Cour d'appel d'Amiens, 2 mai 2013, n° 12/00389

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 2 mai 2013, n° 12/00389
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 12/00389
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Amiens, 12 janvier 2012

Texte intégral

ARRET

X

D

SCI GERARD X

C/

H

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS

1re chambre – 1re section

ARRET DU 2 MAI 2013

RG : 12/00389

APPEL D’UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’AMIENS DU 13 JANVIER 2012

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS

Monsieur E, P, Q X

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Madame M, N, C D épouse X

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

SCI GERARD X

XXX

XXX

Représentés et plaidant par le cabinet WACQUET et ASSOCIES, avocats au barreau d’AMIENS

ET :

INTIME

Monsieur G H

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté et plaidant par Me DERBISE, avocat au barreau d’Amiens

DEBATS :

A l’audience publique du 20 décembre 2012 devant Mme PIET, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel d’AMIENS du 29 novembre 2012 pour remplacer dans le service de l’audience le Président de la 1re chambre civile 1re section empêché, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seul sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile, qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 février 2013.

GREFFIER : M. A

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame la Conseillère en a rendu compte à la cour composée de :

Mme PIET, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel d’AMIENS pour remplacer dans le service de l’audience le Président de la 1re chambre civile 1re section empêché, Mme Z et Mme Y, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la loi.

Les parties ont été informées par courrier motivé de la prorogation du délibéré au 21 mars 2013, puis au 28 mars 2013 et 2 mai 2013 pour prononcé de l’arrêt par mise à disposition au greffe.

Prononcé publiquement le 2 mai 2013 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile. Mme PIET, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel d’AMIENS pour remplacer dans le service de l’audience le Président de la 1re chambre civile 1re section empêché a signé la minute avec M. A, Greffier.

*

* *

DECISION :

Vu l’appel interjeté le 30 janvier 2012 par les époux X-D et la SCI E X et leurs conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2012 ;

Vu les conclusions de Me G H transmises par voie électronique le 26 avril 2012 ;

Vu l’ordonnance de clôture du 26 octobre 2012 ;

Par acte authentique reçu le 7 décembre 1981 par Me G H, notaire à Amiens, la SCI E X, dont les époux X-D sont associés à hauteur de 75 % du capital, a consenti un bail à construction à la SA les Sièges X d’une durée de 20 ans prévoyant qu’à l’issue du bail, le 1er décembre 2001, les constructions édifiées par la preneuse devenaient la propriété de la SCI bailleresse.

Reprochant au notaire d’avoir failli à son devoir de conseil en omettant de les informer de la nécessité de déclarer à l’administration fiscale, à l’issue du bail, le revenu foncier que constitue l’intégration des constructions dans le patrimoine de la SCI d’une part, et d’autre part, d’avoir omis de leur conseiller un bail d’une durée inférieure à 30 ans fiscalement plus avantageux, la SCI E X et les époux X-D ont recherché la responsabilité de Me G H sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil.

Par un jugement rendu le 13 janvier 2012, au motif qu’ils ne démontraient pas la réalité des préjudices allégués, le tribunal de grande instance d’Amiens, tout en retenant une faute à l’encontre de Me G H, a débouté la SCI E X et les époux X-D de leurs demandes, et les a condamnés in solidum à payer à ce dernier la somme de 1.00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Poursuivant l’infirmation du jugement, la SCI E X et les époux X-D demandent à la cour de dire que Me G H, qui a failli à son devoir de conseil, a engagé sa responsabilité professionnelle, invoquant l’articles 1134, 1147, 2222 et 2224 du code civil.

En conséquence, la SCI E X sollicite la condamnation de Me G H , 'à défaut celle de son assureur, mis en cause,' à lui payer les sommes de :

—  5 000 € de dommages-intérêts 'pour les honoraires versés en contrepartie de la rédaction d’un acte ne correspondant pas à leurs attentes et d’un conseil qui n’ a pas été donné',

—  5 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes confondues',

—  5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les époux X-D sollicitent la condamnation de Me G H à leur payer les sommes de :

—  155.689 € correspondant à l’impôt total foncier relatif au retour des immeubles dans le patrimoine de la SCI E X,

—  67.000 € correspondant à l’impôt supplémentaire acquitté en raison d’un bail d’une durée inférieure à 30 ans,

—  5 000 € à titre de dommages- intérêts en réparation des préjudices subis toutes causes confondues,

—  5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Me G H conclut à la confirmation du jugement déféré, mais critique le premier juge en ce qu’il a retenu à son encontre une faute qu’il conteste, affirmant avoir informé ses clients des conséquences fiscales d’un bail à construction, en particulier d’un bail d’une durée de 20 ans choisi en toute connaissance de cause par les appelants.

Subsidiairement, l’intimé conteste la réalité des préjudices invoqués par les appelants.

En tout état de cause, Me G H sollicite la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

A titre liminaire, la Cour constate que l’assureur de Me G H n’a pas été mis en cause, quoiqu’en disent les appelants.

Le bail à construction conclu le 7 décembre 1981 entre la SCI E X et la SA Les Sièges X, moyennant un loyer annuel de 90.000 francs HT, pour une durée de 20 ans expirant le 30 novembre 2001, non renouvelable par tacite reconduction, stipulait qu’à son expiration les constructions et améliorations réalisées par la société preneuse, un bâtiment à usage commercial et artisanal, ainsi que des appartements à usage locatif, devenaient, de plein droit, la propriété de la bailleresse, sans indemnité pour la preneuse.

Selon l’article 33 ter-II du code général des impôts 'si la durée du bail est supérieure ou égale à 30 ans, la remise gratuite en fin de bail des constructions édifiées par le locataire au propriétaire du terrain ne donne lieu à aucune imposition.

Si la durée est comprise entre 18 et 30 ans, la remise s’analyse en un supplément de loyer constitutif, pour le bailleur d’un revenu foncier. Toutefois, l’impôt n’est dû que sur le prix de revient des constructions sous déduction d’une décote de 8% par année de bail au delà de la 18e.

L’imposition est en principe exigible à la fin de la période pour laquelle le bail a été initialement conclu, mais elle peut être échelonnée sur 15 ans.'

Les appelants – qui ne distinguent pas dans leurs écritures entre la SCI E X et les époux X-D- soutiennent que ce bail à construction avait pour finalité exclusive de 'minimiser le montant de leur imposition', et qu’ils étaient persuadés que 'le retour dans le patrimoine devait se faire gratuitement, c’est-à-dire sans aucune fiscalité'.

Ils reprochent à Me G H d’avoir omis de les informer des conséquences fiscales d’un bail conclu pour une durée de 20 ans à l’époque de l’acte d’une part, et d’autre part, d’avoir omis ensuite de les informer de l’imminence de l’expiration du bail, de manière à le proroger le cas échéant, ainsi que de la nécessité d’une déclaration auprès de l’administration fiscale.

Me G H conteste ne pas avoir informé les époux X-D des conséquences fiscales d’un bail d’une durée de 20 ans.

Il prétend que ces derniers ont, en connaissance de cause, décidé d’un bail d’une durée de 20 ans, afin que la bailleresse, devenue propriétaire des constructions, perçoive à l’issue des 20 ans les loyers de la locataire commerciale, la SA X dont les époux X-D sont les associés à 90 %, et les loyers des appartements à usage d’habitation, ces loyers bénéficiant d’ailleurs d’un abattement de 20 %.

L’intimé ajoute que le montage juridique permettait à la SA X de déduire de ses résultats l’amortissement des prêts nécessaires aux constructions, ainsi que les loyers du bail à construction.

Il incombe aux appelants, qui recherchent la responsabilité du notaire, d’établir que le bail à construction litigieux n’avait pas d’autre finalité que de réduire leur imposition, ou d’y échapper, ce qu’ils ne font pas.

Il n’est pas contesté que Me G H était en charge de la rédaction des statuts de la SCI E X et de l’acquisition du terrain nécessaire au bail à construction (9 juillet 1981), de l’établissement des statuts de la SA Les Sièges X (27 octobre 1981) puis du bail à construction (7 décembre 1981) et du contrat de location gérance conclu entre la SA Les Sièges X et les époux X-D (16 décembre 1981).

En vertu de l’article 1147 du code civil, le notaire était tenu d’éclairer les époux X-D, agissant à titre personnel ou en qualité d’associés des deux sociétés parties à ces actes, de leur portée et de leurs conséquences notamment fiscales, s’agissant en particulier du bail à construction d’une durée de 30 ans, et il doit rapporter la preuve de ce qu’il s’est acquitté de ces obligations de conseil et d’information.

Me G H verse aux débats des pages de notes manuscrites datées des 10 mars, 20 mars et 8 mai, ainsi qu’une page de notes non datée prises lors de rendez vous avec les époux X-D, seuls ou accompagnés de leur expert comptable, ou prises à la suite d’un échange téléphonique avec ce dernier, dont il importe peu qu’elles n’aient pas été signées par les appelants, comme l’a relevé le premier juge pour leur dénier tout caractère probant.

Il résulte de ces notes que les appelants, qui le 10 mars 1981 envisageaient un bail de 20 ans, ont été informés des conséquences fiscales d’un bail d’une durée de 20 ans et des conséquences fiscales d’un bail d’une durée de 30 ans, mais qu’ils ont décidé d’un bail d’une durée de 20 ans (cf.notes du 8 mai 1981).

Par conséquent, Me G H démontre avoir rempli ses obligations d’information et de conseil à l’époque de la conclusion du bail à construction, les époux X-D étant informés de l’imposition due à l’expiration du bail de 20 ans, contrairement à ce qui a été jugé en première instance.

En outre, selon une note manuscrite datée du 17 septembre 1999, Me G H avait envisagé avec M. X, et son expert comptable 'le côté fiscal de l’échéance du bail à construction (vers nov. 2001)', ce que confirme M. E X dans un courrier daté du 13 mai 2002 rappelant à Me G H qu’il avait attiré leur attention sur les impôts qui seraient exigibles en 'sortie du bail à construction.'

De plus, à supposer que les appelants aient décidé de renouveler le bail à son expiration, l’imposition exigible est fonction de la période pour laquelle il a été initialement conclu.

Par conséquent, en l’absence de fautes imputables à Me G H, les appelants ne sont pas fondés à rechercher sa responsabilité et seront déboutés de leurs demandes, le jugement étant confirmé, la cour substituant ses motifs à ceux du premier juge.

La Cour relève d’ailleurs, comme le premier juge, qu’à l’appui des préjudices allégués, les époux X-D produisent des attestations de leur comptable, mais pas le moindre justificatif d’une réclamation de l’administration fiscale et d’un quelconque paiement, alors que le bail est expiré depuis plus de 10 ans.

Parce qu’ils échouent en leur appel, les appelants seront condamnés aux dépens, ainsi qu’à payer à Me G H la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, leur propre demande fondée sur ce texte étant rejetée.

PAR CES MOTIFS,

statuant après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et mis à disposition du public au greffe,

Confirme par substitution de motifs le jugement rendu entre les mêmes parties par le tribunal de grande instance d’Amiens le 13 janvier 2012,

y ajoutant,

Condamne in solidum les époux X-D et la SCI E X aux dépens de l’instance d’appel,

Condamne in solidum les époux X-D et la SCI E X à payer à Me G H la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette leurs demandes fondées sur le même texte.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel d'Amiens, 2 mai 2013, n° 12/00389