monsieur X en contrat à durée indéterminée à compter du 15 décembre 2008, premier jour de sa mission.

C. Sur les conséquences financières de la requalification


En application des dispositions de l’article L.1251-41 du code du travail, en cas de requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, il est accordé au salarié une indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.


L’indemnité de requalification doit être calculée, non seulement sur le salaire de base, mais également sur les accessoires du salaire.


Le salaire à prendre en compte pour le calcul dans le cadre d’une requalification de contrat de mission temporaire est le dernier salaire mensuel perçu.


En l’espèce, au vu du bulletin de salaire d’avril 2010 et en considération du dernier salaire majoré des accessoires perçu par Monsieur X, il est fondé à réclamer le paiement de la somme de 2.230,44 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat, le jugement étant infirmé sur ce seul montant.

III. Sur la rupture du contrat de travail

A- sur la recevabilité des demandes


L’article R.1452-7 du code du travail dans sa version applicable au litige (avant 2016) dispose : « Les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel. L’absence de tentative de conciliation ne peut être opposée. Même si elles sont formées en cause d’appel, les juridictions statuant en matière prud’homale connaissent les demandes reconventionnelles ou en compensation qui entrent dans leur compétence. »


L’employeur soulève l’irrecevabilité des demandes de Monsieur X au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sont des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d’appel. Il ajoute que le conseil de prud’hommes a statué ultra petita en octroyant à Monsieur X des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans en tirer de conséquences autres que leur irrecevabilité.


Le salarié fait valoir que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avait été formulée oralement lors de l’audience, de sorte que le conseil de prud’hommes n’a pas statué ultra petita.


Il ajoute que les autres demandes bien que nouvelles, sont recevables en vertu du principe de l’unicité de l’instance résultant des dispositions de l’article R.1452-7 du code du travail dans sa version applicable au litige, compte tenu de la date de saisine du conseil de prud’hommes, antérieure au 1er août 2016.


Il ne ressort pas des conclusions du salarié produites aux débats que Monsieur X ait formulé en première instance une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l’encontre de la société Derichebourg-Polyurbaine 13.


Le fait que le conseil de prud’hommes ait statué ultra petita n’emporte cependant pas pour conséquence l’irrecevabilité de la demande.


En tout état de cause, l’interruption de la prescription par la saisine du conseil de prud’hommes le 10 janvier 2013 joue à l’égard de toutes demandes, même présentées en cours d’instance, de sorte que les demandes additionnelles, portant sur la même relation contractuelle profitent de l’interruption de la prescription acquise par la saisine initiale.


En conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir soulevée.

B- sur le fond


L’employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à Monsieur X à l’expiration du dernier contrat de mission. Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail de mission en l’état de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.


Cette rupture est donc à son initiative et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Cela ouvre droit à Monsieur X aux indemnités de rupture constituées de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés et d’une indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement prévue par l’article L 1235-5 du code du travail.


Au du salaire de base retenu, il convient de fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2.230,44 euros, outre 223,04 euros d’incidence congés payés.

Monsieur X était âgé de 29 ans au moment de la cessation de la relation contractuelle. Il disposait d’une ancienneté de 17 mois. Il a été embauché deux mois plus tard par la société Sophed.


En considération de ces éléments, il convient de fixer le préjudice subi à la somme de 7 000 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

IV. Sur les autres demandes


Partie succombante, la société Poly environnement doit être condamnée aux dépens d’appel.


Il convient également de la condamner à payer au salarié la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,
Met hors de cause la société Paprec Chantiers,


Déclare recevables les demandes nouvelles de Monsieur Z X,


Confirme le jugement entrepris, sauf s’agissant des montants alloués au titre de l’indemnité de requalification et au titre du licenciement abusif,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant,


Condamne la société Poly Environnement venant aux droits de la société Derichebourg Polyurbaine 13 à payer à Monsieur Z X les sommes de:


- 2 230,44 euros à titre d’indemnité de requalification,


- 2 230,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 223,04 euros d’incidence congés payés,


- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,


- 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


Déboute la société Poly Environnement venant aux droits de la société Derichebourg Polyurbaine 13, de ses demandes,


Condamne la société Poly Environnement venant aux droits de la société Derichebourg Polyurbaine 13, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
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