Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 26 mars 2019, n° 17/03795

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 26 mars 2019, n° 17/03795
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 17/03795
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Reims, 22 mars 2015, N° F14/00777
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE – SJFC

C/

R X

[…]

copie exécutoire

le

à me W et me gillet hauquier

xtof/pc

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

[…]

ARRET DU 26 MARS 2019

*************************************************************

RG 17/03795 – N° Portalis DBV4-V-B7B-GYPU

et RG 17/04141

Décisions attaquées :

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de REIMS, décision attaquée en date du 23 Mars 2015, enregistrée sous le n° F 14/00777

Arrêt Au fond, origine Cour d’Appel de REIMS, décision attaquée en date du 27 Avril 2016, enregistrée sous le n° 15:00958

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 07 Septembre 2017, enregistrée sous le n° 1989 fs

La Cour, composée ainsi qu’il est dit ci-dessous, statuant sur l’appel formé contre le jugement du Conseil de Prud’hommes de du 23 mars 2015 (sur renvoi qui lui en a été fait par la Cour de Cassation), après en avoir débattu et délibéré conformément à la Loi, a rendu entre les parties en cause la présente décision le 26 Mars 2019 par mise à disposition de la copie au greffe de la cour.

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE

SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE – SJFC

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés en cette qualité audit siège :

[…]

représentée par Me Patrick W de la SCP V – W, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIMEES

Madame T R X

de nationalité Française

[…]

représentée par Me Marie-Annick GILLET-HAUQUIER, avocat au barreau de LAON substitué par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d’Amiens

[…]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés en cette qualité audit siège :

[…]

[…]

non comparant

ACTE INITIAL : déclaration écrite du 19 Septembre 2017 et du 17 octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Christophe Q, président de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller et Mme Agnès DE BOSSCHERE, conseiller,

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme P Greffier

ARRET : REPUTE CONTRADICTOIRE

PROCEDURE DEVANT LA COUR :

Les parties et leurs conseils ont été régulièrement avisés pour le 24 Janvier 2019, dans les formes et délais prévus par la loi.

Le jour dit, l’affaire a été appelée en audience publique devant la formation chargée des renvois après cassation en matière sociale.

Après avoir successivement entendu le conseiller rapporteur en son rapport, les avocats des parties en leurs demandes fins et conclusions, la Cour a mis l’affaire en délibéré et indiqué aux parties que l’arrêt serait rendu le 26 Mars 2019 par mise à disposition de la décision au Greffe, dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 26 Mars 2019, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Christophe Q , Président de chambre et Mme P, Greffier.

DECISION :

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame T R X, qui est née en 1973, a été engagée à temps partiel à compter du 17 janvier 2000 par la société juridique et fiscale de Champagne en qualité de secrétaire, coefficient 225 de la convention collective du personnel salarié des avocats, moyennant en dernier lieu un salaire brut mensuel de 1.195,55 euros.

Madame R X a été licenciée le 2 juillet 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Madame R X a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives à l’exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 23 mars 2015, le conseil de prud’hommes de Reims a retenu que madame R X devait bénéficier du complément de salaire de 16 points prévu par l’ENADEP, que son licenciement était nul en raison des faits de harcèlement moral qu’elle avait subis, et a condamné la société juridique et fiscale de Champagne à lui payer les sommes de :

—  3542,37 euros bruts à titre de rappel de salaire,

—  354,23 euros bruts au titre des congés payés afférents,

—  300 euros nets en réparation du préjudice moral,

—  4785,51 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2391,11 euros nets à titre d’indemnité de préavis,

—  800 euros nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 27 avril 2016, la cour d’appel de Reims a confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il avait retenu des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté la salarié de sa demande pour préjudice moral distinct, et a :

— dit que les dommages-intérêts de 4785,51 euros étaient alloués pour licenciement nul,

— condamné l’employeur au paiement des sommes de :

* 4000 euros en réparation du préjudice moral distinct (pour harcèlement moral en fait)

* 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société juridique et fiscale de Champagne a formé un pourvoi en cassation et par arrêt du 7 septembre 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 avril 2016 par la cour d’appel de Reims et remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Amiens.

Le motif de cassation est ainsi formulé : « Attendu que pour condamner l’employeur au paiement d’un rappel de salaire et de dommages-intérêts pour préjudice moral l’arrêt retient que le salarié bénéficie d’un complément ajouté à son salaire de base calculé selon le diplôme par référence à un nombre de points multipliant la valeur du point conventionnel, que l’avantage a la nature du salaire de base auquel il s’ajoute, que la somme totale ainsi obtenue demeure la contrepartie de la durée du travail exécutée, qu’il n’y a donc lieu à aucune proratisation, que du reste les textes conventionnels parfaitement clairs sur les modalités de calcul ne contiennent aucune restriction en ce sens, que s’agissant de conditions objectives tenant compte de la situation particulière de chaque salarié, il ne s’en évince aucune discrimination salariale ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions conventionnelles ne comportent pas de mention contraire au principe de proportionnalité posé par l’article L. 3123-10 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier moyen, du chef du rappel de salaire, entraîne par voie de conséquence, la cassation sur le second moyen des chefs de la nullité du licenciement et de la condamnation de l’employeur au paiement de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, pour préjudice moral distinct et d’indemnité compensatrice de préavis ; »

La société juridique et fiscale de Champagne a saisi la présente cour le 17 septembre 2017 et le 17 octobre 2017..

L’affaire a été appelée à l’audience du 24 janvier 2019.

Lors de l’audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, la société juridique et fiscale de Champagne demande à la cour de :

« INFIRMER le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de REIMS, en ce qu’il a condamné la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE à payer un rappel de salaire ENADEP à Madame T R-X,

STATUANT À NOUVEAU,

DIRE ET JUGER qu’aucun rappel de salaire ENADEP n’est dû à Madame T R-X,

En conséquence,

CONSTATER que Madame T R-X a été intégralement remplie de ses droits,

DÉBOUTER Madame T R-X de sa demande de rappel de salaire,

DÉBOUTER Madame T R-X de sa demande de dommages et intérêts au titre de la prétendue résistance abusive de l’employeur ;

CONSTATER que la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE a procédé au règlement, envers Madame T R- X, de la somme de 3.542,37 Euros bruts, à titre de rappel de complément de salaire ENADEP, outre la somme de 354,11 Euros bruts, au titre des congés payés y afférents, consécutivement au jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de Reims,

En conséquence,

CONDAMNER Madame T R-X à rembourser à la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE, la somme de 3.542,37 Euros bruts, à titre de rappel de complément de salaire ENADEP, outre la somme de 354,11 Euros bruts, au titre des congés payés y afférents, versées indûment en suite du jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de Reims,

DONNER ACTE à la SELARL SJFC du règlement de la somme de 49,35 Euros bruts, à titre d’arriéré de rémunération,

En conséquence,

DIRE ET JUGER le litige relatif à l’arriéré de rémunération, réglé, à hauteur de 49,35 Euros bruts, en suite du jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de REIMS comme sans objet,

INFIRMER le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de REIMS en ce qu’il a considéré Madame T R-X comme victime du

harcèlement moral de l’employeur,

INFIRMER le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de REIMS en ce qu’il a déclaré nul le licenciement pour inaptitude de Madame T R-X,

INFIRMER le jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de Reims en ce qu’il a condamné la SELARL SJFC à verser à Madame T R-X des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

STATUANT À NOUVEAU,

DIRE ET JUGER que Madame T R-X n°a jamais subi aucun harcèlement moral que ce soit de la part de son employeur,

En conséquence,

DIRE ET JUGER que le licenciement pour inaptitude de Madame T R X est régulier et justifié,

DÉBOUTER Madame T R-X de toute demande de dommages et

intérêts pour licenciement abusif, et indemnités subséquentes,

DÉBOUTER Madame T R-X de sa demande de paiement d*indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis ;

DÉBOUTER Madame T R-X de toute demande de dommages et

intérêts pour harcèlement moral,

CONSTATER que la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE a procédé au règlement, envers Madame T R- X, de la somme de 2.391,11 bruts, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, consécutivement au jugement rendu le 23 mars 2015 parle Conseil des Prud’hommes de Reims,

CONDAMNER Madame T R-X à rembourser à la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE la somme de 2.391,11 Euros bruts, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, versée indûment en suite du jugement rendu le 23 mars 2015 par le Conseil des Prud’hommes de Reims,

CONSTATER que la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE a procédé au règlement, envers Madame T R- X, des sommes suivantes, en suite de l’arrêt du 27 avril 2016, rendu par la Cour d’Appel de REIMS, cassé et annulé par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, aux termes de l’arrêt du 7 septembre 2017:

- 4.785,51 Euros nets, correspondant aux dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 300 Euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, tel que fixé par le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de REIMS, le 23 mars 2015,

- 800 Euros nets, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, tel que fixé par le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de REIMS, le 23 mars 2015,

- 4.000 Euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, tel que fixé par la Cour d’Appel de REIMS, aux termes de l’arrêt rendu le 27 avril 2016,

- 2.000 Euros nets, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, tel que fixé par la Cour d*Appel de REIMS, aux termes de l’arrêt rendu le 27 avril 2016.

CONDAMNER Madame T R-X à rembourser à la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE les sommes suivantes, versées indûment, en suite de l’arrêt rendu le 27 avril 2016, par la Cour d’Appel de REIMS, cassé et annulé par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, aux termes de l’arrêt du 7 septembre 2017 :

- 4.785,51 Euros nets, correspondant aux dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 300 Euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, tel que fixé par le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de REIMS, le 23 mars 2015,

- 800 Euros nets, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, tel que fixé par le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de REIMS, le 23 mars 2015,

- 4.000 Euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, tel que fixé par la Cour d’Appel de REIMS, aux termes de l’arrêt rendu le 27 avril 2016,

- 2.000 Euros nets, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, tel que fixé par la Cour d’Appel de REIMS, aux termes de l’arrêt rendu le 27 avril 2016.

CONDAMNER Madame T R-X à verser à la SELARL SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNER Madame T R-X, aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’Appel, dont distraction au profit de la SCP V W, Avocat aux offres de droit en vertu des dispositions de l’article 699 du Code de

Procédure Civile. »

Lors de l’audience et par conclusions régulièrement déposées et visées par le greffier, madame R X demande à la cour de :

« Sur le rappel de salaire :

Vu les dispositions de l’Avenant n° 65 de la Convention collective du 20 février 1979 « relatif au complément de salaire versé par l’ENADEP »

DIRE et JUGER Madame T R X tant recevable que bien fondée en ses demandes ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 4.142,13 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 414,21 € à titre de congés payés afférents ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 1000 € à titre de préjudice moral conséquent ;

Sur la nullité du licenciement :

Vu la notification de licenciement du 2 juillet 2013

Vu les dispositions des articles L.1152-1 et suivants du Code du travail ;

DIRE et JUGER Madame R X tant recevable que bien fondée en ses demandes ;

PRONONCER la nullité du licenciement intervenu sur le fondement de l’article L.1152-3 du Code du travail ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 14.346,65 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 2.391,11 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 7.173,32 € à titre de préjudice distinct ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser une somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société Juridique et Fiscale de Champagne aux entiers dépens. »

Bien que régulièrement convoqué, Pôle Emploi n’a pas comparu ni ne s’est fait représenter.

L’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 26 mars 2019 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Attendu qu’il convient d’ordonner la jonction des instances enregistrées sous les numéros 17/03795 et 17/04141, sous le numéro 17/03795 ;

Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l’audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur la demande de rappel de salaire

Madame R X demande la somme de 4.142,13 € à titre de rappel de salaire sur le fondement des dispositions de l’Avenant n° 65 de la convention collective du 20 février 1979 relatif au complément de salaire versé par l’ENADEP, outre la somme de 414,21 € à titre de congés payés afférents et celle de 1000 € à titre de préjudice moral consécutif.

Madame R X soutient que :

— elle est titulaire depuis le 16 juin 2001 du 2e cycle de formation de l’ENADEP

— de ce fait, elle avait droit au complément conventionnel de salaire de 16 points

— cependant il ne lui a été versé qu’un complément de salaire de 8 points au prétexte qu’elle était à mi-temps

— son employeur a ainsi refusé de lui verser l’intégralité du complément de salaire en prétextant qu’il devait être proratisé sur la base du temps de travail mais cette

proratisation n’est pas prévue conventionnellement

— en effet l’ENADEP (pièce n° 8 salarié) et le bâtonnier (pièce n° 17 salarié) ont confirmé que le complément de salaire ENADEP n’avait pas à être proratisé ; l’avis d’interprétation de la Commission Paritaire d’interprétation de la Convention collective du 1er septembre 2000 est dans le même sens (pièce n° 18 salarié)

— dans le cadre de son second emploi dans un autre cabinet d’avocat, elle ne pouvait pas bénéficier du complément de salaire ENADEP dès lors qu’elle bénéficiait dans cet emploi d’une classification au coefficient 265, suite à une promotion survenue en mars 2001 consécutivement à la validation de sa formation à l’ENADEP (pièce n° 62 salarié)

— ce complément de salaire n’est pas une prime de technicité

— elle réclame le solde dû dans les limites de la prescription et selon le décompte actualisé au 2 juillet 2013 date de la rupture de son contrat de travail, les sommes restant dues sont de 3.628,99 € à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, ainsi que la somme de 463,19 au titre du 13e mois. (pièce n° 56 salarié)

La société juridique et fiscale de Champagne s’oppose à ces demandes et soutient que :

— madame R X n’avait droit qu’à une rémunération proportionnelle à son temps de travail, soit à une rémunération correspondante à 8 points, au titre du complément de salaire ENADEP au motif que les salariés à temps partiel doivent bénéficier, proportionnellement, des avantages de rémunération consentis par l’employeur aux salariés à temps complet

— les principes légaux de proportionnalité et de proratisation doivent en effet s’appliquer, en dehors de toute disposition contraire de la convention collective, en fonction du temps de travail du salarié, à toutes les sommes versées, ayant le caractère d’une rémunération

— en conséquence, en dehors de toute stipulation plus favorable de la convention collective des avocats et de leur personnel, en faveur des salariés à temps partiel, madame R X, salariée à temps partiel, ne pouvait percevoir de la société juridique et fiscale de Champagne que 8 points, correspondant à son mi-temps, à titre de complément de salaire ENADEP

— cette rémunération complémentaire, à hauteur de 8 points, lui a toujours été régulièrement versée et elle a donc été intégralement remplie de ses droits

— lui accorder un complément de salaire de 16 points constituerait une atteinte au principe d’égalité de traitement des salariés, puisque cumulant deux mi-temps, elle serait alors susceptible de percevoir de la part de chacun de ses employeurs le complément de 16 points, soit 32 points en tout en contrepartie de son travail à temps plein alors que le maximum de points, octroyé à un salarié, au titre du complément de salaire ENADEP, est de 30 points, et à la condition de la validation du troisième cycle de l’ENADEP, ce qui n’est pas le cas de madame R X qui n’a validé, de surcroit, que les deux premiers cycles.

L’article L 3123-10 du code du travail dispose «compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l’entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l’établissement ou l’entreprise. »

L’article L 3123-11 du code du travail dispose « Le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords collectifs d’entreprise ou d’établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif de travail. »

Aux termes de l’avenant n° 65 de la convention collective du 20 février 1979 « relatif au complément de salaire versé par l’ENADEP » :

« Il est accordé à tout salarié :

- ayant satisfait à l’épreuve de contrôle des connaissances de fin de 1er cycle, un premier complément de salaire mensuel équivalent à 6 fois la valeur du point conventionnel ;

- ayant satisfait à l’épreuve de contrôle des connaissances de fin de 2e cycle, un second complément de salaire mensuel équivalent à 10 fois la valeur du point conventionnel ;

- ayant satisfait à l’épreuve de contrôle des connaissances de fin de 3e cycle, un troisième complément de salaire équivalent à 14 fois la valeur du point conventionnel.

Les points ENADEP ne modifient pas le coefficient de classification attribué au salarié.

Le complément de salaire s’ajoute au salaire de base ; il fait l’objet d’une ligne spécifique sur le bulletin de salaire intitulée « Complément de salaire ENADEP » avec indication des points attribués en fonction du ou des cycles de formation validés.

Chaque cycle génère un complément de salaire par l’attribution de points cumulables avec le complément de salaire accordé pour les autres cycles, de sorte que le salarié qui a validé le 1er, le 2e et le 3e cycle bénéficie d’un complément de salaire équivalent au total à 30 fois la valeur du point conventionnel.

Si le salarié ne valide qu’un cycle, il ne bénéficie que du complément de salaire du cycle validé.

(…)

Si après avoir obtenu une validation de fin de cycle (certificat ou diplôme) un salarié se voit confier, à l’occasion d’une embauche ou d’une promotion, un emploi de classification supérieure pour lequel la validation de la formation ENADEP est prise en compte dans la grille des classifications (avenant n°50 de la convention collective) engendrant une augmentation de son salaire mensuel au mois égal au(x) complément(s) de salaire ci-dessus défi ni(s), le complément de salaire n’est pas dû.

Ainsi, un salarié ayant validé le Ier cycle de l’ENADEP ne percevra aucun complément de salaire s’il se voit confier, à l’occasion d’une embauche ou d’une promotion postérieure à la validation de son diplôme, un emploi pour lequel la grille de classification prévoit au nombre de ses critères la possession du certificat ou diplôme de fin de 1er cycle et si cette classification engendre une augmentation de salaire au moins équivalente au salaire perçu, augmenté du complément de salaire équivalent à l’attribution des 6 points liés à la validation de ce cycle.

Si la promotion ou l’emploi confié à la suite de la validation ou le diplôme de fin de cycle ENADEP n’engendre pas une augmentation de la rémunération égale au complément de salaire lié à l’attribution des points ci-dessus définis, le salarié percevra un complément de salaire égal à la différence entre le complément de salaire lié à l’attribution des points et l’augmentation du salaire découlant de la promotion obtenue. ».

Il est constant que madame R X a droit au complément de salaire ENADEP et que le point du litige porte seulement sur la proratisation de ce complément dans le cas de madame R X, du fait qu’elle travaille à temps partiel étant précisé que le complément de salaire litigieux est de 16 points.

Il est aussi constant que madame R X a bénéficié de ce complément à hauteur de 8 points après que la société juridique et fiscale de Champagne l’a proratisé sur la base du mi-temps réalisé par madame R X.

La cour constate que les dispositions conventionnelles ne comportent pas de mention contraire au principe de proportionnalité posé par l’article L 3123-10 du code du travail.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le complément de salaire ENADEP conventionnel versé à madame R X constitue un élément de salaire soumis au principe de proportionnalité en vertu de l’article L. 3123-10 du code du travail, et que la convention collective des avocats et de leur personnel, ne comportant pas de mention contraire à ce principe, c’est à bon droit que la société juridique et fiscale de Champagne a proratisé le complément de salaire ENADEP dû à madame R X sur la base de son temps partiel.

Dans ces conditions, la cour retient que madame R X est mal fondée dans sa demande de rappel de salaire sur le fondement des dispositions de l’Avenant n° 65 de la convention collective du 20 février 1979 relatif au complément de salaire versé par l’ENADEP au motif que le complément de salaire ENADEP auquel elle avait droit à hauteur de 8 points, lui a toujours été régulièrement versé, point non contesté en sorte qu’elle a été intégralement remplie de ses droits.

Par voie de conséquence, les demandes formées au titre des congés payés afférents et du préjudice moral consécutif doivent aussi être rejetées.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société juridique et fiscale de Champagne à payer à madame R X les sommes de 3542,37 euros bruts à titre de rappel de salaire, 354,23 euros bruts au titre des congés payés afférents, et 300 euros nets en réparation du préjudice moral, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute madame R X de ses demandes en paiement de 4.142,13 € à titre de rappel de salaire sur le fondement des dispositions de l’Avenant n° 65 de la convention collective du 20 février 1979 relatif au complément de salaire versé par l’ENADEP, outre la somme de 414,21 € à titre de congés payés afférents et celle de 1000 € à titre de préjudice moral consécutif.

Sur le harcèlement moral et la rupture du contrat

Madame R X demande à la cour de prononcer la nullité du licenciement intervenu sur le fondement de l’article L.1152-3 du Code du travail et de condamner la

Société Juridique et Fiscale de Champagne à lui verser les sommes de :

—  14.346,65 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  2.391,11 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  7.173,32 € à titre de préjudice distinct ;

La société juridique et fiscale de Champagne s’oppose à ces demandes et fait valoir, à l’appui de sa contestation que madame R X n’a jamais subi aucun harcèlement moral que ce soit de la part de son employeur, que son licenciement pour inaptitude est régulier et justifié, que les demandes de dommages et intérêts pour licenciement cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis et de dommages et intérêts pour harcèlement moral, doivent être rejetées.

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date des faits, prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, madame R X invoque les faits suivants :

— le complément de salaire ENADEP qui lui était dû, lui était refusé et les échanges survenus sur ce point avec l’employeur traduisent une rupture de communication et du lien de confiance sans compter ses multiples représailles après l’introduction de l’action prud’homale (pièces n° 9, 10, 11, 17 salarié et pièces n° 69 à 71 employeur)

— la mise en application de man’uvres individuelles visant à dégrader ses compétences et modifier abusivement ses attributions et un usage excessif et de mauvaise foi du pouvoir de direction de l’employeur tentant d’imposer des modifications des tâches, des horaires de travail et s’opposant systématiquement aux dates de congés sollicités sans justification légitime

* l’employeur a ainsi tenté de modifier ses périodes de congés payés (pièces n° 51 à 55 salarié) alors qu’elle tentait, elle, de faire coïncider ses périodes de congés entre ses deux employeurs

* puis l’employeur a aussi tenté de modifier ses horaires de travail (pièces n° 12 à 16, 24 et 24, 87, 89, 100, 104, salarié et pièces n° 52 à 54 employeur)

* l’employeur a encore modifié ses fonctions en lui demandant de faire les mises en demeure aux clients alors que jusqu’alors, elle était chargée de la procédure de taxation des honoraires par le bâtonnier après que la comptable a fait trois mises en demeure (pièce n° 123 employeur)

* son employeur a enfin fait, en février 2013, une retenue sur son salaire de 22,19 € en cessant de lui payer le complément de salaire ENADEP pendant une période d’arrêt maladie de 3 semaines (pièce n° 6 salarié)

— un comportement et un langage agressif et une mise à l’écart progressive allant jusqu’à l’ignorance totale

* ainsi comme elle lui demandait des explications sur cette retenue, son employeur a le 11 mars 2013, pointé son index vers elle et lui a répondu « T ! Point barre » (pièces n° 59, 19 à 24, 90, salarié et pièces n° employeur)

* et le 18 mars 2013, son employeur a refusé de lui accorder une entretien et de lui remettre en mains propres la lettre recommandée qui lui était destinée ; elle s’est mise à pleurer, et a dû aller voir un médecin ; elle a été alors placée en arrêt de travail jusqu’à son licenciement pour inaptitude (pièces n° 25 à 34, 37, 38, 40, 41, 43, salarié et pièces n° employeur)

— une immixtion illégitime et excessive de l’épouse de son employeur, Me Y, allant jusqu’à une relation conflictuelle et de défiance à son égard

— la politique générale de l’employeur consistant à mettre en 'uvre des « man’uvres individuelles perfides et sournoises » (sic) dans son intérêt économique personnel ; c’est ainsi qu’il a fait renoncer Me Z à son statut (pièces n° 79 à 86 salarié), qu’il a contraint Madame A à démissionner (pièces n° 48, 58, 86 salarié) ; il est responsable d’une « dégradation substantielle de l’ambiance générale, génératrice d’anxiété et d’état dépressif chez l’ensemble des salariées » (pièces n° 49, 50, 59, 60, 88, 90 salarié et pièces n° 92 à 95, 117, 121 employeur).

Pour étayer ses affirmations, madame R X produit les pièces mentionnées ci dessus.

Madame R X établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En défense, la société juridique et fiscale de Champagne fait valoir que :

— le harcèlement moral invoqué à son encontre repose sur le refus injustifié de l’employeur, de procéder au paiement du complément de salaire ENADEP

— plusieurs attestations portent sur des faits qui ne concernent pas madame R X alors que pour caractériser une situation de harcèlement moral, les agissements répétés de harcèlement moral doivent concerner le salarié qui l’invoque

— à l’exception de l’attestation de madame B, aucune des attestations produites par madame R X ne mentionne des faits qui la concerne

— l’attestation de Me I, avocat collaborateur libéral de la société, chargée des missions autrefois dévolues à Me Z, confirme que l’ambiance au sein du cabinet est bonne et qu’elle n’a jamais rencontré aucune difficulté avec Me Y, en deux ans d’exercice à ses côtés (pièce n° 60 employeur)

— aucune des deux attestations de Me Z ne fait état non plus de faits concernant madame R X étant ajouté que ce témoin n’a pas été victime de harcèlement moral : ses allégations sont contredites par les éléments de preuve suivants (pièces n° 35 à 45, 57, 80 à 83, employeur)

— les attestations de Madame A, qui a été licenciée pour faute grave (détournement de fonds), sont dépourvues de valeur probante en raison du litige les opposant (pièces n° salarié et pièces n° 46 à 49 employeur)

— aucune des deux attestations de madame C ne mentionne de faits concernant madame R X étant ajouté que ce témoin atteste que Me Y ne lui a jamais manqué de respect (pièces n° 62, 118 employeur)

— les attestations de madame D, de Me E ne mentionnent pas non plus de faits concernant madame R X

— l’attestation de madame B sur les raisons de son départ est contredite par les faits et elle n’a été présente dans l’entreprise avec madame R X que du 11 au 14 mars et le 18 mars (pièces n° 97, 105 à 107, 109, 112 employeur)

— le turn over que madame R X impute aux mauvaises de relations de travail dont l’employeur serait responsable est contredit par les faits et les éléments de preuve mentionnés ci-après : le registre du personnel (pièce n° 132 employeur) mentionne les causes de départ de chaque salarié cité par madame R X, le licenciement pour faute grave de Madame AA AB (pièces n° 109 et 114 employeur), la démission de Me E qui s’est installée à Mont de Marsan, la rupture conventionnelle de Madame F (pièces n° 109, 115 et 116 employeur), la rupture de la période d’essai par Madame G (pièces n° 109, 117 employeur) étant précisé que madame R X allègue des faits mensongers en ce qui la concerne et qui sont contredits, la démission de Madame H qui avait besoin d’un volume d’heures de travail plus important (pièces n° 52, 55 employeur) et la démission de Me I qui atteste favorablement pour l’employeur (pièces n° 60, 109, 105 employeur)

— elle conteste l’attestation de madame B

— madame R X a mal supporté le départ en retraite de Me J, et la reprise de la société par Me Y, et a ainsi contesté son pouvoir de direction en s’opposant à la mise en place des fiches de temps, à celle des fiches de demande de congés, préalable au départ en vacances, ainsi qu’au principe de la fermeture annuelle du cabinet, durant deux semaines consécutives en août, et, à l’obligation pour chaque salarié, de poser au moins 12 jours de congés, durant la période de congés légale (pièces n° 12 et 14 employeur)

— alors qu’elle était chargée des procédures de taxation, elle a refusé de faire les mises en demeure préalables en soutenant que cette tâche incombait à la comptable, madame K, ce que cette dernière contredit (pièces n° 105, 123, 66, 67, 50 employeur) ; le grief relatif à la modification des attributions est mal fondé étant ajouté que, de toutes les façons, l’employeur pouvait dans l’exercice de son pouvoir de direction, demander

à madame R X de faire les mises en demeure, ce travail relevant de ses attributions de secrétaire juridique

— madame R X parlait avec agressivité à Madame Y (pièce n° 68 employeur) qui est l’épouse de Me Y et il existait, bien avant le contentieux relatif au rappel de salaire ENADEP, un climat de tension, généré par madame R X qui s’opposait à son employeur pour les congés payés, les fiches de temps, ou bien encore le travail à réaliser

— madame R X a revendiqué sans aucune mesure le versement du complément de salaire ENADEP en remettant en cause la bonne foi de son employeur et lui imputant une situation de souffrance au travail consécutive à son refus de lui payer ce complément (pièces n° 9, 11, 13, 14, 21, 22 employeur)

— la modification horaire demandée à madame R X reposait sur des considérations objectives, liées à la bonne marche de la société et aux nécessités du service ; en effet l’employeur a dû modifier la répartition hebdomadaire de ses horaires de travail pour pouvoir assurer l’accueil clientèle le vendredi après-midi, et ce, a effet du 7 janvier 2013, en respectant le délai de prévenance de 3 jours prévu par le contrat de travail, en cas de modification de la répartition horaire ; en effet l’accueil clientèle le vendredi après-midi était assuré jusqu’à son départ par madame F et sa remplaçante, madame L était en formation de secrétaire juridique en alternance (pièces n° 15 à 19 et 96 à 98 employeur)

— la relation des faits survenus le 11 mars 2013 qu’en fait madame R X est inexacte (pièces n° 21, 22 employeur) ; en réalité lorsque Me Y est arrivé, madame R X s’est à nouveau emportée à propos du complément de salaire ENADEP et après avoir réitéré les explications déjà données par son épouse, Me Y s’est rendu dans le bureau de madame B, sa secrétaire, pour mettre fin aussitôt au débat (pièces n° 22 et 21 employeur)

— madame R X n’a pas supporté non plus de ne pas être autorisée malgré ses demandes répétées à ouvrir une lettre du bâtonnier adressée à son employeur et sa relation de ce fait est inexacte (pièces n° 70 et 71 employeur) pas plus qu’elle ne supportait qu’il ne cède à ses exigences relatives au complément de salaire ENADEP

— il en a été de même le 18 mars 2013 quand elle a demandé à pouvoir récupérer un pli recommandé que son employeur lui destinait et sa relation des faits est encore inexacte : elle était agacée et pour éviter tout incident, Me Y a refusé sa demande sans pour autant élever la voix, et a coupé court à la conversation, en se rendant dans le bureau de sa secrétaire, Madame B (pièces n° 121, 105 employeur)

— madame H qui a été recrutée pour remplacer madame R X et qui travaille d’ailleurs le vendredi parce que le cabinet en a besoin (pièce n° 52 employeur) madame M, madame N, madame O attestent que l’ambiance était bonne au sein de la société juridique et fiscale de Champagne et qu’il n’y avait pas de problème ni avec Me Y, ni avec son épouse (pièces n° 55, 133 et 134 58 et 59 employeur) ce qui contredit les allégations de madame R X.

A l’appui de ses moyens, la société juridique et fiscale de Champagne produit les pièces précitées.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société juridique et fiscale de Champagne démontre que les faits matériellement établis par madame R X sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.

En effet, les réclamations relatives aux 8 points supplémentaires de complément de salaire n’étaient pas fondées, comme la cour l’a retenu plus haut, et les échanges survenus sur ce point entre madame R X et l’employeur, ne font pas ressortir d’abus ou de faute imputable à l’employeur qui n’a fait que refuser légitimement de céder aux exigences de sa salariée.

L’allégation relative aux multiples représailles de l’employeur après l’introduction de l’action prud’homale est elle-même mal fondée comme celles relatives aux man’uvres visant à dégrader ses compétences et à modifier ses attributions, à l’exercice abusif et de mauvaise foi du pouvoir de direction de l’employeur tentant d’imposer des modifications des tâches, des horaires de travail et s’opposant systématiquement aux dates de congés sollicités sans justification légitime ; en effet les échanges entre l’employeur et madame R X relativement aux congés payées (pièces n° 51 à 55 salarié) ne caractérisent, contrairement à ce que soutient madame R X, aucun abus ni aucune man’uvre de la part de l’employeur qui n’a fait qu’exercer normalement son pouvoir de direction et cela, avec compréhension malgré les accusations injustifiées de la salariée ; il en est de même en ce qui concerne les horaires de travail que l’employeur a été contraint de modifier pour que l’accueil clientèle soit assuré le vendredi après-midi par madame R X en remplacement de madame F (pièces n° 15 à 19 et 96 à 98 employeur) comme en a été d’ailleurs chargée madame H après son départ (pièce n° 52 employeur) conformément aux nécessités du service et pour la bonne marche de la société ; et c’est encore en vain que madame R X invoque le changement abusif de ses attributions dès lors 'étant chargée des procédures de taxation, son employeur pouvait légitimement dans l’exercice de son pouvoir de direction, demander de faire les mises en demeurepréalables, ce travail relevant de ses attributions de secrétaire juridique.

Les allégations relatives aux comportement et langage agressif et à la mise à l’écart progressive allant jusqu’à l’ignorance totale sont elles aussi mal fondées ; en effet les éléments de preuve produits de part et d’autre relativement à l’incident du 11 mars 2013 au cours duquel Me Y aurait dit à madame R X en pointant son index « T ! Point barre » (pièces n° 59, 19 à 24, 90, salarié et pièces n° 20 et 21 employeur) ne démontrent pas que la relation qu’en fait la salariée est exacte, la cour retenant que Me Y a seulement mis fin aux exigences pressantes et répétées de madame R X qui avait déjà reçu une réponse à sa demande d’explication de la part de son épouse ; il en est de même de l’incident du 18 mars 2013 au cours duquel, selon madame R X, son employeur a refusé de lui accorder une entretien et de lui remettre en mains propres la lettre recommandée qui lui était destinée, ce qui l’a faite s’effondrer psychologiquement; en effet cette relation de l’incident est contredite par l’attestation précise et circonstanciée de Me AC AD qui était présente et atteste que madame R X était visiblement agacée que Me Y refuse de lui remettre un courrier en mains propres (pièce n° 105 employeur), ce qui contredit l’allégation selon laquelle elle s’est mise à pleurer d’être ainsi ignorée et mise à l’écart, étant ajouté que rien n’interdisait à Me Y 'agir ainsi pour prévenir une nouvelle difficulté avec sa salariée en raison deson manque de mesure dans ses rapports avec lui par moment, de la mise en cause de sa bonne foi et de son imputation d’une situation de souffrance au travail dont elle était pourtant responsable du fait de ses exigences à l’égard de son employeur en ce qui concerne les 8 points supplémentaires du complément de salaire ENADEP (pièces

n° 9, 11, 13, 14, 21, 22 employeur)

C’est encore en vain que madame R X allègue une immixtion illégitime et excessive de l’épouse de son employeur, allant jusqu’à une relation conflictuelle et de défiance à son égard et que la politique générale de l’employeur consistait à mettre en 'uvre des « man’uvres individuelles perfides et sournoises » (sic) dans son intérêt économique personnel dès lors que la société juridique et fiscale de Champagne produit des éléments de preuve contredisant ces accusations et dont il ressort que les relations de travail au sein de l’entreprise étaient bonnes y compris avec Me Y et son épouse (pièces n° 60, 55, 133 et 134, 58 et 59 ).

La cour retient par ailleurs que les attestations des anciennes salariées que madame R X produit (pièces n° 47 à 50, 57, 58, 79 salarié) ne portent pas sur les agissements de harcèlement moraldont elle dit avoir été victime et, qu’elles sont contredites en ce qui concerne les mauvaises relations de travail au sein de l’entreprise, par les attestations produites par la société juridique et fiscale de Champagne (pièces n° 60, 55, 105, 133 et 134, 58 et 59 ), étant précisé que seule l’attestation de madame B (pièce n° 59 salarié) est en rapport avec les faits du 11 mars invoqués par madame R X que la cour a examinés plus haut.

Finalement le seul fait qui n’est pas justifié par la société juridique et fiscale de Champagne concerne la retenue faite sur le salaire de février 2013, à hauteur de 22,19 € (pièce n° 6 salarié) mais cet agissement unique n’est pas constitutif de harcèlement.

Les demandes relatives au harcèlement et au licenciement nul doivent par conséquent être rejetées.

Par suite, le jugement déféré est infirmé en ce qu’il a condamné la société juridique et fiscale de Champagne à payer à madame R X les sommes de 4.785,51 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 2391,11 euros nets à titre d’indemnité de préavis, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute madame R X de ses demandes au harcèlement et au licenciement nul, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l’indemnité compensatrice de préavis et aux dommages et intérêts pour préjudice distinct.

Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré

La société juridique et fiscale de Champagne demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’elle a versées en exécution du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire, et de l’arrêt cassé.

Cependant, la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Par ailleurs l’arrêt de cassation constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution de l’arrêt cassé.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société juridique et fiscale de Champagne de ces chefs.

Sur les autres demandes

La cour constate qu’aucune demande n’est formée contre Pôle Emploi ; Pôle Emploi sera donc mis hors de cause.

La cour condamne madame R X aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel en application de l’article 696 du Code de procédure civile.

La SCP V W sera cependant déboutée de sa demande de bénéficier de la distraction des dépens au motif que ce bénéfice n’est ouvert que pour les procédures pour lesquelles la représentation par avocat est obligatoire, ce qui n’est pas le cas pour la présente instance.

Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de la procédure d’appel.

L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros 17/03795 et 17/04141 sous le numéro 17/03795 ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Met hors de cause Pôle Emploi,

Déboute madame R X de toutes ses demandes,

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ou des sommes versées en exécution de l’arrêt cassé,

Déboute la société juridique et fiscale de Champagne de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de sa demande de distraction des dépens,

Condamne madame R X aux dépens de première instance et d’appel.

Mme P M. Q

Greffier, Président de Chambre,

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Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 26 mars 2019, n° 17/03795