Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 5 novembre 2019, n° 18/02652

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 5 nov. 2019, n° 18/02652
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 18/02652
Décision précédente : Tribunal de commerce de Saint-Quentin, 17 mai 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N°315

SARL SEVP 2A

C/

SA LE FLOCH DEPOLLUTION

PG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 05 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/02652 – N° Portalis DBV4-V-B7C-HAMH

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 18 mai 2018

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La société SEVP 2A (SARL) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

02100 SAINT-QUENTIN

Représentée par Me Dorothée DELVALLEZ de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

La société LE FLOCH DEPOLLUTION (SA) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

29600 SAINT-SEVE

Représentée par Me Pierre LOMBARD substituant Me Christophe DONNETTE, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN, postulant et ayant pour avocat Me Philippe BAZIRE de la SELARL BAZIRE
- BOULOUARD, avocat au barreau de BREST

DEBATS :

A l’audience publique du 01 Octobre 2019 devant Mme Patricia GRANDJEAN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2019.

GREFFIER : Mme Marie-Estelle CHAPON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre,

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 05 Novembre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente a signé la minute avec M. Pierre DELATTRE, Greffier.

DECISION

Saisi par la société Le Floch dépollution d’une demande en paiement de prestations de travaux formée à l’encontre de la société SEVP 2A, le tribunal de commerce de Saint Quentin, le 20 mai 2016 a commis un expert afin notamment d’examiner la réalité et la teneur des travaux litigieux, puis par un jugement rendu le 18 mai 2018 il a débouté la société SEVP 2A de l’ensemble de ses prétentions, rejeté le moyen tiré de la prescription de l’action et a condamné la société SEVP 2A à payer à la société Le Floch dépollution la somme de 42 138,67 euros outre intérêts.

Le 10 juillet 2018, la société SEVP 2A a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 5 avril 2019, elle demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, de déclarer prescrites les demandes de la société Le Floch dépollution, d’en débouter celle-ci et de condamner l’intimée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante expose que les travaux litigieux ont été réalisés en 1998 par l’entreprise Brézillon qui les a facturés et que sous la maîtrise d’oeuvre de M. X, ancien préposé de l’entreprise Brézillon, la société Le Floch dépollution est intervenue en 2007 pour mettre en conformité les installations précédemment édifiées ; elle souligne que M. X était alors directeur technique au sein de la société Le Floch dépollution dont la prestation n’a donné lieu à aucun devis, bon de commande, fiche de chantier, réception ni acceptation par le concessionnaire de l’assainissement.

Sous le visa de l’article 2224 du code civil, elle soutient qu’est prescrite l’action en paiement relative à des travaux qui ont été achevés le 28 janvier 2008, nonobstant la date d’établissement de la facture qui est tardive au regard des dispositions de l’article L 441-3 du code de commerce.

A titre subsidiaire, en invoquant les articles 1315 et 1341 anciens du code civil, elle fait valoir que la société le Floch dépollution ne démontre pas la réalité de l’obligation contractuelle dont elle demande l’exécution ; elle indique qu’aucune autre commande que celle passée à l’entreprise Brézillon n’a été faite et que les travaux litigieux s’inscrivent dans ceux commandés à l’entreprise Brézillon ; elle relève que la demande en paiement fait écho à un autre litige relatif à une opération de construction distincte.

Elle note que la société Le Floch dépollution fonde désormais sa demande, à titre subsidiaire, sur l’enrichissement sans cause et elle oppose le mal fondé d’un tel moyen qui ne peut pallier une carence probatoire.

Par des conclusions remises le 6 mai 2019, la société Le Floch dépollution demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les dépens qu’elle souhaite voir mettre à la charge de la société SEVP 2A intégralement.

Elle sollicite le bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile.

Affirmant avoir réalisé en 2009 des travaux d’assainissement sur des locaux appartenant à la société SEVP 2A, l’intimée soutient au visa de l’article L 110-4 du code de commerce que l’action n’est pas prescrite dès lors que moins de cinq années se sont écoulées entre la date de la facture litigieuse et l’assignation en justice ; elle souligne que les dispositions de l’article L 441-3 du même code sont indifférentes à défaut de sanction d’un éventuel retard de facturation et que celles de l’article 2224 du code civil, issues de la loi du 17 juin 2008 sont inapplicables à des travaux réalisés antérieurement à sa publication.

Sur le fond, elle fait valoir que l’expert judiciaire a vérifié la réalité des travaux litigieux et l’adéquation de leur facturation ; elle invoque une réception tacite de ces travaux.

Elle ajoute que la société SEVP 2A a effectivement bénéficié des travaux.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

L’instruction de l’affaire a été close le 16 mai 2019.

MOTIFS

Il est constant qu’à la fin des années 90 la société SEVP 2A a confié d’importants travaux d’assainissement pour le prix de 963 904,55 euros à la société Brézillon au sein de laquelle son interlocuteur était M. X.

Confrontée à la nécessité de mettre l’ouvrage en conformité avec diverses normes, la société SEVP 2A a de nouveau sollicité en 2007 M. X qui travaillait alors pour le compte de la société Le Floch dépollution. M. X a établi une note et un plan conforme à cette note a été dressé le 11 septembre 2007 qui porte le cartouche de la société Le Floch dépollution.

Le 13 novembre 2009, la société Le Flock dépollution écrivait à la société SEVP 2A 'à la suite de nos précédents entretiens, je vous précise les dépenses du chantier de Creil, qui se déroula sur un mois et demi (avec interruption pendant la période de Noël, évidemment), entre le 12 Décembre 2007 et le 28 janvier 2008". Suit le chiffrage de frais de personnel, main d’oeuvre intérimaire et frais de déplacement, matériel, achat de matériels pour un montant total de 35 233 euros HT. Ce courrier électronique s’achevait par la mention suivante : 'Prix auquel il faut ajouter les Frais Généraux, la marge, pas d’aléas car le chantier est déjà fait mais ici, des frais financiers. Donc me rappeler SVP avant que j’établisse la facture.'

Le 30 octobre 2009, la société Le Floch dépollution a émis une facture mentionnant uniquement :

Site de Creil

Travaux d’assainissement

Prix forfaitaire 35 233 € HT, soit 42 138,67 €.

***

Selon l’article L 110-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Il est constant que le délai de prescription d’une action en paiement de prestations de services court à compter de la date à laquelle l’obligation est exigible, c’est à dire la date à laquelle la facture est exigible.

La société SEVP 2A fait valoir que la société Le Flock dépollution a laissé s’écouler plus de dix-huit mois avant de facturer les travaux dont elle réclame paiement. Elle relève que l’intimée a contrevenu à l’article L 441-3 du code de commerce et elle soutient que l’article 2224 du code civil impose, dans ces circonstances, de fixer le point de départ du délai de prescription à la fin des travaux.

Or, dans sa rédaction applicable au litige, l’article L 441-8 du code de commerce dispose que 'tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l’objet d’une facturation.

Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou la prestation du service. L’acheteur doit la réclamer. La facture doit être rédigée en double exemplaire. Le vendeur et l’acheteur doivent en conserver chacun un exemplaire.'

Il s’en suit que la société SEVP 2A qui ne conteste pas la matérialité des travaux mais son obligation de payer, avait l’obligation de réclamer la facture tout comme le prestataire avait l’obligation de l’établir de sorte que la première est mal fondée à soutenir que le prestataire pourrait à sa seule discrétion retarder la facturation de ses travaux et rendre ainsi l’obligation de payer imprescriptible.

L’article 2224 du code civil issu de la même loi du 17 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il est manifeste que l’action en paiement entreprise par la société Le Flock dépollution ne pouvait être engagée avant que l’intéressée ne soit exposée à un refus de paiement de sa facture. Le délai écoulé avant cette facturation ne saurait donc avoir quelque incidence sur le point de départ de l’action en paiement.

Moins de cinq années s’étant écoulées entre la date d’exigibilité de la facture , le 30 novembre 2009 et l’introduction de l’instance le 30 octobre 2014, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l’action de la société Le Floch dépollution n’était pas prescrite.

***

Pour s’opposer à la demande de paiement, la société SEVP fait valoir que les prestations litigieuses consistaient en une simple mise en conformité des travaux précédemment réalisés par la société

Brézillon, qu’elle s’est donc adressée à M. X qui travaillait autrefois pour la société Brezillon, qu’elle n’a pas contracté avec la société Le Floch dépollution et n’a pas consenti à payer le prix facturé.

Il ressort des opérations d’expertise menées par M. Y Z, expert judiciaire que les travaux litigieux ont été entrepris et réalisés dans des conditions particulièrement incertaines et non formalisées sous la direction principale de M. X alors préposé de la société Le Floch dépollution dont le dirigeant admet le manque de rigueur.

Si l’expert a émis l’avis que le plan portant le cartouche de la société Le Floch dépollution, la facture et les travaux effectivement réalisés sur le site de la société SEVP 2A présentaient une certaine cohérence entre eux, il a relevé :

— que la facture Tech-Etudes imputée au chantier de la société SEVP 2A concernait aussi trois autres sites,

— que les factures de personnel intérimaire qui correspondaient à la période des travaux s’établissaient à un total de 4 995,15 € HT,

— que les factures de location de matériel correspondaient aux travaux litigieux et s’établissaient à un montant total de 9 387,78 €,

— qu’il n’avait pas été destinataire de plus amples justificatifs des frais facturés qu’il considérait néanmoins comme cohérents avec la nature des travaux facturés.

Si les relations antérieures entre les protagonistes ont pu expliquer l’absence de formalisation de la commande de travaux, il est un fait que ces travaux ont eu lieu et que la société SEVP 2A ne pouvait ignorer qu’ils avaient été réalisés par la société Le Floch dépollution ainsi qu’en témoignent le cartouche de celle-ci sur un plan et l’échange de courriers électroniques en 2009. La société SEVP 2A qui a permis la réalisation de ces travaux notamment en donnant accès à son site et qui n’a émis aucune contestation sur leur teneur ou leur qualité en doit le paiement.

Si elle suggère très implicitement que ces travaux s’inscrivaient dans la garantie due par la société Brézillon à la suite des ouvrages réalisés dix ans plus tôt et qu’elle s’attendait à ce qu’ils soient réalisés gratuitement, elle n’étaye aucunement cette suggestion et ne précise même pas quelle était la nature des non conformités et quelle garantie contractuelle ou légale elle était en mesure de mettre en oeuvre.

Pour autant, il est patent que l’absence totale de détail des travaux facturés n’ont pas permis à l’expert d’aller au-delà d’un simple contrôle de cohérence qui n’autorise pas la société Le Floch dépollution à s’affranchir de la preuve des frais qu’elle a facturés.

C’est pourquoi, à partir des éléments probants réunis par l’expert et du courrier adressé à la société SEVP 2A avant l’émission de la facture, il convient d’établir ainsi qu’il suit la créance de la société le Floch dépollution :

— main d’oeuvre intérimaire 4 995,15 €

— location de matériels 9 387,78 €

Total : 14 382,93 € HT soit 17 201,98 € TTC

La société Le Floch dépollution est mal fondée dans le surplus de sa demande dès lors qu’elle ne fournit aucun élément permettant d’apprécier le nombre de salariés qui auraient contribué aux

travaux litigieux, que l’absence de détail sur les prestations effectivement réalisées par elle ne permet pas de retenir les achats de matériel qu’elle impute au chantier et que la facture Tech-études qui concerne d’autres chantiers doit être écartée.

En conséquence, réformant le jugement dont appel, il convient de condamner la société SEVP 2A à payer à la société Le Floch dépollution la somme de 14 382,93 € HT soit 17 201,98 € TTC.

Les motifs qui précèdent suffisent à rejeter la demande indemnitaire fondée sur un abus du droit d’agir en justice.

***

Succombant partiellement dans ses prétentions, chaque partie conserve la charge des dépens qu’elle a exposés en première instance et en appel.

Il n’y a lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré non prescrite l’action en paiement engagée par la société Le Floch dépollution ;

le réformant en ses autres dispositions,

condamne la société SEVP 2A à payer à la société Le Floch dépollution la somme de 14 382,93 € HT soit 17 201,98 € TTC ;

déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

laisse à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés en première instance et en appel ;

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,

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